Partie I
Ecrit par Ornelia de SOUZA
L'endroit sentait la sueur et la cigarette. Les murs fissurés témoignaient du mauvais état de l'habitat. Seule une lampe sur la table de chevet éclairait la pièce et me permettait de distinguer le corps de l'homme qui partageait le lit avec moi. Rien de très excitant. Un ventre bien rebondie, effet de la bière, des bras bien en chair et un torse entièrement couvert de poils. Il tenait sa cigarette dans la bouche et la retirait de temps en temps pour expulser la fumée qui avait sûrement envahi ses poumons.
-Tu sais que je t'aime Mélaine; me susurra t-il à l'oreille
Je lui souris. J'aimais être là dans ses bras et près de lui. Ce bon Mr OLATOUNDE qui me chérissait et qui me traitait comme une reine. Il avait le double de mon âge certes mais aucun jeune homme ne pouvait m'offrir ce qu'il me donnait. Il était marié et père de six enfants mais lorsqu'on se retrouvaient dans cette miteuse chambre d'hôtel, pour moi c'était un roi.
-Tu m'aimes? lui demandai-je
-Oui, tu me rends fou et tu le sais
Oui, je le savais. Mes atouts féminins ne permettaient à aucun homme de me résister. Mr OLATUNDE n'était pas le premier à succomber à mon charme et il ne sera certainement pas le dernier.
Ayant abandonné mes études très tôt, à l'âge de quinze ans, j'errais de bar en bar comme serveuse. Mais la réalité était tout autre. Le plus vieux métier du monde était devenu mon quotidien si je désirais "manger" et pour vivre une vie à peu près décente, ce que les hommes me payaient ne suffisait jamais. J'étais toujours presque obligé de voler pour m'en sortir. Jamais je n'étais resté dans un bar plus de six mois mais depuis que je travaillais dans la buvette de Mme OLATUNDE, ma vie avait changé. Cette femme était une vrai sorcière mais Kayodé, son époux était un vrai ange. "Ange", un mot traitre pour un homme qui couchait avec l'employée de sa femme.
-Tu ne m'as pas donné ce que je t'ai demandé ; lancai-je à l'attention de Kayodé
L'homme me regarda un sourire au coin de la bouche. Je savais déjà ce qui lui passait par la tête. Jamais je ne coucherais avec lui s'il ne m'offrait pas tout cet argent. Que pensait-il? Nous ne vivons pas une histoire d'amour.
-À quand le jour où on passera un bon moment sans que tu ne me demandes de l'argent Mélaine? grogna t-il
-Jamais Kayodé! Je te l'ai déjà dit à maintes reprises et je ne compte pas me répéter.
L'homme émit un soupir puis dans un élan de résignation saisit son pantalon à terre et fouilla machinalement les poches pour en ressortir une certaine liasse de billets de 10.000 francs. Il me les tendit. Je les arrachai de ses mains avec un grand sourire. J'étais soulagée. Un rapide décompte me révéla que le total se chiffrait à cent cinquante mille francs. J'étais ravie. J'allais pouvoir régler une bonne partie de mes dettes.
-Kayodé! dis-je
-Oui,; répondit-il ailleurs
-Maintenant, je vais te remercier comme il le faut.
*******
Je deposai le plateau nonchalamment sur la table. Rapidement je servis chaque client avant de m'éclipser derrière le comptoir. J'étais épuisée. Kayodé ne m'avait pas laissé dormir de la nuit mais je ne pouvais pas me permettre le luxe de passer une journée au lit. Mme OLATUNDE m'aurait viré sur le champ. Lors de mon entretien, elle m'avait bien fait comprendre qu'elle n'engageait pas les filles malades. Pour elle, un arrêt maladie équivalait à un licenciement. Non seulement j'avais besoin de ce travail mais je devais aussi rester près de Kayodé.
-Mélaine; m'appela Mme OLATUNDE de sa voix bien grasse me sortant de mes rêveries. Que fais-tu alors qu'il y a du travail? Tu te reposes? D'ailleurs viens ici tout de suite!
Je m'executai rapidement. En quelques pas, je me tenais devant elle de mon air fière et arrogant. Elle avait brisé toutes les filles ici mais avec moi, elle n'y arrivera jamais. Son mari me traitait sûrement mieux qu'elle alors en quoi pouvait-elle m'effrayer?
Une gifle sonnante me déboita presque la mâchoire. Mme OLATUNDE venait de me frapper.
-Je te parle et tu m'ignores? cracha t-elle dans tout ses états.
En vérité, je n'avais pas entendu ce qu'elle me disait mais très vite les larmes embuèrent mes yeux. Pour qui se prenait-elle pour lever la main sur moi. Je n'avais jamais permit cela à personne auparavant, même pas à ma propre mère. Ma réaction ne se fit pas attendre. Je la giflai à mon tour déclenchant des exclamations et des cris d'étonnement autour de nous.
-N'osez plus jamais levé la main sur moi Madame! criai-je. Je suis votre employé, pas votre enfant.
Mme OLATUNDE, la toute puissante, l'effrayante semblait sous le choc. Elle ne s'attendait sûrement pas à ce que je lui tienne tête ainsi. Un sourire triomphant refusait malgré moi de se décoller de mon visage. Je lui avais cloué le bec à cette vieille harpie.
-Va t-en! hurla t-elle en me poussant. Je te renvoie chienne. Tu as osé levé la main sur moi ?
Elle prit un saut d'eau au sol près d'elle et le deversa sur moi avec colère. J'étais trempée jusqu'aux os mais ce qui me gênait le plus, c'était les regards moqueurs des clients de la buvette et de mes collègues serveuses. Néanmoins je ne regrettais rien. J'avais remise cette bonne femme à sa place et j'allais m'en aller avec un semblant de dignité. De plus, ce travail n'était presque rien dans mes revenus. Son mari continuerait à m'entretenir quoiqu'il se passe.
J'avançai pour récupérer mes affaires mais la femme forte me barra le chemin en tendant ses deux bras.
-Où penses-tu aller? siffla t-elle
-Je vais chercher mes affaires; la defiai-je
-Il faudra que tu me passes sur le corps pour ça !
Cette femme énorme allait-elle m'empêcher d'accéder à mon sac à main?
-Il s'agit de mes affaires espèce de gros tas alors pousse toi de mon chemin si...
-SI QUOI?!!! hurla Mme OLATUNDE m'arrachant presque mes tympans. Aujourd'hui tu me gifles, tu m'insultes, tu me tutoies. Non, petite vaurienne. Tu ne t'en sortiras pas comme ça. Tu vas ravaler tout tes mots et tes affaires, je les garde.
Têtue, je tentai d'avancer malgré les menaces de la dame. Elle me poussa si violemment que je m'ecroulai douloureusement à terre. Je me relevai presque aussitôt. Je savais où cela allait finir si je persistais. J'étais certes arrogante mais je n'en était pas moins intelligente. Cette femme allait sûrement tenter de me battre et de m'humilier en me déshabillant en public. Mme OLATUNDE était connue pour ces grandes scènes de bagarre. C'était d'ailleurs la principale raison pour laquelle tout le monde la craignait tant.
Je n'allait pas lui donner l'occasion d'accomplir sa spécialité sur ma personne.
-Tu vas le regretter sale truie! criai-je à l'instar de la femme avant de tourner les talons.