Partie III
Ecrit par Ornelia de SOUZA
Deux heures après son départ de chez son mari, Inès frappait au portail de son père avec amertume. Elle avait le bras tout endolorie car elle portait Safi depuis déjà deux heures. Bientôt elle entendit des pas et le bruit de la serrure. Le portail s'ouvrit sur une femme pansue et d'un teint si clair que même le soleil pouvait pâlir de jalousie. Elle sembla interloqué à la vue de la jeune femme avec son bébé dans les bras.
-Inès ? ! s'exclama t-elle. Qu'est-ce que tu fais ici? Tu as accouché?
Ayant perdu toute force, Inès s'effondra en larmes. Elle laissa tomber sa valise et manqua elle-même de s'effondrer. La femme la retint à temps et l'aida à rentrer dans la maison.
-Tina! Tina! appela la femme
Presque aussitôt une fillette apparut. La femme lui donna l'ordre de faire rentrer la valise d'Inès qui était resté au dehors.
-Ma fille ressaisis toi; murmura la femme en l'installant dans le transat de son père. Mais que s'est-il passé?
-Maman aide moi je t'en prie ;babultia Inès. Mon mari m'a chassé.
-Hein! hurla la femme en lâchant subitement Inès.
Elle donna plusieurs grandes tapes à ses cuisses en criant le nom du Seigneur. Elle se prénommait Funkè et elle était la belle-mère d'Inès. Elle l'avait élevé depuis son jeune âge donc elle la considérait comme sa propre fille. Elle connaissait très bien son époux et elle savait qu'il n'accepterait jamais cette situation. Sa fille aînée jetée à la rue par un homme? Il n'accepterait jamais cela.
-Inès parle moi;ordonna t-elle en secouant sa belle-fille. Qu'est-ce que tu as fait?
-Je n'ai rien fait maman...
-Ou bien il a découvert qu'il n'était pas le premier homme que tu as connu?
-QUOI?! cria une voix fort rauque et masculine derrière les deux femmes.
En plein dans leur discussion, elle n'avait pas vu le père de famille s'approcher. Il venait ainsi d'apprendre le secret que les deux femmes avait mis tant d'énergie à lui cacher. Il resta interdit pendant une petite seconde puis il s'avança d'un pas décidé vers sa fille. Il la souleva violemment et la secoua en s'époumonant.
-Qu'est-ce que ta mère vient de dire?
-Arrête Cosme! Pitié arrête ! Elle a le bébé entre les bras...
Il ne sembla pas écouter sa femme parce que dans la seconde qui suivit il donna une énorme gifle à sa fille qui perdit l'équilibre. Funkè la belle-mère réussit à récupérer le bébé dans l'affrontement qui opposait le père et la fille. Inès reçut plusieurs autres coups très douloureux qui la firent crier à s'en rompre les cordes vocales. Funkè réussit à repousser son mari au bout d'un petit moment.
-Ça suffit Cosme...Arrête! C'est ta fille après tout!
-Une honte pareil? Qu'est-ce que tu fais chez moi? Retourne chez ton mari et tache à ce qu'il n'apprenne jamais que tu n'es qu'une immondice. Tu m'entends?! Je ne veux plus te voir ici et tu as intérêt à ce que cet enfant soit celui de ton mari. Pauvre fille!
-Mais je suis ici parce que mon mari m'a renvoyé; lâcha t-elle d'un coup.
Son père marqua un temps de pause. Les deux femmes crurent que la nouvelle l'avait calmé mais il fut juste choqué. Aucune femme n'était jamais revenu de son foyer dans cette famille et ça n'allait pas commencer par sa propre fille. La rage qui l'habitait refit surface. Il saisit sa file d'un bras et lui donna plusieurs gifles. Funkè ne pouvant rien faire car elle tenait le bébé se contentait de crier à son époux d'arrêter mais Cosme ne s'exécuta point. Il avait honte de sa progéniture et il fallait que cette déception sorte d'une manière ou d'une autre.
-Cosme arrête arrête ! cria une voix aiguë derrière les trois protagonistes.
Une femme très grande avait fait son entrée dans la cour et suivait la scène depuis un petit moment sans que personne ne s'en rende compte. C'était la soeur aînée de Cosme. Elle n'avait jamais pu se marier et elle n'avait aucune occupation autre que de se mêler de la vie de ses frères et sœurs.
-Qu'est-ce que tu fais chez moi ? demanda Cosme d'un ton agressif.
-Le portail était ouvert et je suis venue te voir pour prendre l'argent de la cotisation familiale et regarde comme tu bâts ta fille... Tu crois que c'est une petite fille ? Elle est marié maintenant...
Elle s'arrêta et lorgna Inès avant de continuer.
-Même si son mari l'a renvoyé...Ne lui donne pas une telle punition. Tout le monde n'a pas la chance d'avoir des enfants bien élevés. Et puis depuis que l'on m'a dit qu'elle se cachait dans les champs avec les jeunes hommes du village, je ne me suis jamais attendu à rien de bon venant de cette gamine.
-Tu vas te taire sale commère ? cria Funkè. Inès est la fille la plus intègre que je connaisse. Et ce n'est sûrement pas une vieille fille comme toi qui va la juger.
-Ah pardon! Donner moi juste mon argent pour que je m'en aille.
Cosme observa sa sœur pendant un instant puis alla lui chercher l'argent qu'il lui remit. Elle resta là encore debout face à lui comme si elle attendait autre chose.
-Maintenant qu'est-ce qu'il y a ? Tu n'as pas pris ton argent? Qu'est-ce que tu attends ?
-Funkè tu te calmes sur moi inh! Tu vas te calmer...
-Sinon quoi? Va t'en d'ici vielle commère.
Sans un mot, elle tourna les talons mais elle lança un si mauvais regard à Funkè que tous les trois comprirent qu'elle allait sûrement lui faire payer cet affront. Après le départ de sa soeur Cosme se dirigea vers son siège. Inès était à terre et lui barrait la route. Il lui donna un grand coup de pied et elle se leva d'un coup. Il s'installa dans son siège et jeta un regard noir à Inès.
-Tu vois la réputation que tu as ? fit-il. Elle ira maintenant raconter tout ça au village et les anciens viendront ici d'un moment à l'autre. C'est pas possible. La honte que tu m'infliges est trop. Inès je ne sais pas ce que tu feras, ni où tu iras mais je vais dormir et à mon retour je ne veux plus te voir dans ma cour. Ni toi ni cette chose que vous appelez bébé.
-Cosme pardon! Mais où est-ce qu'elle ira? dit Funkè
-Funkè ne t'en mêle pas sinon suis la en même temps. J'ai parlé et si ça ne va pas à quelqu'un et qu'il me désobéit, à mon réveil vous verrez de quoi je suis capable.
Il laissa les deux femmes dans un grand désarroi. Inès se laissa tomber à terre toute découragée. Funkè s'assit auprès d'elle et la serra à nouveau dans ses bras. Dérangée par l'étreinte, Safi émit un petit gemissement. Les deux femmes se séparèrent d'un coup,observèrent le bébé et éclatèrent de rire. Un rire amer mêlé à des larmes salées. Funkè lui rendit son bébé et alla lui chercher un plat de riz pour qu'elle mange un peu.
-Tiens mon enfant,mange et tu pourras allaiter ta file après. Elle doit avoir faim.
-Maman tu crois que j'ai le cœur à manger avec tout ce qui me tombe sur la tête? Non maman
-Écoute ce qui se passe,c'est la vie et ses aléas. Tu ne vas pas tuer ton enfant pour ça. Écoute j'ai un frère en ville et je connais bien le postier du village. Il pourra te conduire à lui. Ma fille tout ce que Dieu fait est bon et s'il a créé cette situation c'est pour une raison précise alors ne t'inquiète pas et mange.
Les paroles de Funkè redonnèrent de l'espoir à la jeune mère. La perspective d'une nouvelle vie en ville la ravissait. Tout n'était pas perdu. Elle n'aurait pas à subir la honte et elle avait déjà vu des filles de la ville au téléviseur de la cafétéria du village. Elles étaient si belles et si distinguées avec leurs grands airs de femmes du monde. Inès se rappelait parfaitement l'envie qu'elle avait eu de ressembler à ces femmes. Elle avait foi en ce que tout allait s'arranger. Funkè lui écrivit une lettre qu'elle devait remettre à l'homme de la ville chez qui elle allait résider et elle la conduisit au grand marché pour attendre ensemble le départ du postier.
-Maman Funkè je tiens à te remercier pour toute l'aide que tu m'as apporté
-Ah Inès je ne veux plus entendre Maman Funkè... Certes je ne t'ai pas donné naissance mais je t'ai élevé comme tous mes autres enfants. Je suis ta maman.
-D'accord maman; murmura Inès en souriant.
-Celui chez qui tu vas résider c'est mon frère du même père. Je le connais très bien et il est très bon. Il prendra soin de toi. Dans ce paquet ci,il y a les vieilles affaires de Tina pour ta fille...
-Elle s'appelle Safi maman
-Safi comme ta mère ? questionna Funkè d'un ton sec
-Oui maman...
-Ce n'est pas bon de donner le nom des morts aux vivants;murmura Funkè. Et puis ta mère à eu une vie si misérable. Rien que sa mort est choquante alors je ne pense pas que ce soit une bonne idée de donner ce nom là à cet être innocent.
Inès n'apprécia point le conseil de sa belle-mère et elle le fit aussitôt remarqué.
-Je n'arrive pas à croire que tu sois jalouse de ma mère ; rétorqua t-elle. Tu n'es et tu n'as jamais été en compétition avec elle. Elle est morte avant que tu ne viennes dans nos vies. Tu n'es que ma belle-mère. Elle c'est ma mère et cela ne changera jamais.
Funkè savait pertinemment qu'Inès n'avait pas encore cicatrisé de la blessure de la perte de sa mère même si elle ne l'avait pas beaucoup connu. Du peu que lui avait raconté Cosme,elle savait que Safi, la mère d'Inès était morte frappé sur la place publique d'un village voisin car elle avait été confondu avec une détrousseuse. Cosme était arrivé trop tard et avait retrouvé sa femme totalement ensanglanté et en morceaux au beau milieu d'une foule en délire. Inès n'avait que cinq ans. Funkè était arrivé dans leurs vies trois ans plus tard et elle avait eu tout le mal du monde à se faire accepter par Inès mais elle ne s'habituait toujours pas aux réactions vives de la jeune femme lorsqu'on parlait de sa défunte mère.
-Pourquoi tu réagis comme ça? Inès tu me dois du respect. C'est quoi ces manières? s'offusqua t-elle
-C'est toi qui a donné une vie misérable à ma mère Funkè? Oui Funkè! Ce n'est pas ton nom?
-Inès ça suffit tu m'entends ? Je suis très aimante de nature mais ma patience a des limites. Tiens!
Elle tendit une enveloppe à Ines qui se contenta de lorgner sa main et son contenu sans le prendre. Devant cette réaction Funkè jeta l'enveloppe sur le bébé qui était sur les cuisses d'Inès.
-C'est la lettre que tu dois remettre à mon frère. Son adresse est sur l'enveloppe et il y a aussi toutes mes économies dedans. Malgré ton insolence je ne peux pas t'abandonner mais tu comprendras que je je ne peux pas attendre ici avec toi. Sur ce bonne chance dans ta vie ma fille.
Tout de suite après le départ de Funkè,Inès s'en voulut de s'en être prise à cette douce femme qui l'avait tant épaulé et aimé. Mais elle ne pouvait s'empêcher de s'emporter lorsque l'on s'en prenait à la mémoire de sa mère.