Partie XI
Ecrit par Ornelia de SOUZA
Inès entrouvrit les yeux. Il faisait très sombre. Elle ne voyait rien mais un bruit sourd répété lui parvenait aux oreilles. À moitié endormie, elle se demandait ce que ça pouvait être. Le bois ! Quelqu'un tapait sur du bois. La porte! On frappait à la porte.Elle se leva d'un bond, traversa la pièce dans la pénombre, alluma la lumière du salon et se dirigea vers la porte qu'elle ouvrit sans même s'enquérir sur l'identité de la personne qui frappait. Elle se retrouva nez à nez avec sa voisine qui avait un air furieux. La dame tenait Safi par le poignet. La petite fille sanglotait bruyamment. Elle regarda sa mère d'un regard implorant.
-Qu'est-ce qui se passe ? demanda Inès.
-Il se passe que mon appartement n'est pas une pouponnière ; hurla la voisine.
-Calmez-vous tata! supplia Inès. Safi a t-elle fait une bêtise ?
-Qu'est-ce qu'on peut attendre d'une fille qui manque d'attention maternelle et donc d'éducation ? continua la dame sur le même ton.
-Faites attention à ce que vous dites; s'emporta à son tour Inès.
-Vous m'avez dit deux heures. Ça fait plus de six heures que j'ai votre fille chez moi. Et ce n'est pas comme si elle savait bien se comporter.
-Écoutez je suis désolée ; dit Inès. Je me suis endormie en rentrant et...
-Ah vous vous êtes endormie. Vous vous prelassiez pendant que moi je devait m'occuper de cette fille récalcitrante sans éducation. Quoi? Vous payez mon loyer avec moi? Ou vous allez payer la nourriture que je lui ais donné?
Inès ne comprenait pas le comportement de sa voisine. Safi s'était toujours bien comporté même si elle était plus ou moins renfermée. Elle était sûr que la petite n'aurait pas pu faire une bêtise assez conséquente qui aurait pu pousser cette dame à parler ainsi. Alors qu'avait-il bien pu se passer? Et cette dame qui criait sans pour autant s'expliquer... Inès se rendit compte en baissant les yeux que la petite Safi pleurait vraiment à chaude larme. Elle essayait de retirer son poignet de la main de la dame qui serrait de plus en plus son étreinte. La petite devait avoir mal.
-Vous allez me rembourser le temps perdu? continuait la voisine. Par votre faute, j'ai dû changer tout mes plans mais bon les gens comme vous ne comprennent pas. Vous êtes égoïste...
-Ça suffit maintenant; lança Inès. Lâchez ma fille! Vous lui faites mal!
À ces mots la voisine sembla s'offusquer. Soudainement elle lâcha la main de Safi et poussa la petite vers sa mère. Inès la rattrapa de justesse évitant que la petite fille ne tombe. Très vite Inès s'emporta.
-Hé! Qu'est-ce que vous faites? Je ne vous permets pas de lever la main sur ma fille sinon...
-Sinon quoi? l'interrompit la voisine
-Sinon elle va vous frapper ! affirma une voix féminine.
Les deux protagonistes tournèrent la tête. C'était Mélaine. Elle se tenait là dans la cour distante des deux femmes depuis un instant. Silencieuse, elle observait la scène.
-Oui Madame, elle va vous frapper. Faites attention à vous! C'est une villageoise et nerveuse en plus de cela. Elle n'a pas de manières et...
-Ça suffit Mélaine! Que fais-tu ici?
-Désolée Madame; poursuivit Mélaine en ignorant Inès. Je m'excuse pour elle. La prochaine fois n'acceptez pas de garder son ENFANT !
Elle avait accentué son ton sur le dernier mot en regardant Inès droit dans les yeux.
La voisine quant à elle lança un regard noir à Inès puis s'en alla en trainant les pas. Inès tenait toujours Safi et observait toujours Mélaine. Qu'est-ce qu'elle pouvait bien faire ici cette fille?
-Tu me laisses entrer? demanda Mélaine
-Non! fit Inès d'un ton sec
-Je crois que je vais quand même entrer.
Sur ces mots, elle poussa presque la mère et sa fille pour entrer dans la pièce. Elle soupira puis se vautra dans le canapé.
-Ce que tu ne sais pas, c'est que j'habitais ici avant toi.
Elle prit une pause et ricana.
-Cette bonne sœur Mina! Elle n'est pas là je suppose. Elle passe toute sa vie à aider les femmes en difficulté... Comme toi et moi. Je l'ai beaucoup sucé. Tu sais que c'est elle qui me paye mon loyer? Elle paye aussi toutes les factures. Un ange comme elle. Je suppose que toi tu n'as pas encore eu cette idée et c'est pour ça que tu es toujours dans cet appartement minable à la supporter. Sache juste que si tu trouves les bons mots, elle peut te financer un autre logement. Mais bon, tu dois attendre mon mariage d'abord. Je ne veux pas qu'elle refuse de payer mes frais pour les tiens.
-Tu te maries? questionna Inès qui était toujours à la porte et qui tenait Safi d'une main.
Mélaine posa un regard qui avait l'air bienveillant sur Inès mais Inès ne se laissa pas duper. Elle savait que Mélaine n'était pas du tout bienveillante à son égard, bien au contraire.
-Si tu envoyais cette petite dans la chambre et que tu venais pour qu'on discute un peu?
Inès resta silencieuse. Qu'est-ce qu'elle voulait bien lui dire? C'était sûrement un piège car après tout,quelques heures plus tôt Inès l'avait giflé. La jeune femme se méfiait.
-S'il te plaît! murmura Mélaine.
De toutes les façons, elle ne tenait pas à ce que sa petite Safi écoute toutes les horreurs que cette femme sortait de sa bouche.
-Safi, va dans la chambre s'il te plait.
La petite s'exécuta. Inès ferma la porte et alla d'un pas décidé s'installer dans le canapé en face de Mélaine. Elle attendait que celle-ci rompe le silence. En attendant, elle se contentait de l'observer.
-Il est beau Carin n'est-ce pas ? demanda brutalement Mélaine.
-...
-Écoute, nous sommes entre filles et apparemment nous nous intéressons au même homme. Je suis ta grande sœur et au lieu qu'on se tire entre les pattes et qu'on se fasse des coups bas, je préfère qu'on s'entende.
Inès réfléchit à toute vitesse. Ce que disait Mélaine avait du sens. Elle lui sourit.
-Alors il est beau?
-Oh oui; s'exclama Inès. C'est le plus bel homme que je n'ai jamais vu de toute ma vie. Il me fait rêver tu sais?
Devant une telle confession Mélaine éclata de rire. Son expression changea d'un seul coup. Elle n'avait plus du tout l'air bienveillante. On n'aurait dit qu'elle venait de gagner une bataille. Son visage était triomphant.
-Donc toi, même un avec un œil en moins, tu observes l'enfant des gens!
Elle riait de plus belle. Inès ne comprenait plus rien. Pourquoi Mélaine réagissait ainsi?
-Je te préviens sale gamine; continua Mélaine sur un ton menaçant. Carin, il est à moi. Je ne l'aime pas. Pas du tout même. Il est beau certes mais un peu trop sérieux pour moi mais j'ai besoin de son argent et c'est pour ça que comme je l'ai dit plus tôt, je vais l'épouser. Il va m'installer dans une grande maison parce que sa famille possède pleins de propriétés... Tu ne le savais pas n'est-ce pas ? Alors maintenant tu vas enlever ton unique et sale œil de sur mon homme.
Inès était sidérée. Comment est-ce que autant de méchancetés pouvait demeurer en un si petit bout de femme?
-Tu es donc tout juste odieuse! conclua Inès.
-Oui; répondit Mélaine sans gêne. Mais ce n'est pas tout. Tu as osé levé la main sur moi. Sache que même lorsque ma mère a fait cette erreur alors que j'étais déjà consciente et responsable de ma personne, je ne l'ai pas du tout accepté. J'avais 15 ans et elle m'a giflé. Je l'ai frappé et j'ai quittée la maison. Si je n'ai pas pardonné ça à ma propre mère, tu imagines bien que je ne t'épargnerai pas n'est-ce pas ?
-J'imagine...
- Très bien alors je t'informe que tu vas me le payer très cher.
Sur ce, Mélaine se leva et sortit sans même accorder un regard à Inès. Elle ne comprenait pas qu'une fille ait autant peu de valeurs. Quoiqu'il en soit, Mélaine venait de lui déclarer la guerre. Au moins tout était clair et elle n'allait pas être en reste. La guerre était déclarée. Elle allait aussi se battre pour Carin.
Elle prit alors le téléphone et composa le numéro du docteur. Elle lui donna rendez-vous dans une heure dans une petite buvette située dans le quartier. Elle se leva ensuite pour aller se préparer.
Dans la chambre, elle tomba sur sa fille recroquevillée dans le noir dans un coin de la pièce. Inès alluma la lampe et s'approcha sa fille.
-Safi, je suis désolée de ce qui s'est passé avec la voisine. Dis moi, tu as fait une bêtise ?
-Non; répondit soudainement Safi qui n'avait pas l'habitude de répondre aux questions de sa mère.Tout est de ta faute maman. Tu m'as oublié et elle s'est fâchée. Tante Adéossi ne m'oubliait jamais elle. Je veux retourner chez tante Adéossi.
La petite se mit à pleurer. Inès était consciente qu'elle avait négligé son rôle de mère ces derniers temps ci mais elle avait pour excuse qu'elle vivait beaucoup de choses. Safi resterait sa fille et elle aurait tout le temps de se rattraper.
-Non ma chérie, je suis désolée mais ne pleure pas. Bientôt tout va changer.
Au salon un jeu de clés se fit entendre et la sœur Mina entra dans l'appartement.
-Je crois que la sœur Mina est là. Plus tard, on va parler de tout ça alors arrête de pleurer s'il te plaît.
Inès sortit, salua la soeur Mina et l'informa qu'elle devait sortir tout à l'heure. Elle lui raconta l'incident avec la voisine mais la sœur Mina ne lui en voulait pas. Au contraire, elle était heureuse qu'Inès sorte à nouveau. Alors la jeune femme se prépara, se vêtit d'une petite robe que la sœur Mina lui avait offert, embrassa sa fille puis entreprit de se rendre à son rendez-vous.
Lorsqu'elle arriva à la buvette tout en musique, Carin l'attendait déjà installé à une table. Elle le rejoignit. Ils se saluèrent puis s'installèrent. Une serveuse apporta deux bières.
-Carin, je voulais te dire que je suis désolée pour tout à l'heure. J'ai vraiment mal réagi. Je...
-Arrête de te lyncher! l'interrompit Carin. Mélaine t'a vraiment mal parlé. Je crois que j'aurais réagi pareil.
Il prit ses mains dans les siennes et se mit à la caresser.
-À propos de Mélaine, elle est passée chez moi tout à l'heure.
-Et? demanda Carin soudain attentif