Partie XVI
Ecrit par Ornelia de SOUZA
-Écoute Inès, ça fait plusieurs jours que je mets ma vie entre parenthèses pour m'occuper de toi ; lança la soeur Mina a l'égard d'Inès qui était assise sur son lit, la tête enfoncée dans un seau.
Cinq jours déjà qu'elle vomissait tout les matins. Elle n'en pouvait plus et la soeur Mina non plus. Quelle douce femme cette sœur !
-Aujourd'hui que tu le veuilles ou non, je te conduirai à l'hôpital. Faut arrêter de jouer à la gamine. Moi j'ai une urgence alors je te deposerai là bas.
Inès ne pipa mot. La sœur avait bien dit que peu importait son avis. Une des principales raisons pour laquelle elle ne voulait pas se rendre à l'hôpital était qu'elle ne voulait pas tomber sur Carin. Elle ne l'avait plus jamais revu depuis le jour où il l'avait déposé à la maison. Il avait dû l'appeler deux ou trois fois en six semaines. Elle se posait beaucoup de questions sur cette soi-disante relation qu'il entretenait. Elle tenait à lui malgré tout et elle ne voulait pas lui coller un grossesse d'aussi tôt. Parce que oui, elle était enceinte. Elle le savait. Il n'y avait pas besoin d'être experte ou d'aller à l'hôpital pour le savoir. Seule la sœur Mina qui n'était sûrement jamais tombé enceinte ne s'en rendait pas compte. Des nausées, des vomissements et les anglaises qui n'étaient pas au rendez-vous. Ah petite Inès ! se disait-elle. Elle s'en voulait plus qu'elle n'en voulait à Carin. Comment avait-elle pu tomber enceinte aussi vite? Son oncle avait abusé d'elle pendant des années et jamais un bébé n'avait pointé le bout de son nez. À bien y voir, la tante Adéossi n'avait jamais pu avoir d'enfants. Cet homme était sûrement stérile.
Elle sourit en y pensant. Dieu ne peut pas donner le pouvoir d'engendrer et de perpétuer une race à un monstre pareil. Non! Dieu est juste.
-Alors lève toi et va te préparer! ordonna la sœur Mina qui la ramena au présent.
Inès s'exécuta. Quelques heures plus tard, elle était à l'hôpital assise sur un siège, une infirmière lui faisant une prise de sang. Carin n'était pas à l'hôpital et c'était tant mieux. Le médecin qui l'avait reçu lui avait confirmé que ces soupçons étaient sûrement vrais mais qu'il fallait mieux en être sûr en faisant un test sanguin. Elle devait revenir quelques jours plus tard pour les résultats. En attendant, il lui avait prescrit des médicaments pour calmer ses vomissements.
Inès était satisfaite de cette entrevue. Elle était surtout satisfaite de ne pas avoir rencontré Carin alors elle prit congé du médecin et se décidea à rentrer à la maison. Elle aurait bien voulu passer à la pharmacie mais elle n'avait pas d'argent. Elle devait d'abord en parler à la sœur Mina.
Une fois dans le hall et le pas léger, une voix et un ton reconnaissable entre mille la fit sursauter.
-La sauvageonne! hurla quelqu'un dans son dos retournant les têtes et provoquant des fous-rires chez certains.
Mélaine.
-La sauvageonne, je te parle! fit-elle plus près d'Inès.
-Quoi? demandea Inès en se retournant brusquement.
-Carin n'est pas là !
-Pauvre fille; siffla Inès. Je ne suis pas venue le voir. Ce qui n'est pas ton cas apparemment.
-Ah! murmura Mélaine. J'ai appris que tu étais allé dans la maison familiale de Carin et que tu avais été égale à toi-même. Une vrai sauvage!
-Qui t'a dit ça à toi d'abord ? demanda Inès sur la défensive.
-Ashley; c'est une très bonne amie à moi. Elle m'a dit que tu...
-Ça suffit! l'interrompit Inès.
Elle savait ce qui s'était passé. Elle y était. Elle n'avait nul besoin qu'on le lui narre. Mélaine la détaillait du regard et dès qu'elle aperçut l'ordonnance dans ses mains, un sourire se dessina sur son visage.
-Je vois que tu as encore chopé quelque chose la miséreuse des misereuses; pouffa t-elle. C'est comme ça qu'Ashley te surnomme tu sais? Dis moi, comment tu fais pour avoir autant de malchance?
Cette fois-ci Mélaine allait regretter amèrement de s'en être prise à elle. Inès ressentait une colère mais elle n'allait pas réagir comme les autres fois. Elle avait appris de ces erreurs parce que à chaque fois même si elle avait raison, lever la main sur quelqu'un lui donnait immédiatement tord.
-Cela ne m'étonne pas venant d'Ashley. Vous vous êtes bien trouvé cette vipère et toi. Et j'ai envie de te dire que le vent a tourné parce que cette fois-ci c'est une bonne chose que j'ai chopé; dit Inès le sourire en coin.
-De quoi tu parles? demanda Mélaine
-Je suis enceinte; lança Inès avec aplomb. Enceinte de Carin.
Le sourire d'Inès allait d'une oreille à l'autre. Elle savait qu'elle venait d'achever Mélaine. Cette sale arriviste avait perdu la guerre. Ses coups bas n'avaient plus lieu d'être. Rien de ce qu'elle pourrait faire maintenant ne pourrait plus les séparer Carin et elle.
Mélaine arrivait à peine à respirer. Lentement son visage vira au rouge. Cela se voyait que la nouvelle l'avait frappé de plein fouet. Elle tremblait et elle n'arrivait pas à articuler. Elle s'accrocha à un comptoir alors qu'Inès la regardait de haut.
-C'est fini Mélaine ! conclut Inès avant de s'en aller un sourire au coin des lèvres.
Plus tard dans la journée, Inès avait recouvré la santé et une belle vivacité. Sa confrontation avec Mélaine y était pour quelque chose. Elle avait cuisiné, s'était occupé elle-même de sa fille et réfléchissait à tout ce que ce nouveau bébé pouvait apporter dans sa vie. Elle somnolait installée confortablement sur le canapé lorsque la porte du séjour s'ouvrit dans un fracas. Là devant elle se tenait Carin. Elle n'eut pas le temps de réagir qu'il avait déjà traversé la pièce pour la saisir par le bras.
-Lâche moi! fit Inès d'une petite voix ettoufée par la peur
-Comment ça tu es enceinte? Qu'est-ce que tu vas raconté ? ? ?
Que les nouvelles allaient vite? Inès analysa très rapidement l'expression de Carin et en conclut que pour lui ce n'était pas une bonne nouvelle. Elle ne supporterait pas qu'il la violente encore et de plus ce enfant n'était que le fruit de sa violence. Elle se préparait déjà mentalement à se défendre.
-Est-ce que tu vas me répondre ? grogna Carin
-Ce n'est pas encore sûr. J'attends les résultats
-Et pourquoi tu l'as dit à Mélaine? Toute ma famille est au courant.
Inès dégagea son bras de la main de Carin. Ça c'était le comble. Mélaine avait informé toute sa famille et il osait le lui dire en face. Elle n'allait certainement pas laissé passer cela.
-Ah bon? Ça fait des semaines que tu te comportes en parfait étranger avec moi qui suis sensé être ta petite amie mais Mélaine, tu la présentes à ta famille.
-Elle s'est présenté toute seule et ce ne sont pas tes affaires; dit Carin d'un ton sec.
-Et c'est quoi mon problème ? demanda Inès qui s'énervait
-Ce truc indésirable qui se trouve dans ton ventre...
Le cœur d'Inès rata un battement. Les mots de Carin venait brutalement de la ramener à la réalité. Il ne voulait pas de ce bébé.
-Écoute Inès, toi et moi ne sommes pas prêts pour ce bébé. Si ça se confirme, je voudrais que tu avortes s'il te plait... Et ne t'inquiète pas pour les frais. Je prends tout en charge.
Les frais?! Pour lui,c'était ça le soucis ? Les frais? Il lui demandait de tuer son enfant et tout ce qui l'importait était les frais.
-Je ne ferai pas ça ! lâcha Inès catégorique. C'est mon enfant et je le garderai quoiqu'il engage.
-Je suis conscient que ta première grossesse est importante pour toi mais comprends que nous ne pouvons pas...
-Que nous ne pouvons pas quoi? hurla Inès. Tu t'es juste mis en couple avec moi pour que je ne te dénonce pas pour le viol. Et maintenant tu me demandes d'avorter du fruit de ta violence? Non Carin! Tu m'en demandes trop. Je ne ferai pas ça.
Carin resta silencieux observant Inès droit dans les yeux pendant quelques secondes. Il n'était pas énervé. Il était juste perdu et ça se voyait.
-Très bien; fit Carin. Je ne veux pas de cet enfant mais je ne vais pas être lâche. Si ça se confirme, je te soutiendrai.
Inès ne lui répondit pas. Il s'en alla alors laissant la jeune femme le coeur lourd et les larmes aux yeux.