Partie XXV

Ecrit par Ornelia de SOUZA

Deux semaines déjà que Safi dormait dans cette chambre. Elle en sortait à peine. Maman Dine était à l'affût et l'empêchait coûte que coûte de croiser Dine. Il en valait de la survie de son fils, disait-elle. Elle aurait aimé la jeter dehors, lui avait-elle même confié mais Safi portait encore ses petits enfants. Pour le moment, tout ce qu'elle pouvait, c'était la tenir éloigné de son fils adoré. 


Safi elle avait tant besoin d'avoir une discussion avec  le père de ses enfants. Elle avait besoin de comprendre ce qui n'allait pas. Pourquoi ressentait-il tant de colère à son égard au point de lever la main sur elle. Tout ce qui s'était passé repassait en boucle dans sa tête. Les paroles de Dine. Pensait-il vraiment cela? Pensait-il vraiment qu'elle n'était rien de plus qu'une salope villageoise qu'il avait enceinté et qu'il se retrouvait obligé de supporter? Ses mots avaient été si durs. Safi n'y croyait pas. Si c'était vraiment ce qu'il pensait d'elle alors il avait été un sacré bon comédien tout ce temps. Lui faire croire qu'il l'aimait. Qu'il voulait d'elle et des enfants qu'elle portait. 


La révélation de Candie aussi était en grande partie responsable des doutes de Safi. N'eut-ce été les mots de Candie, Safi ne s'en porterait pas aussi mal. Dine et une autre femme. Elle ne pouvait le concevoir.


Des petits coups retentirent. Quelqu'un toquait à la porte. Safi se redressa du lit où elle passait le plus clair de son temps maintenant pour aller ouvrir. Il s'agissait d'Oumar le gardien qui lui apportait son plateau repas à midi pile comme tout les jours. Encore l'oeuvre de Maman Dine, elle n'avait pas le droit de sortir pour manger à table comme tout le reste de la famille. Même les domestiques ne l'approchait plus parce que les premiers jours elle avait essayé de faire porter un message à Dine par le biais de l'une d'entre elle. Elle ne voulait pas l'admettre mais maintenant elle était comme en prison.


-Il est déjà midi? demanda t-elle l'air hagarde


-Oui Safi; répondit Oumar... Tu as l'air mal en point.


Les deux personnes ne s'appréciait point au début étant donné l'ordre qu'Oumar avait reçu de Maman Dine de ne point laisser rentrer Safi dans la maison mais au fil du temps et étant presque la seule personne que Safi voyait enfermé dans cette chambre, ils n'avaient eu d'autres choix que de se lier d'une certaine amitié.


-Tu me dis ça tout les jours Oumar; lui lança Safi avec un léger sourire


-C'est pour t'arracher un sourire tout les jours ma petite Safi... Tiens voici ton plateau repas.


-Je n'ai pas faim Oumar; fit Safi soupirant et retournat vers son lit suivi d'Oumar


-Mais il te faut manger. Hier j'ai bien vu que tu n'as presque touché à aucun des trois plateaux que je t'ai apporté.


-Je suis si triste Oumar si tu savais. Je ne peux rien avaler et...


-Mais tu es enceinte Safi; continua Oumar l'air totalement abasourdi. Il faut que tu manges. Tu ne vas pas te laisser mourir pour le fils des patrons et pour ce qu'il t'a fait. Pense à tes jumeaux Safi. 


-Mais Dine...


-Supposons que Dine ne veuille plus de toi une fois les jumeaux nés. Mettras-tu fin à tes jours puis au leurs?


-JAMAIS! hurla Safi offusquée par les propos de Dine


-Alors attends qu'ils soient hors de toi pour te laisser mourir parce que là ils souffrent aussi de ton comportement.


Le regard protecteur d'Oumar enveloppa la jeune femme la réchauffant. Au moins quelqu'un était là pour elle. Au moins quelqu'un pensait à son bien-être.


-Et laisse moi te dire une chose! Ce jeune homme mérite t-il vraiment que tu meures pour lui? Tu portes ses jumeaux et peu importe tes fautes jamais il ne devait t'abandonner de la sorte et pourtant c'est ce qu'il a fait. Il laisse sa mère t'enfermer ici et il ne pense ni à ta santé ni à celles de vos enfants. Crois moi Safi, cet homme là ne merite aucune souffrance venant de ta part.


-Tu as bien raison Oumar mais je l'aime...


Safi fut interrompu par la sonnerie de son téléphone portable. Un rapide coup d'oeil sur la table de chevet et elle roula des yeux et inspira bruyamment.


-Qui est-ce? demanda Oumar devant la réaction de la jeune femme.


-Ma mère... 


-Et pourquoi ne décroches-tu pas? fit Oumar étonné


-Elle m'appelle tout les jours depuis que je suis enfermé ici tu sais?


-Son coeur de mère sent peut-être la souffrance de sa fille...


-Mais tout est de sa faute Oumar! s'exclama Safi. Si elle ne m'avait pas faite ainsi, je ne souffrirai pas. Si elle s'était battu pour me donner un statut, une vie de rêve comme celle qu'a eu Dine et tout ses camarades, jamais on ne me traiterait ainsi. Je suis sûr que cette famille m'aurait accueilli à bras ouverts. Je ne veux plus jamais la voir ou l'entendre. Je ressens tellement de colère à son égard.


-Tes propos trahissent bien ton âge et ta bêtise Safi. Ta mère qui la pauvre s'est sûrement battu pour...


-Oumar, ne parle pas de ce que tu ne connais pas. Cette femme était trop obnubilé par les hommes et la souffrance que ses hommes lui infligeaient pour penser à me donner un avenir digne. Toute mon enfance, elle n'a fait que me conter la méchanceté des hommes pour que je m'en méfie. Elle ne m'a jamais poussé à atteindre l'élite de la société. Bien au contraire, elle m'a toujours ordonné de m'en tenir éloigné.


-Mais ne penses-tu pas qu'elle ait raison? Regarde où lui désobéïr t'a conduit?



Safi soupira. Oumar ne pouvait comprendre ce dont elle parlait. Plus jeune, sa mère l'avait délaissé pour un homme. Aujourd'hui elle pensait sûrement que Safi avait oublié mais un enfant n'oublie jamais ce par quoi il a été marqué. Elle aurait pu monter une petite fortune pour l'avenir de sa fille. Il est vrai qu'elle s'est toujours débrouillé pour lui offrir le stricte nécessaire. La nourriture, l'école, quelques vêtements mais rien de plus. Rien de plus et ça jamais Safi ne le lui pardonnerais.



-Tu manges avec moi aujourd'hui? fit Safi à l'égard d'Oumar


-Je n'ai pas le droit; lui lança Oumar


-Je ne mangerai pas alors... J'ai besoin de compagnie. Je t'en prie Oumar, assied toi près de moi et partageons mon repas. Juste dix minutes.



Oumar n'avait pas le droit. Maman Dine avait été bien clair. Aucune discussion avec Safi. Il devait juste lui apporter ses repas et retourner à ses tâches. Mais son humanité avait pris le pas sur tout le reste. Il s'était pris d'une profonde affection pour cette fille qui venait du même rang social que lui et qui s'était égaré dans cette maison. Il l'aimait véritablement. De l'amour qu'un frère porte à sa jeune sœur.


Oumar s'assit près de Safi sur le lit et la serra dans ses bras. Une petite blague, des éclats de rire. Un plat bien entamé et Safi retrouvait un semblant de joie de vivre.


Soudain la porte s'ouvrit sans crier gare. Oumar sursauta et se leva du lit pour s'éloigner de Safi. Il s'agissait de Candie. Safi souffla mais Oumar ne se détendit pas.



-Eh ben! dit Candie. Qu'est-ce que j'interromps?


-Rien du tout; se dépêcha de répondre Safi. Oumar et moi étions entrain de manger mais on a fini. N'est-ce pas Oumar?


-Oui et d'ailleurs je me retire.



Le jeune gardien se faufila et disparut en refermant la porte derrière lui.Candie regardait Safi d'un oeil fort suspicieux les mains posées sur les hanches. Safi se sentit honteuse et cela même si elle ne faisait rien de répréhensible avec Oumar.



-En voilà une belle amitié! nota Candie


-Tu n'es plus venu me voir Candie; mumura Safi ignorant les mots de Candie. Tu m'avais pourtant promis de passer tout les jours et de parler à Dine pour moi.


-Mais j'ai été prise ma chère. Et pour ce qui est de parler à Dine, je l'ai fait bien entendu. 


-Et? demanda Safi plein d'espoir


-Il t'en veut toujours. Il ne veut pas te voir


-Mais pourquoi? se lamenta Safi. Qu'ai-je fait d'aussi grave? 


-Rien; répondit Candie. Les hommes, c'est comme ça. Vu qu'il en aime une autre, il ne veut plus rien savoir de toi.



Le coeur de Safi se brisa tel une poupée en porcelaine. Le bruit de cet éclat résonna dans son cerveau tel un coup de marteau contre un gong.



-Alors c'est vrai qu'il voit une autre femme?


-Aussi vrai que je ne m'appelle Candie. Je les ai même vu ensemble de mes propres yeux. Franchement il faut t'y faire. Il attend que tu accouches pour prendre ses enfants et te sortir de sa vie.


-Quoi? hurla Safi récupérant ses esprits. Il faudra me tuer pour me prendre mes enfants. Dis le lui. Je vais sortir d'ici maintenant et m'en aller de cette maison. Et rien ni personne ne pourra me retenir.



Candie écarquilla grand ses beaux yeux couleur châtain. Il était évident qu'elle regrettait d'avoir trop parlé et que la réaction de Safi n'était sûrement pas celle qu'elle voulait provoquer.



-Mais calme toi voyons! Que veux-tu? Perdre tout ce que tu as réussi à avoir? On n'agit pas comme ça Safi. Si tu veux récupérer Dine, je vais t'aider. Mais tu dois rester dans cette chambre. Crois moi, si tu t'en vas comme ça tu le regretteras.


-Mais tu viens de me dire qu'il veut me prendre mes enfants! protesta fortement Safi


-Je n'en sais rien mais au lieu de réagir bêtement comme les gens de ton rang social, tu devrais te calmer et attendre pour le réconquérir. Après tout, tu portes déjà ses enfants alors dis moi qui a plus de chances? Toi ou cette fille?



Comme d'habitude, les propos de Candie avaient réussis à endormir le cerveau de Safi. Elle se répétait déjà en boucle qu'il fallait qu'elle arrête de réagir comme les gens de sa classe sociale.



-Ecoute moi Safi! Je sais ce qu'il y a de mieux pour toi. Maintenant je vais voir Dine pour le convaincre de te laisser sortir d'ici parce que plus il te verra, plus vite il se rappellera de l'amour qu'il avait pour toi.



Une Safi silencieuse laissa Candie se retirer. Elle ne savait point si elle prenait la bonne décision mais elle appréciait le fait que Candie prenne les choses en mains pour elle. 


Oumar fit irruption dans la pièce à la grande suprise de Safi. Son expression trahissait une certaine panique. 



-Oumar que se passe t-il? Que fais-tu ici? 


-C'est juste pour te prévenir Safi... Ne fais jamais confiance à cette femme qui vient de sortir d'ici.C'est une vrai vipère.


-Mais pourquoi tu parles ainsi?


-Je ne peux pas te répondre. Ecoute moi c'est tout!


-J'en ai marre; fit Safi. J'ai l'impression qu'on me cache trop de choses. Je vais sortir maintenant.


-Calme toi petite imprudente! Tu vas te créer des ennuis.


-Je m'en fous Oumar; lui lança Safi avec colère. Je vais sortir d'ici aujourd'hui même.


-D'accord mais pas comme ça! Ce soir je te ferai sortir. Lorsque tout le monde sera endormi, je viendrai te prévenir mais pour l'instant reste calmement ici.


Cris de femmes