Partie XXIV

Ecrit par Ornelia de SOUZA

- Tu es sûr qu'il va aimer? demanda Safi inquiète en tirant nonchalamment sur la robe exagérément courte. Je la trouve trop courte Candie.


-Aussi sûr que je ne m'appelle Candie. Tu es déjà enceinte ma chère. Nous ne pouvons plus miser sur le moulant pour plaire à ton homme. Alors le court reste la solution. Et je peux t'assurer que lorsque Dine et moi sortions ensemble et que je m'habillais ainsi, il devenait fou, fou, fou... Totalement fou de moi. Et soyons sincère, entre ça et tes haillons, il n'y a pas de comparaisons à faire.


Safi n'était pas convaincu mais la dernière phrase de Candie la fit garder le silence. Après tout, qu'avait-elle à perdre? Depuis l'épisode de la dernière fois, Dine lui en voulait terriblement alors maintenant il fallait qu'elle se rattrape. Il fallait absolument qu'elle devienne la femme qu'il a toujours voulu. Et qui de mieux que Candie pouvait la conseiller dans ce sens?


-Bon je te laisse! Je dois voir maman et je ne vais pas rester dans cette chambre pour empêcher ton homme de te sauter dessus lorsqu'il te verra.


Safi sourit timidement aux mots de Candie. Elle lui fit  un signe de la tête en guise d'au revoir et elle observa la gracieuse femme sortir de la pièce. Elle soupira et se retourna une dernière fois vers le miroir. Cette tenue ne lui ressemblait pas du tout. Elle n'était pas à son aise vêtue ainsi mais Dine aimait ce genre d'accoutrement alors elle allait forcément le garder. Plongé dans ces réflexions, elle n'entendit pas la porte s'ouvrir, ni Dine entrer dans la pièce. 


-Qu'est-ce que c'est que ça? cria Dine la faisant sursauter


-Chéri! s'exclama Safi le sourire jusqu'aux oreilles


-Je t'ai demandé ce que c'était que cet accoutrement Safi.Qu'est-ce que tu portes?


Une veine battait nerveusement sur la tempe de Dine. Il n'appréciait pas du tout la nouvelle robe de sa compagne et il ne le cachait pas. Safi ne comprenait pas. Candie lui avait dit qu'il avait toujours aimé voir les femmes habillées ainsi. Etait-ce elle qu'il ne voulait pas voir ainsi?


-Tu n'aimes pas? demanda Safi


-Ca se voit? ironisa Dine. Enlève moi ça tout de suite!


-Eh ben non! protesta Safi n'ayant ni apprécié l'ordre ni la tonalité de la voix de Dine.


-Tu as dit quoi? demanda Dine en fusillant sa compagne du regard


-J'ai dit que je n'allais certainement pas l'enlever. Tu aimes bien ces robes sur les autres femmes Dine mais à moi tu me demandes de me dévêtir. Est-ce parce que tu ne veux pas mon évolution ou bien tu ne veux pas que je m'habitue au mode de vie que tu mènes parce que tu ne veux pas de moi?


-Que racontes-tu? fit Dine. Enlève cette robe c'est tout!


L'ordre était clair mais Safi n'allait certainement pas le respecter. Elle s'avança pour sortir de la pièce. Elle se disait qu'il changerait surement d'avis après un temps de réflexion.


Dine lui empoigna le bras lorsqu'elle saisit la poignée de la porte. Il la poussa si violemment en arrière que son dos heurta une commode et qu'elle tomba à terre.


-Je t'ai dit de ne pas sortir habillé comme ça! vociférait Dine. Que crois-tu? Que tu peux me honnir? 


La pauvre à terre avait terriblement mal au dos. Elle eut peur pour ses bébés et elle eut peur de Dine.La colère suintait de tout les pores de son visage. Son expression était révélatrice. Il ne s'inquiétait point du fait qu'elle se soit fait mal malgré la grossesse. Il était juste extrêmement en colère.


-Que veux-tu? Montrer à tout le monde que tu es une femme de peu de vertue? La salope que Dine a engrossé et qu'il est obligé de supporter?


Le choc frappa Safi de plein fouet réduisant presqu'à inexistante la douleur qu'elle ressentait au bas de son dos. Il avait enfin dit ce qu'il pensait tout ce temps. "Une salope qu'il avait engrossé et qu'il était obligé de supporter". Il n'avait pas le droit de la traiter ainsi et elle n'allait pas le lui permettre. Elle se releva porter par la colère et repoussa Dine.


-Comment oses-tu parler de moi en ces termes? Pour qui tu te prends?


-Et toi? repondit Dine en hurlant presqu'autant. En t'habillant ainsi, pour qui tu t'es prise? Espèce de sale pute villageoise.


C'en était trop! Safi dégagea une de ses mains et gifla le père de ses jumeaux. La réponse de Dine ne se fit pas attendre. Une gifle puis une autre firent perdre l'équilibre à Safi qui tomba presqu'à terre mais Dine la rattrapa. Pas pour lui éviter une chute grave mais parce qu'il n'avait pas fini de la battre. Une autre gifle fit perdre tout ces moyens à Safi. Elle savait maintenant qu'elle était en danger alors elle cria. Elle cria de toutes ses forces à l'aide. Très vite des pas se firent entendre et le père de Dine écartait son fils de la jeune femme tandis que Candie la recueillait dans ses bras. Maman Dine quant à elle était posté à la porte, les mains sur les hanches et observait la scène. Papa Dine poussa son fils au loin et le gifla aussitôt.


-Que fais-tu espèce d'inconscient? T'ai-je éduqué ainsi? Frapper une femme? Dine, qu'est-ce que cela signifie? criait le vieil homme. Une femme enceinte de surcroît. Que t'arrive t-il? As-tu bu?


-Papa je ne veux plus la voir. Sortez la de ma chambre.


Comme si Candie attendait cela, elle poussa Safi et la fit sortir de la pièce passant près de Maman Dine qui regardait la jeune femme de haut. Safi tremblait de tout son corps. Candie la conduisit dans une chambre d'amis pas loin de la sienne et de celle de son homme. Candie fit asseoir la jeune femme sur le lit et s'accroupit à sa hauteur.


-Que s'est-il passé Safi? Pourquoi t'a t-il battu? Je n'ai jamais vu Dine dans un tel état. Pourquoi t'a t-il fait ça?


Safi eut honte. Elle ne pouvait pas avouer à Candie que Dine ne la voulait pas à son niveau, qu'il ne voulait pas qu'elle porte cette robe que toutes les femmes de son rang social portait sans un quelconque pression.


-Je ne sais pas; balbutia t-elle.


Candie se releva et fit dos à la jeune femme. Elle semblait pensive.


-Tu sais Safi, il y a des choses que j'ai pensé à te dire mais j'ai préféré me taire.


-De quoi tu parles? questionna Safi piqué par une certaine curiosité.


-Il y a des rumeurs dans le quartier...


Candie se tut et se retourna.Elle observa Safi dans le blanc de ses yeux, un peu comme si elle se demandait s'il était judicieux de lui parler de ses rumeurs là.


-Dis moi ce que tu sais Candie! Je t'en supplie! Je ne supporterai pas d'être dans l'ignorance; dit Safi sanglotant.


-Il a une maîtresse; lacha Candie après une dernière hésitation.


Safi ne réagit point sur le moment. Comme si elle n'avait pas entendu les mots de Candie. Cela lui semblait irréelle. Cette phrase lui sembla comme tout droit sorti d'un cauchemar. Son Dine à elle voyait une autre femme. Non, cela n'était pas possible. Elle ne pouvait y croire aussi facilement.


-Tu mens Candie! lâcha t-elle sûre d'elle. Dine ne ferait jamais ça.

-Jamais il ne t'aurait battu non plus Safi... Allons tires-en les conclusions toutes seules ma chère amie. Moi je te laisse seule ici. Repose toi et si tu veux plus de détails, je t'en donnerai.

-Je n'en veux pas espèce de menteuse; fit Safi. Sors d'ici! Dégage !


Candie ne se fit pas prier. Elle laissa la jeune femme seule face à ses doutes. Dine voyait-il une autre femme? Safi ne voulait pas y croire. Elle ne voulait pas l'entendre mais cela expliquerait bien des choses. Son comportement avait bien changé. Il ne la supportait plus vraiment. Elle se disait même à certains moments qu'il la haïssait. Qu'il ne voulait plus d'elle. Non! Ce n'était pas possible! Il fallait qu'elle en parle avec Dine. 

Au moment où elle voulut se relever, la porte s'ouvrit et Maman Dine apparut un sourire triomphant aux lèvres.


-Safi; dit-elle. Mon fils me charge de te dire qu'il ne veut plus te voir dans sa chambre. Jusqu'à nouvel ordre, tu resteras ici. Et ne t'approche surtout pas de sa chambre pour récupérer tes affaires. Je te les ferai apporter par les domestiques.


Safi ne pipa mot. Elle était beaucoup trop faible maintenant pour affronter cette femme.


-Comme tu le vois, des enfants ne sont pas un piège si efficace que ça ; conclut la dame en lui lançant sa sacoche avant de sortir de la pièce.


Le petit sac rebondit sur le lit et la sonnerie de son téléphone retentit à l'intérieur. Safi fouilla nonchalamment à l'intérieur et en sortit le portable. C'était sa mère qui appelait. Une colère et un dégoût lui envahirent l'estomac. Tout était de sa faute. Si seulement cette femme avait pensé à lui offrir une meilleure vie, elle ne serait pas dans cette situation aujourd'hui. Elle en voulut à Dieu de l'avoir fait naître d'Inès alors elle racrocha l'appel eteint le téléphone avant de s'écrouler en larmes sur le lit.


Cris de femmes