Partie XXVIII
Ecrit par Ornelia de SOUZA
Le téléphone portable sonnait sans cesse ponctué par les soupirs de Safi. Elle changeait ses jumeaux machinalement feignant d'ignorer la sonnerie de son portable. Mais la vérité était que Safi était agacée. Elle savait parfaitement qui appelait et elle n'avait aucune envie de répondre. Depuis le jour où elle avait décidé d'oublier sa vie passée, sa mère faisait partir des dommages collatéraux. Depuis la naissance des jumeaux, elle ressentait un amour infini à l'égard de ses enfants et pour eux, elle était capable de déplacer des montagnes. Elle leur consacrait chaque instant et chacune de ces décisions étaient destinés à leur bien-être alors elle n'arrivait pas à comprendre comment sa mère n'avait pas pu faire pareil pour elle. À vrai dire, elle lui en voulait encore plus depuis l'arrivée de Wadia et de Waïd et elle ne voulait surtout pas lui présenter les jumeaux. Du moins pas pour l'instant. Cette décision, elle l'avait aussi prise pour contenter Maman Dine. Il devenait de plus en plus dure d'habiter dans la même maison que cette femme alors elle n'allait clairement pas compliquer les choses en présentant les jumeaux à sa mère. Elle avait pris une décision et elle allait s'y tenir même si sa mère ne lui facilitait pas les choses en l'appelant tout les jours.
Un éclat de rires parvint à Safi. Elle se retourna pour constater que Dine et Candie venait de rentrer dans la pièce. Celle-ci riait à gorge déployée certainement à une histoire que Dine lui avait raconté. Leur amitié et leur proximité devenait de plus en plus forte. Candie était là presque tout les jours. Il ne manquait plus qu'elle s'installe pour clore le tableau. Safi avait renoncé à se plaindre car elle avait compris que en plus d'énerver Dine, cela ne servait à rien alors maintenant elle se contentait d'observer en silence les moindres mouvements de sa belle et supposée rivale.
-Ah Safi! lança Candie. Tu es ici?
-...
-Toujours avec les petits. Laisse moi m'en occuper voyons!
-Ce sont mes enfants; fit Safi d'un ton cinglant. Je peux donc m'en occuper.
-Écoutes un peu ce que te dis Candie; intervint Dine. Maman a besoin de toi en cuisine et c'est pour ça que Candie veut t'aider à t'occuper des enfants.
Dine l'avait dit nonchalamment mais Safi ne savait plus où se mettre. Il avait souvent tendance à prendre partie pour Candie comme si elle n'était qu'une moins que rien. Et à moins qu'elle n'hallucine, il venait encore de le faire.
Safi soupira. Elle posa l'enfant et sortit de la pièce sans un regard à Dine ou à Candie. Elle avait pris pour habitude de s'exécuter ses deux derniers jours sans rien avoir à redire surtout lorsque Maman Dine n'était pas loin. Cette dernière avait énormément besoin d'elle en cuisine malgré la présence des domestiques. Safi avait l'impression qu'elle cherchait plus que tout à l'éloigner de ses enfants et de Dine mais elle persistait à s'exécuter car pour elle c'était la dernière ligne droite. Sa dernière chance pour gagner l'affection de sa belle-mère et se faire accepter dans cette famille. Elle n'avait plus le droit à l'erreur.
-Maman, je suis là !
-Oh la paresseuse! s'exclama Maman Dine d'un ton méprisant en présence des domestiques. Tu daignes enfin te présenter?
-Désolée mais Candie...
-Mademoiselle Candie! la réprimanda Maman Dine d'un ton piquant. Je ne comprends pas les familiarités que tu prends avec les autres.
-Maman, je...
-Paresseuse ! continua Maman Dine feignant d'ignorer les mots de sa belle-fille. Tu sais depuis quand je t'ai fait appeler?
-C'est ce que je me tues à vous dire! s'emporta Safi. Candie vient à peine de me charger votre commission.
-Sur qui tu hausses le ton? questionna Maman Dine d'un ton menaçant. Sur qui? Malpolie! Et je te l'ai dit, c'est Mademoiselle Candie. Arrête moi ces familiarités !
De l'humiliation en excès. Les domestiques rigolaient en fuyant le regard de Safi. Les propos de Maman Dine n'étaient pas tendres d'habitude mais ils n'avaient jamais atteint de telles proportions mais Safi se répétait sans cesse dans sa tête qu'il fallait qu'elle tienne. Elle s'en voulait même de s'être emporté de la sorte. Il fallait qu'elle apprenne à contenir ses émotions sinon Maman Dine continuerait à la traiter ainsi.
-D'ailleurs tu es trop irrespectueuse ; lâcha Maman Dine. Sors de cette cuisine et va nettoyer le salon!
La directive tomba dans les oreilles de Safi comme un salut. En réalité, elle n'arrivait pas du tout à refouler ses émotions et les larmes affluèrent déjà sur son visage. Elle fit volte-face et à pas de courses, traversa le couloir, le salon et s'arrêta en plein dans la cour où elle laissa libre cours à son désarroi. Elle s'accroupit et sanglota silencieusement pendant que son corps était parcouru de petites secousses. Elle en avait marre.
-Non...Non...NON! Tu dois être forte! Tu dois être forte! se répétait-elle comme si cela allait la calmer.
L'image de sa mère lui traversa l'esprit. Elle lui avait toujours dit qu'elle ne devait permettre à aucun homme de la blesser mais Safi se laissait faire pour ses enfants. Et de plus si sa mère avait mieux agit, elle ne serait pas dans cette situation. Safi chassa donc rapidement l'image de sa mère de sa tête. Elle inspira un grand souffle d'air dans l'espoir de se remettre mais rien n'arrivait à la calmer. Elle n'arrivait pas à oublier l'outrage fait à son encontre et les rires moqueurs des domestiques.
-Que fais-tu ? questionna une voix masculine devant Safi
Elle releva la tête et se rendit compte qu'Oumar se tenait devant elle. La vue du seul soutien qu'elle avait dans cette maison n'arrangea pas les choses. De grosses gouttes de larmes s'échappèrent aussitôt des yeux de Safi qui ne pouvait plus se retenir de se défaire de ses émotions. Oumar lui saisit le bras et la releva d'un mouvement puis il la prit dans ses bras pour la consoler. Il ne savait quoi faire devant la détresse de la jeune femme alors il se contenta de la serrer et de lui frôler le dos. Les deux n'avaient jamais été aussi proches même s'ils se considéraient comme un grand-frère et sa petite sœur. Oumar maintenait toujours une certaine distance car après tout Safi était la belle-fille de ses patrons mais il ne pouvait se résoudre à abandonner cette fille seule dans sa détresse.
-Aucun d'entre eux ne mérite que tu te mettes dans cet état Safi! Je t'en prie ressaisis toi ma sœur et si tu es malheureuse, tu dois t'en aller. Arrête de te faire autant humilier!
-Je ne peux pas Oumar; déglutit Safi entre deux sanglots. Mes jumeaux...
-Arrête de prendre les jumeaux pour excuse voyons... La vérité, c'est que tu aimes souffrir. Tu aimes tellement la souffrance que tu préfères y rester plutôt que de retourner d'où tu viens. Si je ne te connaissais pas, je dirais que c'est l'argent qui t'intéresse mais je te connais ma sœur et je sais que c'est ton amour pour ce gamin qui t'oblige à supporter tout ça. Et pourtant crois-moi que si tu t'en vas maintenant avec tes enfants, c'est lui qui viendra te courir après et tu pourras récupérer son amour. Il faut que tu sois digne ma sœur.
Des applaudissements décollèrent immédiatement Oumar et Safi. Celle-ci se hâta de nettoyer les larmes sur son visage. Il ne fallait absolument pas qu'on la voit ainsi. Aussi faible.
-Eh ben eh ben! s'exclama une voix une peu trop familière. Je dérange ?
-Non, je me retire; répondit Oumar avant de s'en aller
-Safi; murmura Candie. Tu t'amuses un peu trop là ! Des petits câlins dans les coins de la maison. Tu crois qu'on ne te voit pas? Tu crois qu'on ne sait pas ?
-Qu'est-ce que tu insinues? demanda Safi sur un pied de guerre.
-Ce que tu as compris ma chère. On sait tous ce que tu fais avec Oumar dans les recoins de cette maison. Tu couches avec lui n'est-ce pas petite dévergondée ?
Safi tenta instantanément de brusquer Candie mais celle-ci ne se laissa pas faire. Elle se dégagea aussitôt et lança un regard méprisant à Safi.
-Sache que ce que tu fais, tout le monde sauf Dine le voit mais sache juste une chose. Quarante jours pour le voleur et un jour pour le propriétaire.
-Tais-toi idiote ! cria Safi. Tais-toi et ne raconte pas n'importe quoi. Tu m'as prise pour toi? Penses-tu que je ne sais pas fermer mes cuisses! Idiote, laisse moi te dire qu'en plus d'être une femme fidèle, il y a des choses que je ne peux pas me permettre. J'étais enceinte et j'ai accouché il n'y a pas si longtemps que ça. Penses-tu que je couche déjà avec des hommes? Réfléchis un peu dans ta bêtise. Et je te préviens que si tu racontes tes conneries à Dine, je ne t'epargnerai pas.
-Tu as fini? questionna ironiquement Candie. Tu me fais bien rire. Maman t'appelle pour aider papa à faire sa valise. Il voyage!
Safi toisa Candie avant de la depasser mais les derniers mots de Candie la stoppèrent dans son elan.
-Et pour Dine, crois moi que je n'aurai pas à lui dire quoique ce soit. Il s'en rendra compte tout seul assez tôt.
Safi eut envie de rétorquer quelque chose mais elle ne jugea pas cela nécessaire. Elle avait bien trop de souffrances personnelles à gérer pour s'occuper des délires de Candie. Et surtout elle avait la conscience tranquille car elle n'avait rien à se reprocher.
.............
Je vous salue et je vous souhaite mes meilleures vœux cette année. Que Dieu nous garde tous sur pied afin qu'on puisse lire et écrire davantage!!!