Partir trop tôt
Ecrit par Les Chroniques de Naty
Chapitre 26
La vie nous réserve parfois bien des surprises. Celles-ci
peuvent être soit bonnes soit mauvaises. Dans tous les cas, la vie continuait
ou du moins la mienne continuait tandis que celle de ma sœur s’était arrêtée.
Mouna est partie dans la fleur de l’âge, sans avoir eu à profiter de tout ce
que pouvait lui apporter ce monde.
Depuis son décès, je ne suis plus que l’ombre de moi-même !
Je ne vis plus, je suis aussi morte qu’elle. Je n’ai plus personne ; ma
famille m’a rejetée. Personne ne veut plus me voir, ils me tiennent tous
responsable de ce qui lui ait arrivée. De quoi suis-je coupable au juste ?
D’avoir voulu aider ma sœur, d’avoir été là pour elle. Je voulais éviter plus
de problème, raison pour laquelle j’ai fais ce que j’ai fais. Je croyais bien
faire et pourtant.
Toujours est-il que la suite des événements a été un vrai cauchemar
pour moi ; Papa ne veut plus me voir, il m’a tout simplement reniée. Il a
interdit à tout le monde me voir. Je n’ai même plus le droit de mettre les
pieds à la maison. Il m’a maudit, je suis la honte de la famille car j’ai poussé
ma sœur à se faire avorter. Il m’a même traitée d’assassin. Et le comble est
que je n’ai pas pu assister aux obsèques de Mouna. Je n’ai pas pu lui faire mes
adieux comme il se doit ! J’aimais trop ma sœur pour avoir été privée de
la voir une dernière fois.
Cela fait maintenant deux mois qu’elle nous a quittées, mais
j’ai l’impression que ça s’est fait juste hier. Je n’arrive pas à croire
qu’elle soit partie, je n’entendrais plus sa voix de petite fille gâtée, son
rire qui donnait toujours envie de rire. Son regard d’enfant apeuré qui donnait
toujours envie de la protéger. On n’a pas su la protéger ! Sinon ce
monsieur n’aurait pas pu lui faire autant de mal ; c’est lui le vrai assassin.
C’est lui qui a mis fin à la vie de Mouna.
Je me souviens du jour de la proclamation des résultats du
bac, elle était la première parmi les élèves de la série C. elle a obtenu son
diplôme avec la mention bien, elle était la meilleure. Elle méritait de profiter
de cette réussite, de son succès, elle méritait tout simplement de récolter les
fruits de son dur labeur. Elle serait devenu une excellente chirurgienne
dentiste comme elle l’a toujours rêvée ; car contrairement à Mina et moi,
les jumelles adoraient les études et souhaitaient devenir des femmes
intellectuelles et porteraient dans les hautes sphères du pays le nom de leurs
parents. Mais tout ça ne sera plus possible, rien de tout ça ne se réalisera
encore. Partie trop jeune, partie trop tôt. Arriverais-je un jour à cesser de
pleurer ma sœur, je ne le crois pas.
La voix de Rachelle ma nouvelle servante me tira de mes
pensées.
—Tantie, ta maman est là hein !
—Dit lui de venir ici s’il te plait.
—D’accord.
Maman se cachait pour venir me voir de temps à autre. Si
papa venait à apprendre ça, c’est sûr qu’il la répudierait.
—Salam Aleicoum ma chérie, comment vas-tu ?
Mes yeux se remplir de larmes comme chaque fois que je la
voyais. Je me sens tellement mal, je lui ais arrachée sa fille. Je n’aurais pas
dû me plier aux exigences de Mouna, je n’aurais pas dû la laisser avorter. Mais
je pense qu’il est un peu tard pour tous ces regrets.
—Oh maman ! Dis-je en la prenant dans mes bras. Merci
d’être venue, et surtout de ne pas m’abandonner. Je me sens si seule si tu
savais.
—Je sais mon enfant. Mais cesse de pleurer maintenant. Mouna
est partie, mais vous êtes là. Et je remercie Dieu pour cette grâce.
Comment ais je pu faire souffrir cette dame au cœur
d’or ? Comment ais je pu la faire pleurer en lui disant autant de méchancetés ?
Je ne mérite même pas qu’elle me pardonne. Je l’ai appris ou compris peut être
trop tard, mais la seule personne qui ne nous abandonnera jamais est notre mère.
Et la mienne est la meilleure.
—Comment vont les autres ? Et l’ambiance à la maison ça
va ?
Elle fit une petite moue de dépit, je compris alors que
c’est fort tendu là-bas. Et j’imagine que papa doit lui mener la vie dure.
—Tu connais ton père et son caractère! Il ne me parle toujours
pas et refuse même de manger ma nourriture. J’ai déléguée tous ceux qu’il
respecte pour qu’ils puissent intercéder en ma faveur, mais c’est toujours le
statut quo. Je ne sais même plus quoi faire ; il ne semble pas se rendre
compte que je souffre autant que de lui de la mort de Mouna. C’était mon enfant
aussi et je l’aimais peut être plus que lui. Donc imagine un peu l’ambiance à
la maison, c’est carrément insupportable comme situation.
—Maman tout ceci est de ma faute, je donnerai tout pour
revenir en arrière. Je suis tellement désolée si tu savais. Pourtant j’ai tout
fait pour que Mouna ne se fasse pas avortée, j’ai tout dis mais elle n’a pas
voulu m’écouter et m’a dit que si jamais je refuse de lui remettre l’argent,
elle ira le chercher ailleurs. J’ai eu peur qu’elle ne fasse d’autres bêtises
pour se procurer cet argent, raison pour laquelle je le lui ais donnée. Maman
j’ai tous les défauts possibles, mais jamais au grand jamais je n’aurais
sciemment mis la vie de ma sœur en danger. Dieu seul sait à quel point je l’aimais
et je voulais la protéger.
Ma mère me regarda avec compassion, aucune haine ni rancœur
dans ses yeux. Je vois bien qu’elle souffre plus que nous tous réunie, car elle
a perdu la chaire de sa chaire, le sang de son sang. Malgré tout ce chagrin et
cette peine, elle ne se départie pas de son sourire et de sa bonté. Je sais
qu’elle m’a pardonnée mes écarts de conduite, je sais qu’elle m’aime et
m’aimera toujours parce que c’est une mère et le cœur d’une mère est un abîme
au fond duquel nous trouverons toujours le pardon.
Elle est surement la seule à comprendre et partager ma
tristesse. Que ne donnerais je pas pour revenir sur mes actes. Mais il est trop
tard, Mouna s’en est définitivement allée laissant dans nos cœurs un immense
vide et une impression d’amour manqué. Et cette culpabilité qui m’étreint le
cœur est sans appel, je souffre d’une souffrance que je n’arrive pas à
qualifier, en plus d’avoir perdue ma sœur j’ai participée à sa mort. Et cette
idée me fait faire des cauchemars. J’en passe des nuits blanches. Rien que de
penser à tous ces moments de bonheur qu’on aurait pu partager je me sens encore
plus mal. Jusqu'à quand pourrais-je supporter cette situation ? Jusqu’à
quand pourrais-je supporter son absence sans perdre la tête?
Heureusement que maman est là pour me soutenir ! Heureusement
que j’ai cette femme au grand cœur et d’une compréhension sans nul pareille
pour m’épauler et m’apporter son aide du mieux qu’elle peut. Faisant fi de sa
propre souffrance, elle passe me voir pour me réconforter et m’apporter tout
l’amour qu’elle a en elle. Comme je t’aime maman!!!
—Tu sais Ayana, la vie est faite ainsi. Nous naissons, nous
vivons et nous mourrons. Avons-nous demandé la permission de Dieu avant de
naitre? Alors pourquoi voulons à tout prix contrôler notre propre destinée et décider
de la manière et du moment auquel nous voulons partir ? Mon enfant tranquillise
toi, ta sœur est partie, mais vous êtes encore là et je veux profiter de vous
avant ma dernière heure. Ta sœur a décidé de se faire avorter, et elle a payé
de sa vie ; tout ce que nous pouvons faire c’est de prier pour le repos de
son âme. Et pour que le Tout Puissant puisse lui pardonner ce péché capital.
Parce qu’elle a non seulement commis le péché de la fornication mais elle a aggravé
son cas en avortant. C’était certes mon enfant mais je suis déçue de ce qu’elle
a fait. Elle a sûrement mal fait de se faire enceinter, toutefois elle aurait
pu garder cet enfant, qui sait ce qu’il serait devenu. Mais le mal est déjà
fait ma fille, et laissons ta sœur reposer en paix. Dieu est l’ultime juge, et
remettons nous entre ses mains. Mais toi comment va ton foyer ? terminât-telle.
Mon foyer est en mode suspension pour l’instant. Je ne pense
plus à mon foyer, trop de malheurs en un laps de temps aussi court m’ont fait
perdre goût à la vie. Je ne m’occupe plus de mon lari, de toutes les façons je
ne me suis jamais occupée de lui comme je le devrais. Je sens que je le perds,
mais je n’y peux rien. Il est certes présent pour moi et me soutient du mieux
qu’il peut, mais il n’a plus cette même fougue des premiers jours. C’est normal
qu’il agisse ainsi ; car je ne fais aucun effort pour lui, pour nous, pour
notre mariage. Mais il ya autre chose que je lis dans son regard ces derniers
temps, comme de la déception, il est déçu de moi, de ce que j’ai pu faire.
Je me rappelle encore de ses mots « comment as-tu pu
aider ta sœur à se faire avorter ? Tu aurais dû en parler à tes parents, peut-être
qu’eux aurait pu la convaincre de ne pas poser cet acte qui lui a couté la vie.
Que dis-je cet acte a pris deux vies, celle de Mouna et de son enfant. Mais
hormis tes parents Ayana, tu aurais pu m’en parler. Je suis avant tout ton mari
et ton confident et je pense que tu devrais avoir confiance en moi et me
confier certaines choses. Mais non tu es juste aussi sournoise que mauvaise. Tu
as fait à ta sœur ce que tu as toujours voulu faire quand tu seras enceinte… je
me demande si je ne suis pas amené à regretter ce mariage, peut être que j’ai surestimé
cet amour que j’ai pour toi, peut être que tu ne changeras jamais et que tu resteras
toujours aussi vindicative et égoïste que tu ne l’es. J’espère que tes parents
sauront te pardonner la mort de ta sœur, parce que pour ma part je pense que tu
es en partie coupable de cette situation »
Même mon mari me tient coupable de ce qui s’est passé, lui
qui m’a toujours soutenue et qui me défends toujours. Je sais que mon père ne
me pardonnera jamais ce que j’ai fait. Je ne sais plus quoi faire ou dire.
—Maman tout va bien ne t’inquiète pas.
Je me devais de la rassurer, elle a assez à gérer comme ça.
Je ne vais pas en rajouter.
—Dieu merci. Mon enfant je vais rentrer à la maison, c’est
vrai que ton père ne me parle plus, mais je sais qu’il surveille mes faits et
gestes et c’est sûr qu’à la moindre erreur de ma part il n’hésitera pas à en
faire une affaire d’Etat. Alors il est mieux que j’évite de l’énerver.
—Déjà maman ? Ça ne fait même pas longtemps que tu es
là.
—Je sais ma chérie. Je reviendrai te voir très bientôt s’il
plait à Dieu. Je viendrais peut être avec Nafi. Mais pour faciliter ma
prochaine venue, il faut bien que j’écourte celle-ci au risque qu’il n’y ait
plus de visite du tout. Alors permets-moi de rentrer. Hum ???
—D’accord maman. Merci pour tout dis-je la prenant dans mes
bras.
Oh maman comme je t’aime !!! Je sens qu’il est impératif
que je lui présente mes excuses pour tous ces manques de respects et de considérations
dont j’ai fait preuves ces derniers mois.
—Maman !!! Murmurais-je doucement.
—Oui ma chérie.
—Je te demande pardon pour tous mes actes et mes maladresses
à ton endroit. Commençais-je. Je veux que tu sache que je suis tellement désolée
pour toute cette peine que j’ai eu à t’infliger sciemment ou inconsciemment. Je
le sais peut être un peu tard, mais tu es la seule qui ne me tournera jamais le
dos quand tout le monde me pointera des doigts. Tu es la seule qui me comprend
en dépit de toutes mes sales habitudes et ma mauvaise conduite. Celle qui sait
trouver les mots adéquats pour me rassurer et illuminer mes sombres pensées. Tu
sais trouver les paroles pour calmer et guérir mon cœur endoloris.
J’éclatais en sanglots et me mis à genoux pour lui attraper
les pieds. Ne dit-on pas que le paradis se trouve sous les pieds de nos mères ?
Toujours est-il que je cherchais le pardon et la clémence sous les pieds de la
mienne car je suis sûre d’une chose, elle détient les clés de mon bonheur entre
ses mains. Et je voulais qu’elle sache que je regrette tout ce qui a bien pu se
passer.
—Et par-delà tout ça, je veux que tu sache que je t’aime
maman, je ne te le dis peut être pas assez mais je t’aime plus que tout. Et je
te promets de ne plus jamais te décevoir. De rendre tes vieux jours aussi
heureux que tu as rendu et continu de rendre les miens. Terminais-je en serrant
encore plus ses pieds.
Nous restions ainsi pendant un bon moment, silencieux et
pleurant chacune. Elle finit par me faire lever et me repris dans ses bras.
—Je ne t’en fais jamais voulu ma fille ; j’ai peut-être
été déçue de ton comportement, mais je ne t’ai jamais détestée. Comment le pourrais-je ?
Comment pourrais-je haïr le fruit de mes entrailles ? Hum ? Tu es
pardonnée depuis longtemps, même si j’attendais que tu me le demande de vive voix.
Mais je ne déteste pas et je ne détesterai jamais. Je t’aime trop pour ça Ayana,
je t’aime d’un amour que tu ne soupçonneras jamais, tu ne le sauras que lorsque
tu auras la chance d’être mère à ton tour ; chose que je te souhaite.
Elle me tenait encore lorsqu’Aly entra dans la chambre.
—Salam Aleicoum maman ! Comment vas-tu ?
—Waleicoum Salam mon fils. Je vais bien merci et toi ?
—Alhamdoullilah tout va bien ! Je ne savais pas que tu
étais là, sinon je serais rentré plus tôt.
—Oh ce n’est pas bien grave, je suis sur le point de partir,
c’est ta femme qui se joue au bébé et ne veux pas que je parte. Taquina-t-elle.
—Mais laisse-moi te déposer alors. Proposa Aly.
—Non mon enfant ne te donne pas cette peine pour moi ;
je ne veux surtout pas déranger. Déclina maman ; par ailleurs tu viens de
rentrer et je suppose que tu es fatigué alors repose toi.
Il voulut insister, mais elle refusa catégoriquement et s’en
alla. Je restais seule avec Aly, il commença à se déshabiller sans un regard
pour moi. Cette situation me pesait beaucoup car je ne suis vraiment pas
habituée à son silence. Ne sachant quoi dire, j’essayais de lui faire la
conversation en lui demandant des nouvelles du travail. Mais un nom revenait
toujours sur ses lèvres : Zhoura.
A croire que l’amie prenait une place prépondérante dans la
vie de mon mari.
—Mais dis donc cette fille est plus qu’une amie on
dirait !
—Pourquoi affirme tu celas?
—Je n’affirme rien du tout, c’est une remarque ou si tu veux
un constat. Parce que tu ne fais que parler d’elle. A chaque fois que je te
parle de boulot son nom revient toujours. Ou bien seriez-vous devenue
partenaire d’affaire sans que je ne le sache ?
Il se retourna enfin et daigna m’accorder son attention.
—Ne parle pas de ce que tu ne sais pas très chère. Elle et
moi sommes partenaires d’affaires depuis bien longtemps ; et je la connais
depuis ma première année d’université. C’est elle qui m’a aidé à connaitre les
rudiments du métier, parce que son père détient l’une des plus grandes fortunes
de la Tunisie. Alors en ce qui concerne les affaires elle n’a plus rien à
prouver. Mais si tu es jalouse aussi tu peux le dire, je pourrai comprendre.
Sinon à part ça je ne vois vraiment pas pourquoi tu te prends la tête avec
elle.
Je piquai un fard ! Il a cette manière de me parler
maintenant qui fait que je ne le reconnais même plus.
—Je ne suis nullement jalouse. Mais je veux que tu me
respecte. Dis-je énervée.
—Mais personne ne t’a manqué de respect ici, tu fais toute
seule la pluie et le beau temps dans ta tête. Bon moi je ressors, j’étais juste
venu récupérer un document et en profiter pour me changer.
—Tu ne vas quand même pas ressortir pour me laisser toute
seule ici. Tu sais très bien que je ne me porte pas bien, alors tu pourrais
quand même rester avec moi.
—Non Ayana tu n’es pas toute seule, Rachelle est là, et si
jamais tu as un malaise appelle moi je reviendrai. Je fais un tour rapide au
bureau ; je ne serais pas bien long.
Au bureau ? À cette heure ?
—Comment veux-tu que je te crois ? Toi tu vas au bureau
un dimanche, en plus à 4h de l’après-midi ? Tu ne trouves pas que c’est
une piètre excuse pour sortir retrouver je ne sais qui ?
Il se mit à rire ce qui eut le don de m’énerver encore plus
que je ne l’étais déjà.
—Ecoute ma chérie, arrête de te prendre la tête, ok ? Je
sors pour aller au bureau. Je n’en ai pas pour longtemps, cela dit arrête de
faire ta jalouse ; et c’est sûr qu’il ne t’arrivera rien jusqu'à mon
retour.
Sur ce il me fit la bise et s’en alla. Me laissant toute
seule avec ma peine, ma douleur et surtout avec ma jalousie…