Prologue
Ecrit par Cella
Prologue
Doubaï, 2019
Elle allait revenir au Togo.
Elsa Edo tira les stores qui couvraient les vitres teintées qui lui servaient
de fenêtre et regarda la circulation qui grouillait autour de la Burj Khalifa des
centaines d’étages plus bas. Un vent sec et frais fouettait les rues d’où les
autobus jaillissaient. D’un embouteillage à l’autre, les voitures bondissaient
comme des bestioles affolées. Sans interruption, les piétons avançaient,
cramponnés à leur attaché-case ou à leur sac.
Cela avait été un véritable parcours de combattant pour elle
de s’habituer à ce mouvement perpétuel. Les premiers jours de son séjour,
traverser un simple carrefour relevait du défi. Figée au bord du trottoir, elle
ne pouvait s’empêcher de se demander, qui des taxis ou des bus dévalant les
avenues, ou de la foule qui s’énervait de sa lenteur allait l’écraser en
premier.
Comme pleins d’autres fois, elle avait serré les dents et
tenu bon. Même si elle n’avait pas acquis la fébrilité et l’élocution rapide
des autochtones, elle ne se laissait plus intimider. Quoique de nature, elle
avait une élocution très rapide, elle n’arrivait pas à s’exprimer très
rapidement en Anglais comme elle le faisait en Français.
Le temps qu’elle arrive à Dubaï, l’habitude du travail intensif et de l’abnégation
avait été prise. La fierté tenace et inébranlable, caractéristique des togolais
avait fait le reste. Elsa s’était acclimatée et avait survécu.
Aujourd’hui, ses efforts avaient enfin payées, les milliers d’heures passées à
travailler, manœuvrer, et comploter avaient presque reçu leur récompense. Nul
au monde ne pouvait imaginer combien de sacrifices et de larmes lui avait coûté le retour à son pays natal.
Elle allait revenir au Togo.
Dans son pays, vivaient ceux qui devaient expier leurs lourds péchés. Elsa
allait y veiller. Ils allaient enfin payer maintenant qu’elle avait le pouvoir
et la puissance de les y obliger.
Le front contre la vitre, elle ne voyait plus ni la foule ni les
embouteillages, mais les plages sous la brise du soir. Elle sentait déjà l’odeur
âcre de l’air marin et le parfum entêtant des algues. La saveur des mets de son
pays emplissait sa bouche. Une chaîne de montagne et de plateaux s’élevaient au
lieu des gratte-ciel et des lagunes paresseuses remplaçaient les avenues. Son
corps tout entier sentit cette atmosphère chaude et moite propre à son pays.
Elle allait revenir au Togo.
Et alors les enfers se déchaîneront.