PROLOGUE

Ecrit par Albert ley kasanda

Sur le siège arrière de la décapotable, je suis habillée en robe de mariée. Mes cheveux noirs tirés en chignon révèlent ma peau noire comme de l’ébène.


Le sourire ne m’a pas quitté des lèvres depuis notre sortie de l’église. Je regarde dans le rétroviseur pour m’apercevoir d’un regard perçant, un large sourire qui dessine des lèvres molles, et j’en ai le souffle court. 


Ce gaillard au volant n’est plus celui que j’ai connu hier. Il est désormais mon époux, pour le meilleur et pour le pire. Il me fait un clin d’œil, puis il me souffle tout doucement : « je t’aime ». 


Je suis aux anges ! Je ferme les yeux comme pour respirer ce bel air frais qui vient flatter mon odorat. Je les ouvre pour m’apercevoir d’un truck fonçant vers nous. Je ne me suis abstenue de crier son nom.


— Daniel !


Il n’a eu que le temps de freiner, cependant le chauffeur du truck ne se retient pas de nous foncer dessus tout en percutant notre décapotable. 

Je sursaute de mon lit, tout en sueur. J’ai encore fait un cauchemar. Toujours le même. Je n’ai plus sommeil, et mon cœur bat à toute allure. Je suis si effrayée et attristée que je ne me retiens de couler des larmes chaudes. 


Je me lève pour me placer devant la glace où je tire le cassier. Je tremble de la main droite pour retourner la photo de Daniel. Je fonds en pleurs, alors qu’il rit à s’en décrocher la mâchoire. Cette photo est le seul souvenir qui me reste de lui. Il y a un an, il me serrait dans ses grands bras, et me réconfortait toutes les fois où j’étais larmoyante. Aujourd’hui, il n’est plus là, et il devient la cause de mes pleurs. 


Feu Daniel Kanteng ! Il s’appelle ainsi désormais. Je n’avais que vingt-cinq ans lorsque je suis devenue veuve. Un an est passé, et pourtant la douleur est toujours là comme s’il m’a quitté hier. Je pleure d’une douleur datant de cinquante-deux semaines. Je soupire et je respire profondément. 


J’ai l’impression que le temps n’avance plus. Il est deux heures du matin et je viens de faire un effroyable cauchemar. Les moindres bruits me font palpiter, j’ai comme un courant qui me traverse le corps. Je mets des pantoufles pour prendre un verre d’eau à la cuisine. 


Je m’arrête un moment devant le bureau de Daniel que je n’ai plus ouvert depuis sa disparition. Je ne peux pas tourner la pognée, je crains le pire comme s’il s’y trouve encore. La maison semble vide depuis la mort de Daniel. Plus rien n’a de l’importance, on dirait qu’il a tout emporté avec lui dans sa tombe. 


J’ouvre le réfrigérateur pour prendre un jus d’orange. Je m’assois sur un tabouret comptant chaque minute qui passe pour qu’il se fasse jour. Passer des nuits blanches fait partie de mon quotidien.


Je sens une main se glisser sur mon épaule, ce qui me fait sauter du tabouret. Je me rends compte que le sommeil m’a emporté, et j’ai dormi dos contre mur.


J’ouvre les yeux pour voir une silhouette brouillardeuse. Une femme bronzée qui ne m’est pas inconnue. Brenda ! La seule personne qui ne passe pas une seule journée sans prendre de mes nouvelles. C’est plus qu’une amie, c’est aussi la sœur que je n’ai pas eue. Elle se dirige vers le buffet pour y prendre un verre, le temps que je me reprenne mes esprits.


— Barbara ! Ne me dis pas que tu as dormi sur ce tabouret ?


Je baille tout en esquivant sa question.


— Dis, tu veux bien me donner un verre d’eau ? Je meurs de soif.


Elle me tend le verre d’eau, et me fixe attentivement, assez pour s’apercevoir des traces de larmes séchées.


— Tu t’es encore mise à pleurer, c’est ça ?


Je reste silencieuse un bon moment. Je n’ose dire un seul mot. Elle s’approche, et me caresse la joue, puis tout remonte en moi tel un torrent, je ne peux plus tout garder pour moi.


— Ah ! Brenda, c’est encore Daniel.


Elle fronce les sourcils. Je peux voir de la haine dans ses yeux.


— Comment ça Daniel ? Je n’y comprends rien.


Je ne raconte jamais mes mauvaises expériences nocturnes. Je préfère tout garder pour moi, souffrir en silence. De toutes les façons, rien ne changera même si j’en parle. C’est la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Je ne me retiens de rouspéter en montant les escaliers vers ma chambre.


— Je n’y comprends rien, ça commence à me lasser. Je ne sais pas pourquoi, mais je ne passe que des nuits blanches depuis cet accident où est mort Daniel. J’ai la sensation d’être coupable de ce qui lui est arrivé.


Elle attrape mon poignet et m’arrête dans ma démarche accélérée.


— Arrêtes de te torturer ! Tu n’y es pour rien dans la mort de Daniel. C’était un accident et Dieu grâce, tu en es sortie vivante.


Ces mots viennent ressasser ma douleur, que j’en ai soupiré.


— Vaut mieux ne plus en parler ! Dis-moi, tu es matinale aujourd’hui.


— C’est pour le travail que je suis ici. Il se passe que l’état de monsieur Georges ne fait que s’empirer, et il doit être remplacé obligatoirement.


— Il ne manquait plus que ça, dis-je en tournant la poignée de ma chambre, un nouveau patron. 


Depuis deux ans, je travaille comme secrétaire dans une agence immobilière. L’ancien patron comprenait souvent mes absences et même mes retards, ce qui ne sera certainement pas le cas pour le nouveau. 


Brenda aperçoit un portrait sur ma table de maquillage, elle s’en approche et la retourne cependant elle est surprise de voir une photo de Daniel roder dans la maison.


— Non ! Dis-moi que c’est une mauvaise blague. Que fait la photo de Daniel par ici ?


— Ah ! Ranges-moi ça dans le tiroir, grogné-je.


Elle a l’air déçu, elle tire ses cheveux bruns en arrière, sans pour autant dire un mot, elle sort de la chambre tout en claquant la porte. Je comprends parfaitement sa réaction, et pourtant elle doit aussi me comprendre ; on parle de mon défunt époux, celui que je croyais être l’homme de ma vie, et qui finalement m’a abandonné plutôt que je ne l’espérais. 


Devant Dieu et devant les hommes, on s’est juré amour, fidélité, jusqu’à ce que la mort nous sépare, mais non ! On n’a pas vécu ce bonheur, ni savouré cet amour, en revanche il est parti, me laissant veuve le jour de mon mariage. Ce jour qui devait être le plus beau jour de ma vie s’est transformé en deuil, en souffrance. Je veux aussi l’oublier, je donnerai tout pour… Mais je ne peux pas, même la mort n’a pas pu nous séparer, c’est plus fort que moi. 


JUSQU'À CE QUE LA MO...