Prologue ...
Ecrit par Alexa KEAS
Devant les larmes incessantes de ma mère implorant
leur aide pour soigner mon père gravement malade et amené dans cette clinique
depuis hier, elle renchérit.
-Vos larmes ne vont rien changer, ce n’est pas ça
qui va acheter les médicaments ou payer les frais d’hospitalisation ici.
- Soignez-le s’il vous plaît, nous règlerons la
facture une fois qu’il sera sur pied je vous en prie ! Finit par balbutier ma
mère la voix cassée pour avoir trop pleuré.
-Madame, nous ne fonctionnons pas comme ça ici, je
vous le répète depuis hier, soit vous avez l’argent, soit vous repartez !
-Donnez-moi deux petites heures, je vais aller
chercher l’argent mais s’il vous plaît, commencez par le soigner avant mon
retour, je promets de tout régler d’ici là.
-Je vous conseille quand même de faire vite sinon
emmenez déjà votre malade ailleurs, pas question qu’il meurt ici pour que les
mauvaises langues l’interprètent par une incompétence imaginaire de notre part
! Nous tenons à notre réputation ici.
L’argent ! Cet argent que d’autres ont à n’en
savoir que faire dans ce pays, voilà ce pourquoi nous sommes autant humiliés
presque tous les jours de notre vie. Un chanteur a dit, la voix d’un riche est
douce comme le miel alors que la voix d’un pauvre est amère tel le goût de la
nivaquine !
Je m’en veux d’être si impuissante face à cette
situation, je ne survis qu’à l’aide de petits boulots et de l’aide de l’état
accordée aux étudiants. Le petit commerce de bouillie et de beignets de maman
ne lui rapporte pas assez pour gérer les factures de notre appartement d’une
chambre-salon et les ordonnances engendrés par la santé fragile de mon père.
Déjà diabétique, le manque de soin adéquat lui vaut
des crises répétitives. La voix de maman me tira de mes pensées.
-Naomi, je vais à la maison prendre certains pagnes
qui me restent encore et voir Moussa pour qu’il me donne un peu d’argent pour
les soins de ton père. Viens avec moi et pendant que j’irai voir Moussa tu
pourras faire un peu de soupe qu’on amènera à ton père. Il doit avoir faim,
viens dépêchons nous.
Quelle vie ! Voilà ma mère qui se trouve maintenant
obligée de vendre ses pagnes pour avoir un peu d’argent. C’est dans ce genre de
situation que je doute sincèrement qu’un Dieu existe, du moins un Dieu qui
écoute les prières de ma famille. Depuis dix ans que mon père a perdu son
travail qui nous assurait le nécessaire pour vivre, toutes tentatives de sa
part pour en trouver un autre ont été vaines. Il s’est résolu à faire de petits
boulots par ci et par là pour prendre soin de sa famille mais depuis peu sa
santé ne lui permettait plus de travailler. Les amis, collègues et parents qui
étaient souvent présents chez nous nous ont tourné le dos.
Tant bien que mal, j’ai réussi brillamment à mon
bac et en attendant de finir mon parcours de Licence en Economie et Gestion à
l’université de Lomé espérant décrocher un bon boulot par la suite pour venir
en aide à mes parents, je suis là incapable de sortir le moindre petit sou pour
payer les soins de papa.
Mes camarades et ma meilleure amie Flora me l’ont
assez répété, Naomi tu es une belle fille, trouves toi un homme qui s’occupe de
toi et de ta famille. Non, je ne suis pas le genre de fille à coucher pour de
l’argent et les hommes je préfère m’en éloigner le temps qu’il faut après ma
douloureuse expérience passée avec Marc.
Les prétendants ne manquent pas, de toutes les
classes d’ailleurs ! Tous me promettant monts et merveilles mais non, je
préfère me contenter du peu que j’ai et m’en sortir par mes propres moyens. Fais-toi
entretenir par un homme et il pensera avoir tous les droits sur toi. Ça non je
ne veux pas et aussi je préfère me concentrer sur mes études car c’est ce qui
va m’assurer une meilleure situation plus tard.
-Naomi, tu m’écoutes ? Dit ma mère
-Oui maman, allons-y.
*
*
Une fois à
la maison, je rassemblai le peu d’ingrédient que nous avions pour faire un
petit repas mangeable à mon père pendant que maman alla voir Moussa, le
boutiquier du quartier avec ces pagnes pour qu’il puisse nous prêter un peu
d’argent.
Une heure après, j’avais presque fini ma cuisine
quand je reçu la visite de ma meilleure amie Flora qui venait aux nouvelles
après que j’ai dû là quitter quelques heures plus tôt à la fac pour me rendre à
la clinique suite à l’appel de maman.
-Comment va ton père ? Me demanda-t-elle
Je m’appliquai alors à lui raconter la situation et
aussi le fait que maman soit allée prêter de l’argent avec ses pagnes comme
caution.
Flora en était indignée et elle me sortit son
éternelle chanson !
-Naomi, tu te rends compte de la situation ?
Comment une grande fille comme toi peut laisser des choses comme ça se produire
? Tu es là ici toute tranquille regardant ta mère aller remettre ses pagnes
comme caution pour avoir un peu d’argent pendant que là dehors il y a plein de
ces gars prêts à tout pour toi.
-Flora s’il te plaît, tu ne vas pas recommencer !
-Recommencer quoi Nao ? Je ne te demande pas
d’aller faire les rues à Dékon (Quartier chaud de Lomé), trouves toi juste un
homme avec une bonne situation pouvant t’aider ! Tiens, Léo par exemple, il te
poursuit depuis bientôt un an et toi tu ne lui accorde même pas un regard. Il
est jeune, beau et avec une bonne situation, c’est quoi ton problème au juste ?
Flora fut interrompu par ma mère qui visiblement en
rentrant avait entendu une partie de notre conversation.
-Flora, je t’aime beaucoup et je te considère comme
ma seconde fille sinon je t’aurais chassé de cette maison avec ces conseils que
tu donnes à ma fille ! Menaça ma mère.
-Maman, excuses moi, je ne veux que…
-N’en rajoute pas s’il te plaît Flora, c’est bon.
Dieu pourvoira à nos besoins, penses à tes études plus tôt qu’aux poches des
hommes et ne donnes plus ces mauvais conseils à ta sœur !
-D’accord maman, j’ai compris. Je prends congé de
vous, je dois retourner aux cours.
-C’est bien, vas-y ! Naomi te rejoindra après
Après le départ de Flora, maman m’apprit qu’elle
n’avait pu obtenir que 20milles francs chez Moussa, ce qui était loin de payer
le tiers des soins de mon père. Néanmoins elle était confiante qu’un miracle se
produise. Repas emballé, nous reprîmes la route pour la clinique et une fois
sur les lieux, nous nous confrontons à la dure réalité de l’état de mon père
qui s’empirait.
Les malheureux vingt milles de ma mère ne pouvaient
vraiment rien faire et cette fois les menaces de rentrer avec notre malade
étaient devenues encore plus sérieuses de la part des infirmières. Il avait
besoin d’injections d’insuline et d’autres soins, son état était vraiment
grave.
*
*
*
Assise sur un banc dehors, je repense aux propos de
Flora, elle n’a pas tout à fait tort finalement ! Je ne peux pas regarder mon
père mourir sans rien faire, je vais appeler ce Léo. Surement m’aidera-t-il.