Prologue

Ecrit par Mona Lys

Prologue



MURIMA TATIANA ITSIEMBOU


J’ouvre difficilement les yeux et je remarque tout de suite que je suis dans une chambre d’hôpital. Je suis frappée par une atroce migraine. Je grimace de douleur en tentant de me lever. Des mains me retiennent.


‒ Hey reste tranquille !


Je reconnais la voix de Daniel sans l'avoir encore vu. Je le regarde enfin.


‒ Pourquoi suis-je ici ? Que s'est-il passé ?


L’expression de son visage devient grave.


‒ Tu as consommé.

‒ QUOI ????


De brefs souvenirs me reviennent. Je me vois me déshabiller devant Derrick et…


‒ Non, non non ! Oh mon Dieu ! Daniel dis-moi que vous n'étiez pas avec les partenaires ?

‒ Si !

‒ Oh mon Dieu !! Qu’ai-je fait ? Non ce n’est pas possible. Et Ricky ?


Il se passe nerveusement la main sur son visage. Je comprends que quelque chose ne va pas.


‒ Il m'a demandé de te conduire ici. Il n'a pas voulu venir. 


Une boule se forme sur mon cœur.


‒ Non ! Seigneur pas ça ! Daniel je n’ai rien fait. Je n'ai rien pris depuis deux ans. Je te le jure.


Il baisse la tête encore plus embarrassé. Je retire d'un coup la seringue de ma main.


‒ Je dois aller lui parler. Je dois lui expliquer.

‒ Non attends, reste tranquille, me retient-il. Tu as beaucoup vomi et tu as perdu beaucoup de force. Tu dois bien te reprendre avant de te lever.

‒ Non. Je dois lui expliquer. Il doit être déçu. Je t'en prie ramène-moi.


Il ouvre la bouche.


‒ Je t'en prie, le supplié-je la voix cassée.

‒ Ok laisse-moi parler au Docteur.


Une heure plus tard, j'entre à petits pas chez moi. Je me rappelle maintenant de tout. J'avais mis la petite au lit lorsqu'on a sonné à la porte. J'ai ouvert et n'ai vu personne. Mais au moment de refermer la porte j'ai senti quelque chose être aspergée dans mes yeux. Je ne sais pas si j'ai perdu connaissance mais je sais que quand j'ai ouvert les yeux je n’étais plus dans mon état normal. J’étais droguée au plus haut point. Je n’étais plus maitresse de moi. Il y avait des seringues sur la table et de la cocaïne. Dans mon état second j'ai aspiré une grande quantité. Après j'ai vu Derrick rentrer avec des hommes. J'ai fait plein de bêtises et parmi elles je me suis déshabillée devant tous avant de vomir sur l'un des hommes qui accompagnaient mon mari. Seigneur c'était les partenaires qui devaient signer un contrat avec lui pour faire décoller notre entreprise. Qu’ai-je fait mon Dieu ?


Derrick est assis dans le fauteuil la tête entre les mains. Non loin de lui sont posées mes valises. Mes larmes se mettent à couler à flot. Je marche doucement vers lui, le corps tremblant comme une feuille morte qu’on piétine.


‒ Bébé !


Il ne me répond pas. Il demeure dans sa position. Tout mon corps est pris d’horrible frisson. J’étouffe mes sanglots pour avoir assez de force devant cette situation.


‒ Bébé, je t'en prie parle-moi !

‒ Ramasse tes affaires et sors de ma maison.

‒ Bébé, je n'ai rien fait.

‒ VRAIMENT ? Hurle-t-il en se levant d'un coup me faisant reculer. Dans ce cas pourquoi t'ai-je trouvé complètement shootée ? Pourquoi il y avait toutes ces poudres et ces seringues sur cette table ?

‒ Je…

‒ Donc tout ce temps tu te foutais de ma gueule ? Tu me faisais croire que tu étais clean alors que tu te shootais en cachette.

‒ Bébé, je te jure sur la vie des enfants que je n'ai rien pris depuis deux ans. Je suis guérie.

‒ FOUTAISE !


Il balance à mes pieds une boite qui contient tout type de drogue. Je ne la reconnais pas.


‒ Je t’ai pardonné toutes les fois que tu as chuté. Je t'ai pardonné d'avoir plus d'une fois mis la vie de Travon et Will en danger. Je t'ai soutenu tout le temps. J'ai tourné dos à ma famille, à mon héritage, à mes privilèges, POUR TOI. Mon père est mort en me détestant parce que je voulais vaille que vaille épouser une junkie.


Je ferme les yeux, accusant le coup.


‒ Moi, gosse de riche, j'ai accepté de vivre dans la misère rien que pour être avec toi. Je t'ai épousé avec le peu d'argent qui me restait, je t'ai sorti des fumoirs, je t'ai donné un toit, de l’amour, une famille. Que diable ne t'ai-je pas donné encore ? Je t’ai fait manquer la prison une dizaine de fois quand tu te faisais prendre avec la drogue par la police. Cinq fois avant et pendant la grossesse de Travon. Trois fois pendant la grossesse de William. J’ai dépensé de l’argent pour tes cautions. J’ai soudoyé des flics pour qu’ils te relâchent en douce. J’ai essuyé tes vomis partout dans cette maison, même en présence de Travon qui pleurait à chaque fois qu’il te voyait drogué. JE T’AI SUPPORTÉ PUTAIN. Mais malgré tout ça tu trouves encore le courage de te droguer de la sorte, dans cette maison où vivent nos trois enfants. COMMENT ???


Je sursaute.


‒ Tu m'as humilié devant ceux qui étaient censés devenir des partenaires d’affaire. Tu en as embrassé un et vomi sur un autre. Tu t'es mise nue devant tous ces hommes. MA FEMME S'EST MISE NUE DEVANT CES HOMMES. Xandra pleurait dans son berceau quand nous sommes arrivés. Comment as-tu pu faire une telle chose Murima ? Après tous ces sacrifices que j'ai fait pour toi.


J’éclate en sanglot.


‒ Je sais qu’il est difficile de me croire mais je t'en prie fais-le. C'est un piège. J'ai été endormie puis droguée.

‒ Donc là aussi c’est un piège ?


Il jette à mes pieds une enveloppe. Je la récupère et je tombe des nues lorsque je vois des photos de moi dans notre lit conjugal avec un autre homme.


‒ Non, c’est faux. Je ne t’ai jamais trompé. Non jamais. Je suis sûre que ce sont eux qui ont manigancé tout ça.

‒ Dans ce cas va les rejoindre pour qu'ils me foutent enfin la paix. 

‒ Ricky…

‒ SORS DE MA MAISON.


Il tire mes valises vers la porte. J'essaie de l'en empêcher en le suppliant de me croire. Il est très en colère, ce qui est très rare chez lui. J'ai tellement mal qu'il ne me croit pas. Qu'il me croit capable de foutre ainsi notre famille en l'air. Alors que nous luttons avec mes valises, des coups sont donnés sur la porte. Il lâche tout et va ouvrir. C’est la police. L’un présente sa plaque.


‒ Bonsoir Monsieur. Nous sommes la brigade anti-stupéfiant. Sommes-nous bien chez les WILLAR ?

‒ Oui.

‒ Nous avons un mandat de perquisition. Nous avons eu vent qu’il y aurait chez vous une importante quantité de drogue d’un groupe de dealer qui sévit en ce moment. Et Mme Murima WILLAR serait un moyen de faire circuler cette drogue plus facilement.


Derrick se retourne et me regarde. Je ne comprends rien.


‒ Vous pouvez entrer, leur permet-il.


Ils se précipitent tous à l’intérieur et commencent les fouilles. Derrick vient vers moi.


‒ S’il trouve quoi que ce soit, je te tue de mes propres mains, me chuchote-t-il.


Je me contente de verser une larme. Nous restons là à les regarder. Derrick suit ceux qui vont dans notre chambre. Ils reviennent quelques secondes plus tard avec un énorme sac noir. Quand le flic l’ouvre, j’ouvre grandement les yeux.


‒ Non, non. Ce n’est pas à moi, dis-je précipitamment pour me défendre en secouant les mains.


Le policier en sort une arme et un portable. Il les examine.


‒ Cette arme correspond à celle utilisée pour le meurtre d’un collègue policier et dans ce portable se trouve les contacts de gang que nous traquons.

‒ Non. Il n’est pas à moi ce sac.

‒ Mme Murima WILLAR, vous êtes en état d’arrestation pour trafic de drogue et complicité de meurtre.

‒ Non je n’ai rien fait. Derrick !


Derrick le regarde me menotter sans rien faire. Je supplie, pleure pour qu’il réagisse mais rien.


‒ Monsieur l’agent, je vous jure que je n’ai rien à voir dans cette histoire. C’est un coup monté. Vous devez mener une enquête.   


Je regarde Derrick mais il ne bouge pas d’un centimètre. Il regarde la police me conduire hors de la maison.


‒ DERRICK JE N’AI RIEN FAIT, hurlé-je en luttant avec le policier qui me tient. BEBE CROIS-MOI POUR L’AMOUR DU CIEL. DERRICK !!!!!!


*Mona

*LYS  


‒ Pour les chefs d’accusation suivants : détention et consommation de drogue et complicité de meurtre d’un officier de police, vous êtes condamnée à Quarante ans de prison ferme. La séance est levée.


J'entends Mélodie hurler de douleur dans mon dos. Je ferme les yeux et laisse couler mes larmes. Ma vie vient d’être gâchée à tout jamais. Je suis condamnée pour des choses que j’ignore. Je me tourne vers Mélodie qui me prend dans ses bras malgré les interdictions. Daniel essaie de la calmer du mieux qu'il peut malgré sa tristesse. Derrick n'est pas venu. Il n'a pas non plus cherché à me voir pour entendre ma version des faits. Il me croit déjà coupable. Mon Dieu qu’ai-je fait pour mériter cela ? Je sais que je n'ai pas un passé glorieux. J’étais une toxicomane, je fréquentais des dealers. Mais pour Derrick et nos enfants j’ai changé. Je ne suis plus la même. Je n'ai plus touché à la drogue et à la cigarette depuis deux ans. Je l'ai fait pour sauver mon mariage et être une bonne mère. Je me suis battue pour y arriver mais aujourd’hui on me condamne pour ça alors que je suis innocente. J'ai pourtant expliqué les faits, mais tout me condamnait et mon passé n’était pas pour arranger les choses. Je vais donc passer Quarante ans en prison. Je sortirai vielle.


‒ Prends soin de mes enfants je t'en prie, dis-je à Mélodie sous mes larmes. Aime-les autant que Samuel.

‒ Je le ferai. Je te le promets.

‒ A bientôt.


***VINGT-DEUX ANS PLUS TARD***


La grille s'ouvre pour me laisser passer. Quand je franchis le seuil de cette satanée prison, je ferme les yeux et souffle un très grand coup. Enfin libre. Après vingt-deux ans je suis enfin libérée pour bonne conduite. J'ai pleuré de joie lorsque mon Avocat m'a tenu informé. Je n’ai cessé de demander à Dieu un miracle parce que je ne me sentais pas capable de rester dans cette prison pendant Quarante ans.


Dieu a entendu mes pleurs. Il a entendu mes cris de détresse.


Personne n'est venue m’accueillir parce que personne ne sait que je suis sortie plus tôt que prévu. Mélodie et Daniel ont fini par m’abandonner. Après juste deux mois, ils ont disparu. Plus de visite, plus d'appel, plus de nouvelle. J'ai été abandonné à mon propre sort. J’ai passé des nuits blanches à pleurer ma solitude. Tout le monde m’avait abandonné. Seul Josky venait me voir les deux premières années pour m’inciter à retourner près de lui en échange de ma liberté. Je lui ai fait comprendre que je préférais mourir en prison que de retourner dans ses fumoirs, encore moins lui servir de pute.


J’ai commencé à consommer de la drogue et en vendre à l’âge de 16 ans après la mort de mes parents. J’étais retournée au Gabon avec la famille pour les funérailles après lesquelles j’ai été traitée comme une moins que rien. J’étais devenue la bonne à tout faire chez mon oncle paternel. Des coups j’en recevais à chaque seconde de sa femme. J’ai alors fugué et c’est ainsi que j’ai intégré un groupe de jeune qui vendait de la drogue pour s’en sortir. Je vivais avec eux mais après quelques mois, Derrick est venu m’y sortir. Nous sommes revenus ensemble ici en Angleterre. Mais malgré ça je me suis encore attachée à une bande de dealer. La bande de Josky. Il a fait de moi sa meilleure vendeuse en juste trois mois. Il partageait la moitié de ce que je gagnais alors qu'avec les autres il prenait une plus grosse part. Mais c’était aussi parce qu'il était amoureux de moi. Il ne m’avait cependant jamais touché parce que j’étais trop petite pour supporter son calibre mais surtout parce que je lui avais fait savoir que je n’étais pas intéressée par lui. Derrick et moi nous nous sommes disputés plus d’une fois parce que j’étais très entêtée. Il n’acceptait pas que, vivant sous son toit, je puisse mener cette mauvaise vie. Il était mon tuteur mais je l’ai fait baver. Mais mon entêtement a pris fin ce soir-là où nous avons fait l’amour pour la première fois. Il avait pris non seulement ma virginité, mais avait pris aussi mon cœur cette nuit. Je tombais amoureuse de lui, mais aussi enceinte de notre premier enfant.


Avec le peu d'argent qu'une des détenues m'a filé, je me prends une chambre dans un Motel. Cette détenue qui est plus âgée que moi a été comme une mère. J'étais tellement jeune avec mes vingt-trois ans qu'elle m'a tout de suite adoptée. Elle était à mes petits soins. Elle m’avait confié que je lui rappelais sa fille qu’on l'a accusé d’avoir tué alors que non. Elle en a pris pour 50 ans mais avec l’âge qu'elle avait il y a vingt-deux ans en arrière je crois qu'elle passera toute sa vie en prison, sauf si un miracle se produit comme avec moi.


Après trois jours de recherche, je retrouve enfin la maison des WILLAR. Il ne m'a pas été si difficile d’obtenir l’adresse vu que Derrick s'est fait un nom dans le monde des affaires. Mes lunettes de soleil plaquées sur mon visage et le foulard me couvrant la tête, je marche vers la maison. Mon cœur bat à mille à l'heure. J'ai hâte de voir mes enfants. Mes trois bébés. Vingt-deux longues années loin d'eux. Quel calvaire !  J'ai pourtant supplié Derrick de les emmener me voir ne serait-ce qu’une seule fois mais c’était trop lui demander. J'ai vu seulement deux fois à la télé Travon en compagnie de son père dans des soirées de gala. Hier j'ai fait des recherches sur le net mais aucun d'eux n’utilise Facebook. Ou du moins de façon personnelle. Mais j'ai néanmoins vu des photos d'eux. Mon bébé est devenu si beau. Encore plus que dans son enfance. J'ai aussi hâte de voir Will et ma petite Alexandra. Elle n'avait que six mois lorsque je me faisais arrêter. Je ne sais donc pas à quoi elle peut ressembler maintenant.


Je sonne à plusieurs reprises lorsqu'un homme en tenue vient vers moi. De l’extérieur cette maison est gigantesque. Derrick s'en est vraiment bien sorti.


‒ Bonjour Madame. Comment puis-je vous aider ?

‒ Bonjour. Suis-je bien chez la famille WILLAR ?

‒ Oui. Qui souhaitez-vous voir ?

‒ Toute la famille si possible.

‒ Et vous êtes ?


Le klaxon d’une voiture m'interrompt. Il me demande de me décaler pour permettre à la voiture de sortir. J’obéis. Une magnifique BMW sort de la concession. Je lève ma main en espérant que ce soit Derrick qui se trouve à l'intérieur. La vitre arrière se baisse et je reconnais tout de suite l'occupant.


‒ Djénéb !


Elle me regarde longuement. J’ôte mes lunettes et mon foulard. Son visage se déforme sous le choc. Elle sort prestement de la voiture.


‒ Tan… tantine ?

‒ Oui Djénéb c'est moi, répondé-je en souriant du fait qu'elle m'ait reconnu.

‒ Oh mon Dieu !


Elle se jette dans mes bras et ce sont des sanglots qui s'en suivent.


‒ Merci Seigneur pour tout. J'ai tellement prié pour qu'on te libère. Merci mon Dieu. Tantine viens monter.

‒ Pour aller où ? Je veux voir mes enfants. Sont-ils là ?


Son air devient grave.


‒ Tantine, beaucoup de chose se sont passées. Tu ne peux pas les voir comme ça.

‒ Pourquoi ?


Elle soupire.


‒ Accompagne-moi on va s’asseoir quelque part pour parler.


Son ton me fait peur. Je monte dans la voiture à sa suite et quelques minutes plus tard nous nous installons dans un petit fast-food. Durant le trajet elle n'a pipé mot. Le serveur nous apporte des jus de fruit.


‒ Oui dis-moi ce qui se passe. Pourquoi je ne peux pas voir mes enfants ?

‒ Tantine, quand tu es allée en prison, tonton leur a dit que…


Elle marque une pause, de plus en plus embarrassée.


‒ Il leur a dit quoi ?

‒ Que…

‒ Mais parle Djénéb.

‒ Que tu étais morte.


Je sens mes forces me quitter.


‒ Quoi ? Il n'a pas osé dire ça à mes enfants ?

‒ Moi je ne voulais pas qu'il dise une telle chose. Un jour j'ai dit à Travon que c’était faux mais tonton m'a surpris et il m'a menacé de me ramener dans la rue où tu m'as prise. Comme j'avais peur et que je ne voulais retourner, j'ai fermé ma bouche.

‒ Donc… mes enfants pensent que je suis… morte ?

‒ Oui. Tonton a aussi brûlé toutes tes photos donc je ne crois même pas qu'ils puissent te reconnaître.

‒ Mon Dieu !


Derrick me détestait à ce point-là ? Me faire passer pour morte aux yeux de mes propres enfants. Seigneur pourquoi ? C'est pour eux que je me tenais à carreau en prison pour avoir la chance de sortir tôt et les retrouver mais là on me dit qu'ils ne savent même pas que j’existe. Mes yeux me picotent et malgré mes efforts mes larmes coulent comme ruisseau. Je pleure en silence devant Djénéb qui pose affectueusement sa main sur la mienne.


‒ Je suis désolée tantine. Ce n'est pas ma faute.


Je relève les yeux vers elle sans cesser de pleurer.


‒ Comment vont-ils ? Comment ont-ils vécu mon absence ?

‒ Mal. Travon pleurait tous les jours, William aussi. Même jusqu’à aujourd’hui il arrive à Travon d’être triste et quand je lui demande il me dit qu'il a mal de ne plus savoir à quoi tu ressemblais. Il a mal d'avoir oublié ton visage. Il sait juste que tu as été là un moment et après plus rien. Mais il est fort. Des trois, c'est lui le plus courageux. Il a pris ton intelligence. C'est lui-même qui gère avec son père l’entreprise familiale.

‒ Et ma petite princesse ?

‒ Elle est encore à l'Université. Mais je te préviens, elle est très capricieuse. Tonton l'a trop gâté.


Je souris.


‒ Elle était la prunelle de ses yeux. Il a toujours aimé les filles. Aucun n'est marié ?

‒ Si. Travon, depuis deux ans mais il n'a pas encore d'enfant. Lui et sa femme sont venus vivre à la maison à cause d'un incendie qui a brûlé l’immeuble où ils vivaient. Donc le temps que leur maison en construction soit terminée ils sont avec nous. Xandra n'a pas encore présenté d'homme donc je suppose qu'elle est célibataire. Et Will…


Elle baisse les yeux et l’embarras reprend forme sur son visage.


‒ Quoi Will ?

‒ Lui et tonton sont comme chien et chat.

‒ Pourquoi ça ?


Elle se tire les doigts.


‒ Will… Will se… il se drogue.


Je ferme les yeux. Pas mon bébé. Pas lui.


‒ Il lui arrive de découcher pendant une semaine et il revient tout débraillé. La drogue, l’alcool, la cigarette et les femmes. Voici son quotidien.

‒ Mon Dieu ! Lâché-je dans un sanglot.

‒ Il refuse de travailler dans l’entreprise malgré les engueulades de son père. Tonton lui a donc arraché son appartement pour l'obliger à vivre aussi dans la grande maison afin d’avoir un œil sur lui. Actuellement la maison est calme parce que tonton a voyagé et Will a encore disparu.


Je me sens coupable de l'état de mon fils. J’en suis peut-être la cause. Lorsque j’étais enceinte de lui j'ai consommé de la drogue plus d’une fois et pendant que je le nourrissais au sein, j'ai encore pris de la drogue. La drogue était ma plus grande faiblesse mais lorsqu’un jour j'ai failli le tuer après en avoir consommé, j'ai finalement mis fin à tout ça. Je me suis battue contre mes démons pour m'en sortir et j'avais réussi jusqu’à ce jour où j’ai été drogué de force.


‒ Ok. Je veux faire partie de leur vie.

‒ Tantine…

‒ Oui je sais ils me croient morte. Je veux donc me rapprocher d'eux d’une autre manière

‒ Comment ?


Je me réfléchis à la recherche d’une bonne idée. Ça fait subitement tilt dans ma tête.


‒ Je veux entrer dans la maison en tant que servante.

‒ Quoi ?

‒ Fais-moi entrer dans cette maison. S'il faille que je sois une boniche pour pouvoir voir mes enfants et être près d'eux je le ferais. Je ne veux plus vivre loin d'eux. Je les veux tout près de moi. Je vais me rapprocher d'eux au fur et à mesure puis quand ils seront habitués à moi je leur dirai qui je suis. S’ils apprennent que je reviens de prison, ils risquent de me détester. Je dois d’abord me faire accepter et aimer par eux. Tu comprends ?

‒ Mais tonton risque…

‒ Derrick j'en fais mon affaire. Tu as dit qu'il était en voyage non ? Bah lorsqu’il reviendra je serais déjà installée. S'il veut me foutre à la porte je ferais un scandale. On verra qui aura le plus à perdre.

‒ D’accord tantine. De toutes les façons c'est moi la chef des employés et c'est moi qui gère les salaires. On cherchait justement une troisième servante. Je travaillais avec une jeune fille parce qu'il n'y avait pas assez de personne dans la maison mais maintenant que tout le monde est là nous avons besoin de renfort. Je vais donc te faire embaucher. Surtout que tu dois avoir besoin d'argent.

‒ Merci. La vie est drôle. Toi qui fus autrefois la nounou de mes enfants, te voilà devenu ma chef.

‒ Tantine je ne peux jamais être ta chef. C'est toi qui vas nous gérer. Je te suis trop reconnaissante de m'avoir sortie de la prostitution. C’est grâce à toi si j’en suis là aujourd’hui.


Je lui caresse la main.


‒ Tu es gentille.

‒ Mais tantine, il y a une dernière chose.

‒ Quoi encore ?

‒ Tonton, son voyage, au fait…

‒ Djen parle.

‒ Il est allé en lune de miel avec sa femme. Ils se sont mariés il y a deux semaines.


J'accuse le coup.


‒ Ok. Ma priorité ce sont mes enfants. Derrick fait partie de mon passé.


En plus, avec tout ce qu'il m'a fait je le déteste. Je lui en veux de m’avoir abandonné et maintenant de m’avoir fait mourir aux yeux de mes enfants. Je vais uniquement me concentrer sur eux. Ma seule priorité dans la vie c'est de les récupérer. Quel qu’en soit les risques.


Murima Tome 1