Prologue

Ecrit par L'UNIVERS DE JOLA

Prologue



J'ouvre les yeux et je tourne la tête vers le réveil qui est posé sur la petite planche qui trône au-dessus de quatre briques de ciment et qui me sert de table de chevet de mon lit et je remarque qu'il est 3 h 58, je me suis réveillée 2 minutes avant le réveil. Je reste ainsi pendant les 2 minutes les yeux ouverts pour qu'ils s'habituent à la pénombre des ténèbres qui règnent dans la pièce faute de lumière. Lorsque je constate que c'est bon, je me redresse et m'assois sur le lit avant de tourner ma tête sur le côté pour regarder mes trois petits anges qui sont encore endormis, les pieds les uns sur les autres. Je souris toute seule en les regardant. Ces trois enfants sont toute ma vie, la seule raison pour laquelle j'accepte de me réveiller chaque matin et d'aller affronter ce monde cruel. 


Le réveil se met à sonner, 4 h 00. Je me retourne, tends ma main et l'éteint. Je me décide alors à descendre et me mettre à genoux au pied du lit. J'ouvre la bouche et comme s'il y avait un bouton dans ma bouche que quelqu'un actionnait pour laisser sortir toute le musique qui est en moi et que je n'accepte de faire sortir que chaque matin à mon réveil et chaque soir à mon coucher, ma voix s'élève automatiquement en chanson et sans que je ne puisse me contrôler, j'enchaîne des adorations "Gloire à notre Dieu", "Saint, Saint, Saint est l'Eternel des armées", "Tu es le plus beau de tous les fils de hommes" etc. J'alterne entre musique et prière, tantôt en français, tantôt en langue dite "des anges". C'est ainsi que cela se fait, je prie et je chante en langue sans que je n'arrive à me contrôler et je peux sentir que l'atmosphère dans la salle est saturée d'une présence qui dépasse l'entendement humain, toutefois je ne m'en formalise pas car je suis un peu déconnectée de la réalité. 


Quand je décide de fermer ma bouche pour ne plus chanter, je reviens petit à petit dans le temps présent et je distingue quatre voix autour de moi que je reconnais comme celles de Kilian, Lilian et Ethan mes trois enfants et aussi celle de maman Jeanne, la femme que je considère comme ma mère et qui m'a sauvé de la mort à plusieurs reprises maintenant. Je ne sais pas à quel moment ils sont venus me rejoindre en prière mais quand j'ouvre les yeux, je les vois tous à genoux à mes côtés en train de prier. Je tourne la tête vers le réveil et constate qu'il est presque 6 h 30. 


Moi: (Dans ma tête) Encore ? J'avais dit que j'allais seulement prier pendant une heure. C'est à cause des choses comme ça que j'évite de chanter, maintenant je serai en retard pour le marché. Je n'aime 

Maman Jeanne : (m'interrompant dans mes réflexions) NZAOU au lieu de nous gaspiller la belle communion que nous avons faite ce matin avec le Seigneur, il faut prier pour la fin on va quitter ici. 

Moi : (tournant ma tête dans sa direction) Oh. 

Maman Jeanne : (les yeux toujours fermés) Oh de quoi? Tu crois que je n'ai pas entendu ce que tu as pensé dans ta tête tout de suite ? J'ai dit de prier pour boucler les moments, on va partir. 


Je me suis tue et j'ai continué à la regarder en silence. Cette femme, il y a des jours où je la regarde et je me demande si elle n'est pas la secrétaire de Dieu ou la chargée des rapports ? Elle entend souvent ce que les gens pensent dans leur tête et est capable de le répéter mot pour mot à la virgule prêt. Elle dit que c'est le "don de connaissances" qui fait ça. C'est l'un des dons de l'Esprit qu'elle a reçu. Elle en a plein d'autres, mais celui-ci est celui qui se manifeste le plus. 


Kilian : (m'interpellant) Maman? 

Moi : (revenant à moi et le regardant) Hun? 

Kilian : Mais prie non, tu attends quoi ? 

Moi : Hum. (je referme mes yeux et me décide à prier pour boucler les moments) Excellent Père de grâce, nous te bénissons une fois de plus, pour tes bontés qui se sont renouvelées dans nos vies ce matin parmi lesquelles Ton souffle. Oui, il n'a pas été donné à tout le monde de l'avoir et nous n'avons rien fait de bon ou de plus que les autres pour le mériter alors nous te disons simplement merci. Merci pour la santé, pour la force, pour la protection dont nous avons fait l'objet et que nous continuerons à en bénéficier tout au long de cette journée. Merci pour ta bonne main qui repose sur nos différentes activités et pour tes anges qui sont sans cesse en mouvement autour de nous et œuvrent afin qu'aucun de nos membres n'heurtent contre une pierre . Précède nous sur les chemins que nous allons emprunter tout au long de cette journée et que le sang précieux de ton fils Jésus le Christ nous serve de couverture. Préserve nos membres du mal et nos cœurs de toutes iniquités afin que seul Ton nom soit élevé dans chacune de nos œuvres. Merci pour ces temps que Tu as disposé ce matin et nous te recommandons cette journée afin que Tu sois au contrôle. Que toute la gloire Te revienne, Toi qui était, qui est et qui vient. Cette prière est au nom de Jésus. Amen. 

Eux: (en chœur) Amen. 


Nous nous sommes tous levés et les enfants sont allés faire un câlin à leur grand-mère avant de venir m'en faire un. Leur grand-mère était déjà sortie de la pièce sans doute pour aller faire sortir les petites assiettes que nous avons sali dans la nuit pour les laver quand j'ai repris la parole. 


Moi: Vous avez bien dormi?

Eux: (en chœur) Oui maman. 

Ethan : Moi j'ai fait un rêve étrange. 

Moi : Ah bon? 

Ethan : Oui. 

Moi : Tu as rêvé de quoi ? 

Ethan : D'un homme. 

Moi : Mais encore ? 

Ethan : C'était un homme qui était grand de taille, il parlait devant les gens avec un micro dans une église. Après un autre homme est venu me dire que " Tu vois cet homme qui est en train de prêcher là-bas ? J'ai dit oui. Et il a dit" c'est votre père et il est venu ". 


J'ai froncé les sourcils et mon cœur s'est noirci dans ma poitrine. Même mon langage corporel a changé et les enfants l'ont remarqué. Ils savent très bien qu'ils n'ont pas le droit de me parler ou de me demander quelque chose en rapport de près ou de loin avec leur père. Toutes les fois où ils l'ont fait et ce même depuis qu'ils sont tout petits et qu'ils ont essayé de savoir et comprendre pourquoi ils n'avaient pas de père comme les autres, je les grondais et une fois, je leur avais même porté main tellement fort quand ils avaient 7 ans que c'était la dernière fois qu'ils m'avaient questionné sur cet agent du diable que j'avais eu le malheur d'aimer un jour. Ils savaient que leur père était un sujet tabou qu'il fallait éviter à tous les coups. 


Ethan :  (effrayé) Maman stp ne te fâche pas, je n'ai pas fait exprès. Je voulais seulement te raconter mon rêve pardon. 

Moi : (Essayant de me maîtriser) J'espère que tu as dit à ce monsieur que tu n'as pas de père hein ? 

Ethan : (baissant les yeux de tristesse) Non. 

Moi : Hum. La prochaine fois que tu feras ce genre de rêve, tu diras à ce monsieur que ce monsieur n'est pas ton père car tu n'en as pas. Tu m'as bien compris ? 

Ethan : (petite voix) Oui maman. 

Moi : Bien. (regardant ses deux frères qui étaient tout aussi tristes que lui) Et ça vaut aussi pour vous deux. Si jamais vous faites un rêve pareil, vous direz la même chose à cette personne. D'accord ? 

Eux: D'accord maman. 

Moi : OK. Maintenant laissez-moi passer, je vais aller rapidement prendre ma douche. 


Ils se sont décalés et se sont tous les trois assis sur le lit avec les visages tristes. C'est toujours comme ça quand ils essaient de me parler de lui. Je me lève, je récupère ma tenue que j'avais pris soin d'appreter la veille et que j'avais soigneusement déposée sur le couvercle de mon panier à linge. Je tire ma serviette que je balance à mon épaule et ma brosse à dents dans le petit gobelet qui nous sert de pot d'emplacements de celles-ci. Je récupère aussi le dentifrice qui y est et ma crème de corps qui est juste à côté avant de sortir de la chambre. Je traverse le petit couloir et le salon pour me retrouver dehors où je trouve effectivement maman Jeanne en train de laver les assiettes assise sur un tabouret. 


Maman Jeanne : Tu pars déjà prendre ta douche ? 

Moi : Oui. 

Maman Jeanne : Où est le seau d'eau ? 

Moi : Je vais retourner prendre. Je dépose d'abord les choses là à la douche avant de revenir chercher ça. 

Maman Jeanne : D'accord. Heureusement même que tu as insisté à puiser et remplir les trois futs là hier dans la nuit. Cécile (une voisine) m'a dit que la SEEG (société d'énergie et d'eau du Gabon) a encore coupé l'eau ce matin. Il paraît même qu'ils sont passés au journal hier pour dire qu'ils devaient couper de l'eau dans notre zone pendant 3 jours. Ils sont en train de construire quoi oh, je ne sais même pas. 

Moi : Est-ce qu'ils ont même besoin de se justifier ? D'habitude quand ils coupent de l'eau ici, ils nous donnent des raisons ? C'est leur eau, ils n'ont qu'à couper. Ils font les travaux, ils font les travaux, pourtant c'est seulement de notre côté qu'ils coupent comme il n'y a que les mandjango (les pauvres) ici. Mais de l'autre côté où il y a les barrières là, il y a de l'eau en permanence, alors qu'on est dans le même quartier et le même secteur. 

Maman Jeanne : Ah. Les choses comme ça, on ne parle plus oh, on remet tout à Dieu, c'est lui qui va les juger pour leurs actes. 

Moi : Hum. 

Maman Jeanne : Heureusement notre Dieu qui ne dort pas, t'a inspiré hier pour que tu puisses puiser de l'eau avant qu'ils ne coupent ça. Tu vois comment il est bon non ? Il faut lui rendre gloire. Il ne peut jamais oublier ses enfants. 


J'ai voulu me faire la réflexion selon laquelle il m'avait oublié et ce plus d'une fois, mais je me suis retenue. Sa secrétaire risque d'entendre et bavarder sur moi à n'en plus finir. Du coup, je me suis faite violence pour réprimer ces pensées. 


Maman Jeanne :(changeant de sujet) Aujourd'hui c'est le dernier jour du séminaire Mimi, tu n'es pas venue les deux premiers jours, tu vas encore rater même ce soir ? 

Moi: Maman, tu vois bien que ce n'est pas un fait exprès. Je suis au marché toute la journée et quand je rentre le soir, je dois encore aider les enfants avec leurs devoirs et leur faire étudier leurs leçons en plus de faire des choses ici à la maison pour préparer la journée du lendemain. Je trouve le temps où pour venir au séminaire ? J'avais déjà dit à papa Mike (le pasteur principal de l'église) que je n'allais pas être là faute de temps. 

Maman : Hum. Myrna moi je t'ai déjà dit que l'activité que tu fais là c'est grâce à Dieu donc tu dois toujours tout faire et te battre pour venir écouter les enseignements. En plus, le jeune homme de Dieu là, je te dis que la façon dont il est profond dans son message, tu ne peux pas. Tu sens que c'est quelqu'un qui a une vraie communion avec Dieu. L'homme là n'est pas agité comme les jeunes pasteurs d'aujourd'hui qui croient que pour transmettre le message de Dieu, il faut crier et sauter partout comme des fous. Si quelqu'un n'est pas encore sorti de l'église sourd avec des grands bruits des baffles qu'ils mettent à fond là, ils ne vont pas laisser. Je ne sais même pas où ils sont allés apprendre cette façon de faire. Ils ne savent pas que notre Dieu est un monsieur paisible et respectable qui pour se faire entendre n'a pas besoin de faire beaucoup de cinéma. Mais eux non, c'est les "yo, yi yah" (faisant des grimaces qui accompagnent ses paroles) avant de libérer un simple message. 


Malgré moi, je me mets à sourire. Maman Jeanne a des problèmes avec les jeunes prédicateurs, les chantres et les musiciens d'aujourd'hui. Elle les trouve trop légers et superficiels. Elle dit que la plupart sont beaucoup plus dans le spectacle et l'ambiance en train de faire le "m'as-tu vu ?" plutôt que de faire l'œuvre de Dieu. Lorsqu'elle a la possibilité de parler avec eux, tout de suite elle les reclasse. 


Maman Jeanne : (poursuivant) Les gens ne connaissent même plus véritablement qui est Jésus à cause de toutes leurs bêtises là. Mais le pasteur Lilian non, le jeune homme là est posé. 

Moi : Lilian? Hier tu as dit qu'il s'appelait Ethan non? 

Maman : Oui. Ce sont ses deux prénoms. Ethan Lilian. 


J'ai froncé les sourcils pendant un moment à cause de la coïncidence. Ces prénoms sont ceux de mes enfants et ils ne les tiennent pas par hasard. C'était les prénoms de leur père qui lui-même était détenteur des trois prénoms. De son nom, NDZAMBA Kilian Ethan Lilian. L’homme qui a détruit et gâché toute ma vie et que je déteste au plus profond de mon cœur, au point où lorsque j'essaie de penser à lui, je tremble même de colère et m'énerve jusqu'à en avoir les veines qui sortent sur mes tempes. À la base, j'avais appelé chacun de ses enfants par un de ses prénoms suivi de son nom pour ne pas m'attacher à eux et les détester autant que je détestais leur père. Seulement, quatre semaines après leur naissance, je n'avais pas pu rester insensible, mon cœur avait fondu lorsque maman Jeanne me les avait mis de force sur ma poitrine. Le faisceau d'amour qui m'avait envahi à leur contact m'avait fait réaliser qu'ils s'agissait de mes enfants, d'une partie de moi et que je n'avais pas le droit de les rejeter à cause de leur père, ils n'avaient rien à voir avec ça, c'était des innocents. À partir de là, je m'étais ressaisie et les avais acceptés comme tels. J'avais voulu changer leurs identités mais on m'avait dit que c'était trop tard, ils avaient déjà des actes de naissance et que pour changer ça, il fallait maintenant aller au tribunal où on m'a expliqué une longue procédure coûteuse. J'avais du mal à me nourrir correctement et j'allais balancer de l'argent par la fenêtre pour une affaire de nom ? J'ai laissé tomber cette histoire. Au début, même si c'était difficile, j'ai fini par faire un détachement entre leurs noms à eux et ceux de leur père et avec le temps, prononcé leurs noms et prénoms est devenu naturel pour moi. Seulement écouter qu'il y a un homme qui porte deux des prénoms de mes enfants me fait bizarre. 


Maman Jeanne : L'homme là a une belle et forte aura. Un peu comme pour toi quand tu te mets à chanter. 


Dès que j'écoute ça, je sais déjà qu'il faut que je parte de là parce que je sens qu'elle risque de reprendre son discours selon lequel, je suis en train de gâcher le don que Dieu a mis en moi en refusant de chanter. Je n'ai pas envie d'écouter ça, j'ai déjà dit que le chant et moi, c'est terminé. 


Maman Jeanne : Regarde même ce matin comment la maison était remplie de la présence de Dieu, je te dis que 

Moi: (la coupant) Je ferai mon possible pour venir assister aujourd'hui. Tu as dit que ça finit à quelle heure ? 

Maman Jeanne : (me regardant de travers) Normalement à 20h. De 18h à 20h. Mais comme aujourd'hui c'est le dernier jour, peut-être que ça ira jusqu'à 20h30 ou 21h. 

Moi: OK. Je verrai comment arriver là-bas. 


Dès que je finis de dire ça, je tourne mes talons et contourne la maison pour aller déposer mes affaires dans la petite douche faite en tôles pour les quatre murs et un vieux tapis bleu au sol pour que nos pieds ne soient pas en contact avec la terre. Je ressors et retourne dans la maison récupérer mon seau d'eau pour me laver. Je me lave et m'habille sur place avant de revenir à la maison. Je la trouve en train de balayer maintenant devant la maison avec un balai en tiges de bambou. Je lui ai déjà dit d'arrêter de le faire parce qu'après elle va crier le mal de dos, mais la femme là ne m'écoute pas. J'avais acheté un balai droit, spécialement pour la cour mais elle ne l'utilise pas et dit que ça ne balaie pas bien. Heureusement même que ce sont ses petits enfants qui la massent quand elle crie. J'avance et je viens m'arrêter devant elle. 


Moi: Mam tu ne comprends pas avec l'affaire du balai là ? 

Maman Jeanne : (frappant le bout du balai sur la paume de sa main pour réajuster les tiges) Mimi pardon, je tire seulement vite en haut en haut là, pardon maman, il ne faut pas te fâcher. C'est la vieillesse oh, je suis déjà une vieille femme. 

Moi : Hum. 


Une petite fille du quartier est venue nous trouver devant la porte et après nous avoir salué, elle nous a demandé s'il y avait du piment. 


Maman Jeanne : Oui poupy, y en a. Tu veux pour combien ? 

Poupy: pour 200 avec l'oseille de 300. 


Elle a tendu un billet de 500 que maman a pris avant de rentrer dans la maison et de ressortir quelques minutes avec les articles dans un sachet et remettre à la petite. 


Maman : Qui mange l'oseille avec le piment le matin comme ça ? 

Poupy: (prenant) C'est ya Jérémie, il est rentré bourré la nuit. 

Maman Jeanne : L'enfant qu'on appelle Jérémie là je ne sais pas s'il comprend les choses. On lui dit d'arrêter de boire parce que le vin là ne passe pas avec lui, mais non, lui que boire- boire-boire jusqu'à il ressemble même déjà à la boisson. Je ne sais même pas ce qu'il trouve dans la boisson là. C'est quel exemple qu'il vous donne en tant qu'aîné ? En tout cas, je vais prier pour lui. Il faut saluer tes parents et tu me dis à ce Jérémie là que je ne suis pas contente de lui. 

Poupy: D'accord maman Jeanne. 


Elle est partie. J'ai regardé maman pendant un moment. 


Maman Jeanne : Y a quoi ? 

Moi : Non rien. 


Je suis rentrée dans la maison. La femme là voici son défaut, elle aime mettre sa bouche dans les affaires d'autrui, c'est la mairesse du quartier. Tout le monde la connaît. Elle ne peut jamais dire bonjour et passer sa route comme moi, non, elle s'arrête au moins 10 minutes pour prendre toutes les nouvelles, conseillée ici, réprimandé là-bas. Rire et pleurer avec les voisins. C'est une chose que je ne n'aime pas faire. Mais elle dit que c'est comme ça le bon voisinage, si quelque chose de mal nous arrive ici, ce sont eux qui vont nous aider et cela, elle l'a aussi inculqué à ses petits fils qui, tout comme elle, font des tournées quotidiennes dans le quartier pour aller saluer tout le monde. 


Lorsque j'arrive devant la porte de ma chambre j'entends la voix des enfants et je décide de m'arrêter pour écouter. 


Kilian: Tu dis que l'homme là nous ressemblait ? 

Ethan : Oui. Il nous ressemblait beaucoup mais il était seulement grand. 

Lilian : Donc notre père est pasteur ? 

Ethan : Je ne sais pas, je sais juste qu'il était en train de prêcher. 

Kilian: Et tu as dit aussi que l'homme qui te parlait a dit qu'il était venu ? 

Ethan : Oui. 

Kilian: J'espère que c'est la vérité. J'ai aussi envie d'avoir un père comme les autres. 

Lilian : Moi aussi. 

Ethan : Venez on va encore dire à Dieu d'exaucer notre prière et si ce qu'il m'a montré est vrai, que notre père arrive jusqu'à nous. 

Les deux autres : D'accord 

Eux: (ensemble) Papa c'est encore nous, Kilian, Ethan et Lillian, les trois enfants de Myrna NZAOU. On sait qu'on t'a déjà beaucoup fatigué avec le sujet là, mais c'est toi même qui a dit qu'il faut prier sans jamais nous relâcher jusqu'à obtenir la victoire. Tu as aussi dit que le royaume des cieux est forcé et ce sont les violents qui s'en emparent. Oui papa, c'est toi qui l'a dit dans ta parole et tu as dit à mamie Jeanne de nous répéter ça. Alors nous sommes encore là aujourd'hui, violents dans la prière pour te parler de notre père. Papa, nous savons que c'est toi notre vrai père qui veille et prend soin de nous mais tu as aussi voulu nous donner une image de toi sur la terre alors nous te prions pour lui. Là où il se trouve en ce moment, papa, conduit le jusqu'à nous. Nous voulons le voir avec nos yeux et le toucher avec nos mains. Si tu as déjà commencé à nous le montrer dans les rêves, c'est parce que qu'il est déjà tout proche alors ouvre nos yeux pour que nous le voyons et ouvre ses yeux pour qu'il nous voit. 

Lilian : Papa apaise aussi le cœur de maman pour qu'elle ne soit plus fâchée contre lui stp. 

Les deux autres : Oui papa, touche aussi son cœur, nous te supplions. 

Eux: (ensemble) Oui papa. Nous savons que c'est une bonne personne et c'est aussi une bonne mère mais comme dit souvent mamie, son cœur est blessé et fermé, mamie dit que c'est toi le réparateur des brèches et celui qui pense toutes les plaies alors nous comptons sur toi pour notre maman que nous aimons de tout notre cœur. Merci papa parce que nous savons que tu vas nous exaucer au nom de Jésus. Amen ! 


Je suis restée devant la porte à pleurer en silence avant de mettre ma main sur ma poitrine et exercé une petite pression dessus pour calmer la douleur que je ressens au fond de mon cœur. Ce n'est pas la première fois que mes enfants prient pour moi ou pour leur père, je sais qu'ils le font tous les jours entre eux et avec leur grand-mère mais à chaque fois que je les surprends, c'est cette réaction que j'ai en retour. Il y a toujours cette douleur et cette lutte à l'intérieur de mon cœur qui me poussent à pleurer. Il y a comme une main qui essaie d'arracher toute la colère que je ressens dans mon cœur et cette autre main qui refuse de lâcher prise et cette lutte provoque une forte douleur en moi. 


J'entends des pas se rapprocher derrière moi et j'essuie rapidement mes larmes et mon visage. Je trempe ma main dans un seau qui est non loin et me la frotte sur le visage pour effacer toute trace de larmes. 


Maman Jeanne : (surprise de me voir là) Oh, tu fais quoi debout là ? Il est presque 7h 30, tu es déjà en retard. 

Moi: (me raclant légèrement la gorge avant de parler) Hum Hum. J'étais en train de déposer le seau, je pars déjà. 


Aussitôt dit, je pousse la porte et j'entre dans la chambre où je trouve les trois enfants là assis sur le lit. 


Moi: Allez aider mamie à mettre les choses du commerce dehors après vous partez prendre votre bain. 

Eux: D'accord. 


Ils se sont levés et sont partis. J'ai rangé mes choses, pris mon sac banane que j'ai accroché autour de mes hanches et je suis sortie de la chambre et les ai trouvés dehors en train d'installer la marchandise sur la table. 


Moi: Maman vous avez encore les choses du petit déjeuner non ? 

Maman Jeanne : Oui, ça peut encore faire deux jours. 

Moi : D'accord. Bon moi je m'en vais. 


Les trois anges sont venus me faire un câlin avant de me dire qu'ils m'aimaient et que j'allais passer une bonne journée. 


Moi: Je vous aime aussi mes amours. 

Maman Jeanne : Dieu te protège Mimi, passe une bonne journée. 

Moi : Amen maman. Vous aussi. 


J'ai esquissé un faible sourire à leur endroit avant de me retourner pour partir. Dès que je me suis éloignée de la maison, j'ai tout de suite refermé mon visage de sorte à ce que personne ne me parle. Je suis arrivée jusqu'à la route où j'ai pris mon taxi pour le marché où je vends. Je suis une commerçante qui vend au marché de Mont bouet (marché central de Libreville). Je vends de la sardine fumée, des fruits et des légumes depuis presque 9 ans maintenant. Au début, j'assistais juste maman Jeanne ici avec les garçons, mais comme, ils tombaient trop malade à cause du mauvais vent du marché et la poussière, maman a décidé qu'ils ne pouvaient plus venir et que je devais rester avec eux à la maison, on avait alors installé une petite table devant la maison de sorte à ce que je puisse vendre là-bas. Seulement un jour, une des femmes du marché qui avait mon numéro de téléphone m'avait appelé pour me dire que ma mère était tombée au marché, s'était évanouie et qu'ils l' avaient emmenée au dispensaire de la Peyrie (quartier) J'avais eu la peur de ma vie ce jour. Sur place, on nous avait dit qu'elle avait le palu et qu'elle ne devait plus vendre au soleil comme elle le faisait tous les jours. Malgré ses protestations, j'avais réussi à la faire rester à la maison et on avait dû échanger les rôles. Elle restait à la maison avec les enfants et vendait depuis la maison et moi, j'allais au marché. Depuis 5 ans maintenant, c'est comme ça. Dieu nous a fait grâce et au marché, j'ai pu avoir un box dans lequel j'expose la marchandise pour ne plus être au soleil et tout va pour le mieux…


Je rentre à la maison ce soir complètement épuisée et je trouve mes enfants à la maison qui après m'avoir salué et fait des câlins, me rappellent que leur grand-mère a dit que je dois faire l'effort aujourd'hui d'aller à l'église. Franchement je n'ai pas envie d'y aller car je suis épuisée. Je n'ai qu'une seule envie, c'est de me laver et me mettre au lit. Mais je me fais violence. Après mon bain, je décide d'aller à l'église. Je dis aux enfants qu'ils doivent rester à la maison comme c'est la nuit. De toutes les façons, demain c'est dimanche et ils iront à l'église. Je pars donc toute seule. Quand j'arrive devant la porte, je fouille mon petit techno chinois qui me sert de téléphone, ce n'est pas un Android, mais plutôt un âllo-âllo comme on dit chez nous. Je regarde l'heure et me rends compte qu'il est déjà 20h20. Je suis vraiment en retard. C'est sûr même que le service est déjà fini. Mais bon, je suis déjà là, je vais rentrer et m'asseoir même au fond pour ne pas me faire remarquer. L'église là est quand même assez grande, c'est une église de 200 membres à peu près. Je connais presque tous les visages des gens à l'intérieur même si je ne parle pas vraiment avec eux. Dès que l'hôtesse d'accueil qui après m'avoir salué a ouvert la porte pour que j'entre, mon cœur s'est mis à battre à un rythme effréné sans que je ne sache pourquoi et mes jambes ont commencé à s'alourdir. 


Moi: (Dans ma tête) Qu'est-ce qui m'arrive Seigneur ? 


Je me suis arrêtée un moment et j'ai regardé la jeune sœur qui me souriait toujours avant de me décider à rentrer dans la salle où j'ai juste entendu la voix de quelqu'un qui disait au micro "Je lui ai fait beaucoup de mal". Là j'ai eu le frisson et la chair de poule m'a saisie tout le corps. Comme si les gens s'étaient passés le mot, toute la salle s'est retournée pour me regarder. Le prédicateur a levé ses yeux pour me regarder et j'en ai fait de même, nos regards se sont accrochés. Mon corps s'est figé et j'ai senti mes jambes me lâcher. Je me suis retrouvée au sol. J'ai juste eu le temps de l'entendre crier au micro. 


Ethan: Myrna?? 


Et ce fut le trou noir…


LE JOUR OÙ MA VIE BA...