Prologue

Ecrit par Kossilate

Prologue


Je jette un coup d'œil à la montre Swarovski qui me serre le poignet. Définitivement, il semblerait que les gènes du retard soient inscrits dans l’ADN de la famille AMARACHI. Un sourire triste étire mes lèvres lorsque je me fais cette réflexion et que je me rends compte que le petit pincement au cœur qui accompagne habituellement mes souvenirs de ma famille biologique a disparu. C'est à la fois un bonheur et un malheur pour moi  d'avoir pu dépasser cela. Je secoue vivement la tête pour chasser mes sombres pensées  avant de me diriger vers la terrasse de l'hôtel Millenium de Grand-Popo Je ne tarde pas à repérer mon rendez vous, assis dos à l'entrée où je me trouvais. Je prends une inspiration et  essaie de retrouver l'assurance qui m'habitait avant mon petit moment d'égarement.


- Mademoiselle BALOGUN…


- Oui.. ! Oh… ! Madame AMARACHI-M’BENG…, balbute la jeune fille que je viens de rejoindre.


J’ai toujours eu cet effet….déstabilisant sur mon entourage et plus ça va, plus je trouve cela drôle. Mais la timidité qui se lit sur le visage de la jeune fille m’oblige à rectifier le tir.


- Désolée d'être venue aussi en retard. J'espère ne pas vous avoir trop fait attendre.


- Oh non ! Non ! Je dois vous avouer madame que je suis venue aussi un peu en retard et que pour une fois je suis bien soulagée d'être celle qui attende.


- Voilà qui nous fait un point en commun de plus après les viennoiseries , dis-je en désignant du menton le plateau de viennoiseries sur la table basse de la jeune fille.


Un sourire fend le visage de ma jeune interlocutrice. Un très beau visage encadré par une masse épaisse de cheveux frisés, sur lequel se trouve,  une expression de constante candeur. En tant que femme, je ne peux qu'apprécier sa belle silhouette svelte agrémentée par des courbes qui n'en sont pas moins généreuses, et ses yeux naturellement bridés qui semblent se fermés lorsqu'elle sourit. Ne dit-on pas dans la culture populaire, que les yeux sont le reflet de l'âme ???? Eh bien, les yeux de cette jeune femme, dès notre rencontre il y a deux mois, m'ont hurlé de ne pas me fier à son apparence fragile. C'est d'ailleurs pourquoi je l'ai choisie elle et non un autre écrivain pour faire cet interview.


- Puisque de tout évidence nous avons toutes les deux déjà pris le petit déjeuner, je propose qu'on aille sur le balcon de mon bungalow pour continuer. 


Je préfère de loin être installée dans un bungalow que dans une des suites de l'hôtel. Cela me donne une sensation de solitude qui est très bénéfique pour ma tête et mon âme. Sensation qui sera d'ailleurs indispensable si je compte aller au bout de ma démarche. Et je compte en finir avec cela du moins je le crois.


Une fois sur le balcon, la jeune fille se met à préparer son magnétophone, son cahier de note et un élastique, semble t-il pour rassembler son imposante masse capillaire en un chignon sur le haut de son crâne. Je retiens un gloussement que ma gorge de vieille femme de 70ans transforme en une quinte de toux.


- Vous allez bien Madame ??


- Oui, oui ça ira, dis je en prenant un verre d'eau dans le plateau de rafraîchissement posé sur la table basse, entre les fauteuils dans lesquels on a pris place.


- Ok. Alors….


- Avant qu'on ne commence, je voudrais vous demander de m'appeler par mon prénom…..Phoebe. Je le préfère de loin à tous ces madame AMARACHI

 

- Je comprends. Je vous demande donc de m'appeler aussi par mon prénom….Shadé.


-  Vous vous appeler Folashadé ??


- Oui. 


- Les parents yoruba n'ont toujours pas de l'imagination pour les diminutifs à ce que je vois, dis je.


- Eh non…. ? Toujours pas, répond t elle en mettant en marche son magnétophone.


Mon cœur s'emballe un peu à ce signe de départ. Mais il est hors de question que je repousse une fois de plus cet interview. Les gens doivent savoir pour pouvoir se rebeller et ne pas reproduire certaines erreurs.


- Pouvez-vous vous présenter ?


- Je m'appelle AMARACHI-M’BENG Phoebe. Je suis la directrice des éditions AMARACHI’S et présidente du centre de réinsertion des femmes : ONE MORE CHANCE.


- Quel est le but de ce centre ??


- Il s'agit d'un centre qui apporte de l'aide aux femmes ayant connu un traumatisme important dans leur vie. Il agit comme une antenne relais entre ces femmes et la société afin de les aider à trouver un travail et des conditions de vies meilleures et stables.


- Qu’entendez vous par « traumatisme important » ?


- Des viols, du ségrégationniste, des victimes de lévirat ou d'autres traditions archaïques, des victimes de violences conjugales. En un mot, toute femme ayant été blessée physiquement ou moralement dans son intégrité.


- De nombreuses personnes vous qualifie de féministe ou encore de pro black. Qu'en dites vous ?


- Ce que je m'apprête à dire va sûrement choquer plus d'un. Mais c'est ma façon de voir les choses. Je ne suis absolument pas féministe. Je suis d'accord avec le fait que la femme est un être doué de talents incroyables. Elle peut aussi bien réussi dans le monde du travail, dans la famille et même concilier les deux. Elle ne se définit pas par rapport au fait qu'elle aie des enfants ou pas. Toutefois selon moi une égalité homme femme au sens stricte du thème est impossible et c'est ce que défende les féministes. Il y a plus d'une chose que la femme fait et que l'homme ne peut pas faire. Il y a plus d'une chose que l'homme fait et que la femme ne peut pas faire. Pour ce qui me disent pro black, je répondrai que si une femme qui reconnaît et affirme sa culture est d'office pro de cette culture, alors je suis une pro noire et toutes les femmes indiennes des pro indienne et ainsi de suite pour toute les hommes et femmes du mondes entier. 


- Un grand mystère a longtemps entouré votre histoire pourtant de nombreuses sources affirment sans sourciller, qu'elle est la raison de votre lutte pour les femmes et en particulier pour les femmes noires.


- Shadé….


- Oui mada…..Phoebe.


- Avez-vous regarder « Hidden Figure » ??


- Oui Phoebe, répond t elle un peu surprise par ma réponse. 


- Il a fallu plus de quarante ans pour que le monde entier sache la vérité sur ces femmes afro-américaines qui ont fait partir des piliers de la NASA lors de la conquêtes de l'espace.


- …..


- Tout cela pour vous dire que le monde aura aussi attendu quarante ans pour connaître l'histoire qui se cache derrière la femme que je suis.


- Voulez vous dire……. Ce n'est pas une interview…..


- Oui jeune fille. Préparer bien votre stylo et votre magnétophone pour ne rien rater de l'histoire que je m'apprête à vous raconter. Qui sait, elle fera peut être un merveilleux film.


Un sourire s'épanouit sur mes lèvres tandis que sur le visage de Shadé passe tour à tour l'incompréhension, la surprise, le doute, la surprise et cette lueur qu'on les journalistes lorsqu'ils tiennent un bon article. 


- Ceci est l'histoire de la rébellion d'une femme battue, l'histoire d'une femme qui s'est un jour décider à rendre coups pour coups, blessures pour blessures, l'histoire d'un femme qui à envoyer au concept de destin une claque monumentale. Ceci est l'histoire de AMARACHI  Phoebe, mon histoire.

Cher destin