Prologue partie 3

Ecrit par Mayei


La lumière de mon bureau restait la seule qui éclairait encore ce vaste local, encore qu’elle se limitât à une certaine distance. Tout le monde était rentré depuis bien longtemps, même mon assistance. Cette petite qui cherchait à se faire une place me faisait de la peine. Elle devait conjuguer avec une patronne comme moi et souvent vivre selon mon planning. Je la déchargeais dès que je pouvais. Elle risquerait de ne point avoir de vie en dehors de mes nombreux meetings et moi. 


Cette vive douleur qui traversait mon cou et se rependait dans mes épaules me forçait à l’évidence : j’avais bien trop travaillé aujourd’hui.

Je retirais mes lunettes et me frottait les yeux en poussant un soupir. J’étais fatiguée ! Je terminerai ce document demain. Après avoir rangé toute cette paperasse dans mon tiroir, je me massais les épaules pour atténuer cette douleur. J’étais restée dans la même position bien trop longtemps et mon corps me le signalait. 


Je pris mon sac et éteignit la lumière de mon bureau. Je mis la clé en sécurité puis longeait le couloir. L’espace était tellement vide que le frottement de mes talons au sol se reperdait en un écho. Je ballais en me mettant la main devant la bouche. Tout ceci en valait la peine. L’indépendance d’une femme se trouvait dans le travail et j’étais fière de moi. Lorsque l’ascenseur me laissa au sous-sol, mon chauffeur se précipita vers moi, m’arrachant presque mon sac et les autres effets que je transportais.


Je l’avais oublié ! Encore un autre employé qui ne vivait que selon mes humeurs et moi-même ! Heureusement qu’il avait une chambre chez moi. Imaginez, qu’il devait rentrer chez lui chaque soir, ce ne serait point évident. Il me tint la portière. Je lui lançais un merci avant de m’installer à l’arrière. Nous parcourûmes, dans le silence, les rues de la capitale. Lorsque les rues étaient aussi désertes, il ne faisait aucun doute, l’heure était très avancée. Je n’aimais pas aviser l’heure lorsque je rentrais chez moi. Si je devais deviner, je dirais minuit passé. 


Bientôt nous arrivions devant la maison. Je souriais à chaque fois que je posais les yeux sur cette construction. J’étais fière de moi...mon père serait fier de sa petite fille que j’étais, de sa petite Windi. Si seulement il n’était pas parti si tôt ! Si seulement DIEU lui avait accordé quelques années de plus pour voir tout ceci, pour qu’il puisse profiter de tout ceci. Je n’avais pas pu lui acheter une Mercedes qui viendrait directement d’Allemagne. Je n’avais pas fait construire une belle maison de retraite pour lui. Avait-il seulement atteint l’âge de la retraite ? Il était parti trop tôt. DIEU me l’avait arraché brusquement.


« Madame ? »


Moi (sursautant) : oui ?


Ben : nous sommes arrivés madame !


Je regardais autour de moi, surprise ! Je m’étais laissée emporter par l’émotion. J’essuyais cette larme qui s’était montrée bien rebelle. Je m’excusais auprès de Ben et sortit de la voiture. J’allumais la lumière du séjour. La nourriture était posée sur la table. Ça devait être bien froid. Avais-je faim ? Non ! Mais je ne devais non plus pas punir mon corps. Je regagnais ma chambre qui se trouvait au second niveau. J’y passais la plus grande partie de mon temps. De ce fait j’avais tenu au fait qu’elle soit immense. Je rangeais mes effets et retirais ma veste. J’essayais de toucher la fermeture éclair dans mon dos pour la faire descendre mais impossible. Ma main n’y arrivait pas. J’essayais encore et encore ! J’avais seulement réussi à me faire mal au bras. Frustrée, je m’assis avec colère sur le lit et éclatait en sanglot. 


Moi (criant) : Putain de fermeture ! 


Ce matin j’avais dû passer cette veste sur ma robe pour cacher le fait que la fermeture ne soit pas montée. Viviane, mon assistante m’avait aidée à la fermer une fois au bureau. A cette heure-ci Viviane n’était point-là. Je devais me débrouiller moi seule. C’était dans ces moments que la solitude dans laquelle je vivais me revenait en plein visage. Des frères et des sœurs ? Je n’en avais pas. Ma mère ? Je ne l’avais jamais connue. Elle était morte en me donnant la vie. Je n’avais connu que mon père. Il avait été tellement touché par sa mort qu’il ne s’était plus remarié. D’elle, je n’avais qu’une seule photo. Elle était très belle...je me souvenais encore comment mon père me regardait, avec des yeux remplis d’amour et me répétait « comme tu ressembles à ta mère ! »


Il avait parfaitement raison ! Aujourd’hui lorsque je regardais cette photo que j’avais fait encadrer, posée à mon chevet, je me voyais moi-même. Notre seule différence ?  j’avais hérité du teint ébène de mon père. Elle m’avait passé cette chevelure abondante qui couvrait même mon front à certains endroits. Cette petite bouche aux lèvres fines, et ces yeux en amandes venaient aussi d’elle. Ce nez effilé également ! Je m’étais amusée à ajouter un piercing au mien. Qui avait dit qu’un piercing avait forcément une connotation négative ? La photo était un portrait de ma mère, je ne saurais dire si nous avions la même corpulence. J’étais plutôt de taille moyenne avec une poitrine menue, des hanches assez larges mais un postérieur pas très proéminent. On ne pouvait pas tout avoir. Longtemps cela avait été un complexe mais plus maintenant. 


Des amis ? J’en avais même si on pouvait les compter sur les doigts d’une seule main. Je revenais à moi-même, ayant toujours cette robe sur moi. J’essuyais mes larmes en reniflant. J’ai des moments comme ç et pleurer me faisait un grand bien. Descendre et demander à Ben de m’aider ? Cette idée m’avait traversée l’esprit rapidement. Jamais ! Les hommes ne tardaient pas à se faire de mauvaises idées. Il croirait sûrement qui s’agissait d’une invitation dans mon lit. Je n’étais pas aussi désespérée même si depuis trois ans je n’avais pas reçu d’hommes dans mes draps. Je pouvais réveiller Aicha, Mais juste pour une fermeture éclair c’était un peu trop. Soudain mes yeux tombaient sur cette paire de ciseaux, posée sur ma coiffeuse. J’aimais bien cette robe mais je devais encore prendre un bain, ce que je ne pouvais pas faire en l’ayant sur le dos. 


Le cœur brisé, je coupais cette robe sur le côté puis me délivrais. Je filais rapidement sous la douche.


... ... ... 


Sophie : ça ne te tuera pas ! 


Moi : je sais mais ça reste tout de même une perte de temps. Un temps que je pourrais utiliser pour...


Sophie (me coupant) : pour rester au boulot jusqu’à X heure ?


Moi : au moins je serai productive !


Sophie : arrête-moi ça s’il te plaît ! Va à ce rendez-vous je t’en prie. C’est un bon type crois moi.


Moi : il peut être bon selon toi mais pas pour moi...


Sophie : arrête d’être négative ! Tu ne pourras le savoir que si tu y vas. Je l’aurais bien gardé pour moi-même mais je suis déjà mariée. Promets-moi que tu iras.


Moi : Sophie...


Sophie : promets-moi sinon je débarque chez toi tout de suite !


Moi : ok ok ! 


Sophie : yes ! Je lui passe ton contact !


Moi : bye !


Elle devait être super contente d’avoir réussi son coup. Depuis quelque temps maintenant elle essayait coute que coute de me caser. Et me voilà aujourd’hui engagée dans un rendez-vous à l’aveugle. Quelqu’un que je ne connaissais même pas. En un si beau samedi, j’aurais pu terminer la pile de dossiers que j’avais ramenée avec moi à la maison. Mais non j’irai passer mon temps avec un certain Guillaume. Je savais déjà que j’allais m’ennuyer. Ces choses-là ne se passaient jamais bien, si je me fiais aux films que j’avais regardés. 


Pourquoi ces amis ne voulaient pas comprendre que je me consacrais à ma carrière. Avoir 30 ans dans un an et être célibataire n’est pas une mauvaise chose. Pourquoi cette pression à l’approche de cet âge spécifique ? C’était comme si la femme atteignait une date de péremption, si je pouvais m’exprimer ainsi. Pour moi, avoir vingt-neuf ans et être à la tête d’un laboratoire d’analyse médicales de renom était bien plus important que d’avoir vingt-neuf ans et être mariée. 


J’avais vingt-quatre ans lorsque mon père mourrait ! Je venais de terminer mon master en biologie et je souhaitais poursuivre un doctorat. Il était mon tout. Il avait rendu lame à la veille de la remise de diplôme. J’étais tellement anéantie que je n’avais pas participé à la marche pour le diplôme. J’étais perdue, déboussolée d’autant plus que nous vivions reclus. J’avais vu des parents à lui rarement. Seule tante Jeanne était fréquente. C’était elle qui avait aidé dans les différentes démarches. Mon père n’avait pas eu de funérailles, il avait été enterré sans que sa famille ne participe. Tante Jeanne était passé chez chacun d’entre eux et ils s’en étaient lavés les mains. Je me retrouvais seule au monde. 


Heureusement que j’avais une filière en science qui me permettait de travailler sur le sol américain pendant trois années. Je débutais donc dans un laboratoire de plasma comme technicienne laborantin. Ce boulot me permettait de me prendre en charge et de subvenir à mes besoins sans déranger tante Jeanne, même si me fins de mois étaient limites. Puis j’ai eu cette chance inouïe de participer à une convention intitulée « women thou art loosed » cette convention était organisée par un célèbre pasteur et réservée aux femmes de tous les pays. Cette année-là , la convention se tenait à Dallas alors que je vivais dans le Minnesota. Je devais donc prévoir le billet d’avion, l’argent pour le logement la nourriture et en plus de ça les frais de participation s’élevaient à $250. J’avais hésité mais finis par y aller. Jusqu’aujourd’hui je ne regrettais pas cette décision car elle avait changé ma vie. J’avais été marquée par deux oratrices : Nely Galán et Tiffany Aliche.


La première avait énoncé plusieurs règles 


  • - Le prince charmant n’existait pas : la femme ne devait pas attendre qu’un homme travail pour ensuite dépendre de lui
  • - Le pouvoir est acquis et non donné
  • - Pense comme un chef d’entreprise même si tu bosses dans un petit poste 
  • - N’achetez pas que des chaussures mais aussi des bâtiments et des stocks 

La deuxième était une africaine comme moi, plus précisément Nigériane qui avait réussi à se faire une place dans le système financier américain. Elle parlait de comment organiser son budget et mettre l’argent sur le côté. A la fin de la convention je m’étais ruée pour me procurer leurs œuvres. Pas à pas j’avais mis ma stratégie sur pied. 


Je me serrais la ceinture. J’étais une fêtarde avec plein d’amies, mais lorsque j’avais commencé à réduire les sorties pour mieux économiser, ces amies disparaissaient. Seules Sophie, Emmanuelle, Alida, Roland étaient restés avec moi. Trois années s’étaient écoulées et je devais rentrer chez moi. Mon compte en banque était plein sans me vanter. J’avais mis un plan de business sur pied et m’étais présentée au « corporate office »de la société. J’avais demandé à parler au CEO. Sa secrétaire m’avait envoyée paître. Je ne m’étais pas découragée.  J’étais revenue le lendemain et le jour d’après. Je venais à chaque fois jusqu’à ce que le CEO lui-même me remarque et demande à ce qu’on m’autorise. Je l’avais rencontré et lui avais détaillé mon plan. Je souhaitais qu’il ouvre une succursale eh Côte d’Ivoire. Une sorte de franchise dont je serai le propriétaire. Il installerait lui-même les différentes machines en accord avec les principes de la société et je lui déversais des frais. Je lui présentais même mes relevés bancaires. 


Il regarda à peine mes relevés et me lança « nous n’investissons pas en Afrique ».

J’avais été touchée par cette phrase mais « non » ne faisait pas partir de mon vocabulaire. Je remplissais son e-mail avec mes documents si bien qu’il finit par céder. Je rentrais en Côte d’Ivoire fière avec quelque chose à rapporter à mon pays. Ça n’avait pas été facile la première année mais depuis je dirige d’une main de fer. 


Brrrrr brrrr


Je clignais des yeux et ouvrais le message que je venais de recevoir 


« Impatient de vous voir ce soir belle demoiselle »


Je levais les yeux au ciel ! Je savais que cette soirée allait être terrible ! Je devais donc le rencontrer ce soir à vingt heures dans un restaurant de la place. 


Le soir arriva bien vite ! J’avais fait dans la complicité. Une robe de couleur beigne car j’aimais tellement les robes ! Mes cheveux étaient en queue de cheval et mes Talons de couleur noirs assortis à mon sac. Je n’allais pas déranger le chauffeur donc je conduisis moi même jusqu’à destination. J’arrivais à 19h57. Je détestais être en retard. Ne le connaissant pas je m’adressais au serveur.


Moi : bonsoir !


Lui : bonsoir madame ! Je vous souhaite la bienvenue dans notre restaurant. Comment puis-je vous aider ? 


Moi : merci ! Je devais rencontrer un certain Guillaume Kessé


Lui : nous avons reçu la consigne ! suivez-moi s’il vous plaît 


Ok il était déjà là à cette heure ! En avance ! C’était un très gros point. Je suivais donc le serveur jusqu’à la table où se tenait un homme, euh...de petite taille...très petite taille, tout souriant. Heureusement que j’avais appris à gérer mes réactions. Je plaquais un sourire sur mes lèvres. J’aurais dû éviter les talons.


Moi : vous devez être Guillaume Kessé ! 


Lui : et vous Wendy Agnero


Moi : c’est ça ! Enchantée 


Guillaume : de même vous êtes ravissante 


Moi : merci !


Il tira sa chaise et s’assit alors que j’étais encore debout. Le serveur près de moi me tira ma chaise et je pris place. En plus de sa petite taille pour laquelle il venait de perdre près de 20 points sur cent, il venait d’en perdre 20 autres par manque de galanterie. Il ne lui restait plus que 60 points. Je pris le menu que me tendait le jeune homme. 


Guillaume : alors comment allez-vous ?


Moi : parfaitement bien ! Je vous retourne la question !


Guillaume : maintenant que je vous vois je vais beaucoup mieux. Votre ami m’avait parlé de vous mais j’étais loin d’imaginer une telle beauté 


Je ne pus que sourire ! C’était un peu lourd ! Je ne suis ni villageoise ni sauvage mais les compliments je les aimais peu ou du moins cela devait venir de la bonne personne. Il appela le garçon pour passer la commande. 


Moi : pourrai-je avoir votre avocat crevette en entrée et le plat de saumon. Pour le désert je verrai 


Lui : bien madame !


Guillaume : ce sera des langoustes pour moi ! Je ne veux pas d’entrée. Et pour ma mère assise là-bas elle prendra des lasagnes 


Lui : c’est noté 


Je tournais la tête en direction de la table qu’il venait de pointer du doigt et s’y trouvais une dame s’un certain âge. Elle lui souriait et lui aussi. 


Moi (toussant) : vous avez dit votre mère ?


Guillaume (souriant) : oui ! Elle vit sous mon toit et la servante est de repos aujourd’hui. Je n’allais tout de même pas la laisser seule ! Quel genre de fils serais-je ?


Je pensais avoir tout vu mais pas celle-là ! Qui envoyait sa mère à un rendez-vous de surcroit avec quelqu’un que vous ne connaissais même pas. 20 points de moins ! Il était en dessous de la moyenne c’était sûr que nous ne nous reverrions plus après ce dîner. 


Moi (changeant de sujet) : que faites-vous dans la vie ?


Guillaume : oh je suis au service informatique d’une société dans le privé 


Moi : ok et où vous voyez vous dans cinq années ? Je veux dire professionnellement 


Guillaume : oh j’aime mon boulot hein ! Je ne vais pas me décarcasser pour aller chercher un autre avec le chômage grandissant là. Je suis bien à l’aise où je suis.


Moi(choquée) : vous ne souhaitez même pas grader ? gravir les échelons ? être, je ne sais chef du service informatique par exemple


Guillaume (riant) : vous êtes bien naïve ma chère ! Depuis quand êtes-vous en Côte d’Ivoire ? Le système est déjà implanté même si je suis qualifié on trouvera quelqu’un d’autre qui est ami au patron. Tu verras quand toi-même tu essaieras d’évoluer. 


Moi : je crois que Sophie a oublié de signifier que je suis patronne à Grifolds laboratoires 


Il parut gêné tout à coup ! L’ambiance elle était plombée. 


Moi : je pars aux toilettes un moment 


Guillaume : ok 


Je pris mon sac avec moi car je ne comptais plus revenir. J’aperçus de loin notre serveur et lui demandais l’addition pour notre table il parut surpris d’autant plus que nous n’avions point reçu notre commande. Je lui expliquais que j’étais un peu pressée. Je laissais tout de même l’argent avec lui et sortis de ce restaurant. Guillaume se retrouvais avec zéro point et là j’étais beaucoup gentille. Laissez-moi faire le récapitulatif, il était petit de taille, pas galant, fils à maman, et par-dessus tout il manquait cruellement d’ambitions. Je détestais les hommes qui manquaient d’ambitions. C’était un gros non dans ma liste. Quelle était son excuse ? Le système est déjà établi ??? Donc il subissait seulement ? J’aimais des décideurs, ceux qui changeaient la donne.


Ça n’avait rien à avoir avec le fait que j’occupe un haut poste ! Ce n’était pas non plus de l’arrogance mais des principes. Il s’agissait de mes principes à moi et tant que je ne voyais pas tout ça dans un homme et bien je ne me marierai pas. Quitte à finir vielle fille.

C’est compliqué