Rejeté
Ecrit par Farida IB
Chap 6 : rejeté
Salifou DIOMANDE…
Beurkkk !! Beurkk !! Keuf keuf !!
Moi (au pas de la porte de la salle de bain) : ça va ?
Mariam (secouant la tête négativement) : du tout.
Moi : ce serait mieux d’aller voir un médécin, tu es très pâle.
Mariam (s’essuyant la bouche) : ça ira mon amour.
Moi d’un trait : tu n’as pas arrêté de vomir depuis le repas d’hier, si c’est une indigestion, j’ai ce qu’il faut pour ça. (je sors des pilules de mon attaché-case après une brève fouille.) Tiens, prends-en une. Attention une seule, ça contient une substance soporifique et moi, je n’ai pas envie que tu passes ton temps pour dormir. Il m’a fallu prendre sur moi pour ne pas te sauter dessus dans la nuit d’hier.
Mariam : chéri crois moi que je ne sortirai de l’auberge qu’au bout de six mois.
Moi sceptique : tu parles de quoi ? Tu t’es choppée une maladie vénéneuse, c’est cela ?
Mariam (me prenant de court) : rien de tout ça chéri, je suis juste enceinte.
Je bloque d’abord un moment pour enregistrer l’information.
Moi la fixant interloqué : sérieusement ?
Mariam (sourire ravi) : oui, un nouveau petit DIOMANDE est en route.
Moi : euhh… N’est-ce pas que tu t’es fait poser un nouveau stérilet à Dunkerque il y a six mois ?
Mariam : non, en fait c’est une longue histoire.
Elle le dit et s’empresse aussitôt d’aller rendre à nouveau son petit déjeuné. J’avance encore vers elle et m’adosse à la porte de la salle de bain, les mains croisées sur ma poitrine.
Moi : tu as fini (elle hoche la tête.) explique moi cette histoire de stérilet.
Elle se lave le visage et prend le temps de l’essuyer avant de se retourner pour me fixer.
Mariam : tu te rappelles que j’ai dû faire plusieurs tests le jour-là, (je secoue la tête) et bien, ils m’ont fait une laparoscopie et les résultats montraient que je n’avais plus qu’un seul ovule. Et vu que je tends peu à peu vers la ménopause, j’ai pensé qu’un petit dernier pour la route ne serait pas mal.
Moi : pardon !? Et ce n’est que maintenant que tu m’en parles ?
Mariam (sortant de la salle de bain) : tu travailles beaucoup, je ne voulais pas t’inquiéter.
Moi (la suivant) : ce n’est pas une raison Mariam, tu pouvais m’en parler pour que nous trouvions ensemble une solution.
Mariam (se confondant en excuse) : ne te fâche pas mon cœur, je pensais que ça t’aurait réjouis de l’apprendre. J’ai tellement espéré avoir ce bébé, ça fait des mois que je tente du tout au tout. (gaiement) Tu t’imagines ? C’est arrivé au moment où je m’y attendais le moins, il y a longtemps que j’ai cessé de me faire des illusions à ce propos.
Moi (pas du tout d’accord) : je peux comprendre tes motivations, mais l’idéal était de m’en parler, je ne voulais pas d’un autre bébé moi. Tu te rends compte de tout ce que ça entraîne comme responsabilités ? Les nuits sans sommeil, les bobos, la grossesse elle-même... Recommencer tout ça alors que nous avons déjà de grands enfants, c’est trop pour moi.
On s’assit face à face sur le rebord du lit.
Mariam (plissant le front) : de quoi parles-tu ? Kismat a à peine cinq ans, en plus, il me sera donné de subir tout ça, pas toi. Tu voyages plus que tu ne reste à Ouaga, n’oublie pas ce détail.
Moi posément : justement, je ne serai pas là pour t’aider. Ça nous fera un autre enfant sans suivi paternel, je n’étais presque pas là, ni pour Islam, ni pour Kismat. Pourquoi veux-tu me faire subir cela encore une fois ?
Mariam (l’air troublé) : mais Sal, je ne comprends pas, de quoi te plains-tu ? Je suis pour la plupart du temps seule dans cette grande propriété, une fois que tu reprends tes avions et que les enfants sont à l’école. Je n’ai personne à qui parler, je n’ai pas d’amis et encore moins une famille. Un enfant pour me tenir compagnie avant qu’il ne grandisse, je t'assure que ça ne me pose aucun problème.
Moi (le ton toujours posé) : chérie, ce sont les mêmes raisons qui me poussent à ne pas vouloir de ce quatrième enfant.
Mariam : j’ai toujours voulu en avoir, ma mère paix à son âme répétait sans se lasser que c’est indélicat d’avoir des enfants impairs. Cela sème de la discorde entre les enfants, il y a toujours parmi eux un qui est lésé.
Moi ricanant : c'est des superstitions Mariam, nos parents racontaient de telles sornettes pour justifier leurs nombreuses progénitures. Nous ne sommes plus à cette ère là, avoir un enfant se prévoit.
Mariam : fréquenter les pays des blancs t’a vraiment changé Sal, cet enfant est déjà là, il a fait trois longs mois en mon sein et je compte le garder. Ne pense même pas me dire d’avorter, je ne le ferai pas.
Moi (lui caressant la joue) : c’est pour notre bien à tous mon cœur.
Mariam (mine stupéfaite) : tu espérais que j’avorte vraiment cet enfant ?
Moi (secouant lentement la tête) : c’est peut-être ce qu’il y a de mieux à faire.
Mariam (les yeux baignés de larmes) : je n’avais plus qu’un seul ovule, pense à cela. J’ai envie d’avoir cet enfant.
Moi (la prenant dans mes bras) : calme-toi, nous allons réfléchir posément. J’avoue que je suis en état de choc, mais sache que je prendrai une décision pour ton bien.
Nos lèvres se sont lentement rapprochées pour se coller en même temps qu’un autre haut le cœur me dissuade de continuer.
Moi : tu vois pourquoi ce n’est pas une bonne idée ?
Mariam : c’est juste pour un temps mon amour.
*
*
Cynthia CLARK…
Il sonnait 14 h lorsque le chauffeur envoyé par Joe m’avertit qu’il est devant La Chaîne du Futur où je travaille. Je range mes affaires avec empressement et sors de l’immeuble pour remarquer une Berline Audi A3 garée en évidence de l’autre côté de la rue. Le chauffeur me fait signe de loin, sûrement qu’il avait remarqué mon hésitation. Vous-même, le type me dit qu’il est mécanicien, mais a toute une collection de véhicule et pas des moindres. Qui sait s’il se déplace avec le véhicule de ses clients juste pour m’impressionner ? Bof, je profite seulement moi lol.
En fait, c’est prévu que je prenne mon après-midi pour passer chez l’esthéticienne chez qui il a fait une réservation pour ensuite me rendre dans un magasin de vêtements et de chaussures pour ma tenue de ce soir. Et oui, j’ai droit à tout ça juste pour un dîner. Il m’avait laissé entendre que c’est une soirée spéciale, donc il a mis les petits plats dans les grandes. Honnêtement je trouve que tout ça va trop vite, je ne suis même pas certaine de vouloir la même chose que lui et j’ai peur qu’il s’en sorte blessé (soupir).
Lorsque le chauffeur coupe le moteur, j’étais subjuguée de constater que nous étions devant le salon de beauté et d’esthétique CARING STONE appartenant à une collègue animatrice. Aka, le gars n’a pas lésiné sur les moyens hein, je sens que mon amour pour lui n’est plus loin krkrkr. Je suis rapidement prise en charge dès que j’y entre par ma collègue elle-même pour un gommage complet du corps avant d’aboutir sur un massage spécifique du visage. Ses doigts de fées me procurent une sensation de bien-être incommensurable, je ne me suis jamais senti aussi détendue. L’esthéticienne en profita pour me donner quelques conseils sur ma routine beauté.
On se retrouve ensuite à Fashion House pour la tenue. Là, j’ai fait appel à l’experte en la matière qui n’est autre que ma chère Austine. Elle était déjà sur les lieux avant mon arrivée.
Moi (refermant la portière du véhicule) : Yoo la future Mme OSSENI, tu n’as pas oublié tes habitudes du State. Toujours, pile à l’heure.
Austine : et comment ? J’ai hâte de te choisir une vraie robe de créateur.
Moi (à son niveau) : on n’exagère pas s’il te plaît, je veux quelque chose d’assez simple, mais élégante et surtout pas trop coûteux. Je ne veux pas qu’il ait des arrières pensés sur moi.
Austine : rhooo Mme rabat-joie est dans la place ! Cet homme t’a donné carte blanche sur son MasterCard, en plus, c’est le gold. Profite louloute on ne gagne pas ça tous les jours.
Moi : Aus tout ça me fait peur, et dire qu’il n’est qu’un mécanicien. Peut-être fait-il partie d’une loge.
Austine (ouvrant la porte du magasin) : loge ou pas, il te met bien, c’est ce qui compte.
Moi (sur un ton de reproche) : Aus !!
Austine : tu réfléchis trop cocotte, tu as passé ton temps à dîner chez le mec et tout et c’est juste maintenant que ça te dit qu’il puisse faire partie d’une loge.
Moi (sourire contrit) : c’est vrai hein, que je suis bête !
Austine (ton narquois) : et ce n’est maintenant que tu le sais ?
Je lui donne une tape pendant que nous avancions vers les différents rayons. Elle choisit des tas de robes alors que j’étais portée sur des tailleurs.
Austine (moue de dégoût) : dis-moi !! Tu veux un tailleur parce que c’est un rendez-vous professionnel ? Tsuiippp !
Je secoue simplement la tête avant de me diriger vers la cabine d’essayage, les bras tellement chargés de vêtements que je ne voyais plus rien devant moi. Le temps de m’en rendre compte, j’étais couchée à plat ventre sur une plantureuse. Je me hâte de me lever en me confondant en excuse. Les autres se précipitent vers nous, me demandant si nous allions bien alors qu’Austine n’a pas cessé de rire depuis tout ce temps.
Elle (aux gérantes) : ça va, j’ai amorti la chute.
Elles se mettent toutes à rire, mais moi, j’étais gênée.
Elle : ne fais pas cette tête, ça arrive. (pointant la pile de robe) Embarras de choix, n’est-ce pas ?
Son accent béninois m’amuse quelque peu, je me retenais de rire pendant qu’elle parlait. Elle m’aide à ramasser tout ce beau bazar et se joint à Aus pour mes essayages.
Elle : je m’y connais un peu en robe de cocktail, c’est pour un cocktail n’est-ce pas ?
Moi (hochant la tête) : un dîner en tête-à-tête plus précisément.
Austine spécifiant : avec son amoureux !
Moi : ce n’est pas mon amoureux !
Austine : crois-moi qu’après cette soirée, il le sera.
Elle : peu importe, il te faut quelque chose de sophistiqué. Tu n’as pas une forte poitrine donc nous allons miser sur un dos-nu ou une épaule dénudée.
Austine faussement déçue : orhh pourquoi ne t’ai-je pas rencontré avant de choisir ma robe de marié ?
Elle : tu te maries bientôt ? (elle lui brandit sa bague brillante mille feux) Mes félicitations, je suis sûre que tu as su choisir la robe de l’année. Ça se sent sur toi que tu as du goût.
Moi soupirant : elle est parfaite ta robe Aus.
Elle riant : nous avons zappé les présentations les filles, moi, c’est Annick ANJO.
Moi : vraiment ! Cynthia CLARK et elle Austine AGBEKO.
Annick : enchantée les filles.
Nous répondons en cœur puis elle se lève pour vérifier dans les choix qu’avait faits Aus pour en sortir une robe noire dos-nu, coupe courte moulante à décolleté échancré, sur laquelle elles étaient toutes tombées d’accord.
Austine (ton enjoliveur) : c’était ma préférée, nous ne sommes pas jumelles par hasard ?
Nous : mdr.
Lorsque je ressors de la cabine, elles étaient comme hypnotisées avec des yeux tout ronds et la bouche grande ouverte.
Annick s’exclamant : étèèèhhh !
Austine : tu sublimes ma chérie !!
Moi hésitante : vous pensez ? Je la trouve un peu vulgaire.
Austine (avec un geste du doigt) : perfect bae !
Annick : j’ai en visio les accessoires qui la sublimera.
Elle revient avec des sandales à talon ainsi qu’une pochette en cuir noires et une montre argentée, des boucles d’oreilles (formées de petits pendants ronds). J’ai fini par aimer ce que ça donnait, c’était certain qu’elle s’y connaît en mode.
Nous nous séparons sur la promesse de nous retrouver pour des soirées entre filles et surtout pour l’enterrement de vie de jeune fille d’Austine. À 20 h j’étais somptueusement habillée, maquillée et coiffée par Aus. Aussitôt que j’ouvre la porte, Joe s’empressa de me complimenter.
Joe : waouhh, je sens que je serai l’homme le plus envié de la soirée.
Il me fit un baisemain, je manque de rougir.
Cette fois, il était à bord d’une Chrysler 300 noire qu’il conduisait lui-même, d’habitude nous sommes conduits par le chauffeur.
Joe (me jetant un coup d’œil) : j’espère que ça ne te dérange pas que je conduise moi-même, je voulais une soirée rien que nous deux.
Moi timidement : non, c’est parfait.
Le reste du trajet se fit en silence jusqu’à ce qu'on arrive au Mercure (restaurant), il s’empresse de m’ouvrir la portière une fois le moteur coupé et confie les clés de la voiture au voiturier qui se charge de la garer. Une fois à l’intérieur, je constate qu’il n’y avait qu’une seule table.
Moi (plissant le front) : tu as bloqué tout un restaurant rien que pour moi ?
Joe : pour la reine que tu es.
Moi souriant : c’est quoi l’arnaque ?
Joe (répondant à mon sourire) : il n’y en a pas, je veux tout simplement te faire plaisir.
C’était la perfection, le lieu, le couvert, le met, la boisson, il sait exactement ce qui me fait plaisir. Des mots doux, le regard intense, le sourire, tout ce qu’il y a de plus romantique quoi. J’étais à l’aise comme tout, la tête dans les nuages.
Moi : parle-moi un peu de ton métier.
Joe : beauté, ce n’est pas l’endroit idéal pour parler de boulot. Si tu veux bien, parlons de toi.
Moi insistant : toi d’abord.
Joe : si cela te fait plaisir, je bossais dans la start-up de mon père NOUMONDJI Roger. Toutefois, j’ai décidé de lancer ma propre carrière donc en début d’année, j’ai ouvert mon garage automobile. C'est plus de la mécanique interne, le client participe à la réparation de son véhicule, ainsi, il sera à même de faire quelques petites réparations lui-même et ne fera recourt aux experts que pour des pannes trop compliquées pour son niveau.
Moi (les yeux grands ouverts) : donc tu es le fils unique de NOUMONDJI, le célèbre NOUMONDJI, l’homme au château d’or ?
Joe (secouant la tête amusé) : j’ai un frère qui est plus connu parce que je n’aime pas trop m’afficher.
Je reste figée la bouche grande ouverte ce qui lui arrache un fou rire.
Joe (se calmant) : tu vois pourquoi je préfère ne pas dévoiler ma vraie identité ? Je veux qu’on m’apprécie pour ma personne et non parce que j’ai le nom de mon père collé à ma peau.
Je sors de ma stupeur et profite de la soirée, je mangeais du bout de la cuillère profitant de chaque seconde de ce moment magique. À 22 h 30, nous quittons le restaurant (consigne de maman Austine rire), une quarantaine de minutes plus tard nous étions à ma devanture.
Moi (détachant la ceinture de sécurité) : merci pour cette belle soirée.
Joe : ça me fait plaisir que tu l’es appréciée.
Moi titubant : ne le prends pas mal, mais on devrait arrêter de se voir.
Joe (me fixant penaud) : quoi ? Pourquoi ?
Moi : je veux qu’on arrête avant que ça n’aille plus loin, tu vois ?
Joe : beauté le fait est que tu as peur de tomber amoureuse d’un rouquin.
Moi : ce n’est pas ça, enfin…
Joe (me coupant net) : si ! Remarque que tu me caches depuis qu’on se connaît toi et moi. Tu n’acceptes mes invitations qu’en soirée, tu ne m’as jamais présenté à ta sœur dont tu parles tout le temps. Il n’y a qu’à voir comment tu regardes autour de toi lorsque nous sommes ensemble.
Cynthia : tu sais, pour une personne normale comme moi…
Joe : parce que je ne suis pas normale ? Je suis fait de chair et d’os comme toi, ce n’est qu’une anomalie.
Moi : qui est héréditaire d’ailleurs ! Si nous devons conclure une relation et aboutir au mariage, cela devrait induire que nos enfants…
Joe (m’interrompant, la voix pâteuse) : stop, stop, stop ! Ça n’a rien à voir... Je subis chaque jour ce type de réflexion de la part des gens ignorants et fermés qui me pourrissent toute ma vie, je dois tout le temps lutter contre ce genre de stigmate. Et ces deux derniers mois, je pensais enfin avoir une chance avec toi, je pensais que ça ne poserai aucun problème à la personne que j’aime.
Moi (le fixant perplexe) : que tu aimes ?
Joe : autant pour moi, que j’aimais.
Plus tard dans mon lit, je me sentais très mal par rapport à lui. Cette déception, qui se lisait dans ses yeux, m’a hanté toute la nuit. Je n’ai pas su mesurer l’ampleur de ma parole, pourquoi ne pourrais-je pas me contenter de l’aimer et d’oublier ces préjugés ? Mon Dieu, comment ai-je pu être aussi stupide et sans cœur ?