Rendez-vous avec...
Ecrit par lpbk
Je sors de ma rêverie et me concentre sur
la conversation. Il faut que je traite André comme n’importe quel client
lambda. Qu’importe le passé, seul le présent compte désormais.
Nous avons grandi, mûri et le destin nous
a forgés, façonnés de telle sorte que les personnes que nous étions hier ont
disparu pour laisser place à celles que nous sommes aujourd’hui. Je me sens
l’âme poète aujourd’hui, sans doute des réminiscences d’Angelo.
— Bien, dans ce cas, il me faudrait déjà la date. Quand
Olivia souhaite-t-elle se marier ?
— Le plus tôt possible, à ce que je sache.
— C’est-à-dire ?
— Dans deux mois maximum.
— Bien, deux moi c’est court. Il va falloir faire très
vite. Tu te rends compte que le budget va considérablement s’alourdir ?
— L’argent n’est pas un problème.ne lésine pas sur la
dépense.
Evidemment, chez les Felton, l’argent n’a
jamais été un problème, suis-je bête…
— Sais-tu quel style de mariage elle souhaite ?
Petit comité ou grande soirée ?
— Ce sera en petit comité. Livia préfère la discrétion.
Pendant une bonne demi-heure, je continue
de lui poser les questions d’usage.
J’apprends donc qu’elle souhaite organiser
une cérémonie en plein air, dans le jardin familial. Le vin d’honneur aura lieu
sur place tandis que la réception même aura lieu chez les mariés.
Olivia a prévu d’inviter une cinquantaine
de personnes pour le vin d’honneur et seuls resteront les proches ^pour la
réception à savoir ses parents, son frère qui sera son témoin, ses beaux-parents
avec leurs conjoints respectifs et enfin les frères et sœurs du marié avec
leurs enfants, soit au final une vingtaine de personnes.
Nous finissons par convenir d’un
rendez-vous dans trois jours afin que je puisse rencontrer Olivia et son
fiancé.
— Au fait, lance André alors que nous sommes sur le
point de raccrocher, je vais te laisser mon numéro personnel afin que tu
puisses me joindre directement. Tu as de quoi noter ?
Je suis surprise même si je ne devrais pas
l’être. Il a raison, ce sera d’autant plus simple si j’ai des questions ou
autre, plutôt que de devoir à chaque fois passer par sa ribambelle de
secrétaires.
— Oui, je t’écoute.
Lorsque je raccroche, je me sens exténuée
alors que la journée ne fait que commencer.
Cette conversation a fait remonter une
foute de souvenir à la surface. Des souvenirs que j’avais enfouis, du moins que
je pensais avoir enfouis.
Je décide de passer à autre chose et me
replonge dans la cérémonie des Diwouta. Dans un mois aura lieu leur grand jour.
Cet après-midi a eu lieu la première
répétition de la cérémonie avec les témoins et les demoiselles d’honneur qui
sont les petits-enfants du couple. Ils sont terriblement mignons. Tout s’est
bien déroulé, les mariés et leur entourage étaient ravis et par extension, moi
aussi. La journée est passée finalement à une vitesse d’enfer.
Demain, nous allons faire les derniers
essayages pour la mariée. Il faut que nous allions aussi choisir son bouquet et
les décorations chez Anaïs, notre fleuriste.
Nous avons rendez-vous avec Bernard en fin
de journée pour écrire le déroulement de la journée heure par heure.
Cette journée aura, au moins, eu le mérite
d’être productive et de m’empêcher de penser.
La sonnerie de ma boite mail me tire de
mon agenda, surchargé.
Ethan : Coucou Mélanie. Désolé pour cette longue absence. J’ai
été pris par mon déménagement et je t’avoue que je n’ai pas eu une minute à
moi. Je me pose enfin et je pensais à toi. La dernière fois, nous n’avons pas
reparlé de ce rendez-vous. Je viens de découvrir un nouvel italien pas loin de
chez moi. Ça te tenterait ? J’espère que tu répondras oui. E.
Ethan ! Je suis étonnée après ce long
silence. J’avoue qu’il a une excuse en béton. Et je ne suis pas la mieux placée
pour juger car je n’ai pas non plus fait l’effort de lui envoyer un petit
message. Mais je dois admettre que je suis flattée qu’il ait pensé à moi mais
aussi qu’il ne lâche pas l’affaire quant à ce rendez-vous. De plus, le fait
qu’il pense à moi me touche beaucoup.
Mélanie : Bonsoir Maitre, j’espère que vous vous remettez de
votre déménagement. N’auriez-vous pas envie de vous reposer plutôt que de
sortir ?
J’essaie d’être aussi légère que possible.
Je ne voudrais pas qu’il pense que je lui en veuille. Je trépigne d’impatience
en attendant sa réponse… qui ne se fait
pas attendre. Ping ! Je bondis sur ma souris pour ouvrir le message.
Ethan : Salut ! Je suis content que tu me répondes !
Je t’avoue que je me demandais si tu ne m’avais pas oublié. Et non, pas envie
de me reposer. J’ai envie de fêter mon emménagement en bonne compagnie.
Moi aussi je suis contente d’avoir de tes
nouvelles Ethan. J’ai beaucoup aimé notre conversation de la dernière fois mais
ça jamais je ne le dirais. Même si toi tu viens involontairement de me révéler
que tu me trouves de bonne compagnie. C’est intéressant et très bon pour mon
égo.
Mélanie : Désolée, je ne t’ai pas oublié. Tu as été pris par ton
déménagement et moi par mon travail.
J’omets volontairement de répondre à la
seconde partie de son message, ne sachant pas vraiment quoi dire…
Ethan : On est quitte alors !
Mélanie : Je crois oui.
Ethan : Alors, ce resto ?
Décidément, il y tient à ce rendez-vous.
Et puis, après tout, je n’ai rien à perdre et j’ai terriblement envie de le
rencontrer.
Mélanie : Pourquoi pas ? Où et quand ?
Ethan est décidément surprenant. Il me
donne rendez-vous à 20h dans un petit restaurant italien. J’ai fait mes
recherches sur Tripadvisor et il a l’air pas mal. Les commentaires sont
élogieux mais je ne me fie pas à eux, j’aime mieux me faire ma propre
expérience.
Je suis excitée comme une puce. Le temps
va me paraitre bien long.
Une partie du restaurant s’étend sur
l’extérieur, sans prétention.
Un auvent rouge « sauce tomate »
côtoie un autre plus petit et vert « basilic » sur lequel est
estampillée une enseigne. L’intérieur est tout aussi simple : la salle
donne sur un bar où s’alignent le long du mur une multitude de bouteille de
vin. Il y a du Chianti, du Primotivo, du Chardonnay, du Sauvignon mais aussi
des sachets de pâtes et autres aliments typiquement italiens.
J’ai dit à Ethan que je porterai une veste
rouge pour qu’il puisse me reconnaitre. Lui doit porter une cravate rouge car
il n’avait rien d’autre de très distinctif.
Je scrute les visages attablés mais tous
sont accompagnés. Seul un homme attend et lorsque je m’approche, une jeune
femme arrive et s’installe en face. De toute façon, il n’a pas de cravate donc
ce n’est pas lui.
— Tu es plus grande que dans mon imagination,
m’interpelle une voix.
Je me retourne et fais face à un bel
homme. Il a une barbe de trois jours et un sourire charmeur. Il porte une tenue
décontractée. Veste bleue marine ouverte sur un t-shirt en coton blanc tout
simple et un pantalon chino caramel, le tout complété par une paire de baskets
blanches.
Heureusement, je suis aussi décontractée
que lui. Mon jean bleu marine me fait un beau fessier et mon t-shirt blanc
s’accord au sien. Je ne me suis permise aucune fantaisie.
Je continue de détailler Ethan et je n’ai
rien à redire sur son apparence. Seule la cravate rouge fait tâche. Sans prêter
attention à ce que je fais, je la lui retire.
— Tu es mieux sans, m’excusai-je.
— Je pense aussi.
Il ne semble pas gêner par mon geste et ne
bouge pas. Nous restons ainsi, très proches, trop peut-être. Je me sens rougir
et ris, embarrassée avant de faire un pas en arrière, histoire de mettre un peu
de distance entre nous.
— On s’installe dehors ? me propose-t-il, en me
montrant la terrasse.
Il fait très doux et autant en profiter.
La conversation roule durant tout le
repas : nous parlons de tout et de rien. De politique, de cinéma, de
littérature, de musique, de sport… Autant de sujets divers. Nous sommes
régulièrement sur la même longueur d’onde, ayant beaucoup de goûts en commun.
Et lorsque nous ne sommes pas d’accord, nous nous promettons de nous faire
découvrir d’une autre manière ce que nous aimons. De faire partager notre point
de vue à l’autre.
J’ai l’impression de connaitre Ethan
depuis toujours. C’est un réel plaisir.
— Parle-moi de toi, me lance-t-il à brûle pourpoint.
— Eh bien, euh… Que veux-tu savoir ?
— La vraie Mélanie. Qui est-elle vraiment ?
— Moi ? répondis-je en fronçant les sourcils.
— Oui, toi ! Tu te caches derrière une façade.
Depuis tout à l’heure, nous avons parlé de tout sauf de toi. Je t’ai parlé de
ma sœur, de mes parents, de mon travail, de ce que j’aime mais tu as toujours
esquivé mes questions te concernant.
Je le regarde, consternée. Eh oui,
vieille, tu croyais le rouler dans la farine pendant longtemps. Il est avocat
et il sait manier la langue mieux que toi.
L’interrogatoire va bientôt commencer…