Révélation

Ecrit par Farida IB


Nahia…


Je sens une main se poser sur mon épaule. Je me retourne pour croiser le regard de Khalil, il passe un bras autour de mes épaules et me presse le bras.


Khalil : ça va ?


Je hoche simplement la tête, j’évite de parler pour ne pas pleurer. La période aiguë est passée pour laisser place à un véritable marasme. Nabil est bien réveillé, mais ne réagit à aucun stimulus depuis maintenant deux jours. L’équipe médicale est une fois de plus à ses côtés pour leur routine et ça fait une éternité qu’ils y sont. Je dois dire que cette situation est beaucoup plus angoissante que la précédente, j’ai l’impression d’étouffer, je ne cesse de pleurer.  


Une trentaine de minutes plus tard alors que je recommence à pleurer en silence en récitant intérieurement des versets, je vois un médecin s’approcher de nous. Je l’observe avec l’espoir qu’il vienne annoncer une bonne nouvelle enfin. 


Médecin : rebonjour à tous.


Nous : bonjour,


Médecin : l’état de santé de votre fils s’est beaucoup amélioré par rapport aux deux derniers jours, toutefois nous allons le garder en observation. Vous ne pourrez toujours pas le voir, il a besoin de beaucoup de repos.


Moi soulagée à moitié : ok.


Khalil (me pressant l’épaule) : merci docteur.


Bilal : merci docteur.


C’est à ce moment que je remarque sa présence derrière nous.


Médecin répondant : c’est mon devoir.


Ma’a (dès qu’il s’en va) : mâcha Allah, enfin.


Awa : enfin, oui, il nous a donné des sueurs froides. 


Moi : de grosses sueurs froides.


Awa : maintenant, tu dois manger un bout et te reposer sinon la prochaine personne sur qui nous allons veiller ici, ce sera toi.


Je touche le banc sur lequel Khalil vient de nous faire asseoir.


Moi : je rejette ta parole, je me reposerai une fois que nous seront rentrés.


Khalil : elle a raison, nous avons la confirmation qu'il est sorti d'affaire  donc tu dormiras à la maison ce soir. 


Moi : ce n'est pas encore sûr, il est toujours mis en observation.


Khalil : peu importe.


Moi : mais je...


Khalil fermement : ce n’est pas discutable.


Moi avec humeur : je ne suis pas d'accord...


Khalil ton menaçant : j’ai parlé Nahia.


Je lève les yeux pour protester et me ravise quand je croise le regard médusé des autres. On se regarde sans rien ajouter d’autre.


Awa (interrompant le silence) : bon, je parlais de manger.


Moi : si tu me fais l’un de tes délicieux tcheps je mangerai volontiers.


Awa (se levant brusquement) : j’y vais !


Moi arquant le sourcil : où ça ?


Awa : préparer le tchep, pour la première fois depuis dix jours que tu demandes à manger, il ne faut pas badiner avec ça. 


Ils rigolent.


Moi : va pour du tchep avec la viande d'agouti


Awa : rhoo tante n'abuse pas non plus.


Moi riant : je te taquine.


Pendant que Awa rassemble ses affaires, Khalil me lance un regard appuyé. 


Moi (me tournant vers lui) : quoi ?


Khalil : rien (chuchotant) c'est reconfortant de te voir rire à nouveau.


Je souris.


Bilal (se raclant la gorge) : tantie Awa je t’emmène si tu veux.


Awa : avec plaisir beau frère raté.


Bilal acquiesce un sourire gêné.


Il se lève et la suit.


Ma’a : je pense que je vais faire un tour à la maison moi aussi, je reviens très vite pour que tu puisses rentrer te reposer à ton tour.


Moi taquine : vous m'abandonnez ?


Ma’a : tu es entre de bonnes-mains.


……


Ça fait maintenant cinq jours que Nabil s’est réveillé. La route est peut-être un peu longue pour qu’il récupère totalement, mais il est indéniablement sorti d’affaire. Il reprend le contrôle de son corps et de sa respiration. Actuellement, ses soins sont pratiqués de manière coordonnée. On le masse, on lui parle pour solliciter ses capacités cérébrales et au fur et à mesure que sa gorge guérit de son extubation, il prend part à nos conversations. Il l’a d’abord fait de façon abrupte et tranchée, ensuite de façon plus fine. Le docteur dit qu’il retrouvera sa voix et sa motricité d’ici quelques jours et c’est de ce facteur que dépend notre sortie d’hôpital. Je ne m’en préoccupe pas si tant, l’essentiel est que le nuage noir soit passé. Quant à moi, je suis plus que soulagée. La peur et l’angoisse de le voir mourir se dissipent peu à peu grâce au groupe de parole initié par Liam. Sur une surveillance rapprochée de Khalil, je me repose et me nourris régulièrement. Il a repris également des couleurs, son regard s'assombrit de moins en moins. 


Cette matinée comme toutes les autres, je suis en plein exercice de marche avec Nabil. Il boite encore un peu. Je lui tiens la main pendant qu’il se déplace sur des semi-sphères de sa chambre au hall d’entrée. Et ça ne se fait pas sans contestation, vous connaissez votre fils là non ?  


Nabil : maman, je peux le faire tout seul.


Moi : tu risques de tomber.


Nabil : mais je suis sorti de la chambre tout seul.


Moi : là il n'y avait pas de sphères.


Nabil maugréant : maman !!!


Voix : excusez-moi, c’est votre fils ?


Je me retourne brusquement pour voir d'où provient la voix. Il y a une  jeune dame métisse qui s'approche le regard admiratif. Elle est suivie d'une jeune fille qui lui ressemble beaucoup, mais avec le teint plus foncé.


La jeune dame (s’éclaircissant la voix) : excusez mon intrusion dans votre vie privée, je l’ai entendu vous appeler maman.


Moi : oui, c’est mon fils.


La jeune dame (écarquillant les yeux) : damn vous l’avez eu à quel âge ? (posant la main sur la bouche) Oh pardonnez mon indiscrétion encore une fois.


Moi : non, c’est rien. Je l’ai eu à 19 ans.


La jeune dame : et lui, il a quel âge ?


Nabil : dix ans.


Moi précisant : dans quelques mois.


Elle passe son regard de Nabil à moi d'un air subjugué.


La jeune dame (fixant sa seconde) : Nadia, n’est-ce pas qu’ils sont mignons à voir ? Ce sera toi et ton enfant dans quelques années.


La dénommée Nadia tire la tronche.


La jeune dame à moi : vous êtes à croquer, on ne dirait pas que c’est ton enfant et lui il est juste trop mimi.


Moi flattée : merci.


La jeune dame : j’étais tellement en admiration que j’ai oublié les bonnes manières. (enchaînant) Je suis Austine Agbéko, journaliste présentatrice de métier et fondatrice de l’ONG fille-Mère épanouie. Comme le dit son nom, elle œuvre pour l’autonomisation de la jeune fille-mère en situation de décrochage scolaire ou chassée de sa famille ainsi que de sa progéniture. Ce n'est ni l'endroit ni le moment , mais j'aurais aimé qu’on s’entretienne plus longtemps. En plus ma cousine a son rendez-vous (elle regarde sa montre et ajoute) dans deux minutes. J'aimerais vous inviter à participer à nos réunions hebdomadaires, enfin si vous n'y voyez pas d'inconvénient.


Moi hésitante : euh ok.


La jeune dame : soyez sans crainte,  j'aimerais simplement faire de vous un modèle pour mes jeunes filles-mère. Faire un enfant à ces âges requiert beaucoup de courages et de sacrifices. Votre témoignage serait donc très édifiant pour les filles.


Moi : ok, je vois. Je viendrai volontiers.


La jeune dame (me tendant quelque chose) : bien, tenez, c’est ma carte de visite.


Moi : heu excusez-moi, je n’ai pas la mienne avec moi.


La jeune dame : ce n’est pas grave, appelez-moi dès que vous aurez le temps.


Moi hochant la tête : ok ça marche.


La jeune dame (montant la joue à Nabil) : c’est gentil à vous de m’avoir accordé votre attention et un peu de votre temps.


Moi : ce fut un plaisir.


La jeune dame : je dois vous laisser (poussant la joue de Nabil) au revoir mon mignon et prompt rétablissement à toi.


Nabil : merci tata. 


Nabil (dès qu’elle s’éloigne) : dis maman, c’est vrai que je suis toujours mignon.


Moi : encore plus mignon qu’avant mon loulou.


Il me fait un sourire béat.


Nabil : les filles vont encore plus me kiffer à l’école.


Moi : lol.


Je mets aussi fin à la séance et vais l’installer dans son lit avant de revenir ramasser les semis sphères. En fin de matinée, nous avons droit à la visite du père de Bilal, ses frères et sœurs. Ils partent vers l’après-midi en me laissant avec Zaïdia et Murielle ensuite, c’était le tour de Bradley, Tina, Alfred et Dorine. Ils passent tout l’après-midi  à animer l’hôpital comme ils savent bien le faire. Le soir, je me retrouve avec mes parents, Amou, le couple Sollou et Khalil. Nous discutons de tout et rien en mangeant les plats qu’Amou nous a apportés. Je sors un moment répondre à l’appel de mamie, elle appelle chaque soir pour prendre de nos nouvelles. Elle  est bien rentrée, elle a commencé ses traitements il y a quelques jours et elle a l'air de reprendre des couleurs. Quand je reviens, ils étaient tous dans le couloir devisant gaiement.


Moi : on vous a renvoyé de la chambre ?


Amou : c’était l’heure de ses soins.


Moi : ah ok.


Je m’assois à côté d’elle.


Ma'a : le docteur est passé nous dire qu’il se peut qu'on libère Nabil d’ici une semaine.   


Moi contente : mâcha Allah, nous allons enfin quitter cet hôpital de malheur. Home sweet Home.


Bilal me fixant : en fait, j’ai décidé qu’il passera sa période de convalescence avec moi.


Moi surprise : pourquoi ?


Bilal : je veux passer du temps avec lui.


Moi : mais qui va s’occuper de lui ? Tu n’es jamais sur place et...


Bilal m'interrompant : mes sœurs sont prêtes à nous assister.


Ma’a : je ne comprends pas, tu veux le récupérer ?


Bilal : non, je veux pouvoir prendre soin de lui le temps qu’il guérisse complètement.


Ma’a s’énervant : parce que nous sommes incapable de prendre soin de lui nous ?


Amou : ma’a calme-toi s’il te plaît.


Bilal : je n’ai pas dit ça.


Ma’a : ce que tu dis sous-entend clairement que nous sommes incapable de nous en occuper et indirectement. 


Bilal : non en fait, mes sœurs pensent…


Ma’a s’emportant : tes sœurs se préoccupent maintenant de lui ?  


Pa’a intervenant : Shaïa calme-toi, ici, c’est un hôpital (se tournant vers Bilal) jeune homme, tu es en droit d’émettre une telle volonté et je peux comprendre ton état d'esprit actuel. Toutefois, le moment n’est pas opportun et tu ne peux pas prendre cette décision sans nous avoir concerté d'avance.  Tout au moins sa mère. Si tu veux récupérer ton fils, tu devras attendre qu’il recouvre sa santé et nous en reparlerons.


Bilal : je peux vous assurer que mon intention n’est pas de reprendre Nabil avec moi, je l’ai dit dans l’optique de vous alléger la tâche…


Ma’a le toisant : ça ira !


Bilal : d’accord, je vous présentes mes excuses si mes propos vous ont offensés. Je ne pourrais le reprendre sans vous avoir averti au préalable.


Pa’a : excuses acceptées. 


Amou : bon, finalement, l’enfant rentre chez qui ?


Ma’a : chez nous bien sûr.


Moi : je pensais le garder un moment avec moi.


Ma’a : tchhrrrr toi aussi tu veux maintenant le récupérer ?


Moi soupirant : non.


Ma’a : Nabil rentre avec nous point final.


Nabil (qui vient de sortir de la chambre) : moi, je veux rentrer avec maman et tonton Lil.



Eddie…


Ian coupe le moteur devant notre immeuble et actionne de déverrouiller les portières. Il enlève sa ceinture avant de se tourner vers moi le sourcil arqué.


Ian : tu ne descends pas ?


Je cale ma tête contre le siège les mains croisées derrière la nuque. 


Ian : type ne me dis pas que tu t’es encore dégonflé.


Moi : même pas, je veux juste prendre un bol d’air avant d’y aller. En espérant qu’elle soit à la maison.


Ian : ça fait cinq jours que tu prends (articulant) des bols d’air !


Moi : un dernier bol d’air.


Ian : rhooo mannii tout ce protocole là commence par m’agacer moi, il y a quoi de si redoutable à dire à une fille qui plus est ton amie depuis perpète que tu l’aimes ?


Moi : c'est facile à dire inh.


Ian : et à faire. Maintenant, sors de mon véhicule.


Moi : rhoo.


Ian : je suis sérieux et je te donne deux heures pour me faire le compte-rendu autrement, je me ramène avec des mégaphones pour le crier dans toute la rue.


Moi : lol tu blagues.


Ian (de tout son sérieux) : tu me connais pourtant.


Moi (ouvrant la portière) : ok, c’est bon, j’y vais (me ravisant) peut-être pas. 


Ian ton menaçant : sort de mon véhicule. 


Moi : pffff !!


Ian : en attendant, je vais chercher les mégaphones de mon père.


Moi (descendant) : c’est bon, c’est bon, je te fais signe d’ici une heure.


Ian : je te donne trente minutes looser !


Moi criant : quoi ? C’est trop peu !


Ian : trente pas plus.


Il ne me laisse pas le temps de répondre avant de redémarrer sur des chapeaux de roues. Je me dirige vers l’entrée ensuite vers l’ascenseur à la traîne.  Après ma dernière discussion avec Yumna (si on peut l’appeler ainsi) j’ai dû me réfugier chez Ian pour avoir fait une grosse crise de nerf qui m’a valu deux jours à l'hôpital. Il fallait éviter tout contact avec tout ce qui était enclin de me faire rechuter. J’ai passé les trois jours suivant à essayer d’évacuer, mais je n’ai pas décoléré pour autant. Il faut dire que ce n’est pas la période la plus heureuse de ma vie, le sort s’acharne clairement contre ma personne. Pour le moment, j’ai décidé d’éliminer le problème avec Yumna pour savoir quelle direction donnée à ma vie.  Je veux juste en finir, quoique je balise un peu, je suis prêt à la confronter. 


Je viens d’arriver devant mon appartement. Je fouille ma poche à la recherche de mes clés que je retrouve dans mon sac. Pendant que je tourne la clé dans la serrure, j'entends Yumna ouvrir sa porte et la regarde précipiter ses pas vers moi du coin de l'œil. Mon cœur cogne fort dans ma poitrine au fur et à mesure qu'elle se rapproche. 


Yumna la voix tremblante : mon Dieu Eddie, tu étais où ? Je me suis fait un sang d’encre. (palpant mon visage) Tu vas bien ? Pourquoi tu ne décrochais pas mes appels ? 


Moi neutre : vient, il faut qu’on parle.


Elle me suit docilement lorsque j'ai finalement pu  ouvrir la porte. Je l’observe pendant qu’elle prend place sur le divan en face du fauteuil dans lequel je viens de m’asseoir, elle a des poches sous les yeux et semble avoir perdu quelques kilos. On reste un moment sans parler avant que je ne décide de briser le silence.


Moi : je veux…


Yumna (en même temps que moi) : je…


On se lance un regard.


Moi : vas-y parle.


Yumna (encore en même temps) : toi d’abord.


On se regarde puis on se sourit.


Yumna : de toute façon nous avons mal débuté.


Elle descend et s’assoit sur la moquette, je comprends et l’imite dans son geste. On se retrouve assis l’un en face de l’autre en position de moines. C’est notre botte en cas de crise. 


Moi commençant : je suis désolé pour tout ce qui s'est passé entre nous dernièrement. Je veux que tu sache que je ne déplore pas le fait que tu veuilles te faire de nouveaux amis et de cliquer avec des personnes différentes, juste que je sentais que tu t’éloignais de moi et ça m’a frustré. J'ai eu l'impression de perdre ma place dans ta vie au regard de la complicité que tu développe avec lui.


Yumna : Eddie jamais tu ne perdras ta place dans ma vie, tu es trop important pour moi. On a toujours été là l’un pour l’autre, quelque soit la personne qui surgira dans ma vie, quelque soit l’importance qu’il aura pour moi, je ne peux absolument pas m’éloigner de toi. Bros before crush (les potes avant les coup de cœur) tu as oublié notre devise.


Moi (me grattant la tête) : non non.


Yumna : c'est bon à savoir. Je veux que tu saches que je n'ai pas fait exprès de te mette à l'écart. Avec Elias, on apprend à se connaître et…


Je grimace, elle s’interrompt et me fixe intensément.


Yumna : bon accouches, qu’est-ce que t’as contre lui ?


Moi : nada, je trouve simplement que ça vite avec lui. Tu le connais à peine…


Yumna me coupant : mais il est sympa, si tu relâchais un peu la pression et que tu apprenais à le connaître, tu verras qu’il est loin d’être un pervers narcissique. 


Moi haussant l'épaule : si tu le dis.


Yumna : de toute façon, mon amitié avec lui n’a rien à voir avec toi, je pense d'ailleurs que je suis amoureuse de lui. (je la regarde choqué) Ne panique pas, je t’assure que ça ne change rien pour nous deux. (clin d’œil) Bros before crush.


Putain !!


Je me lève avec la sensation qu’on m’a planté un couteau en plein cœur.


Moi marmonnant : au contraire ça change tout (me dirigeant vers la porte d’entrée) j’ai besoin de prendre de l’air, tu fermes la porte en sortant.


Yumna l’air perdu : oh, qu’est-ce que tu as d’un coup ? 


Je poursuis mon chemin sans répliquer, elle me rattrape sur le palier de la porte.


Yumna : Eddie dit moi, c’est quoi le problème ? Tu me fais peur là.


Moi direct : tu es amoureuse de lui, c’est ça le problème.


Elle arque les sourcils d’incompréhension.


Moi d’un trait : ça fait sept ans que je suis dans ton ombre en espérant qu’un jour peut être, tu ouvres les yeux et que tu te rendes compte que (haussant le ton) MOI JE SUIS AMOUREUX DE TOI !! Ça fait sept putain d’années Yumna que moi, je t’aime et espère que ça soit réciproque (faisant de grands gestes de la main) tu veux que je me sente comment quand tu me dis que tu l’aimes lui alors que tu viens à peine de le rencontrer lui ?


Elle agrandit les yeux de stupéfaction.


Yumna balbutiant : je… J’ai…


Moi reculant : Yumna rentre chez toi s’il te plaît.


Yumna : Ed…


Moi hurlant : rentre chez toi !!! 


Elle s’en va l’air dérouté, je retourne dans l’appart dans l’intention de prendre un manteau. Mon téléphone sonne en ce moment, je le prends et décroche sans vérifier qui appelle.


Moi bourru : quoi ?


Papa : jeune homme, tu crois parler à qui comme ça ?


Moi (me passant la main sur la tête) : je ne savais pas que c’était toi.


Papa : peu importe, est-ce une manière de répondre au téléphone ?


Moi impatient : on peut en venir au fait s’il te plaît ?


Papa : Eddie, mais qu’est-ce qui te prend ces derniers temps ? Pourquoi tu deviens récalcitrant ?


Moi : il n’en est rien.


Papa : s’il n’en est rien pourquoi je ne t’ai pas encore vu à Lomé ? Tu as fait quoi du billet d’avion que je t’ai envoyé ?


Moi : je te l’ai dit, je ne veux pas rentrer.


Papa : répète un peu ce que tu viens de dire.


Moi répétant : je ne veux pas rentrer, je termine mes études ici comme je te l'avais dit.


Papa : et c’est sur l’argent de qui tu comptes pour le faire ? Ce n’est sûrement pas le mien.


Moi : ne te dérange pas pour moi, je me débrouillerai.


Papa : Holadi (mon prénom complet) tu veut me tenir tête ?


Moi : en aucun cas.


Papa menaçant : le concours, c’est dans une semaine, je veux te voir ici dans les sept prochains jours ou je laisse les forces spéciales s'occuper  de toi.


Moi avec humeur : envoie la NASA, toutes les forces de l’ordre du monde réuni si tu veux. Je ne bouge pas d’ici.


Papa (entre les dents) : Eddie je suis encore ton père et j'apprécierais que tu baisses d'un ton lorsque tu t'adresses à moi.


Moi brusque : tu n’es pas mon père.


Papa : pardon ?


Moi criant à tue tête : tu n’es pas mon père, occupe-toi de tes vrais enfants et laisse-moi faire ma vie comme je l’entends. Franchement, j’en ai marre de tes injonctions !! Tout le temps à vociférer des ordres, j’en ai vraiment ras le bol. 


Papa : Hola…


Moi : au revoir pa… Enfin, au revoir.


Click !


Je raccroche moi-même et jette le téléphone contre le mur avant de m’écrouler sur le sol en prenant ma tête entre mes mains. J'ai fait cette sombre découverte le jour de mon altercation avec Yumna qui je dois dire était tombée dans un mauvais timing. Depuis, j'essaie de me faire à l'idée que toute ma vie n'a été qu'un vil mensonge. Je leur en veux de m'avoir caché une telle chose. Je me sens trahi, seul.  La seule chose qui m'a permis de tenir jusqu'ici était l'espoir d'une relation avec Yumna. Voilà qu'elle autre vient de m'arracher le cœur. Je ne l’ai vraiment pas vu venir ce coup, j’ai passé mon temps à me déchaîner sur son cousin alors que le véritable ennemi était juste à quelques kilomètres de moi. Ça me fout la rage et le pire, c’est que je ne peux que m’en prendre à moi-même pour avoir laissé autant traîner les choses. (soupir)


Au moins là c'est clair que je n'ai plus rien à faire ici.





  
Le tournant décisif