Ruben Tal Beranger
Ecrit par Plénitudes by Zoé
Chapitre 13 : Ruben TAL BERANGER
**** Marla ****
« Enfin ! »
Me voici à l‘aéroport d’Angers-Loire et si je n’avais pas autant peur du ridicule je me serais mise sur mes genoux pour embrasser le sol. Ce que ça fait du bien d’être de retour ! J’en viendrais presque à considérer cette ville comme mon chez-moi, étrange, moi qui ne l’aimais pas du tout au début. Mon premier choix en venant en France c’était Montpellier, je m’imaginais déjà profitant de la mer dès que je pourrais et rencontrer un beau garçon intelligent, drôle et qui me regarderait comme la huitième merveille du monde avec qui je me marierais au bout d’un an de relation juste après avoir décroché haut la main mon diplôme d’ingénieure en environnement. Ah quand la vie veut t’en**ler elle ne le fait pas à moitié. Mais je ne me laisse pas abattre ! Je vois ce retour comme une chance de tout reprendre à zéro. Place à la nouvelle Marla, plus déterminée, travailleuse, aimante et patiente. Mais tout d’abord, reprendre le chemin de l’église.
J’espère que Sabine va bien et qu’elle ne m’en voudra pas trop de ne pas avoir donné de nouvelles.
**** Olivier ****
Pâques a été un moment particulier pour moi. Au cours de la prière du vendredi, j’ai reçu un nom. Le nom de la femme de mes rêves a juste germé ainsi en plein milieu de l’adoration et depuis je suis tellement reconnaissant au Seigneur qui précise l’avenir et me le montre au moment où Il le souhaite et comme Il le souhaite. Tout le week-end j’ai écouté des chants de louange en esquissant quelques pas de temps en temps. Je suis un abominable danseur, je le sais moi-même, je trouvais mes gestes des bras coordonnés avec le reste de mon corps mais la musique en a décidé autrement. Et quand tu es le seul (ou l’un des seuls) blanc dans une église charismatique à tendance africaine et afro descendante, tu as vite fait de te rendre compte que ce que tu prenais pour des mouvements coordonnés ne sont en fait que des bras qui s’agitent de manière étrange.
Mais bon, pour l’instant je m’en fous un peu. Je suis heureux et je le montre avec mon corps, peu importe que cela fasse l’effet d’un coq en train de rendre l’âme selon les mots de Nath. Parfois je me demande pourquoi il est mon meilleur ami. Qu’est-ce que je peux bien lui trouver ? Rire.
Donc ma future épouse, ma reine africaine à la peau aussi brillante que du caramel mou (me voici devenu poète apparemment !) a un prénom aussi beau qu’elle, enfin pour ce que j’ai pu en voir. Nom que je préfère garder pour moi précieusement, jalousement, je n’ose même pas le prononcer moi-même de peur que le vent l’emporte au loin (décidément cette histoire me rend tout ramollo, une vraie guimauve). Je suis super impatient, tellement de la rencontrer. Que le Seigneur la garde Saine et sauve et la protège toujours. Elle m’est déjà si précieuse, ce qui me surprend. Comment peut-on être autant attaché à une personne qu’on ne connaît pas, qu’on n’a jamais vue et encore moins touchée. Mais pour moi elle est aussi réelle que les personnes que je côtoie tous les jours. Purée depuis que je l’ai vue, mon célibat est de plus en plus lourd à porter. Mais patience, en attendant je mène ma vie, je mets tout en ordre, e sécurise mes avoirs et fais mes investissements selon le programme établi et continue de bosser dans ma boîte de BTP. Je profite du fait qu’en ce moment nous n’ayons pas de gros projets dont je dois m’occuper pour m’investir à fond dans l’église. Ma vie est somme toute, calme et sans histoire. Enfin c’est ce que je croyais à ce moment-là.
**** Naomi ****
J’ai passé les congés à lire les livres que j’ai achetés. Je dois bien avouer que pour moi c’était plus de la littérature qu’autre chose, je n’ai pu finir aucun de toute façon. On dirait des contes fantaisistes et je ne comprends vraiment pas comment des millions de personnes à travers le monde peuvent trouver cela sensé et aller jusqu’à s’entretuer juste pour défendre tout cela. Anway.
Pourtant il reste un des livres que je n’arrive pas à lire, ou disons plutôt que je ne sais pas par quel bout le prendre. Si je dois commencer par l’ancien ou le nouveau, bref pour l’instant je fais une pause. Surtout que le boulot recommence demain. Stan m’encourage vraiment à laisser tomber ma quête spirituelle pour me concentrer sur moi-même et lui, sur notre couple et la direction qu’on veut prendre. Il m’a demandé d’emménager avec lui. De mon côté je ne suis pas pressée, surtout que je ne veux pas perdre ma liberté de mouvements, ma petite routine, il dit être prêt à venir s’installer ici et à prendre en charge la moitié du loyer mais j’hésite. C’est simple, j’attends juste le moment où cette relation finira, elles finissent toutes. Surtout que je ne suis pas un cadeau avec ma manie de ne pas répondre quand on me parle alors que l’autre ne m’a rien fait, puis je promets de faire des efforts mais je refais exactement la même chose. Il arrive que je ne lui adresse pas la parole pendant des jours alors qu’il dort chez moi. La situation est intenable, il finira par se lasser malgré les trésors de patience qu’il déploie envers moi. Je ne l’ai jamais vu perdre patience, se mettre en colère ou me faire des reproches. La seule chose pour laquelle lui et moi ne sommes pas d’accord c’est par rapport à ma quête. Il ne comprend pas que je sois mal jusqu’au tréfonds de mon âme. Il m’arrive de faire des jours à pleurer du matin au soir sans réelle raison, tout simplement que j’aimerais être ailleurs, à une autre époque dans une autre peau… Tout cela me pèse énormément, je ne me souviens pas de la dernière fois où j’ai été réellement heureuse. C’était très très pesant physiquement, mentalement et psychologiquement. Je veux que ça cesse ! J’ai besoin que ça cesse ! Et je ne vois qu’un moment pour cela, je n’ai pas le choix. Je ne peux pas continuer ainsi, tout ce que je vois est gris, sombre, terne, je n’ai jamais ce ciel si bleu dont certaines chansons parlent, ces arbres aux feuillages verts éclatants, rien d’autre que le gris…
**** Ruben ****
Moi : Allo
Marla : Bonjour chéri, je viens d’arriver. Je vais prendre un taxi pour rentrer, on se retrouve chez moi ?
Moi : Bienvenu… Attends je viens plutôt te chercher.
Marla : Avec quoi ? En bus ?
Moi : Mais non, je vais emprunter la voiture de Gilbert.
Marla : Mais non, là où je suis là, je suis crevée, pas le temps d’attendre. On se retrouve chez moi dans quelques heures, le temps pour moi de me reposer un peu. Je t’appelle
Moi : Comme tu veux, je t’attends alors, bisous
Marla : Bye. (raccroche)
Ah cette enfant et son impatience ! Maintenant il s’agira de trouver le meilleur moment pour lui déclarer ma flamme, le plus tôt sera le mieux. Surtout que j’ai enfin une vraie chance !
Gilbert : C’était ta copine ?
Moi : Ce n’est pas ma copine. En tout cas pas encore.
Gilbert : Hum
Moi : Quoi hum ?
Gilbert : Je n’ai rien dit.
Moi : Mais tu l’as pensé très fort alors autant dire ce qui te brûle la langue comme ça. Faudrait pas en faire une indigestion.
Gilbert : Lol, de dire quoi encore ? Tu sais ce que je pense de cette fille. Pour moi, elle n’en vaut pas la peine, c’est juste un trou qui a trop servi, une poubelle où tout le monde est déjà allé se vider. Qu’est-ce que tu lui trouves exactement ?
Moi (m’énervant) : Ne parle pas de Marla comme ça !
Gilbert : C’est à cause de ce genre de réactions que je ne voulais pas parler.
Moi (serrant les poings) : Tu vas la respecter ! Tu ne sais pas du tout ce qu’elle a vécu, ce par quoi elle est passé et surtout les efforts qu’elle fait pour en sortir. Devant moi si tu n’as rien de gentil à dire sur elle tu te tais. Et pas de « hum » plein de sous-entendus.
Gilbert (levant les deux mains en signe de reddition) : OK OK ne t‘énerve pas. J’ai compris.
Moi (me calmant) : Hum, lève-toi, on va à la salle. Après je vais chez Marla.
Gilbert : …
Nous sommes allés à la salle où je me suis dépensé et défoulé sur le sac de sable. Je ne supporte pas qu’on manque de respect à une femme, peu importe qui elle est et ce qu’elle fait ou a fait. J’ai trop en mémoire les souvenirs des sévices que ma propre mère a subis lorsque nous étions au Sénégal lorsque j’étais enfant et trop faible pour la défendre. Alors dès que j’ai pu, je me suis interposé entre mon père et elle et lui ai foutu une bonne raclée, ma mère m’en a voulu après coup et mon père m’a foutu à la porte de chez lui. J’ai supplié ma mère de venir avec moi mais elle n’a pas voulu. J’ai donc vécu dans la rue pendant des années, personne de ma famille pour s’occuper de moi, ils ne voulaient pas défier mon père qui les nourrissait tous. Mon arrivée en France a été un miracle et je comprends aujourd’hui que Dieu a joué un grand rôle dans ma vie bien avant que je ne le connaisse réellement. J’étais arrivé au point où la seule solution que j’avais trouvé pour m’en sortir c’était de vendre mon corps. Je suis plutôt beau garçon, agréable à regarder, c’est en tout cas ce que première cliente m’a dit. Je me suis ce jour-là rendu dans un grand hôtel après avoir volé discrètement l’un des costumes de mon père pendant que la maison était vide, pris une bonne douche et ai filé aussi discrètement que j’étais entré. Donc j’ai rencontré Simone dans cet hôtel où je faisais semblant d’être blasé par le chic des lieux en me retenant de regarder partout. C’était elle qui m’a repéré. Elle a apparemment immédiatement compris ce que je venais y faire. Elle et son mari se sont avancés vers moi, je pris peur et voulus me sauver de peur qu’ils appellent les vigiles ou pire, me demandent de faire des choses tous les trois. Je ne saurais dire ce qui m’a retenu ce jour-là, peut-être la bienveillance que j’ai lu dans son regard, et ce fut la meilleure décision de toute ma vie. Elle et son mari m’ont payé un bon repas chaud, m’ont fait parler de moi et après mon récit, ils m’ont proposé une chose à laquelle je n’aurais jamais pu m’attendre : « Cela te plairait-il que nous t’adoptions ? » Évidemment j’ai trouvé cette proposition suspecte. Après tout ce qu’on entend sur les réseaux clandestins de traite des humains en Europe, je venais d’avoir 17 ans.
Pourquoi ce couple de blancs voulait-il d’un grand dadais comme moi ? Ne pouvaient-ils pas concevoir ? Et si ce n’était pas le cas pourquoi ne pas adopter un bébé ou un enfant de bas-âge ? J’en étais là de mes réflexions quand je me souvins de l’endroit où je retournerais dormir après cette soirée et j’en eus le frisson. A ce moment-là cette perspective me paraissait bien plus effrayante que de suivre ce couple dans leur pays. Je dis simplement « oui » entre deux bouchées de poulet et continuai à manger en recommandant mon sort à cet Être dont je n’étais pas réellement sûr de l’existence.
Pour obtenir l’accord de mes parents pour l’adoption, ça a été un vrai parcours du combattant semé d’embuches et de coups bas de mon père, mais c’est une autre histoire. Le plus important c’est que Simone et Paul m’ont adopté, m’ont nourri, logé et aimé depuis ce jour-là. Dès que l’adoption a été effective, nous sommes partis pour Marseille où j’ai dû reprendre le lycée en Seconde, à 17 ans, c’était un vrai défi mais j’ai eu mon Bac haut la main et me voici aujourd’hui, cinq ans plus tard en 2ème année de licence Eau mention gestion des eaux et des milieux aquatiques.
Je me souviens qu’en début d’année scolaire, je ne me sentais pas très à l’aise avec tous ces enfants que je dépassais en âge et puis Marla m’a lancé un bonjour, un sourire et me voilà amoureux pour la première fois de ma vie. Elle m’aidé plus tard à reprendre contact avec ma mère et elle lui a rendu visite lorsqu’elle est rentrée pour ces vacances de pâque. N’en déplaise à certains, c’est une fille bien qui lutte contre ses propres démons, comme nous tous en fait. Je suis tombé amoureux de son grand cœur, de son énergie, et de son sourire qui illumine chaque pièce dans laquelle elle entre.
Je redouble d’ardeur à cogner sur le punching-ball parce que malgré ma bonne volonté, imaginer tous ces hommes qui ont posé leurs sales pattes sur elle me fout dans une fureur pas possible, me donne des envies de meurtre. Un jour si je me retrouve en prison, ce sera de la faute de Marla.