Selma

Ecrit par Saria

***Cotonou-Bénin***

***Une semaine plus tard***

***Fidjrossè***

***Selma***

Coucou mes tatas, comment allez-vous ? Moi c’est Selma. Saria a voulu que je vous rencontre pour vous parler de moi. Bon je me plie, c’est elle la chrochro ou bien ?!

Je reprends dès le début, je suis Selma Whitney[1] Koukoui. J’ai 28 ans, célibataire (enfin pas encore mariée) sans enfant. Je suis l’aînée d’une fratrie de trois enfants : Anita, Joan et moi. Nos parents, Michel et Vera, sont séparés depuis au moins 15 ans. Ma mère vit en France et papa est au Bénin. Il y a 4 ans, il s’est remarié à Maman Adesua. Je suis décoratrice d’intérieur mais je travaille à CTN Mag en tant que chroniqueuse art et déco. Je fais également du dessin à mes heures perdues.

Je suis le mouton noir de ma famille, mais pas pour mon père. En fait, j’ai une mère fashionista et ma sœur est pareille, même si je la trouve plus arrogante. Joan lui, c’est le chéri de sa mère mais c’est un garçon correct et gentil. C’est également un gros sapeur, il est d’ailleurs chef produit dans une maison de marque à Milan.

Si vous voulez, à un moment chacun de nous avait choisi son camp ; moi c’était mon père. J’aime le beau de par mon métier, mais pour moi la valeur d’une personne n’a rien à voir avec sa capacité à chausser « dignement » des louboutins.

Le rubicond a été franchi quand j’ai décidé de rentrer définitivement vivre avec mon père à Cotonou, une fois mon diplôme obtenu en arts décoratifs à l’ENSAD Montpellier. Quand ce dernier a rencontré maman Adesua, j’étais aux premières loges et je n’ai eu aucun mal à l’accepter. De toutes les façons, je pensais qu’il était temps que mon papounet refasse sa vie et ait quelqu’un pour prendre soin de lui et lui tenir compagnie.

Contrairement à mon frère et à ma sœur qui font la guerre à cette dame, elle et moi sommes plutôt complices. Krkr, je vous embrouille hein ! Je m’arrête là ; de toute façon, il n’y a plus rien d’intéressant à dire.

Je gare ma voiture devant la maison des parents et je descends. Maman voulait me voir, c’est vrai que ça fait deux semaines que je ne suis pas passée à la maison. Rire... Pour elle c’est une éternité ! Dès que j’entre…

MA : Hey sweety ! Comme je suis heureuse de te voir ! J’espère que tou n’as pas mangé hein ! J’ai fait une sauce graine[2] dont tou me diras des nouvelles.

Moi : Maman, je suis au régime hein… Où est papa ?

MA : Il est sorti faire une course qu’il m’a dit... Mais qu’est-ce que tou fais debout ?! Assieds-toi. Emma ?! Emma ! Jesus-christ (avec un fort accent anglophone), cette fille-là ! Tou veux quelque chose (fort accent), tou va crier son nom partout d’abord ?!

Moi : T’inquiète maman, je vais me laver les mains à la cuisine, j’en profiterai pour nous prendre à boire.

MA : Ok mon bébé.

 

***Quelques minutes plus tard***

On finissait de manger ; j’écoutais ma belle-mère parler d’une oreille distraite, en jetant un œil de temps en temps sur la télévision. A un moment, comme chaque jour depuis quelques temps, mes pensées s’envolent vers Kader Diaby… Hum depuis la fois où il est sorti d’hôpital, je ne l’ai plus revu. Bon rien de spécial, je m’inquiète pour lui ; c’est quand même moi qui l’ai renversé ! C’est un homme plein de contrastes et de mystères.

Maman Adesua : Hey tou m’écoutes au moins ?!

Moi : Euh... Oui...Oui maman !

MA : Eh mais tou ne m’écoutes pas !

Moi : Si maman ! Mais, il faut que j’y aille là maintenant ! Il se fait tard !

MA (vexée) : Quand je veux te parler sérieusement ?!

Moi (lui faisant un bisou) : Maman, c’est bon je t’en prie… j’ai compris… Tu veux que je me case non ?! C’est compris !

Je sors de là vite fait… Hum si seulement elle savait !

 

***Trente minutes plus tard***

Je venais d’arriver chez moi. Hum… Mes parents veulent que je leur présente quelqu’un. A mon âge « ce n’est pas normal » que je sois encore célibataire. La discussion que je viens d’interrompre avec ma belle-mère ou plutôt ma mère (je n’aime pas trop l’autre terme) remue quelque chose en moi.

Ce n’est pas que je n’ai personne, non c’est juste plus compliqué que ça. Je suis dans une relation depuis trois ans avec l’homme d’une autre. J’ai rencontré Philippe Tometin quand je suis rentrée au Bénin. Revenant à ma relation… C’est au bout de deux ans que j’ai su qu’il y avait une autre femme dans sa vie. Il m’a expliqué que c’était une ex qui a du mal à capter que c’était fini. Tu parles !

Il m’est déjà arrivé d’en avoir marre mais je suis incapable de rompre. Ne me regardez pas de travers, ma mère (biologique) m’a souvent répété que j’aurais du mal à me caser (trop intello, trop noire et trop rêveuse) ; donc j’ai vite compris qu’à mon âge, il me fallait me montrer patiente… Phil finira par arrêter ses conneries.  Depuis, c’est un gros bordel et j’évite d’y penser.

Mais je me suis promis que je ne présenterai à mes parents qu’un homme bien sous toutes les coutures. C’est actuellement la pomme de discorde entre mon “chéri” et moi : nous sommes en froid ; monsieur a explosé quand je lui ai demandé pour la énième fois où nous en étions lui et moi. Hum !!! Je viens d’arriver chez moi.

J’ôte mes chaussures dans l’entrée. Ici c’est mon havre de paix, je me sens bien et comme à mon habitude, je laisse tous mes soucis dehors avant d’y entrer. La décoration est à cheval entre le rétro et le moderne. Je n’avais pas encore fini d’aménager mais le résultat était top. Une baie coulissante sépare mon hall de la salle de séjour. Cette dernière est immense, j’y ai mis ma salle à manger et mon coin bureau. Pour tous meubles, un canapé gris-vert, un vieux fauteuil dans les tons gris, une table basse vert olive, le tout posé sur un grand tapis avec des motifs de patchwork (cadeau de maman Adesua) et… une télévision dernier cri (le seul extra que je me suis permis).

Dans la salle à manger composée d’une table et des chaises en fer forgé (une œuvre d’art), j’ai posé sur les chaises, des coussins en tissu wax. Bref, mon intérieur est tout sauf banal. Dans ma chambre, le matelas est posé sur un lit sans pied, à 30 cm du sol, une grosse lampe de chevet en forme de tournesol à côté ; de là, la vue tombe direct sur un gros poster de Denzel Washington (ne me demandez pas pourquoi, je suis folle de lui), puis mon dressing. Dans la deuxième chambre, il y avait juste un matelas posé à même le sol. La cuisine et la salle d’eau… Rien de spécial, des pièces fonctionnelles.

Je pose mon fourre-tout qui me sert de sac. Mon téléphone sonne… hum quand on parle du loup.

L'homme qui n'avait...