Sombre découverte

Ecrit par Farida IB



Nihad ANOUAM…


Je me réveille lentement et remarque les rayons de soleil à travers les stores, vu leur éclat il n’y a pas de doute que le jour s’est levé il y a un bon moment déjà. J’ai passé la nuit chez Dylan qui est venu me chercher à la sortie du boulot hier soir, comme c’était vendredi, je n’ai pas trouvé l’utilité de rentrer chez moi. En plus nous avions beaucoup à nous dire par rapport au sujet de la grossesse de sa collègue, donc c’est ce que nous avons passé la nuit à faire. 


Je tourne ma tête vers Dylan qui dort encore à poings fermés, il est beau ce mec lorsqu’il dort. Je passe ma main derrière son dos et lui caresse la nuque tout en parlant tout bas.


Moi : bébé, il faut que tu te réveilles. Tu vas être en retard pour ton rendez-vous.


Dylan (entrouvrant les yeux) : rhooo il fait déjà jour ?


Moi : mouais !


Dylan : putain, on a dormi combien d’heures en tout ?


Moi (rire de gorge en fixant l’écran de mon téléphone) : deux heures, je crois.


Il remet la tête en dessous le drap en boudant.


Dylan : flemme, je n’ai plus envie d’y aller.


Je me mets à califourchon sur lui et enlève le drap sur son visage avant de lui faire des papouilles dans les cheveux. 


Moi (ton doucereux) : ils vont vraiment être vénère, ça fera la troisième fois que tu reportes cette rencontre.


Il se met à ronfler faussement, ce qui me fait sourire. J’arrête mes papouilles puis feins de me lever lorsqu’il retient par la main.


Dylan : t’arrêtes pas, ça me fait grave du bien.


Moi (lui caressant la joue) : il faut qu’on bouge, je dois passer chez ma mère et toi, tu as ton rendez-vous.


Il passe sa main derrière mon dos et me rapproche par la nuque avant de me fixer longuement et de me dire.


Dylan : tu n’as pas à faire cette mine, je t’ai dit que j’allais tout arranger.


Moi (comprenant de quoi il parle) : c’est bon là, on en a parlé toute la nuit. (souffle) Je garde ma position, elle aura un enfant de toi et puis c’est tout ! 


Dylan : je parle de cette lueur de tristesse qu’on lit dans tes yeux, c’est quelque chose qui ne me réjouit pas vraiment.


Moi soupirant : bébé, je gère.


Dylan (se passant la main sur le visage) : si tu le dis.


Je lui smack ses lèvres inactives et me lève ensuite pour me diriger vers la cuisine avec l’intention de faire le petit déjeuné. Je fouille un peu l’étagère pour me décider et constate qu’il n’y a presque plus rien, enfin rien pour être honnête et idem dans le réfrigérateur. Je sors une bouteille, je me sers et en prends une gorgée. Dire que cette histoire ne m’ébranle pas sera un euphémisme, je suis mal par rapport à mon couple. Je laisse la bouteille sur la table cuisine et le verre dans l’évier puis me remet à penser à notre discussion de la nuit, adossée à la table. Dylan, je l’aime vraiment, je me suis trop décarcassée pour en arriver là avec lui donc tant qu’elle n’empiète pas sur notre histoire, je laisse couler.


Gibs, son cousin, déboule dans la cuisine torse nu me faisant sortir de mes pensées.


Gibs (se grattant la tête) : euhh désolé je croyais trouver personne ici, bonjour.


Moi (souriant gênée) : bonjour Gibs, bien dormi ?


Gibs (sur un ton de plaisanterie) : dormir ? (rire) Je ne dirai pas ça.


Moi riant : il y a de quoi krkrkr… 


En fait sa copine et lui nous ont chanté ″La Concorde″ (hymne national Gabonais) toute la nuit.


Gibs : et le frangin ?


Moi : il fait sa marmotte, je vais même le réveiller de ce pas.


Je le laisse en train de chercher, je ne sais quoi, j’arrive au seuil de la porte qu’il m’arrête.


Gibs : ma belle, euhh… Il n’y a presque plus rien.


Moi : c’est ce que j’ai constaté, je m’occupe de ça après. 


Gibs (se grattant la barbe) : c’est pour cela que tu es ma préférée, il faut déjà nous dire combien on doit cotiser pour la dot. Si ça ne tenait qu’à moi on le ferait tisuite krkrkr…


Moi (roulant des yeux) : il faut d’abord doter la maman de votre futur neveu ou nièce.


Gibs : tsuiipp dans quoi même ? Où je te parle là personne ne la connais.  De Glass jusqu'au Cap Sainte-Catherine, les RASSONDJI t’ont déjà validé. 


Moi : lol, encore vous-même.


Je sens une main qu’on passe sur mon bas de dos puis un bisou dans le cou.


Moi (sans me retourner) : tu t’es enfin décidé ?


Dylan : ouais, Thierry (son acolyte) m’a déjà appelé. (à Gibs) Toi, tu racontes quoi déjà ce beau matin ?


Gibs : moi ? Euhh rien (passant devant nous) à toute les mamours.


Je secoue la tête amusée alors qu’on le suit vers les chambres, il rentre dans la sienne qui est face à celle de Dylan. Nous traînons un peu les pas en nous câlinant avant de refermer la porte derrière nous. Il pose des baisers mouillés sur mon cou, avec les mains qui malaxent mes seins.


Moi narquoise : je vois qu’on veut rattraper le temps perdu.


Dylan (ton libidineux) : tu sais toi-même que ça m’a manqué de le faire, toute la nuit, j’ai rêvé de le faire.


Moi (la respiration hachée) : Dy, ton rendez-vous. 


Dylan : ça peut attendre.


On bécote alors assis sur le rebord du lit, puis je le bascule en arrière et me met à califourchon sur lui, puis commence à l’embrasser dans le cou. Il enlève son T-shirt puis le mien, puis le reste vous vous doutez bien.


Donc il me remplace sous la douche un instant d’après et en ressort quelques minutes plus tard une serviette dans le cou et une autre attachée à la taille pendant que je lisse mes cheveux.


Dylan : bébé, tu penses durer chez ta mère ? Il me faut ta voiture.


Moi : ok, si tu me déposes et que tu reviens me chercher après.


Dylan : pas de soucis, par contre, il ne reste presque plus rien sur la carte. C’est mon tour aujourd’hui.


Moi : j’ai oublié de le recharger, tu peux t’arranger avec cent mille ? C’est tout ce que j’ai sur moi comme liquidité.


Dylan : mouais ça peut aller. 


On ne tarde plus à partir, du moins, on avait suspendu nos choses parce que son téléphone retentissait de trop pfff. Bref, trente minutes plus tard, il coupe le moteur devant la belle résidence de Mme Geneviève à Batterie IV. Je détache ma ceinture de sécurité avant de me rapprocher de lui, on s’embrasse pour se dire au revoir puis je descends, la tête dans les nuages. Il m’envoie un bisou que je rattrape au vol avant de démarrer en trombe. Je tourne les talons vers le portillon lorsqu’un vigile m’arrête dans mon élan, tient, il n’y a que de nouvelles têtes ici. Qu’est-ce qui a bien pu changer ? Je ne vais pas tarder à le savoir, ma mère me paraît trop louche. C’est même la raison pour laquelle j’ai tenu à venir ici sans lui dire et je ne partirai pas sans savoir ce qui se passe.


« Bonjour mademoiselle, vous désirez voir quelqu’un ? »


C’était le vigile qui venait de parler.


Moi : je voudrais voir ma mère s’il te plaît.


Vigile (arquant un sourcil interrogateur) : votre mère ?


Moi : c’est bien ici qu’habite Geneviève MIKALA hein ?


Vigile : oui, c’est ici Mlle.


Moi : et bah je suis sa fille, et j’aimerais bien lui parler si vous me laissez passer ce portail.


Vigile : je comprends, mais il vous faut prendre un rendez-vous avec elle, elle nous a donné comme consigne de ne pas se faire déranger par qui que ce soit. Monsieur est là et il se repose.


Akiieee ça, c’est quelle histoire encore ?


Moi perdue : tu dis qu’elle est là, mais je ne pourrai pas la voir parce que « monsieur » est là ?


Vigile (hochant lentement la tête) : c’est ce que je viens de dire.


Moi : je vais lui passer un coup de fil pour voir ce qu’il en est.


Vigile : faites donc ça Mlle.


Il retourne à son poste pendant que je sors mon téléphone pour appeler ma mère. Elle décroche à la troisième sonnerie, la voix cassée.


Moi (d’entrée) : maman, ça c’est quelle histoire que je dois prendre rendez-vous avant de venir te voir hein ? C’est qui le monsieur qui se repose et qu’on ne doit pas déranger ?


Maman : Nihad ?


Moi : ah, tu n’as plus mon numéro aussi ?


Maman : je n’ai pas regardé l’écran avant de décrocher.


Moi : ok, dis à tes vigils de m’ouvrir la porte. Il faut qu’on se parle.


Maman : tu es chez moi là ? 


Moi : au portail !


Maman : attends-moi, je viens.


Elle vient à ma rencontre dix minutes plus tard et me parle à travers le portillon.


Maman : Milenzi, tu ne pouvais pas m’appeler avant de venir ?


Moi plus qu'étonnée : c’est maintenant la nouveauté ? Je dois t’avertir avant de venir chez-toi ?


Maman : ce n’est pas ça ma fille…


Moi (la coupant net) : et c’est quoi ?


Maman : on se voit au bureau lundi, je te dirai tout ce que tu veux savoir, mais pour l’instant, il faut que tu partes.


J’ouvre les yeux et la regarde complètement hébétée.


Moi : maman qu’est ce qui se passe ? 


Elle veut parler, mais une voix l’appela à l’intérieur, elle prend un air paniqué avant de se tourner vers moi.


Maman : écoute ma fille, part maintenant. Je t’expliquerai tout plus tard !


Elle fait volte-face et me laisse là pantoise, je mets quelques secondes de trop avant de me décider à partir.


*

*


Axel BENAN…


Gina revient de la cuisine me retrouver les yeux rivés sur le téléphone. Ça fait dix fois que je relis le même message alors qu’elle n’est plus en ligne, ça a juste du mal à passer. Je zoome et rezoome sur les tests qu’elle m’a envoyé, il n’y a aucun doute qu’elle soit enceinte. Pfff, c’est vraiment ma veine !!


Moi (relevant la tête) : go là dit qu’elle est enceinte !


Gina : qui ça ? 


Moi : mais Rachelle !  Qui d’autres veux-tu que ce soit ?


Gina (plissant le front) : enceinte et c’est de toi ?


Moi (commençant à m’énerver) : naturellement !


Gina (pouffant de rire) : toi vraiment… Bon à supposer que ce soit vrai, elle en est à combien ?


Moi : si elle le dit c’est que c’est vrai.


Gina : et tu la crois comme ça sur parole ?


Moi : bah oui ! Aux dernières nouvelles, je suis son petit ami.


Gina (rire dérisoire) : je pensais que vous n’étiez plus ensemble.


Moi (inspirant profondément) : on parle d’une grossesse là Gigi.


Gina (redevenant sérieuse) : mais tu es comment même ? Tu ne vois pas que la fille essaie de te piéger ?


Moi (m’insurgeant) : elle aurait quel intérêt à le faire ? 


Gina : peut-être qu’elle cherche un alibi pour te faire revenir dans sa vie, mais bon sang Lex cette fille te manipule à sa guise et tout ce que tu sais faire, c’est de te laisser aller à son jeu.


Moi (soupirant de frustration) : tu n’en sais rien Gina, moi non plus d’ailleurs. Je vais de ce pas en parler avec elle pour en avoir le cœur net.


Gina : ahoolee Yia ko lébè (c’est ton problème !)


Je l’ignore et me saisis de mon téléphone pour l’appeler, ça sonne dans le vide. Au bout de cinq tentatives, je décolle l’appareil de mon oreille et le pose sur le guéridon.


Gina (me fixant avec insistance) : et ??


Moi : elle ne décroche pas.


Gina : tant mieux !


Je croise mes jambes et passe une main dans mes cheveux avant de soupirer bruyamment.


Moi dépité : si elle est vraiment enceinte, c’est que je suis mal, mes parents vont me faire ma fête.


Gina : justement, elle ne l’est pas.


Moi : rhooo Gina.


Gina (se levant) : en tout cas, j’en ai vu d’autres et je me fais none si ta Rachmachinchose là est vraiment enceinte. (enchaînant) Je vais vérifier le niveau de la cuisson, j’ai terriblement faim moi.


Moi : enfin quelque chose d’utile !


Elle éclate de rire.


Moi : pffff !!!


*

*


Mariam KEITA épouse DIOMANDE…


Je me réveille d’un bond avec une forte impression d’avoir fait un cauchemar. Des frissons me parcourent encore le corps rien qu’au souvenir qu’on m’arrache mon bébé, mon Ayah (miracle). Je prévois l’appeler ainsi mon champion, il a survécu à notre zone de turbulences et j’ai la ferme conviction qu’il survivra concomitamment aux aléas de la vie. C’est indubitablement un cauchemar, mon bébé est bien là et personne ne peut me l’arracher, je l’aurai bien dans mes bras dans quelques jours. Je verrai enfin à quoi, il ressemble, peut être qu’il sera le seul à s’approprier mes gênes. Je verrai enfin à quoi il ressemble, peut être qu’il sera le seul à s’approprier mes gênes. 


Je me redresse avec difficulté, une douleur très vive dans l’abdomen me cloue sur place. Par réflexe, je touche mon ventre et pousse un ouf de soulagement. Il est toujours très gros, mais cette sensation de vide m’interpelle quelque peu. D’habitude, mon bébé est très réactif à chacun de mes mouvements, au moindre petit bruit. Mais bon, si moi-même, je me sens si vidée d’énergie, c’est qu’il doit sagement se reposer dans son cocon. 


Infirmière (tenant la porte) : Mme DIOMANDE vous vous êtes finalement réveillée.


Moi (grinchant de douleur) : j’ai mal.


Infirmière : ne bougez pas, j’appelle le docteur.


Elle referme la porte aussitôt me laissant un peu perplexe, d’ailleurs qu’est-ce que je fais encore sur un lit d’hôpital ? Je devais être chez moi en train de préparer l’arrivé du bébé, mais qu’est-ce que je fais là ?


Tentant de recoller les morceaux dans ma tête qui commence sérieusement à me cogner, je me rappelle avoir fait un mauvais rêve. Oui, un très mauvais, une femme m’avait présenté une jeune fille censée être le rejeton illégitime de mon mari. Ensuite, il y a lui qui essaie de se défendre et moi qui criais hystérique puis c’était le brouillard. Je me suis réveillée juste au moment où cette vieille m’arrachait mon enfant, elle y était presque si je ne lui avais pas mis des coups de pied dans le rein.


La porte s’ouvre sur le docteur et l’infirmière de toute à l’heure, je les regarde s’activer autour de moi sans rien comprendre. Je les vois qui me réajustent le cathéter et ajoute un produit dans la solution glucosée.


Moi : docteur, vous pouvez m’expliquer ce qui se passe ? 


Docteur (régulant la perfusion) : vous me dites si vous avez mal ailleurs et je vais voir quoi faire.


Moi (le fixant éberluée) : j’ai atrocement mal à l’abdomen et un peu à la tête. Docteur et mon bébé ? Il va bien, j’espère.


Docteur hésitant : nous avons dû l’extraire pour vous rendre la vie sauve. 


Moi (commençant à m’inquiéter) : comment ça ? Mais il va bien n’est-ce pas ? (mi-jouissive, mi-inquiète) Je vais pouvoir le voir plutôt que prévu alors.


Docteur (l’air affligé) : il, euhh… Enfin, nous avons fait tout ce qui était en notre pouvoir, mais il… il…il n’a pas survécu. 


Gboum !


C’est le bruit que mon cœur fait en tombant dans mon ventre.


Moi (parlant vite) : vous voulez dire quoi par là ?


L’infirmière me regarde le visage empreint d’émotion, elle hoche lentement la tête pour me signifier que son supérieur était loin de plaisanter. D’un coup, mon visage s’assombrit. L’amertume me gagnait peu à peu, je lève plusieurs fois ma tête entre mon ventre et leur visage avant de laisser échapper quelques gouttes de larmes. 


Moi (criant à travers les larmes) : c’est faux, c’est faux, il est là. Il va bientôt bouger, mon bébé va bientôt me faire signe de vie.


Docteur (faisant de grands signes à l’infirmière) : calmez-vous, il ne sert à rien de vous mettre dans de pareils états.


Je veux crier tout mon désarroi, mais tout reste coincer au travers de ma gorge lorsque la substance que viens de m’injecter l’infirmière commence par faire son effet. Le corps qui tremble, les paupières alourdis, le cœur en lambeau, je ferme subrepticement mes yeux sur cette tristesse que je laisserai volontiers m’emporter.  




Amour & Raison