Un nouveau départ
Ecrit par Farida IB
Austine AGBEKO…
La douce voix de l’hôtesse me tire de mon profond sommeil, elle me faisait comprendre que nous devrions atterrir sous peu. Je redresse mon siège avant d’étirer mes articulations engourdies, en deux trois mouvements, je m’étais remise d’aplomb. De l’autre côté du couloir je pouvais facilement distinguer les amoureux bien entrelacés et je ne pus m’empêcher de ressentir une once de jalousie passagère. C’est même pour éviter qu’il n’attise le feu de mon chagrin que j’ai pris la résolution de dormir durant tout le vol et c’est ce que j’ai fait depuis hier que nous avons décollé. Je ne veux plus me laisser rembrunir par quoi que ce soit ou même qui que ce soit. Emmanuel a fait son choix et ce n’est moi la fille de Da Béné qui mettra sa vie en paria pour lui tssuuiipp. La vie, elle se dévore comme un Kiri. Amoureux my Ass, en tout cas bonne chance à lui là-bas.
En ce qui me concerne, j’ai appris à relativiser. Surtout, depuis que Joe nous a initiées à la prière, cela nous fait beaucoup de bien et ma Cop est plus heureuse que jamais. Parfois, Dieu suppute le bon moment pour t’envoyer un ange.
Lorsque l’avion se pose, je descends suivie de Cynthia qui a une mine plutôt rafraîchissante. Pendant qu’on attend au pied Joe qui s’est rendu dans le cockpit, je la charrie un peu.
Moi (lui lançant un regard goguenard) : je ne sais pas dans quel canari tu as mis cet homme pour l’entraîner aux îles Canaries, mais miss, je te suis redevable à jamais. Mamamiyaaa, le rêve d’une vie !!!
Je me mets à sautiller comme une petite fille devant un cornet de glace.
Cynthia amusée : je te signale que c’était ton choix, et je doute que ce soit plutôt lui qui ait usé de phéromones pour que j’accepte vous suivre en Espagne.
Moi : ça marche bien hein, tu ne peux même plus le lâcher d’une semelle. Vous m’avez trié durant tout le vol, même pas lorgner la frangine !
Cynthia : j’avais le torticolis.
Moi riant : je me doute bien, heureusement qu’il est là pour te masser le cou. (faussement sérieuse) Nous allons déjà commencer par définir les règles, tu me dis si je dérange et je te dis si tu me gazes.
Cynthia : rhooo Aus, on fait équipe dès maintenant.
Moi : qui on ?
Cynhtia (plissant le front) : mais toi et moi !?
L’arrivée de Joe nous interrompt.
Joe : toutes mes excuses les filles, je devais donner des instructions au pilote.
Moi : ohh, ne t’inquiète pas, nous en avons profité pour nous mettre d’accord.
Joe : d’accord sur quoi ?
Moi (moi tirant mon trolley en jubilant derrière eux) : ohh rien, juste des consignes. (levant un bras en signe de victoire) Las Palma, aquí estamos !!! (la Palma, nous voilà!!!)
Joe secoue la tête amusée et Cynthia éclate de rire. Laissez, je ne peux juste pas endiguer ma joie, tellement mon cœur en déborde.
La pénombre recouvrait à peine le ciel ensoleillé lorsque nous avons franchi la barrière du terminal des arrivées après les formalités de police. Plus tard, nous regagnons notre suite en même temps que le groom arrivait avec nos affaires. Nous avons pour ordre de mission de dévaliser les boutiques donc nous n’avons chacune qu’un trolley plus nos sacs à main. Une fois la distribution des chambres faites, Cynthia me suit dans la mienne et j’attends qu’on passe la porte avant de venir au bout de mes idées.
Moi : je peux savoir ce que tu fais là ?
Cynthia (l’air confuse) : m’installer bien sûr !
Moi : dans les cent post-it que j’ai alignés pour nos activités, as-tu vu un sur lequel j’ai mentionné du Baby-sitting ?
Cynthia : baby-sitting ?
Moi (agitant ma main devant elle) : ne me regarde pas comme ça, je te fais juste savoir que je n’ai pas besoin de baby-sitter pour me garder donc libère-moi le plancher. Déjà, que j’ai la plus petite chambre, ne viens pas m’étouffer toi aussi.
Je le dis en me laissant tomber le long du lit, qui soit disant en passant est très douillet. Elle reste ébahie un moment, alors je reprends.
Moi : petite, va dans l’autre chambre. C’est là qu’on a besoin de toi, et puis pense à fermer ton clapet avant qu’une mouche n’atterrisse là-dedans.
Cynthia : mais je reste avec toi. C’est….
Moi (l’imitant) : mais mais mais rien du tout (claquant mes doigts) Allez oust !!
Cynthia (secouant la tête) : onze années à côté de toi, mais tu réussis toujours à m’étonner. En tout cas, je m’en vais ohhh, j’espère seulement que tes idées sombres resteront loin, mais très loin de toi.
Moi : Miss CLARK please go to join your sweetheart and let me live my life ! (Mlle CLARK, s'il vous plaît, rejoignez votre chéri et laissez-moi vivre ma vie.)
Cynthia : c’est bon, j’ai compris !!
Moi : tu fermes bien derrière toi, vous me faites signe qu’à l’heure du dîner.
Elle s’exécute et je me lève ensuite pour sillonner l’environnement dans lequel je me trouve. Just Fabulous, la suite possède tous les équipements nécessaires au quotidien. La vue sur le toit est spectaculaire, un coin solarium avec piscine, petite mais utile pour se rafraîchir. Le coin salon et petit déjeuner dans le hall est très sympa avec un coin bar. Le luxe total ! Je m’aventure vers les fenêtres lorsque je reviens à la chambre et je suis encore plus impressionnée. Elles donnent sur la mer et du balcon, on peut voir l’hôtel en entier. Je me pose sur le balcon et regarde les va-et-vient des visiteurs.
Depuis le jour où j’ai découvert le pot aux roses d’Emmanuel, j’ai eu le temps de faire mon deuil et là, je suis venue me ressourcer. En quelque sorte, reculer pour mieux sauter. J’ai l’intention de profiter de ce voyage au max, mon retour à Lomé sera pour moi un nouveau départ. Ma famille, ma carrière, et mon association, c’est tout ce qui compte désormais pour moi. Je ne nie pas que ça fait toujours mal, mais les dés sont jetés et je l’ai déjà dit plus haut, life goes on.
Je me dirige vers la porte lorsque j’entends des coups frappés contre elle.
Moi (en ouvrant la porte) : petite, je t’ai dit….
Mes mots meurent sur mes lèvres en me rendant compte que ce n’est pas Cynthia, mais le personnel de l’hôtel. Il me demande si tout va bien avant de me tendre le verre qu’il avait dans ses mains.
Lui (avec accent) : votre cocktail de bienvenue Mlle.
Je le lui prends des mains après l’avoir remercié chaleureusement, prendre le temps de refermer la porte de m’asseoir confortablement pour déguster ce délice. Je sens que je vais vraiment m’y plaire ici entre nos voyages, nos shoppings et mes activités détentes. So, je n’ai pas besoin de Cynthia dans mes pattes, Joe a plus besoin d’elle que moi. Elle va sauf qu'oublier ses principes à deux balles et se laisser aller à cette nouvelle chance que lui offre la vie.
*
*
Cynthia CLARK…
Je souris en me dirigeant vers la chambre de Joe, ça ne me déplaît pas cette idée de partager la même chambre que lui, mais c’est une première depuis que nous sortons ensemble du coup, j’ai quelques appréhensions. Enfin, il ne va quand même pas me mordre. Il faut dire qu’elle a eu tout le soutien qu’il faut, en plus les mots d’apaisement que lui ont procuré le pasteur de Joe était plus que suffisant. En seulement deux semaines, elle est redevenue plus burlesque et plus mesquine qu’avant. Vivement, que ce séjour se déroule et se termine sur la même note.
Sinon qu’avec Joe en général ça va, je commence à saisir sa personnalité et je dois dire que ce que je découvre me plaît vraiment, mais vraiment beaucoup. En toute sincérité, je commence à ne plus vouloir me passer de lui, je l’ai dans la peau (rire).
Une odeur particulière m’accueille dès que j’ouvre la porte, assurément le gel douche qu’il utilise en ce moment même. Il en ressort aussitôt dans un peignoir glauque, légèrement ouvert au niveau du torse et se fige aussitôt que ses yeux se sont posés sur ma personne.
Joe (une expression hagarde sur le visage) : t’es-tu trompé de chemin ?
Je ne peux m’empêcher de baver sur son torse, c’est la première fois que je le vois dans son intimité en fait.
Sa poitrine, c’est quelque chose !
Moi (essayant de cacher mon trouble) : euhh là-bas le lit ne peut accueillir deux personnes. Austine me charge de te dire qu’elle a l’intention de gagner des calories durant ce voyage et non en perdre.
Joe amusé : ok, tu peux t’installer, je vais prendre le canapé d’assaut.
Moi : ça ne me pose aucun problème qu’on le partage.
Joe (plissant le front) : tu es sûr ?
Moi (secouant la tête et les épaules à la fois) : puisque je te le dis.
Il hausse les épaules et se passe la langue sur les lèvres, ce geste si anodin n’en est jamais un dans mes pensées. Il m’est plusieurs fois arrivé de m’imaginer lui capturer les lèvres et de les relâcher qu’une fois les avoir toutes dévorées. Que mes mains, ma bouche explorent chaque parcelle de son corps nu et que j’atteigne le nirvana sous ses caresses.
Pardon ! Il faut déjà que j’arrête de suivre les délires d’Austine, cette fille contrôle mes pensées même lorsqu’elle n’est pas là.
Il vient vers moi tendant un bras en vue de me prendre mon trolley et mes poils se hérissent au contact de sa peau fraîchement lavée. Il me le prend, fait un pas en arrière avant de me fixer à nouveau.
Joe (plissant le front) : ça va ?
Moi (me massant le coup) : oui, oui. (étourdie) Je vais prendre un bain et nous pourrons ensuite visiter l’hôtel.
Joe : ok, je serai au bar si tu me cherches.
Je secoue lentement la tête, il se change en un temps record et ressort de la chambre alors que je m’occupe de ranger mes affaires et de sortir mon kit de toilette. Je le rejoins une trentaine de minutes plus tard, au bar comme convenu.
Moi : bae on peut y aller.
Il se retourne et je peux voir les deux veines qui sont bien mises en évidence sur son front.
Moi en alerte : il y a un souci ?
Joe (essayant de détendre son visage) : oui, le guide affrété pour notre visite n’est plus disponible.
Moi : si ce n’est que ça, on peut le faire demain, il faut que je me repose de toute façon.
Il pose un bisou sur mon front avant de m’avertir qu’il devrait descendre laisser des consignes à la réception. Il se saisit de son téléphone et s’en alla le visage décousu, je me retourne dans la chambre un peu perplexe.
*
*
Florent GBEVOU…
Voix dans le micro : embarquement immédiat pour les passagers du vol 102 en destination de Paris.
Je prends Nadine dans mes bras et l’étreins brièvement avant qu’elle ne pousse son chariot vers la salle d’embarquement. Elle agite ses mains en l’air pour me dire au revoir une fois la barrière de sécurité franchie, laissant dans son sillage l’odeur chatouillant du parfum Gio qu’elle a pulvérisé sur son pull une heure plus tôt en guise de réconfort. Je regarde ma femme s’en aller pour une première fois, seule, loin de moi et des enfants avec une boule dans la gorge. Elle passe le dernier trimestre de sa grossesse ainsi que les trois mois post-partum à Angers. Tout a déjà été arrangé sur place pour qu’elle se sente le plus à l’aise possible, elle a une assistante médicale et une gouvernante à sa disposition pour tous ses besoins et ses soins (vous devinerez aux frais de qui.). Sa mère l’y rejoint dans un mois et c’est prévu que j’aille l’assister pour l’accouchement et qu’on rentre ensemble. Bien évidemment, j’irai avec les enfants dont j’ai la charge jusqu’à la fin de l’année scolaire.
A priori, c’est l’idéal pour elle et notamment pour mon fils de venir au monde dans de très bonnes conditions. C’est pour cela que j’ai acheté direct lorsque Fifamè m’en a fait la proposition, même si je pense que c’est pour l’éloigner un peu. En parlant d’elle les choses se sont entassées entre nous depuis lors, avec un peu de recul je trouve même une positivité au cas et avec tous ces accessits, je commence vraiment à m’y plaire. Il faut être complètement maboule pour décliner une telle offre, elle anticipe sur nos besoins et nous offre des choses dont je n’étais même pas capable. Même vous-même, j’ai vite fait de classer le dossier du port ! De toute façon, j’ai déjà plongé, le corps et la tête là-dedans donc aucun retour possible.
J’attends que Nadine disparaisse complètement pour me précipiter vers ma voiture et de prendre la direction de la Haie vive (quartier). Fifamè et moi assisterons dans trente minutes exactement au gala annuel des membres du Lions club Bénin dont elle fait partie. Dès que j’arrive, elle m’accueille avec un sourire aussi large que la baie du Bénin. Je lui retourne son sourire et lui fais un bisou sur la joue avant de me diriger vers la salle de bain.
****
Fifamè : bébé ?
Moi : hum ?
Je lève la tête et là, bouche légèrement ouverte, les yeux éblouis, je la regarde sans trop savoir quoi dire.
Moi (sortant de ma stupeur) : tu es, waouhh !!
Fifamè : merci.
Elle s’avance en souriant, elle prend le smooking noir à bouton doré qui était posé sur le lit et me le tend.
Fifamè (mettant une dernière touche de parfum) : finis de te préparer, nous risquons d’être en retard.
Je porte le costume, le regard fixé sur son décolleté.
Fifamè : laisse-moi faire, autrement nous en aurons pour une éternité.
Elle met les deux derniers boutons et remet en place mon nœud papillon.
Fifamè : voilà, tu es fin prêt !
Pas besoin de regarder mon reflet pour savoir que je suis irrésistiblement beau. Elle se retourne et se dirige vers le dressing pour chercher son sac à main.
Fifamè (lorsqu’elle revient) : arrête de me regarder comme ça Flo.
Moi (sourire malicieux) : ce gala, nous devons y être dans combien de temps exactement ?
Fifamè : dans quelques minutes, pourquoi tu demandes ?
Moi (m’approchant d’elle) : c’est largement suffisant.
Elle n’a pas le temps de répliquer que ma langue rejoint la sienne pour un baiser torride, un duel électrisant. Nous nous sommes mis à nous dévorer nos bouches comme si nos vies en dépendaient. Je la traîne vers le lit et l’incline jusqu’à ce qu’elle ne s’y couche avant de me mettre entre ses jambes. Son souffle désordonné vient se mêler au mien, mes doigts cajolent doucement sa peau à travers le tissu de la robe et je la sens, qui frémit. Elle se relâche complètement lorsqu’avec ma langue, je taquine ses seins et son nombril. Je finis par entrer en elle quand je la sens prête et part de mouvement très lent exaspérant son plaisir. Au bout d’une osmose charnelle fulgurante, nous ajustons nos vêtements et nous nous nettoyons avec des gestes précipités pour prendre départ quelques minutes plus tard pour le Novotel Cotonou Orisha.
Depuis la dernière fois, on l’a finalement refait et deux autres fois après cela dès que j’ai décidé d’abdiquer. Pas sans avoir suivi le protocole normal qui est de faire un bilan santé. Je ne sais pas comment l’expliquer, mais à partir de ce jour où je m’étais rendu chez elle tout furieux, je ressens tout le temps une attraction vers elle. Je ne sais vraiment pas comment j’en suis arrivé à me retrouver mitiger par rapport à mes sentiments pour elle et ceux que je ressens pour ma femme. Elle me fait me sentir spécial, comme si j’avais pris des galons du fait d’être le premier dans sa vie. C’est puéril, je sais, mais (soupir) je ne peux vraiment pas me l’expliquer moi-même.