Sujet n°1
Ecrit par lpbk
Ce soir, je sors ! C’est officiel, je
vais rencontrer Loko Antoine pour la première fois.
Après avoir gentiment dit à Ethan que je
préférais attendre pour le rencontrer, je me suis focalisée sur mon sujet n°1.
Nous avons discuté un peu via le site de rencontres et il a rapidement pris
l’initiative de m’inviter ce soir, arguant qu’il est plus pratique de parler de
vive voix que cacher derrière un écran. Et je suis plutôt d’accord avec lui…
Il n’y a rien d’étrange à ce que j’accepte
de rencontrer Antoine et pas Ethan. Contrairement à Ethan, j’ai choisi Antoine,
de plus j’ai pu obtenir quelques informations sur lui en faisant mes petites
recherches sur internet. Et puis j’avoue que comme avec Ethan, le courant est
plutôt bien passé alors autant se jeter à l’eau.
Bref, nous avons donc rendez-vous dans un
restaurant. J’aime bien l’idée car c’est un lieu neutre en tout point, ce qui
évitera, je l’espère, les situations embarrassantes. Antoine a donc réservé
dans un endroit qu’il tenait absolument à me faire découvrir. J’ai décidé de
lui faire confiance même si je suis plutôt nerveuse car c’est une première pour
moi.
Ce rencard ayant lieu dans un restaurant
branché, je sélectionne plusieurs tenues.
Un pantalon tailleur noir et des escarpins
assortis. Je lâche les mèches de ma perruque qui cascadent autour de mon visage
et dans mon dos. Un maquillage léger et je crois que c’est bon. Non, trop
simple ! Trop « tous les jours ».
Je passe à la tenue suivante. C’est une
combinaison cape noire qui matche bien avec mes escarpins. Je laisse les mèches
de ma perruque détachées et ne touche rien à mon maquillage. Je ne suis
toujours pas convaincue.
Troisième tenue. Cette fois-ci, je décide
de m’éloigner de mon style working girl. Pour le moment, il n’a pas besoin de
savoir que je fais passer mon travail avant tout. Je me dirige vers une petite
robe fleurie avec des sandales à talon.
… Décidément, rien ne va.
Je commence à m’énerver. J’ai les mains
moites et je transpire plus que nécessaire.
— Stop ! Il faut que j’arrête de me prendre la
tête. Ce n’est qu’un rendez-vous !
J’essaie une quatrième tenue. Pour
celle-ci, je choisi de faire dans la sobriété. J’enfile une robe orange qui me
tombe au-dessus des genoux et une paire de ballerines noires. Je complète mon
look avec un perfecto noir et j’accessoirise l’ensemble avec un petit sac noir
et des bijoux dorés. Je reste sur le même maquillage.
Je suis à l’aise dans cette robe qui met
mon teint en valeur. Avec les ballerines, aucun ne risque que je me casse la
figure.
Je suis satisfaite du reflet que me
renvoie mon miroir et je me sens fin prête.
Nous avons décidé de nous retrouver
directement là-bas à vingt heures. J’ai commandé un taxi via Yango. J’espère
que nous ne tomberons pas dans les embouteillages de la capitale économique.
Mon taxi arrive et me voilà projetée dans
l’aventure ! Je sens des papillons dans mon ventre. Je suis horriblement
stressée même si je sais que j’ai absolument tout préparé.
— Rien ne peut m’arriver. Je suis au top, comme
d’habitude ! je me répète sans arrêt.
Les filles ne sont pas au courant de ce
premier rendez-vous. Je leur en parlerai bien sûr mais pour le moment, je
préfère garder la chose pour moi.
J’arrive enfin. Une hôtesse m’accueille et
je lui donne le nom d’Antoine. Avec un sourire, elle me conduit à une table
joliment dressée. Malheureusement, personne ne m’y attend… Je suis déçue,
j’aurais aimé faire une entrée remarquée. Qu’il puisse admirer ma tenue.
Assise, il ne verra rien. J’ai donc passé des heures à me préparer pour rien.
— Dommage.
Je regarde ma montre et constate que je
suis pile à l’heure. La ponctualité est l’une de mes plus grandes qualités,
avec mon sens de l’organisation bien sûr.
— Puis-je vous proposer quelque chose à boire en
attendant ? me questionne la serveuse en me tendant une carte.
— Je vais prendre un mojito, répondis-je après avoir
examiné attentivement la carte des cocktails. Ajoutez également un whisky sec,
s’il vous plait.
J’avais noté que c’est la boisson préférée
d’Antoine.
— Bien, je reviens.
La serveuse s’éclipse, me laissant seule.
J’admire le cadre et sa décoration. Des tentures délicates, des candélabres sur
chaque table mais aussi des bouquets de fleurs fraiches. Les lumières tamisées
affirment le côté résolument charmant de ce lieu.
J’observe aussi les couples qui dinent.
Un homme accompagné d’une femme qui
pourrait être sa fille… si au moins elle pouvait arrêter de lui faire
ouvertement du pied.
Un couple qui se regarde en chien de
faïence. Je sens que la rupture est proche mais j’espère tout de même pour eux
une réconciliation. Sous la couette peut-être ?
Deux personnes âgées sont en tête-à-tête,
visiblement ils sont encore très amoureux l’un de l’autre. L’homme s’approche
de sa compagne et lui murmure quelque chose à l’oreille. Elle glousse et
s’esclaffe tout en lui donnant une légère tape sur la main. Je souris face à
cette scène si adorable. J’espère que dans cinquante ans, je dinerai aussi avec
mon mari. Qui sait, peut-être que ce sera Antoine et comme ce couple, nous
serons toujours aussi fous amoureux.
Je regarde mon téléphone, il est en retard
de dix bonnes minutes et pour le moment, je n’ai reçu aucun message de sa part.
Je sens une main se poser tout à coup sur mon épaule et la voix d’un homme
m’interpelle :
— Vous devez être Mélanie, je suppose. Enchanté, je suis
Antoine. Désolé d’être en retard, j’ai été pris dans les embouteillages.
— Enchantée, dis-je en le détaillant.
Un jean noir délavé au niveau des genoux
accompagné d’un polo rouge pour toute tenue vestimentaire. Rien de
« classe ». D’autant plus que sa coupe de cheveux laisse à désirer.
Elle lui donne un air très négligé. Trop négligé !
Je suis surprise car je ne m’attendais pas
du tout à cela. Je ne m’étais rien imaginé, à vrai dire. Mais ça, ce n’est
clairement pas mon genre. Il fait tâche dans ce décor. Mais comme dirait ma
mère, « L’habit ne fait pas le
moine. » Je décide donc de passer outre cette faute de goût.
— J’ai pris la peine de commander pour nous deux,
continuai-je après cette brève inspection. Enfin, juste l’apéritif.
— Très bien ! me répond-il, son sourire se faisant
moins lumineux. Et qu’est-ce que je vais donc boire ?
— Un whisky. Sec, comme vous l’aimez, souris-je fière de
moi.
— Comment savez-vous…
— Oh ! J’ai mené ma petite enquête.
Sa bouche forme un « o » et ses
sourcils se lèvent. Je n’y prête pas trop attention. Je sors de mon sac deux
feuilles de papier. l’une est le tirage que j’ai fait de son profil et l’autre
est une fiche détaillée de tout ce que j’ai pu trouver sur lui.
— Je suis impressionnée par ton cursus scolaire, pour
tout te dire.
Je décide de le tutoyer car nous sommes
amenés à faire plus ample connaissance.
— Tu as obtenu une bourse universitaire et tu as fini
sixième e ta promo, ce n’est pas rien, lis-je avant de lever les yeux,
rayonnante.
— En effet…
Il semble de plus en plus ébahi par moi.
— Je vois aussi que tu aimes la littérature classique
française. C’est impressionnant quand on sait que de moins en moins de
personnes s’intéressent tout simplement à la lecture.
— Comment tu sais tout cela sur moi ?
— La magie d’internet ! m’enthousiasmai-je. Rien de
plus simple que de trouver tout ce que tu veux quand tu sais chercher. Je
déteste ne pas être préparée alors j’ai fouillé et voilà ! conclus-je,
avec un haussement d’épaule faussement modeste.
C’est vrai que je suis assez fière de moi.
Ma pêche aux informations a été plus que fructueuse et voir sa tête étonnée
montre à quel point il ne s’attendait pas à ce que j’en apprenne autant sur
lui.
— Impressionnant…
— Je sais, merci !
Je masque ma satisfaction en faisant mine
de me replonger dans mes fiches que je connais presque par cœur. Je ne voudrais
pas qu’il pense que suis imbue.
— Bien ! Parle-moi de toi, lançai-je en le
regardant à nouveau.
— Que pourrais-je dire que tu ne saches déjà ?
réplique-t-il, caustique.
— Ce n’est pas faux ! m’amusai-je.
La situation ne semble toutefois pas
l’enchanter puisqu’il fronce imperceptiblement les sourcils… Qu’ai-je
dit ? Ai-je commis une maladresse ?
Notre hôtesse nous apporte enfin nos
boisson et prends au passage la commande de nos plats. Je sirote mon cocktail,
tout en le regardant. Il semble distant tout à coup. Probablement est-il
surpris par mon organisation ou gêné de ne pas être aussi bien informé que moi.
Je sais que certaines personnes peuvent
l’être. Mais je ne me laisse pas démonter par son attitude et d’ailleurs je ne
lui en veux même pas. Un silence s’installe, je décide donc de reprendre les
rênes de ce rendez-vous.
— Dans l’éventualité de ce genre de situations…
— Cela a dû t’arriver souvent alors… commente-t-il,
acerbe, en sirotant son verre.
— … j’ai préparé une
liste de questions et de sujets dont nous pourrions parler,
poursuivis-je ne relevant pas sa remarque.
Il ne répond pas, ce que je prends pour un
accord et lance de manière badine :
— Tu es inscrit sur ce site depuis longtemps ?
Je sais que cette question peut paraitre
anodine, mais elle en dit pourtant long sur son interlocuteur, surtout s’il est
effectivement inscrit depuis longtemps. Se pose alors la question de savoir
pourquoi : est-ce simplement un jeu pour lui ou n’a-t-il toujours pas trouvé
ce qu’il était venu chercher ? De sa réponse dépendra donc la suite de
notre conversation.
— Quelques mois en réalité. Je n’ai toujours pas trouvé
la femme de ma vie. Et je pense que ce n’est pas pour ce soir… ajoute-t-il plus
bas.
Il pense que je n’ai pas entendu sa
dernière remarque mais ce n’est pas le cas. Je ne relève toujours pas ses
piques. Il me semble tellement loin de cet Antoine que j’ai rencontré sur le
site. Je ne me démonte pas.
Il reprend son verre et en avale une
gorgée, sans me lancer un regard. Je souris, indulgente. Je suis étonnée qu’il
ne me pose aucune question. Quoiqu’il en soit, sa réponse est parfaite pour que
je puisse enchainer avec la question suivante.
— Et que cherches-tu exactement ?
Cette question cruciale me permettra de
comparer mes attentes avec les siennes, et de m’éviter, peut-être, une perte de
temps inutile, même si je dois avouer qu’à ce stade de la relation, il peut
très bien cacher ou enjoliver ses véritables intentions. Je vais donc devoir
faire confiance à mon instinct…
— Une femme, pour commencer, rit-il.
— Evidemment. Mais que recherches-tu chez une
femme ? Quelles sont tes attentes ?
— Je souhaite qu’elle soit sportive, qu’elle
s’entretienne. Je ne veux pas la regarder un matin et m’apercevoir que son
corps est flasque, plein de cellulite. J’avoue que ça me répugne, lâche-t-il
avec une moue dégoutée. D’ailleurs, tu devrais faire attention à ce que tu
manges, ce que tu viens de commander est très riche en calories, me lance-t-il
de manière condescendante.
Vient-il de ma faire une réflexion sur mon
tour de taille ? Ne sait-il pas que faire une remarque à une femme sur son
poids est totalement inapproprié voire insultant ? D’autant plus qu’il
affirme que vous devriez faire attention à votre ligne ! Je préfère ne pas
relever cette nouvelle pique, je déteste faire des scènes en public !
— Elle doit savoir faire la cuisine et entretenir une
maison, se montrer digne de moi et être une hôtesse remarquable. Je veux que ma
maison soit parfaite lorsque je reçois des rendez-vous d’affaires…
Je ne l’écoute même plus ! Ce
discours est… écœurant tout simplement.
Pour lui, voilà à quoi se résume une épouse : à attendre sagement son mari
à la maison, parfaite dans son corps pour recevoir ses collègues ou relations
d’affaires. Mais je décide de jouer le jeu et de terminer ce repas avant de
poser un jugement définitif sur notre « futur ».
— Je suppose que tu travailles beaucoup alors ?
L’un des grands pièges du célibataire est
de se laisser happer par sa vie professionnelle pour combler le vide de sa vie
privée. Je le sais par expérience. Il s’agit d’une spirale dangereuse pouvant
mettre un frein à la suite de l’histoire. Bref, je veux m’assurer qu’il est
disposé à faire les sacrifices nécessaires pour me laisser entrer dans sa vie,
tout comme je suis décidée à en faire
pour lui. Pour que notre relation hypothétique puisse fonctionner.
— A vrai dire, oui. Mon travail est très prenant et me
passionne. J’essaie tout de même de m’entretenir en allant régulièrement à la
salle de sport.
— Je pensais que tu jouais au foot et au basket et la
course à pied.
— Je cours, je fais aussi du vélo en salle. Pour ce qui
est du basket et du foot, ce temps est malheureusement révolu, répondit-il avec
un sourire désolé.
Il a donc menti sur son profil. Et il
n’est pas prêt à faire des sacrifices pour une quelconque relation. Cela ne
mènera donc à rien.
— Je me demandais encore… Pourquoi un site de
rencontres ?
— Comme je viens de te le dire, je travaille beaucoup je
n’ai pas le temps de sortir. Tu sais, une fois que tu as fait le tour de tes
amis et des amis d’amis ou encore la tournée des bars, je ne vois pas d’autres
alternatives que ces sites.
— Et tu as déjà fait des rencontres sur ce site ou
d’autres d’ailleurs ?
— Ah non, jamais. Je suis totalement novice en la
matière !
Il m’a précisé que cela fait quelques mois
qu’il est inscrit mais il n’en a jamais fait. Je n’y crois absolument pas. Et à
vue de nez, je dirais qu’il a dû rencontrer pas mal de candidates avant moi.
Je continue de faire la conversation,
lui-même ne prenant pas la peine de me poser la moindre question. Je veux le
tester et lui pose donc une question sur ces supposées lectures. Je m’aperçois
bien vite qu’il n’a pas lu la moitié de ce qui est indiqué sur son profil. Désespérant…
Je sais déjà que je ne donnerai pas suite
à notre « histoire ». ce rendez-vous est un échec total…
A peine avons-nous terminé nos plats, qu’il
me lance tout de go :
— Tu es une fille sympa Mel. Vraiment, je ne pense pas
que cela puisse coller entre nous.
— Pardon ? lui demandai-je étonnée.
— Tu es carrément flippante ! Tu as imprimé mon
profil et tu as même fait des recherches sur ma vie privée pour être certaine
de bien me connaitre !
Moi qui voulais éviter une nouvelle scène
en public après celle d’Henry, c’est loupé ! Je ne sais que répondre à
cela et le laisse continuer.
— Je ne connais pas une seule femme normale qui ferait
ce genre de choses ! continue-t-il en se levant. Je te remercie pour ce
repas mais je pense que nous allons en rester là.
Sur ces paroles, et sans me laisser le
temps de répliquer, il se lève et s’en va. Il ne se retourne même pas une seule
fois. Il se sauve comme s’il avait le diable aux fesses.
Je dois être aussi rouge de honte que lors
de ma rupture. Je ne savais pas que le fait d’être préparée, de ne rien laisser
au hasard et de vouloir en savoir plus sur l’autre pouvait être « flippant ».
Ce premier rendez-vous m’a littéralement
refroidie ! S’entendre dire que vous êtes une fille « flippante »
est déjà une sacrée douche froide mais qu’en plus, votre rencard se tire sans
payer la totalité de l’addition, là c’est le pompon.