Tristesse

Ecrit par imalado

Depuis sa dernière rencontre avec Christopher, elle évite de sortir seule, ou même de sortir tout court. Christopher est malade. Seuls les comprimés le tiennent sobre parmi les autres. Et Elisabeth savait qu’il était capable de tout. Surtout si à présent Brian lui avoue la vérité. Elle craignait pour sa vie…

         Cela faisait des jours, depuis qu’Elisabeth lui a avoué la vérité sur Christopher et sa grossesse. Brian ne savait plus quoi faire. Ce sentiment de colère qui l’anime envers son frère semble s’alourdir. Il ne l’a pas vu non plus. A un instant, sa vie avait basculé. La femme qu’elle aimait, son frère… Il avait demandé à l’hôpital, pour la première fois, quelques jours de congé. Il lui était incapable de se concentrer sur un patient sans que son esprit ne le lâche pour ailleurs… Il l’aime, malgré tout, c’est indéniable, mais ce n’est pas pour autant que le pardon s’installe dans son cœur. Il aurait voulu qu’elle lui dise la vérité. La vérité, quoiqu’il en coûte, c’est tout ce qu’ils s’étaient promis. Et elle y a failli. Tout comme Christopher. Et il fallait qu’il lui parle. Au-delà de tout ce qui s’était passé, il se doit de la protéger. Christopher est instable. Mais seulement arrivera-t-il à contenir toute sa colère, pour quelqu’un qui, pour si peu, est capable de tout ?

         Il insista de le voir, malgré « l’agenda » trop serré de Christopher. A croire qu’il se doute de quelque chose. Mais Brian ne baissa pas les bras de sitôt. Un soir, il se rendit chez lui.

  • Brian ? Quelle surprise…

  • Je n’arrivais pas à te voir, j’ai préféré passer chez toi. Je peux ?

  • Oui, bien sûr. Je te serre un verre ?

  • Oui. Du Whisky.

Il se présenta sur le balcon de l’appart et respira un bon coup. Ne sachant pas, par où commencer.

  • Alors petit frère, quel vent t’amène ce soir ? Il est rare de te voir chez moi.

  • Tu peux garder le verre de whisky, c’est pour toi.

  • Je ne comprends pas.

  • Tu vas en avoir besoin pour digérer tout ce qui va se passer. C’est la seule chose qui te calme, après les médicaments bien-sûr.

  • Que veux-tu Brian ?

  • Elisabeth. Elle m’a tout dit.

Christopher déposa le verre, et met ses mains dans les poches. Il était surpris. Il ne l’en croyait capable.

  • Tout ?

  • Tu es partie chez elle, et tu l’as agressé ?!

  • C’est ce qu’elle t’a dit ? Je ne pense pas te rendre des comptes, Brian, ce n’est plus ta fiancée.

  • Mais c’est la femme que j’aime ! ça elle le reste !

  • Tu baisses d’un ton Brian.

  • C’est la dernière fois Christopher que l’idée même de la revoir te traverse l’esprit ! Ou même que tu oses une fois de plus la toucher de quelque manière que ce soit !

  • Ou sinon quoi Brian ? Hein ? Tu vas me faire quoi petit frère ? Qu’est-ce que tu sais de ce qu’il y’a entre Elisabeth et moi ?

  • Tout, absolument tout !

Le ton était monté, l’ambiance électrique. Brian était hors de lui. Il essayait de garder son calme mais cela lui semblait impossible. Christopher a trop de toupet.

  • Non je ne crois pas. Elle t’a dit que je l’ai agressé ? T’a-t-elle dit que nous nous connaissions bien avant de te connaitre ?!

  • Oui ! Elle l’a fait. Et tout ce qui s’en suit ! Et que tu ignores complètement !

Christopher se ressaisit. Tout ? Que voulait-il dire par là ?

  • Tu dis que c’est la femme que tu aimes, mais je l’ai aimé avant toi.

  • Non, tu ne l’as pas aimé. Tu l’as trompé, comme à ton aise de le faire à chaque fois. Moi, je l’aime !

  • Et ce n’est pas pour autant que je vais te la laisser !

Brian n’en revenait pas. Il était choqué. Son propre frère qui veut la femme qu’il aime. Il rit, laissant Christopher perplexe.

  • Tu crois sérieusement qu’elle voudra être avec un fou ?

Christopher jeta le verre de whisky sur la vitrine de la terrasse. Il se refusait qu’on dise de lui, qu’il était fou ou instable. Il se refusait tout simplement à un problème de comportement.

  • Je ne suis pas Fou ! Je te défends de me traiter de fou !

  • Pourtant à ses yeux, c’est ce que tu es ! Un fou, un malade qui lui veut du mal. Comment pourrait-elle aimer quelqu’un dont elle est terrifiée ?!

  • Tu es bien arrogant de cet amour qu’elle porte pour toi, mais cela ne veut pas dire qu’elle ne m’aimera pas. Son cœur, un jour m’a aimé.

  • Ça c’était-il y’a longtemps Christopher. Peu importe ce qu’elle a pu éprouver pour toi, aujourd’hui elle ne désire de toi que tu la laisses tranquille. Après tout ce par quoi elle est passée à cause de toi, tu devrais avoir la décence de te faire soigner Christopher pour ne plus la faire de mal. !

Il lança violemment une chaise vers Brian, qui l’esquiva de peu.

  • Je ne suis pas malade ! ça tu peux le comprendre ?!

  • Elle était enceinte…

  • Qu’est-ce que tu racontes ?

  • Quand elle a quitté Londres, elle était enceinte de toi, mais elle a avorté.

  • Tu mens ! Je ne vais pas te croire Brian. Tu veux juste me mettre hors de moi, pour que je te la laisse, mais ça ne va pas marcher, ça ne marchera pas Brian.

  • C’est comme tu veux. Je t’ai juste prévenu. Voici la carte d’un collègue, un psychologue, l’un des meilleurs. Je l’ai déjà parlé de ton cas. Tu peux l’appeler. Mais évite de t’approcher d’Elisabeth, pour ça je suis vraiment au sérieux.

  • Tu peux récupérer ta carte, je n’ai pas besoin de ça. Et pour ce qui concerne Elisabeth, ça c’est entre elle et moi.

  • Tu n’as pas honte ? Après tout ce qui s’est passé ? Elle a avorté ! Elle aurait pu en mourir ! Tu ne serais pas là à parler de celle que tu as envoyée vers la mort, en te comportant comme un lâche ! Comme tu l’as toujours été ! Je me demande si j’ai bien fait de te laisser les rennes de l’entreprise ! Tu ne sais pas ce que tu fais !

  • Reste à tes histoires de patients, ne te mêle pas de mon entreprise !

  • Notre entreprise ! N’oublie pas que j’ai les mêmes actions que toi, alors fais gaffe Chris ! Soigne-toi ou tu perdras tout !

  • Sors de chez moi avant que je ne m’énerve !

Brian le fixa longuement soutenant son regard avant de prendre la porte qui se ferma violemment derrière lui. Ses rares disputes avec Christopher ne prenaient jamais cette tournure-là, cette ampleur là... Et c’était toujours pour la prise régulière de ses médicaments ou pour ses dépenses incontrôlées. Mais jamais aussi loin…

         Une semaine, Elisabeth se mit au repos, le jardin est resté sa seule destination. Et elle recevait quelques œuvres chez elle. Sans nouvelle de Brian, ni de Marie. Seule.

         Mais pour cette matinée où elle se tenait près des fleurs qu’elle prenait soin d’arroser chaque matin, elle vit la petite Claire au bras d’une employée.

  • Ohhh mon Dieu, elle est magnifique, qu’est-ce qu’elle a grandi ! Où est sa mère ?

  • Elle cherchait sa peluche dans la voiture de peur de l’avoir oublier !

  • Viens ma petite princesse, tu m’as tant manqué ! Préviens-la que je serais près des balançoires et apportes-nous de la limonade.

  • Oui madame.

Claire avait les traits de Marie. Et plus elle grandissait plus elle lui ressemblait. Une petite merveille.

  • Je ne pensais pas la revoir de sitôt…

  • Je sais. On se promenait dans le parc. Et je me disais qu’il fallait vraiment qu’on parle toutes les deux.

  • Madame, vos limonades. Vous avez besoin d’autres choses ?

  • Oui, occupes-toi de ma petite princesse, on a besoin de parler.

Elles restèrent un moment sans parler, Elisabeth se lança.

  • Je sais à quel point il est difficile pour toi de digérer tout ce que je t’ai dit. Mais je suis vraiment désolée…

  • Il ne s’agit pas de ça. Je sais que tu l’es. Seulement je n’ai pas envie de te juger mais quand je te vois avec Claire, j’ai mal. Comment as-tu pu avorter ? Ce qui me fait penser que tu avais plutôt peur que ton horrible secret sur cette grossesse ne se dévoile, que peur de Christopher ou même peur de notre réaction. Tu avais plutôt honte de ce que tu as fait.

  • Bien. Tu ne veux pas me juger ? C’est exactement ce que tu fais. Et non, tu n’en as même pas le droit. J’ai fait un choix et je l’assume. Je n’avais pas peur que ce « horrible » secret soit révélé,  j’ai fait le choix de ma vie et je vis avec ça chaque jour qui passe. Et si à cette époque, tu ne savais rien, aujourd’hui tu le sais et ce n’est pas pour autant que tu détiens le meilleur titre d’amie géniale ! Regarde-toi ! Hier ou demain, des années plutôt ou aujourd’hui, tu aurais agi exactement de la même manière. Et qu’est-ce que ça aurait changé à l’époque à ta petite crise de colère ?

  • Je ne dis…

  • Si je regrette ce que j’ai fait ? Oui, et de tout mon être. Si je me le pardonne ? Je ne sais pas si un jour je le pourrais. Et pourtant ça n’a jamais été facile de fermer les yeux depuis ce jour-là. Non, Marie je n’ai pas oublié ce que j’ai fait... Je suis la seule à voir cette cicatrice et la seule à la ressentir dans mon cœur. Ni toi ni personne ne pourrait le comprendre. Juge moi pour ne pas t’avoir dit la vérité, mais ne me juge pas sur ce que tu ignores. Je ne cherche pas de pardon, j’ai un pêché plus grand ! Alors tu peux décider de le comprendre ou pas, mais je suis fatiguée d’avoir à m’expliquer sur quoique ce soit.

Elle avait les mots durs, mais Marie se retenait de pleurer. Quelque chose s’était brisée. Elisabeth l’avait regardé dans ses yeux et avait laissé exploser ses sentiments. Elle porte en elle une blessure douloureuse que Marie jusque-là n’avait pas réalisée : le poids de sa décision. Et cela suffisait pour elle, au-delà de tout ce qui entourait ce choix. Elle avait lu cette douleur sur son visage. Comment vivre avec la perte d’une partie de soi et s’en sortir comme elle l’a fait ? Pas une seule fois, elle n’a fléchi.

  • Tu es forte, plus forte que je ne le pensais.

De ses mains tremblantes, elle saisit celles d’Elisabeth. L’attira vers elle et la serra fort.

  • Je ne peux imaginer à quel point ça a dû être difficile pour toi. Je n’ai pas le droit de te juger, je voulais juste être là pour toi quand tu en avais le plus besoin.

  • Mais tu es là. A cet instant précis tu es là, et c’est tout ce qui compte Marie, j’ai l’impression de ne plus pouvoir m’en sortir…

  • Je suis là… Je serais toujours là Elisabeth. Toujours…

Une épine en moins de l’histoire. Qu’aurait-elle fait sans le soutien de Marie ? Le soir, sous la douche, une main balayant la face du miroir recouverte de vapeur d’eau. Elle se dévisageait, elle s’était longtemps jugée elle-même. Un monstre voilà ce à quoi elle pouvait ressembler. Des milliers de femmes ne désirent qu’un enfant, savoir ce que ça fait de sentir une vie au fond de soi, la sentir grandir… Et elle, elle mit fin à cette vie, elle qui tua l’espoir qui n’était destiné qu’à quelques femmes. Elle s’assied sous la douche, et depuis des années, les larmes de son cœur réapparaissaient…

Une autre carte du d...