Un bref moment

Ecrit par famathiam

Partie 6: Un bref moment


Pour passer de bonnes vacances, il fallait avoir de l'argent.

Et ce n'était pas les parents qui allaient nous en donner. Papa disait toujours qu'on devait être responsables et plus tôt on en prendrait conscience mieux ce serait. Maman n'aimait pas qu'on en ait. Pour elle, nous avions tout ce dont nous avions besoin. Cela l'énervait très sérieusement quand on lui disait ""Maman doniou mayy (Maman tu pourrai nous donner... ?)


Avec grand-mère, elles disaient que "Djiguéne dou niane, mais souniouko mayé mou dieul (une femme ne doit jamais demander, mais si on lui offre quelque chose elle doit prendre).


Amina l'avait compris.


Du jeune infirmier du quartier à Moctar, chacun avait son rôle. Quand elle avait besoin de crédit, elle envoyait des "rappelle-moi", quand elle avait besoin d'argent de poche, elle allait à l'école à pied le matin et le soir deux jours de suite et le jour d'après elle rentrait avec une enveloppe plein de billets qu'elle confiait à Ta Collé. Cette dernière l'encourageait à prendre ce qu'on lui offrait sans contrepartie.


Il faut dire que les hommes descendaient à la maison la voir tous les week-ends, de belles voitures, des Mr du pays. Elle réussissait à se faire remarquer en allant toute pimpante aux cérémonies où on l'invitait. Elle les faisait courir et ne recevait que chez elle. Elle refusait les invitations aux restaurants, les sorties en disant que "djiguéne bou bakh daniou koyeu feksi (une bonne femme ne traîne pas. On se déplace pour elle.) Elle pouvait en recevoir deux en même temps et c'était alors une séance de "battrer" (art de sortir l’argent à tout bout de champ pour montrer son statut élevé).


Ce cinéma énervait au plus haut point papa et tonton Ibra qui la menaçaient de la marier et disaient qu'elle avait une mauvaise influence surtout sur Amina qui la copiait un peu trop. Pourtant grand-mère ne disait rien de même que ses sœurs qui elles pensaient que daff tchi toll (elle est en âge de faire ce qu'elle vpilat). Ta Collé disait qu'elle n'allait pas hypothéquer sa vie en acceptant un de ses "vieux" qui soit étaient en fin de vie, soit trop imbus de leur personne, soit lui proposaient un poste de coépouse et de confinement quotidien. Elle disait qu'elle se caserait quand elle trouverait celui qui en valait la peine et qu'en attendant elle ne tendait pas la main. Pour se donner bonne conscience, elle le qualifier d'élan de générosité extrême à son égard.


Nous de notre côté, on devait chercher une combine pour expliquer le fait qu'on ne demandait pas de crédit à papa et qu'on s'achetait des madds (fruits sauvages typiques du Sénégal), des beignets, des acaras (plat sénégalais à base d'haricots) chaque après-midi et surtout d'expliquer comment Amy arrivait à changer de coiffure chaque deux semaines.


Oui nous! Car même si je ne faisais pas partie de tout cela et que ma vision de la vie était carrément différente, je devais la couvrir. Personnellement, je trouvais cela dévalorisant pour la femme d’accepter l’argent de quelqu’un d’autre en lui faisant espérer un mariage ou une amourette qui n’aurait jamais lieu.


Autant Ta Collé faisait cela avec classe car oui elle n’appelait personne, elle n’allait voir personne et elle ne donnait rien en retour autant je voyais d’autres filles du quartier distribuer des bisous par ci par là, aller au restaurant avec des hommes à qui elles ne trouvaient rien d’autre que leur argent.


Mais bon, je ne jugeais personne car chacune sa situation. Certaines faisaient cela car c’était amusant, d’autres pour survivre.

Moi j'avais un petit copain. Oui j'étais avec quelqu'un en cachette mais avec quelqu'un.


Serigne et moi nous étions rapproché grâce à nos portables. LOL

Au début je trouvais cela amical qu'il m'aide à trouver le sommeil. On se parlait toute la nuit jusqu'à ce que je m'endorme. Il laissait tomber les messages pour m'appeler et me faire écouter un zouk pour me souhaiter bonne nuit dès que je commençais à mettre du temps à répondre. Amina trouvait cela gamin qu'il ne m'avoue pas explicitement ses sentiments moi je trouvais son approche romantique.


On a tous les deux pris conscience de nos nouveaux statuts lorsqu'après m'avoir volé un baiser furtif (la première fois qu'un garçon m'embrassait) il me dit juste "On est ensemble maintenant". Je n'avais pas répondu il n'y avait pas de réponse car on s'était compris avec peu de mots.


Les moments que l'on passait ensemble étaient innocents et magiques. On se promenait souvent dans mon quartier et on s'asseyait sur un banc public à parler de tout et de rien.

On rigolait de tout et de rien!

Et j'aimais quand il m'embrassait c'était doux et tellement tendre. Serigne avait de belles lèvres....


Rien n'avait vraiment changé de notre quotidien si bien que personne ne se rendit compte qu'on sortait ensemble sauf Ta Collé et Amina. On se demandait juste comment on allait se comporter à la rentrée face aux autres.


En attendant, j’avais transformé les frigidaires de maman et de grand-mère en fonds de commerce. Je vendais des jus glacés d’orange, d’hibiscus, de bouye (pain de singe), de corossol et de lait fermenté en plus des sachets de glaçons. Oui j’allais au marché avec mon seau et mon sourire un bon jean bien serré et je revenais avec 5000 fcfa dans la poche plus les pourboires (hahahha les vieux…).


C'est vrai, je n’avais qu’à me présenter et les saluer en leur disant « Jus baguini » (voici le jus) et ils achetaient tous 2,3 sachets.


J’engageais la conversation avec eux en rigolant, toujours avec le sourire. J’avais un bon feeling avec les hommes je l’ai toujours su. Certains tentaient de me draguer mais je ne disais jamais oui je me contentais de sourire juste et de rigoler. C’est ainsi que je m’étais fait connaître auprès des vendeurs de papeterie, bijoutiers, vendeurs d’encens et bouchers du coin. Papa m’encourageait de même que tonton Ibra car leurs amis du quartier les accostaient en leur disant que « danio ameu foula » (on avait du caractère).


La situation énervait un peu Serigne quand je lui en parlais surtout la partie avec les vieux. Un aprem en sortant, je l'ai vu avec le groupe et Amina. Ils m’attendaient au coin de la rue en se foutant de moi. Un fou rire de plusieurs minutes pour après porter mon seau à ma place et crier à tue-tête : « Jus d’orangeeeee, jus de bissapppp, Jus de bouyeeeeee, corrosssooooolll ». Hahahahaha. Un super après-midi.


On avait ensuite passé du temps à la maison avec Grand-mère, tata et Maman qui aimaient beaucoup Serigne et Momo. Mass et Kader étaient aussi avec nous.


Serigne taquinait sa femme (grand-mère jusqu’à l’arrivée de papa). Ce dernier l’avait ensuite chargé de préparer le thé (c’était son fils adoptif il disait). Le père de Serigne et le mien se connaissaient, nos familles étaient proches. Ce qui lui avait valu son passe-droit dans la maison et celui des autres garçons par la même occasion.


Amina préférait de loin vendre les glaçons à la maison car comme ça elle évitait de sortir un maximum et de risquer de tomber sur une connaissance.


Avec cet argent nous avions pu nous acheter tout ce qu'on voulait pour préparer la rentrée. Nos garde-robes avaient été revues finies les tenues et j'avais un petit copain je devais faire honneur.....


2 ans plus tard nous voici 18 ans pour les autres, 17 pour moi. Plein de choses s'étaient passées.



Maman avait accouché d'un beau garçon tout joufflu Mouhamadou Moustapha.


C'était mon bébé il était calme et ne pleurait pas beaucoup. Papa pensait dèjà à comment l'endurcir dans une famille dominée par les femmes....

Avec Serigne on était toujours ensemble. Tout le groupe nous avait cramés à cause de ses mini crises de jalousie. J'avais aussi un nouvel très bon ami El Hadjjjj.


Oui on avait sympathisé lors d'une sortie au Nandos où j'étais sortie avec Amina et Ta Collé qui nous avait laissés là-bas pour partir avec "son nouvel ami" aussi. Une belle soirée où j'avais vu un garçon très calme et très discret. Fils à papa mais tellement humble en apparence qu'on dirait qu'il n'était pas à sa place. Mon opinion sur lui venait de changer. Il m'avait envoyé un message le lendemain et depuis on se parlait et on s'appelait pour un tout ou un rien. Cela ne plaisait pas du tout à Serigne qui ne les aimait pas plus que ça son groupe et lui. Seul Moctar trouvait grâce à ses yeux.


Le plus tragique fût l'annonce de la grossesse de la petite sœur de Serigne qui avait 16 ans à l'époque Personne ne s’y attendait tellement Diarra était discrète. Son frère ne voulait pas qu'elle traine avec nous car elle était "une gamine" selon lui. Elle allait dans le même collège-lycée que les Moctar et c’est comme cela qu’elle y rencontra Cheikh un de leur ami.


Il semblait amoureux et seules Amina et moi étions au courant de leur idylle. Celle-ci l'accompagnait et la couvrait à chaque fois qu'il organisait une piscine party chez Moctar. A cette époque, je les accompagnais très rarement durant leurs sorties. On n'avait pas les mêmes emplois du temps.


L'annonce de sa grossesse fût un choc pour tout le monde. Son père la chassa et lui interdit d'aller chez qui que ce soit parmi leurs proches. Serigne ayant essayé de s'interposer avait aussi été mis à la porte. Ils étaient venus chez nous vers 21h pour parler à papa.

La déception se lût sur le visage dès qu’il comprît de quoi il s’agissait. Pendant un moment, on entendît que les reniflements de Diarra et les gazouillements de Bb Mouha.


Maman n'osait pas parler et personnellement j’étais choquée. Papa leur dit ensuite qu'il resterait à la maison le temps qu'il parle à tonton Ousmane (leur père). Maman appelât par la suite tata Fabienne pour lui dire que ses enfants étaient chez elle. Chacun retourna dans sa chambre. Serigne dormirait dans la chambre du bébé et Diarra dans celle qu’occupait Ta Collé.


Une fois dans la nôtre, je posa direct la question qui me brûlait les lèvres.


Moi : « Amy »


Elle : « …… »


Moi : « Ne fais pas semblant de dormir »


Elle : « Je n’étais pas au courant. »


Moi : « Tu mens. Ne me mens surtout pas. »


Elle : « Elle m’a dit qu’elle n’avait pas vu ses règles depuis la dernière piscine party. »


Moi : « Amy elle faisait quoi toute seule dans une chambre avec ce type ? »


Elle : « Je ne sais pas je ne suis pas sa mère. »



Moi : « Comment ça ? (Je m’énervais déjà)


Moi : « C’est une gamine. C’est toi qui l’avais présenté à ta bande en sachant très bien qu’ils étaient beaucoup plus âgés qu’elle et qu’elle était facilement manipulable. Tu sais que ce gars avait déjà une copine. Je croyais que tu lui avais dit et que c’était fini entre eux. »


Moi en criant : « TU M’AVAIS DIT QUE C’ETAIT FINI ENTRE EUX. »


Maman ouvrit la porte et se contenta de nous lancer un long regard preuve qu’elle avait tout entendu.


La nuit fût longue. Le lendemain on se préparât tous dans un long

silence pour aller à l’école. Papa avait l’air vraiment énervé. Sur le chemin de l’école personne ne parlât.


Une fois à l’école.


Moi : « Serigne »


Il continua à marcher sans me répondre. Je courus me placer

devant lui.


Lui en s’arrêtant : « Tu savais ? Tu savais qu’elle avait un copain. »


Moi : "…."


Lui : « ….. »


Moi : « Oui mais je pensais qu’elle avait rompu depuis 6 mois. »


Lui : « C’est qui ? »


Moi : « …… »


Moi : « Serigne laisse les parents régler ça »


Lui : « C’est qui ? »


Moi : « Serigne….. »


Lui sur un ton dur : « Réponds »


Moi : « Cheikh ».


Lui : « Cheikh tout court !! Je suis censé le connaître ? »


Moi : « Cheikh du groupe des Moctar. Celui qui est élancé avec le

piercing à l’oreille. »


Lui : « ….. »


Moi : « Je pensais vraiment qu’il avait rompu. Je ne savais pas qu’elle avait arrivé jusque-là avec lui. »


Lui : « Je ne savais pas que tu pouvais la laisser trainer avec ces connards et me mentir."


Lui : « J’ai besoin d’air. » Il passât devant moi et de la journée ne m’adressa pas du tout la parole.


Je le vis s’entretenir avec Momo à la sortie. Ce dernier se contenta juste d’un « Tu as merdé. » à mon égard avant de s’en aller.


Nous restâmes dans cette ambiance pendant toute la semaine. Il refusa de me parler à la maison comme à l'école.


Un W-E, nous fîmes tous convoqués chez grand-mère.


Apparemment, papa avait tenté de parler à tonton qui refusait d’écouter quoique ce soit ou bien même d’envisager l’idée que

Diarra puisse revenir chez eux. Il était plus docile concernant Serigne.


Papa était allé voir grand-mère pour qu’elle lui parle d’où l’objet de cette réunion.


Vous allez trouver cela bizarre que les "enfants" assistent aux réunions au même titre que les adultes mais chez nous c'était la méthode que grand-mère avait mise en place pour nous sensibiliser. Les erreurs commises ne devaient pas être répétées par les autres mais c'était juste une supposition..... Dans le salon, nous trouvâmes toutes mes tantes, tonton Ousmane, son frère et sa femme, tonton Ibra, papa, maman, grand-mère et l'imam du quartier.


Les paroles prononcées ce jour-là et les suivantes furent fortes, dures, parfois injustes... Un événement tragique mais auquel je n'avais pas pris part pourtant si je remonte plus loin c'est ce jour-là le début de tout......


Un like pour la chroniqueuse.... La suite arrive ce soir.


P.S: J'aimerai bien échangé avec vous.


Fama, Apprentie laob...