UNE AÎNÉE...

Ecrit par Chelso

Axuefa, c'est l'aînée de la famille HOUSSOU. Elle a 18 ans, sa couleur préférée c'est le noir, elle n'aime pas les carottes, et est très renfermée. 

Axuefa, depuis plusieurs années, se shoote a la drogue. Elle a commencé tout doucement, avec l'alcool, mais très tôt, ça ne suffisait plus. Pour lui faire oublier ses problèmes familiaux, ses problèmes a l'école, sa solitude, son monde obscur. 

Axuefa déteste sa vie. Depuis qu'elle était toute petite, et d'aussi loin qu'elle se souvienne, ses parents se sont toujours disputés tout le temps. Pour tout et n'importe quoi. Pour rien et pour tout. Loin d'en rester aux insultes et aux engueulades coutumières aux autres couples, ses parents a elle ont toujours trouvé plus vivant de continuer leurs discussions avec leurs poings. Son père, depuis la nuit des temps, n'a pour moyen d'expression que les coups qu'il donne. Sa mère, depuis que le monde est monde, ne peut s'empêcher de riposter. Ce qui donne lieu a des combats épiques, des crêpages de chignon légendaires et des castagnes parentales inoubliables.

En passant, Axuefa a un petit frère. Un garçon si innocent qu'elle se demande parfois s'il le fait exprès ou s'il est vraiment ce qu'il a l'air d'être... Toutefois, elle l'aime bien, même si, lorsqu'il est revenu de la maternité avec sa mère, la première question qui lui avait traversé l'esprit, c'était : Où est-ce qu'ils ont trouvé le temps, les positions et surtout '' la paix '' nécessaires pour fabriquer un autre gosse ? 

Axuefa, aujourd'hui, a 25 ans, et aucun ami. Le seul qu'elle avait réussi a se faire, avait été aussi, quelques mois plus tard, son premier amoureux. Le seul jusqu'à présent, d'ailleurs. Elle avait alors 19 ans et venait d'avoir son baccalauréat. Mais elle ne connaissait en ce moment, que l'atmosphère pénible de la maison, et celle studieuse, de l'école. Jamais elle n'avait eu le courage, l'opportunité, ou la possibilité de sortir. Mieux, elle était en pleine période de dépression. Mais ses parents ne s'en étaient pas rendus compte. L'un était soit absent, soit présent et d'humeur bagarreuse, tandis que l'autre était soit absente, soit présente et d'humeur catcheuse. Si bien que personne ne s'était rendu compte du gouffre de souffrance et de solitude dans lequel elle se noyait. Puis elle avait connu Yves. Yves, c'est le genre de personnes qui sait quand vous avez besoin de lui, et qui est toujours là pour vous, mais qui ne vient jamais vous demander quoi que ce soit. Cette nature profondément altruiste, cette générosité a fleur de peau et ce calme olympien qu'il dégageait en toute circonstance avaient tiré progressivement Axuefa de sa noirceur. Pendant quelques jours, puis quelques semaines... Quelques mois.

 Et un jour...

Un jour, Axuefa était assise devant sa maison, avec Yves, a prendre l'air et a discuter. Elle était mélancolique, mais souriait quand même. Ce jour-là, elle avait eu 20 ans. Ni son père, ni sa mère ne s'en étaient souvenus. Mais Yves, si. Et il était venu la voir avec dans la main un petit coffret, de couleur bleu velours. Et il lui avait fait promettre de ne pas l'ouvrir avant qu'il soit parti. Elle avait son cadeau dans la main, qu'elle manipulait tout doucement... Qui sait ce qu'il y avait a l'intérieur... Il ne faudrait pas l'abîmer, n'est-ce pas ?

 Axuefa sentit le danger avant même de le voir : Son père, déboulant de la maison comme une furie, fonça sur Yves et lui modifia copieusement le visage en le traitant de tous les noms d'oiseaux qu'il connaissait. Les cris et les suppliques de la jeune fille n'y changèrent rien. Le temps que les voisins débarquent pour contrôler Sonagnon, le mal était fait. Consommé. La dernière chose qu'elle vit a travers ses larmes, ce fut le visage tuméfié d'Yves, qui, avec son calme a toute épreuve, tourna les talons. Chacun des pas du jeune homme s'éloignant rententit en elle comme sonnant le glas du bonheur qu'elle avait pu entrapercevoir. Et elle resta là, le petit cadeau d'Yves pesant de plus en plus lourd dans sa main...

Axuefa, ce soir là, fit la liste de ses péchés. Lequel, se demandait elle, était assez grave pour que sa punition soit un tel père ? Lorsqu'elle se décida a ouvrir la petite boite de velours bleu qui la narguait depuis sa table de chevet, elle faillit s'effondrer. Puis un brusque sursaut de colère la ranima. Elle s'était toujours comportée en fille modèle, n'avait jamais fait une seule entorse aux règles d'une bonne éducation, s'était efforcée d'être une fille exemplaire et bien éduquée malgré l'irresponsabilité de ses parents. Pourtant, l'amour et l'admiration qu'elle quêtait dans leur regard, jamais elle ne l'avait vu transparaître ! 

Si elle ne pouvait attirer leur attention en étant du bon côté, elle allait le faire en étant de l'autre. Et au moment où elle prit la décision d'être la meilleure des enfants mal éduqués, un éclair argenté attira son attention. A sa droite, reposant sur un lit de velours bleu nuit, le collier qu'Yves venait de lui offrir. Et les lettres entrelacées '' Y.A '', initiales de leurs prénoms, qui formaient le pendantif, scintillaient de mille feux. Comme pour désapprouver la décision radicale qu'elle venait de prendre. Ou peut-être pour l'encourager....

Et Axuefa, pour la première fois depuis sa naissance, refusa de manger a table avec ses parents. Pour la première fois depuis sa naissance, elle sortit de la maison après 21h, et sans demander de permission. Pour la première fois depuis sa naissance, elle décida de faire non pas ce qui était bien, mais ce qu'elle voulait. Elle se saoula, fuma ce qu'on lui proposa, et rentra complètement raide.

Le lendemain, lorsqu'elle émergea des brumes de son incartade de la veille, il sonnait déjà 14h environ... Elle vit une lettre de son frère a côté de son oreiller et sourit. Il n'avait pas oublié... Puis son père débarqua pour l'engueuler. Et un sourire naquit sur ses lèvres. S'il savait comme elle s'en foutait... Le soir même, elle remit le couvert. À 22h, Sonagnon fulminant de rage ne trouva pas sa fille. Pour une fois qu'il était a la maison... 

Et la vie continua ainsi pour Axuefa. 

Ça fait aujourd'hui cinq ans qu'elle fait tout de travers, qu'elle saute sur la moindre occasion de rendre son père fou de rage, qu'elle fume comme un dragon, boit comme un trou, et ne fout plus rien de sa vie. 

Mais bizarrement, aujourd'hui, Axuefa est sereine. Elle vient de décider qu'elle avait assez fait payer son père. Elle veut se reprendre en charge. Pas pour elle même, ni pour sa mère et encore moins pour son père. Mais pour son petit frère, qui n'avait pas demandé a naître dans une famille pareille, mais qui pourtant s'y retrouvait. Pour son frère qui venait d'avoir le bac et qui allait avoir besoin d'aide. 

Alors aujourd'hui, Axuefa a 25 ans, un nouvel objectif, et une volonté inébranlable. Le chemin sera dur, mais elle se promet d'y arriver. Pour commencer, elle met une robe rouge, elle qui, depuis des années, ne met que du noir. Ensuite, elle toque a la porte de son frère, pour l'emmener manger quelque part. Entre frères et soeurs. 

Affichant une complicité renouvelée, les deux rejetons HOUSSOU ouvrent le portail au moment où un homme au visage familier s'apprête a sonner. Surprise, elle lui demande qui il cherche, et la réponse tombe comme un couperet :

- Je m'appelle MAMA Gustave. Je viens prendre possession de cette maison, que Monsieur Sonagnon HOUSSOU a jouée et a perdue récemment. Après une estimation approximative de la maison, il me doit encore deux millions. Pour ses autres créanciers, ils viendront plus tard.


La tête d'Axuefa tourne, au fur et a mesure qu'elle comprend ce que ces quelques paroles impliquent...

1-  Son père a joué et perdu leur maison, qui appartient désormais a quelqu'un d'autre.

2-  Son père doit encore de l'argent a ce quelqu'un, malgré la maison.

3-  Son père doit aussi de l'argent a d'autres personnes.

4-  Le '' quelqu'un '' a qui revient la maison, c'est le père d'Yves. MAMA Yves. Celui que Sonagnon a bien amoché il y a cinq ans. Jour pour jour.

Axuefa a a peine le temps d'appeler sa mère qu'elle s'évanouit... Comme dans un brouillard, elle entend sa mère accourir, et son frère hurler. Son frère... Et dire qu'elle venait de se promettre de le porter loin...

NOUS, NORMAUX ? QUI...