Une drôle de thérapie
Ecrit par lpbk
Je prends Elie dans mes bras. Elle pleure comme une
madeleine. Je lui caresse la tête pour la consoler en la berçant comme une
enfant. Je ne sais pas pourquoi elle pleure, mais je sais que je dois être là
pour elle. J’oublie tout, j’oublie notre dispute des derniers jours et j’oublie
comment mon amie m’a blessée. Pour le moment, je ne pense qu’à sa peine. Après
plusieurs sanglots, je lui donne un mouchoir pour qu’elle essuie ses larmes et
doucement, je lui demande :
— Qu’est-ce qui se passe ma chouette ?
Quand on a de la peine, nous avons pris l’habitude de
nous donner ce petit genre de surnom pour nous consoler. Elle éclate une
seconde fois en sanglots et essaie de m’expliquer :
— Il… il… c’est… f… fini… fini… il…
Quoi ? J’essaie de comprendre l’histoire d’Elie,
mais je ne comprends rien.
— Calme-toi, Elie. Arrête de pleurer et explique-moi ce qui se passe. Je
ne comprends pas quand tu parles et que tu pleures en même temps.
Elie essaie encore de m’expliquer :
— C’est fini ! Fini ! Il… décidé… Pas voulu… avec moi…
Elle éclate en sanglots encore et je comprends qu’elle
n’est pas en état de me raconter quoi que ce soit. Je la prends dans mes bras
et je la rassure :
— C’est pas grave, Elie. Pleure comme il faut. Quand tu seras prête, tu me
parleras.
Après avoir pleuré un bon coup, Elie semble s’être
calmée. Elle s’essuie les yeux et finit par me raconter que cette semaine monsieur
Soucy a mis fin à leur relation clandestine. Sa femme aurait découvert le
pot-aux-roses et exigé qu’il quitte sa maitresse.
En toute honnêteté, cette révélation ne me surprend
pas. Monsieur Soucy est marié, c’est évident qu’il aurait finip par la quitter
un jour. Je la questionne quand même sur le sujet :
— Comment sa femme l’a appris ?
— Elle a trouvé des sous-vêtements qui n’était pas à elle dans sa chambre…
alors Jean-Marc a pas eu le choix de lui dire à qui appartenait ces vêtements,
dit-elle en reniflant.
— Tu es allée chez lui ?
Vraiment, là je suis surprise. Je ne peux pas croire
que ma meilleure amie soit allée chez notre patron pour faire des galipettes.
Ils auraient pu se faire prendre à tout moment. Je n’arrive pas à croire
qu’elle ait pénétrée l’intimité de monsieur Soucy.
— Oui. Quand ses enfants et sa femme n’étaient pas à la maison, il
m’invitait chez lui. Il m’avait promis de quitter sa femme, Angie. Il disait
m’aimer et vouloir être avec moi pour toujours.
— Voyons, Elie ! Les hommes mariés disent tous la même chose à leur
maitresse. C’était évident qu’il le ferait pas. Et tout le monde sait que quand
un homme marié trompe sa femme, c’est uniquement pour le sexe.
J’essaie de peser mes mots. Ce n’est pas facile ce que
vit mon amie, je me retiens pour ne pas lui jeter en pleine face qu’elle s’est
fait avoir sur toute la ligne. En plus d’avoir le double de son âge, monsieur
Soucy n’est pas très attirant ni très intéressant. Elle mérite mieux que lui.
S’il se pointe au camping, je ne vais pas me gêner pour lui faire sentir qu’il
est de trop.
Sur la défensive, elle mentionne :
— C’est beaucoup plus que du sexe entre nous. On s’aimait vraiment… En
tout cas, c’est ça qu’il m’a fait croire avant qu’il ne choisisse sa femme.
— Parce que sa femme lui a demandé de choisir ?
Elle me fait un signe de tête et poursuit :
— Elle lui a dit que s’il ne mettait pas un terme à cette histoire, elle
lui enlevait la maison et les enfants. Et elle l’a même menacé de lui prendre
le cabinet. Elle lui a fait du chantage ! Sinon, il serait encore avec
moi.
— Elie, tu mérites mieux que lui. Tu mérites quelqu’un de libre qui a ton
âge, tu ne penses pas ?
— Oui, mais il me faisait du bien. Il était là pour moi et me faisait
sentir importante. Enfin, je comptais
pour quelqu’un du sexe opposé. Son âge, je m’en foutais. Mais là, je me
retrouve encore toute seule…
— Tu n’es pas toute seule, Elie, ce n’est pas vrai. Je suis là moi et tu
vas voir, tu vas t’en remettre et trouver quelqu’un qui te convient.
— Tu penses ?
— J’en suis convaincue.
Nous restons en silence un instant jusqu’à ce que mon
amie me dise :
— Je m’excuse, Angie. Je ne pensais pas ce que je t’ai dit. Ce n’est pas
vrai que tu es égoïste.
— Oublie ça, d’accord ? L’important en ce moment c’est que tu
guérisses de ta peine.
— Oui, mais j’aurais dû te le dire. Tu avais raison, j’aurais pu me
confier à toi. Avec toi peut-être que j’aurais compris plus vite que je me
faisais avoir.
— On ne reparle plus jamais de ça !
On se sert dans nos bras pour officialiser notre
réconciliation. Nous décidons de dormir ensemble dans la tente. De cette façon,
j’aurais un œil sur elle au cas où elle se réveillerait en pleurant. Il faut
bien que je sois là pour la soutenir et la consoler. Cette nuit-là, on aurait
dit qu’Elie était en paix. Se confier à moi semble lui avoir fait un bien fou.
Elle a pu dormir en paix et sans se réveiller. Toutefois, ceci n’a pas empêché
le fait qu’elle se réveille au petit matin pour pleurer. Elle avait rêvé que
monsieur Soucy avait quitté sa femme pour elle. Mais c’était seulement un rêve.
J’ai dû encore une fois jouer à la psychologue et m’assurer qu’Elie se remette
de ce cauchemar. Parce que oui, c’était un cauchemar et non un rêve. Reprendre
avec monsieur Soucy serait un vrai désastre si elle veut mon avis. Elle n’a pas
besoin d’un homme qui pourrait être son père comme amoureux et encore moins un
homme aussi paresseux et porté sur l’alcool. Ah ! L’amour rend aveugle.
Vraiment, je trouve que monsieur Soucy a fait la bonne chose en mettant un
terme à leur liaison. Mais pour le bien de notre amitié, je garde ces pensées
pour moi.
Lorsque la crise est passée, Elie et moi nous nous
préparons pour sortir de la tente pour rejoindre nos collègues. Masi Betty,
impatiente comme toujours entre dans la tente pour venir nous chercher.
— Qu’est-ce que vous faites ? Ça va, Elie ? Tu as les yeux
rouges.
— Euh… Oui, oui. Bon, on y va, répond Elie, pour changer de sujet.
Betty, contente que nous sortions de la tente, nous
mentionne :
— Notre coach de vie est arrivée ! Elle vous attendait pour
commencer.
Bon, il ne manquait plus que ça ! Commencer quoi ?
Je me demande vraiment en quoi une coach de vie va nous aider à mieux
travailler.
Nous allons rejoindre le groupe qui est assis par
terre. Il y a seulement Josianne qui est debout, trop obsédée par les insectes
qui pourraient sauter sur elle. Combien de fois il va falloir lui expliquer que
les petites bébêtes ne mangent pas les grosses ?! La coach finit par
prendre la parole :
— Bonjour les amis ! Je m’appelle Marilyn. Vous pouvez m’appeler
Marilyn la coquine.
Elle rit toute seule de sa blague et continue :
— Je serai cotre coach pour la fin de semaine. Mais j’espère que je serai
plus que ça. Je voudrais être votre amie et votre confidente ; celle qui
va vous aider à être une équipe unie. J’étais professeur de maternelle avant
alors les groupes, je connais ça. On va faire plein de jeux ensemble. Et même
qu’on va apprendre à bien manger pour être grand et fort.
Non, mais elle nous parle comme si on était des
gamins. Elle était prof de maternelle, ça saute aux yeux. Mais, je crois qu’elle
n’a pas adapté son discours à sa nouvelle carrière. Je ne peux pas croire qu’on
va passer une fin de semaine avec une folle comme ça. En plus, c’est Betty qui
nous l’a référé, on se demande bien pourquoi.
Marilyn, la coquine sourit :
— On va commencer par un petit remontant pour bien débuter la journée. Ça
va nous donner des forces.
Elle sort des coupes et une bouteille de vin de son
sac.
— Prenez tous un bon grand verre de vin. C’est bon pour la santé.
Quelle idée de boire du vin le matin, au réveil. J’espère
qu’elle ne faisait pas ça avec les enfants. Mais pas plus folle qu’une autre,
je prends un verre de vin avec les autres. On est à la fin de la semaine et
tant qu’à être prise dans la nature pendant trois jours, autant le savourer ce
verre. Tout le monde boit son verre d’un coup et en prend un autre
immédiatement. Elle fait la même chose avec son autre verre. Je la regarde en
étant surprise. Ce n’est pas vraiment son genre de boire comme ça. Surtout pas
du vin…
Marilyn, la coquine termine son verre :
— Vous ne trouvez pas que ça fait du bien de boire comme ça ? Ca
purifie l’organisme. Maintenant, on va faire un petit jeu. Vous allez tous
deviner un élément de la vie privée de chacun de vos collègues. La personne qui
ne devine pas la bonne chose devra prendre une gorgée de vin.
Je la regarde avec des yeux bizarres. C’est une
beuverie cette affaire-là. Pas une thérapie de groupe. Mais pour le plaisir, je
joue le jeu.
Betty, emballée par le jeu de madame la coquine,
décide de commencer. Elle se tourne vers Elie et lui dit :
— Elie, je pense que tu es célibataire ! C’est vrai hein ? J’ai
la bonne réponse ? dit-elle, toute excitée comme si elle allait gagner un
million de dollars parce qu’elle a trouvé la bonne réponse.
Elie regarde Betty avec des grands yeux, elle est en
colère.
— OUI ! OUI, JE SUIS CELIBATAIRE ! CA TE DERANGE ? TU
FERAIS MIEUX DE T’HABITUER PARCE QUE JE VAIS ETRE CELIBATAIRE TOUTE MA VIE. LES
HOMMES SONT TOUS DES SALAUDS !
Je n’ai jamais vu ma meilleure amie aussi en colère,
surtout pour un simple jeu. On dirait que l’alcool et sa peine d’amour ne font
pas bon ménage. Je tente de la calmer avant que le jeune tourne en catastrophe.
Je lui enlève son verre des mains. Elle a trop bu.
— NON, NON, NON ! IL FAUT QUE TOUT LE MONDE SACHE QUE LES HOMMES SONT
TOUS DES SALAUDS !
Elle reprend le verre de mes mains et le boit d’un
trait.
— C’EST LA DERNIERE FOIS QUE JE ME FAIS AVOIR COMME CA !
Elle arrache la bouteille de vin des mains de Marilyn
et boit à même celle-ci.
— J’AI TOUT DONNE POUR LUI ! JEAN MARC PASSE A COTE DE LA CHANCE DE
SA VIE EN ME REJETANT DE LA SORTE.
Betty qui comprend tout demande :
— Parles-tu de monsieur Soucy ? De notre patron ?
Non, elle ne va pas le dénoncer devant tout le monde.
Mon Dieu ! La honte ! L’alcool lui est vraiment monté à la tête.
— CERTAIN ! DE QUI VEUX-TU QUE JE PARLE ?
Betty et les autres se mettent à rire aux éclats.
— Je n’en reviens pas que tu couches avec notre patron ! dit-elle, en
riant de plus belle.
— C’EST QUOI LE PROBLEME ? répond Elie, en vidant la bouteille.
Elle se lève, mais à des difficultés à tenir debout
tellement elle est saoule. Elle réussit à marcher un peu pour aller jusqu’à la douche
de fortune, mais retombe aussitôt par terre et vomit. Elle vomit comme ça
devant tout le monde. Je me lève pour rejoindre mon amie. Quelle humiliation !
Je l’aide à se relever pour se rendre à la douche. Elle pleure tout le long du
chemin.
— Pourquoi c’est à moi que ça arrive, Angie ? Je ne mérite pas ça…
dit-elle, en pleurant plus fort. Tellement fort que tout le monde se retourne
sur notre passage.
— Je sais, Elie. C’est comme ça. Ça va s’arranger, tu vas voir.
J’ouvre la porte de la salle de la douche quand je
vois un gars au loin qui discute avec les autres membres du groupe. Je le
reconnais, c’est Philippe.