Une réunion bizarre
Ecrit par lpbk
En ce lundi matin, je suis dans la salle de réunion en
train d’écouter mon patron parler de notre productivité au travail. Selon lui,
nos profits ont grandement chutés. Et en plus c’est de notre faute ! De
notre faute ? Non, mais il ne comprend pas le principe du travail d’équipe.
Si ça va si mal ici c’est sûrement de sa faute aussi ! Pour qui il se
prend celui-là ? Il me met hors de moi. C’est le premier à quitter le
bureau le soir et c’est aussi le premier à prendre congé le vendredi et à
prendre deux heures de diner. Même que parfois il revient au bureau un peu
saoul. Avec un patron comme lui, pas surprenant que notre rentabilité baisse n’importe
quoi ! Alors s’il y a des reproches à faire, il devrait les faire pour
lui-même
J’ai souvent pensé démissionner, mais malheureusement
j’ai trop d’engagements financiers pour me le permettre heureusement, j’ai mon
amie Elie pour me rendre la vie plus facile au bureau au moins avec elle je
peux rigoler Je ne peux en aucun cas le faire avec mes autres collègues pour
toutes sortes de raison : premièrement, parce qu’ils sont plats et ne partagent
aucune de mes centres d’intérêt ensuite, parce que parfois ils ont de drôles de
comportements ou des idées complètement hors du commun
— Moi, j’ai une idée pour augmenter notre rendement ! propose Betty.
Betty c’est la meuf aux mèches blondes et aux lentilles
de couleur bleue qui est toujours habillée avec des vêtements roses hyper
séduisants. Elle a toujours du vernis brillant sur les ongles et passe ses fins
de semaine chez le coiffeur à essayer de nouvelles coiffures en papotant au
téléphone avec ses copines. Elle conduit une petite coccinelle très girly qui
ne passe pas inaperçue dans le stationnement de l’immeuble. Elle a comme conjoint
un homme plus jeune qu’elle. Bref Betty est une cougar et plus
superficielle qu’elle, tu meurs. Evidemment, mon patron est toujours pendu à
ses lèvres et l’écoute attentivement.
— Oui, Betty ?
Elle répond décidée et très sûre d’elle :
— Je connais une très bonne coach de vie. Elle pourrait nous aider à
améliorer notre rendement en nous aidant à fraterniser entre nous ! C’est
bien connu, quand on est très près l’un de l’autre on travaille mieux. En plus,
elle pourrait nous aider à être des meilleures personnes et aussi à bien s’alimenter.
Parce que c’est évident que ceux qui sont en santé travaillent mieux. Et en
plus, elle utilise des techniques biologiques. Ça pourrait nous aider à perdre
du poids.
Je la regarde, surprise.
— Perdre du poids ? Mais c’est quoi le rapport ?
— Angie, il me semble que c’est clair ! Quand on est mince, on s’aime
mieux et on performe mieux. Tu devrais essayer de te mettre au régime.
Je ne réponds pas, insultée. Franchement, pour qui se
prend-elle ? Comme si j’avais besoin de perdre du poids. Cette réunion est
complètement absurde.
— Je suis bien d’accord avec Betty, lance Marc.
Rien d’étonnant qu’il soit d’accord avec elle. Je la
soupçonne de se servir de son apparence pour obtenir ce qu’elle veut auprès de
la gente masculine. Il poursuit :
— Je propose qu’on fasse une journée de ressourcement en groupe à la
campagne avec une dégustation de vins et de fromages.
Pffff ! En plus de puer et d’être malpropre, Marc
est un alcoolique. Betty semble contente de son idée.
— En plus, ma coach de vie utilise des techniques modernes à la fine
pointe de la technologie. Par exemple, pour les
soins de la peau elle utilise des bains de boue et des poissons.
— Des poissons ?
— Oui ! Des poissons rouges. Ils mangent la peau sèche ce qui donne
une peau super douce.
Je fais un visage de dégoût en entendant ça. Ouache !
Qui peut adhérer à ça ? Betty a vraiment des idées absurdes. Je travaille
dans un cirque. Comment une dégustation de vins et de fromages, un bain de boue
et des poissons vont augmenter notre
rendement ici ? Mon patron est d’accord. Evidemment !
— On pourrait commencer un régime au pamplemousse. Ca aise à avoir une
meilleure mémoire et à réduire le stress. Cette femme c’est vraiment la
meilleure.
— Bonne idée ! répond mon patron. On va commencer notre thérapie de
groupe avec ta coach la semaine prochaine.
Je soupire. Quelle idée ! Je jette un coup d’œil vers
ma meilleure amie Elie. Elle n’a pas trop l’air scandalisée par les propos
invoqués. En fait, je pourrais dire qu’elle s’en fiche complètement. Depuis le
début de la réunion, elle texte sur son téléphone et sourit un peu à chaque
fois qu’elle reçoit un nouveau message. Elle est vraiment bizarre… je lui
demande à qui elle écrit.
— Personne, dit-elle en remettant son appareil sur la table.
— Pourquoi tu me mens ? Je sais que tu écris à quelqu’un.
— Et alors ?
— Je veux savoir à qui tu écris ! dis-je en insistant encore.
Je lève le ton un peu en disant ça. Mes collègues se
tournent vers moi. Betty avec son regard hautain :
— Je ne vous dérange pas, j’espère. C’est parce que tu m’as coupé la
parole, Angie !
Je soupire et ne dis plus rien. De toute façon, ce n’était
vraiment pas intéressant ce que Betty racontait. Elle poursuit son monologue en
parlant de plusieurs méthodes pour réduire le stress et d’activités de groupe
qui stimuleraient notre créativité. Vraiment n’importe quoi ! Comme si de
se faire des soirées pyjamas et de se limer mes ongles nous amènerait de
nouveaux clients.
Discrètement, je regarde mon amie qui est encore en
train de texte sur son téléphone. Je regarde aussi mon patron. Il ne se mêle
plus de la conversation et lui aussi semble texter. Non ! Pas possible !
Il ne texte pas ensemble ! Je regarde mon amie et puis, mon patron. Qu’est-ce
qu’ils peuvent bien s’écrire ? Ouache ! J’aime mieux ne pas savoir !
Vraiment, je m’attendais à tout sauf à ça. Je ne peux pas croire que ma
meilleure amie couche avec notre patron. Qu’est-ce qu’elle peut bien lui
trouver ? En plus d’avoir le double de son âge, il est paresseux et manque
totalement de classe. Quel avenir elle aurait avec lui ? En plus, si ma
mémoire est bonne, monsieur Soucy est marié. Mon Dieu ! Ma meilleure amie
est une maitresse ! L’homme dont me parlait Philippe, qui la visitait tard
la nuit, c’était lui !
Pourquoi mon amie, ma meilleure amie, ne m’a jamais
parlé de son secret ? Elle ne me fait pas confiance ? Je ne suis pas
quelqu’un digne de confiance ? Je
me sens exclue… Moi qui lui raconte tout, qui suis un grand livre ouvert.
Scandalisée par ma découverte, je me lève de ma chaise
brusquement, faisant tomber les documents sur la table. Ceci fait du bruit et
dérange encore une fois le groupe. Betty, qui s’écoute parler, parce que c’est
évident que plus personne ne l’écoute, me regarde encore une fois avec un
regard noir.
— Tu le fais exprès ou quoi ?
— J’ai du travail qui m’attend. Vous ne trouvez pas que ça fait longtemps
qu’on discute ? dis-je d’un ton décidé.
— On n’a pas encore fini ! Tu peux te rasseoir, ajoute mon patron en
levant enfin les yeux vers moi. tu es toi aussi concernée par nos problèmes.
Nos problèmes ?! Nos problèmes ?! Là, il s’imagine
qu’on règle quelque chose ? Vraiment ? Je crains que ce ne soit pas
le cas, pas avec ces idées stupides. Je le regarde droit dans les yeux. S’il
savait ce que je sais, il serait sans doute moins autoritaire. Même qu’en
échange de mon silence, je pourrais demander une promotion ou une augmentation
de salaire. Je fais un petit sourire en coin et je le rassois pour continuer d’écouter
leurs niaiseries. Après il faut que j’entame une sérieuse discussion avec Elie.
Il est hors de question qu’elle m’écarte ainsi de sa vie. Je veux être là pour
elle peu importe la situation qu’elle vit, sans la juger.
Je sors de ma rêverie lorsque Betty, toujours avec un
ton autoritaire, s’exclame :
— Angie ! Ça fait trois que je te répète la même question ! Veux-tu
bien me répondre ! Il me semble qu’avec toute l’ancienneté que j’ai ici,
tu devrais avoir lus de respect envers moi surtout quand je parle !
Je lève les yeux au ciel. Voilà, elle est repartie.
Betty détient plus de vingt ans de service au sein du cabinet et ne se gêne pas
pour le rappeler et s’en servir comme si cela lui conférait le statut d’employé
modèle. Je réponds tout de même, pour la calmer, mais surtout pour avoir la
paix.
— Mes excuses, Betty. Je t’écoute.
— Tu es disponible quand ? On va se faire une fin de semaine de
ressourcement avec ma coach de vie. Tout va être fourni : les soins de
beauté, la nourriture, les équipements de sport et autres. Tu apportes juste
tes effets personnels.
— On va où exactement ? je demande, n’étant pas certaine de l’idée de
ma collègue.
Elle répond fièrement :
— On va aller faire du camping en groupe ! La nature, la campagne et
les petits oiseaux, ça va nous rapprocher. On va créer des liens. En plus on va
en profiter pour se reposer. C’est une bonne idée, non ?
— Euh…
J’ai pas du tout envie de passer ma fin de semaine
avec Barbie, l’alcolo et mon boss. Mais au moins, ma best va être là, ça va
être moins ennuyant et pénible. Je réponds :
— Je suis disponible la fin de la semaine… eh… oui… dans deux semaines,
dis-je en consultant mon agenda.
— Parfait ! C’est noté ! Tout le monde est d’accord avec cette
date ?
— Oui !!!
— J’apporte le vin, dit monsieur Soucy.
Elie répond à son patron-amant :
— Bonne idée ! Il ne faudrait pas oublier le fromage.
Je la regarde. Elle est vraiment bizarre. Depuis quand
elle mange du fromage en buant du vin ? Elle est plus du genre à boire des
cocktails de fruits accompagnés de canapés aux olives. Il n’y a personne qui
connait mieux mon amie que moi. il est plus que temps que nous ayons une
conversation.
Marc enjoué par l’idée d’avoir de l’alcool à volonté
pour la fin de la semaine :
— Quel vin allez-vous apporter ? Il est important d’avoir un vin de
qualité, surtout en camping.
— Je possède une très belle cave à vin, Marc. Tu vas voir, tu ne seras pas
déçu, répond mon patron, sûr de lui-même.
Une autre de mes collègues, Josianne, la plus discrète
de nous tous, prend la parole. Elle est une angoissée chronique. Ça m’est
arrivée souvent de l’aider dans ses dossiers pour toutes sortes de raisons. Incapable
d’être autonome dans ses tâches, elle est anxieuse pour tout et pour rien. Elle
demande :
— Est-ce qu’il va y avoir des araignées ? J’ai très peur de ces bébêtes.
Je ne pourrai pas dormir de la nuit.
— Ne t’en fais pas Josianne. Tout va aller, je vais te protéger de toutes
les bestioles, ajoute gentiment Betty.
Oh boy ! Pas certaine que Betty soit une bonne
protectrice. Elle va se casser un ongle avant d’arriver à la protéger. Plus capable
d’entendre leur conneries, je mets fin à la réunion :
— Bon, j’ai des clients qui m’attendent ! Je serai là à votre… à
votre…
Je cherche le bon mot.
— Une fin de semaine de ressourcement, confirme Betty.
— Oui ! C’est ça ! Bonne journée !
Je sors rapidement. Ouf ! Lamentable ! Quand
on va avoir une réunion sérieuse ? Pas dans les prochaines semaines en
tout cas, pas avec la fin de semaine de merde que je vais passer.