Vicissitudes : Chapitre 06
Ecrit par Djiffa
AUTEUR : DJIFA BLESSINGS
Elisabeth
- Alors, Elisabeth, je t’ai fait venir ici pour que tu lui
parles et que tu trouves avec elle une solution. Tu sais que moi je n’ai
aucune expérience du mariage.
Je soupire car je suis dépassée. Comment résoudre l’équation-ci ?
Issifou est un homme calme, compréhensif et sans histoires. Il a
toujours bien traité ma sœur ; il a beaucoup de respect pour moi et pour
nos parents ; il n’y aurait donc pas de problème dans ce mariage si ce
n’était pas la mésentente de Lolita avec sa belle-mère. Aucune idée de
résolution de ce conflit ne me vient à l’esprit sur le champ. Cependant,
je préfère que Lolita vive dans mon appartement quand bien même je n’ai
pas assez de place ; il vaut mieux qu’elle ne reste pas avec Adéline
car demain Issifou pourrait penser qu’elle avait eu la liberté de faire
ce qu’elle voulait pendant qu’ils étaient séparés. Les hommes de mon
pays sont trop susceptibles.
Je rentre dans la chambre d’Adéline et je donne des petites tapes à Lolita pour la réveiller.
Wilson
Ma situation me préoccupe beaucoup ; je ne comprends plus ma famille.
Comment se fait-il qu’en plus de trois mois, aucun acheteur ne soit
trouvé ? Il a pourtant de nombreux hommes riches qui sauteraient sur
l’occasion car la maison mise en vente est bien située géographiquement.
Que se passe t-il donc ? Cette situation me fait déprimer. Et Adéline ?
Elle ne va quand même pas m’attendre indéfiniment ! Quand elle sera là
demain, je lui demanderai de contacter Eric ou maman afin qu’ils
viennent me voir ; cela fait bientôt trois mois qu’ils ne sont plus
venus. Pendant que je médite sur mon sort, une visite m’est annoncée.
C’est peut-être mon frère où ma mère car pour moi elle l’est. Une fois
dans la salle de réception, j’eus l’agréable surprise de voir une
personne que j’aime beaucoup dans ma vie. La tristesse sur mon visage se
mue en une grande joie. Je me blottis dans ses bras comme un petit
garçon.
- Oh la la ma grand-mère adorée.
- Viens-là mon petit que je t’embrasse.
Je suis si content ! Depuis que je suis ici, c’est la deuxième fois
que je vois ma grand-mère, celle qui a donné la vie à ma mère ; elle est
très vieille. Elle a des difficultés pour se déplacer.
-
Grand-mère, je sais que tu es vieille et que tu marches avec une
canne ; mais j’aurais bien aimé te voir plus souvent.
-
Mon petit, tu sais bien que c’est mon souhait ; mais je n’arrive pas à
me déplacer facilement ; j’habite au village et c’est très loin d’ici ;
je n’ai même personne pour m’héberger quand je viens et je dois
repartir le même jour ; tu sais que je n’ai pratiquement personne pour
m’aider et que c’est ton père et toi qui vous occupiez de moi ; alors,
c’est très difficile pour moi maintenant ;
- Mais Grand-mère, mon oncle qui reste ton seul fils est quand même là pour s’occuper de toi !
- Ah tu sais, je ne l’ai pas vu depuis une année, tu sais, sa
nouvelle femme n’est pas du tout gentille ; elle a réussi à éloigner mon
fils de moi ; ton oncle ne cherche plus à me voir me traitant de
sorcière.
- Quoi !
- Je demande à Dieu d’envoyer la mort me chercher mais chaque jour qui se lève, je suis étonnée d’être en vie.
- Beaucoup de courage Grand-mère ; si seulement je n’étais pas
en prison ! Tu souffrirais moins. Su tu étais en ville, je dirai à
Adéline de te rendre visite par moments ; mais le village est très loin.
- Tu n’as pas besoin de lui dire ; elle est déjà venue deux
fois ; mais c’est très loin et tu connais aussi sa situation.
- Ah oui ? Pourtant elle ne me l’a jamais fait savoir ; cette
fille est vraiment gentille. Mais Grand-mère, le village est à deux cent
kilomètres d’ici ; tu ne peux pas retourner aujourd’hui. Je vais
demander au Surveillant de ma cellule de m’aider à téléphoner à Adéline ;
elle viendra te chercher pour t’héberger tout au moins pour cette nuit.
- Merci mon petit.
Grâce à Dieu, le Surveillant accepte le service que je lui demande ;
j’appelle Adéline avec son téléphone et je lui explique la situation ;
- Tu l’attendras devant le Commissariat Grand-mère.
- Merci mon petit ; et toi, comment tu vas ?
- Mal Grand-mère ; j’ai une opportunité de sortir mais l’argent reste le blocage.
- Depuis quand l’argent est-il un problème pour ta famille ? Explique-moi mieux.
J’explique la situation à ma Grand-mère qui me réconforte :
- Tu sais, mon petit, je pense que ta deuxième mère et ses
enfants ne se remuent pas pour que tu sois libéré. Prends courage et
prie beaucoup ; une attitude positive face aux épreuves de la vie est un
élément essentiel pour arriver à les surmonter avec optimisme. Si nous
considérons les épreuves comme de nouvelles opportunités et non pas
comme des échecs ou des boulets, nous les vivrons toujours différemment,
positivement. Mon petit, il faut connaître la maladie pour apprécier
la santé. Il faut connaître le malheur pour apprécier le bonheur. Il
faut connaître la pauvreté pour apprécier la richesse ou le peu que nous
avons. Tu as besoin d'opposition pour grandir. Tu verras que tu
sortiras grandi de cette adversité si tu es persévérant. Ton caractère
et tes capacités s'affineront. Ce sont les vicissitudes de la vie qui
forgent notre caractère, conduisent notre destin et font de nous ce que
nous sommes.Sois donc courageux et invoque l’aide de Dieu sans pour
autant être impatient. Puisque tu n’as pas tué ton ami, tu t’en sortiras
; le malheur atteint le juste mais Dieu l’en délivre toujours.
- Merci Grand-mère pour tes paroles de réconfort. La visite prendra bientôt fin ; j’espère te revoir très vite ;
- Dieu seul sait quand je pourrai te revoir Wilson ; en
attendant, je continuerai de prier pour toi. Que le Seigneur te protège
et te délivre !
- Amen ; au revoir Grand-mère ; prends bien soin de toi.
La visite de ma grand-mère m’a ôté mes soucis de l’heure ; j’ai aimé la
revoir et j’ai de la peine pour elle ; elle a deux enfants, ma mère et
mon oncle ; depuis le décès de ma mère, elle n’a que son seul fils, mon
oncle Delphin. Il était pourtant une bonne personne ; il s’est marié
une première fois et a divorcé parce que sa femme ne concevait pas ; il a
alors quelques années avant mon arrestation, pris une autre femme qui
s’avère être une personne cynique ; elle ne veut voir aucun membre de la
famille de son mari. Elle a réussi à éloigner mon oncle de tout le
monde et même de ma grand-mère. Il y a des femmes vraiment méchantes
dans ce monde.
Maman Issifou
Mon fils me dépose chez mon
amie Ganiatou qui paraît très heureuse de ma visite. Nous ne nous sommes
pas vues depuis des mois et il y avait beaucoup de sujets en suspens.
Au beau milieu de ma discussion, j’introduis le sujet principal :
- dis-moi, Kadessa, a t-elle déjà un fiancé ?
- Pas vraiment ; elle ne m’a officiellement présenté personne ; pourquoi ?
- Je veux que ta fille épouse mon fils ;
- Mais ton fils a déjà une femme !
- Et alors ? Ignores tu que nous sommes musulmans et qu’un Musulman a droit à quatre femmes?
- Oui mais ce n’est pas une obligation ; le Musulman peut avoir
quatre femmes ne signifie pas qu’il doit avoir quatre femmes. Par
ailleurs, la polygamie est soumise à un tel nombre de conditions, que
les hommes remplissent difficilement ! Notre religion permet aux hommes
d'épouser quatre femmes « si ». Le « SI » est une condition sine quoi
none donc si les conditions ne sont pas remplies c'est NON. La preuve,
Maman Issifou, n’étais- tu pas la seule femme de ton mari ?
-
Oui je l’étais mais c’est parce que mon mari n’a pas vécu
longtemps ; Issifou avait à peine deux ans quand il est mort ; s’il
vivait, il aurait pris d’autres femmes ; toi-même tu a eu des coépouses !
- En effet, j’ai des coépouses mais c’est contre mon gré et je veux épargner la polygamie à ma fille ;
- Tu n’y peux malheureusement rien car si ta fille doit vivre
dans la polygamie ou pas, cela ne dépend pas de toi mais de son futur
mari ; mais ne t’ inquiète pas ; pour le moment, ta fille sera seule
car celle qui se dit la femme de mon fils est partie ;
- Ah bon ? Ton fils est pourtant calme et gentil ; pourquoi est-elle donc partie ?
- Figure toi qu’elle a osé me gifler !
- Quoi ! Elle est malade ?
- Après cela, mon fils l’a mis dehors ; et je ne pense pas qu’il va encore l’accepter ;
- Assia Mama ! Les jeunes filles d’aujourd’hui ont de l’audace ! Gifler sa belle-mère ! Safroulaye !
- les filles d’aujourd’hui n’ont plus de respect pour leurs aînées.
- mais est-ce que ton fils approuve ta proposition ?
- je ne lui ai encore rien dit ; mais c’est mon fils ; je vais le convaincre.
Ganiatou me promet de parler de ma proposition avec Kadessa et son père
puis me tiendra informé. Je la quitte le cœur satisfait. Je ne peux
tolérer en aucun cas qu’Issifou garde Lolita comme épouse après cet
affront.
Lolita
Je sens des mains me tapoter et j’ouvre
les yeux ; je découvre ma sœur Elisabeth debout à côté du lit. Je me
lève et reste en position assise sur le lit d’Adéline.
- Bonsoir ma sœur ; c’est Adéline qui t’a appelé ?
- Oui, comment te sens tu ?
- Comment veux-tu que je me sente ? Je n’ai jamais vu Issifou aussi énervé ;
- C’est normal ; c’est quand même sa mère après tout. Tu sais
ma sœur, la maîtrise de soi est essentielle dans certains moments ;
sinon tu auras raison mais c’est toi qui aurais des ennuis ; il aurait
fallu que tu gardes ton sang-froid et que tu fasses savoir à Issifou à
son arrivée que sa mère a traité nos parents de crève-la-faim que tu
aurais eu le dessus. Maintenant tu lui donnes l’occasion de mieux te
vilipender auprès de son fils qui trouvera que sa mère a toujours eu
raison. Imagine que tu fasses une bêtise et que notre mère te tape
dessus ; vas-tu riposter ?
- Non, je ne peux pas taper ma mère ;
- Alors pourquoi lèves-tu la main sur la mère de ton mari ?
Autant ta mère t’est chère, autant la sienne lui est précieuse malgré
ses défauts. En plus, n’oublie pas que nous sommes en Afrique où l’on
accorde une place importante au respect des personnes âgées. Cette dame
aurait pu être ta mère. Tu peux tout faire sauf lever la main sur elle ;
il faut gérer les vicissitudes de la vie avec tact pour ne pas se créer
des problèmes soi-même.
- Que dois-je faire maintenant ?
- laisser Issifou digérer sa rage; patiente que sa colère
tombe ; comme tu ne travailles pas le weekend prochain, nous irons voir
les parents au village ; ils sauront nous donner de meilleurs conseils ;
ce problème ne peut pas être résolu sans l’intervention de la famille.
Mais je te suggère d’habiter avec moi, plutôt qu’avec Adéline ;
- Mais pourquoi ?
- Parce que cela rassurerait plus Issifou de savoir que tu es
avec moi ; ici, il penserait que tu as la liberté de faire tout ce que
tu veux ;
- Tu oublies que j’habitais avec Adéline quand il m’a épousé ?
- Mais maintenant, tu es sa femme, ça change tout, nous sommes
en Afrique, je te rappelle. Les théories d’école ne fonctionnent pas
dans le foyer.
- Tu es trop archaique pour ne pas dire
ancestrale Elisabeth ; laisse- moi rester ici ; chez toi, c’est étroit
et tu es avec ton mari et tes enfants.
- Bon, comme tu es têtu, fais comme bon te semble. Mais après, ne viens pas te plaindre.
- Ma fille me manque ; comment faire pour voir Fatima ?
- Calme-toi, tu verras ta fille ; pour le moment, ne brusque pas les choses.
Je pense beaucoup à ma fille ; je devine que Issifou ira l’installer
ainsi que la domestique chez ma belle-mère ; je ne crains rien pour ce
fait car malgré tout, je sais que ma belle-mère aime Fatima et saura
bien s’en occuper comme elle l’a toujours d’ailleurs fait. Seulement en
tant que mère, j’ai besoin de serrer ma fille contre moi. Je prie juste
que Issifou ne m’empêche pas de la voir. Je n’ai jamais vu mon mari
aussi furieux. Il m’a repoussé si violemment! Pourtant Issifou s’est
toujours montré exemplaire. Chaque fois que je me plaignais de sa mère,
il me comprenait, me calmait et m’exhortait à la patience. Est-ce cette
petite gifle qui lui a fait autant mal ?
Adéline
Je
raccompagne Elisabeth puis je reviens chez moi ; je trouve Lolita
pensive. Elle me fait de la peine ; pourquoi le bonheur n’est jamais
total ? Pourquoi devrions-nous subir toutes ces vicissitudes ? Tantôt
tout est beau, tantôt tout est laid ! Avec tout ceci, je n’ai plus
téléphoné à Hélène, mon seul espoir du moment pour la libération de
Wilson.
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