Vicissitudes : Chapitre 07

Ecrit par Djiffa

AUTEUR : DJIFA BLESSINGS

Adéline
Je raccompagne Elisabeth puis je reviens chez moi ; je trouve Lolita pensive. Elle me fait de la peine ; pourquoi le bonheur n’est jamais total ? Pourquoi devrions-nous subir toutes ces vicissitudes ? Tantôt tout est beau, tantôt tout est laid ! Avec tout ceci, je n’ai plus téléphoné à Hélène, mon seul espoir du moment pour la libération de Wilson.

Je rentre dans ma chambre et je lance son numéro.

- Allo
- Bonsoir Hélène ; comment vas-tu ?
- Je me porte bien ; quelles sont les nouvelles ?
- J’ai besoin que tu me rendes un service mais nous ne pouvons pas en discuter au téléphone ;
- Ok, donne moi tes disponibilités ;
- Demain à dix-sept heures ; cela te convient ?
- Parfait ; où se voit-on ?
- C’est à toi de décider.
- Laisse-moi réfléchir et je te le fais savoir par message.

Lorsque je raccroche, Lolita m’interroge :

- qui est cette Hélène ?
- Hélène SIGUI, notre camarade de promotion.
- Ah, je ne l’ai pas vu depuis longtemps ; mais je ne savais pas que vous étiez en contact ;
- Je l’ai rencontré un jour en allant voir Wilson ; il me semble qu’elle a de nombreuses relations ; je veux qu’elle m’aide à trouver un client pour la maison mise en vente par la famille de Wilson ;
- J’espère qu’elle pourra t’aider ; dans la situation-ci, je ne sais plus si Issifou pourra prêter les cinq millions promis ;

Mon téléphone vient de vibrer ; c’est un message de Hélène me précisant le lieu de la rencontre. Parlant de rencontre, oh zut ! J’ai oublié d’aller chercher la grand-mère de Wilson ; j’espère qu’elle n’est pas partie ne me trouvant pas ; je me dépêche et je prends un taxi-moto vite fait.

Dès que je descends devant le Commissariat, j’aperçois la vieille dame assise sur un banc en bois sous un arbre.

- bonjour Grand-mère ; je suis si désolée de vous avoir fait attendre. C’est indépendant de ma volonté ;
- je te comprends ma fille ;
- ok, on va y aller ; c’est mieux qu’on prenne une voiture taxi plutôt qu’une moto.
Nous trouvons très vite un taxi et quelques minutes plus tard, nous sommes chez moi.

Ganiatou
J’étais une commerçante de bijoux au marché central ; c’est d’ailleurs là que j’ai fait la connaissance de maman Issifou qui vendait des bazins et des wax hollandais ; nos activités généraient beaucoup de revenus ; nos magasins sont l’un à côté de l’autre ; nous avons sympathisé ; mais depuis que j’ai cessé d’aller au marché, nous nous voyons rarement.

Ma fille Kadessa est la seule de mes enfants qui traîne encore à la maison ; quand elle a cessé l’école secondaire, elle a commencé à m’assister dans mes ventes jusqu’au moment où fatiguée, je l’ai laissé gérer seule ; Kadessa n’a pas de chance avec les hommes ; maintenant elle est tranquille et on vient lui proposer le mariage. Est-ce que c’est le moment de se montrer dur ? Après le dîner, je me rends dans l’appartement de mon mari ; nous sommes quatre épouses. Chacune de nous a son tour de semaine ; ce qui veut dire que je vois mon mari une semaine par mois ; chacune de nous avions un appartement assez spacieux où nous habitons avec nos enfants ; notre mari également à son appartement mais tout ceci au sein de la même concession. C’est celle qui est de semaine qui est chargée de donner à manger au mari et de passer la nuit dans son appartement. Pour ma part, depuis que je suis ménopausée, je ne passe plus de nuits dans l’appartement de mon mari. Quant vient mon tour, je la passe à la dernière épouse qui me respecte beaucoup.

Je n’ai jamais voulu avoir une coépouse dans ma vie mais mon mari au nom de la religion me l’a imposé ; ayant été éduquée à me soumettre, j’ai dû me résigner à cette situation. Après trente ans de mariage, mon époux m’est toujours étranger car en réalité, je ne l’ai pas choisi ; il m’a été imposé par mon père et je n’avais pas mon mot à dire. Dieu merci, aujourd’hui, les temps ont changé et il n’est plus possible d’imposer un conjoint à son enfant.

Je tape à la porte de l’appartement de mon mari et c’est ma coépouse qui est de semaine qui m’ouvre la porte :

- je veux parler à El Hadj ;
Elle s’écarte pour me laisser entrer. Je salue mon mari avec génuflexion puis je prends place :
- El Hadj, Assalamu alaykoum;
- wa 'aalaykoum as-salâm, chère femme.
- comment était ta journée, El Hadj ?
- Alhamdullilah, tout s’est bien passé ; alors dis-moi, quelles sont les nouvelles ?
- Je suis venue discuter avec toi au sujet de Kadessa ;
- Qu’est-ce qui ne va pas avec ma fille ?
- Une de mes amies propose que sa main soit accordée à son fils.
- Le fils est-il musulman ?
- Oui ;
- Est-ce qu’il est déjà allé à la Mecque ?
- Je ne sais pas ; je vais demander ;
- Est-ce qu’il travaille ?
- Oui, il est fonctionnaire
- A t-il déjà une femme ?
- Oui mais elle n’est pas musulmane ;
- Comment s’appelle t-il ?
- Issifou MABOUDOU
- Très bien, si Kadessa le veut bien, moi cela ne me dérange pas.
- Merci El Hadj, je vais en parler avec Kadessa.

Je lui souhaite une bonne nuit et je me retire. C’est déjà bien qu’il ait accepté et qu’il n’impose pas sa décision à ma fille ; il me reste maintenant de la convaincre car elle est très dure de caractère.

Grand-mère de Wilson
J’ai attendu Adéline pendant près de deux heures et je commençais à m’inquiéter quand elle est venue ; j’avais une envie irrésistible de venir voir mon petit-fils en prison ; j’habite au village à deux cent kilomètres de la ville ; je marche difficilement ; c’est ce qui a fait que depuis bientôt deux ans qu’il a été incarcéré, ce n’est que la deuxième fois que je viens. Mais je ne manque pas de prier pour lui.
J’ai été profondément touchée d’apprendre qu’il peut être libérée sous caution mais que sa famille ne trouve pas d’acheteur ; moi je pense que sa famille ne veut pas payer, c’est tout. Si la famille voulait vraiment le libérer, elle peut aller jusqu’à accepter de vendre pour quarante millions une maison estimée à deux cent millions. Je ne veux donc pas compter sur cette famille ; d’ailleurs je doute que sa deuxième mère l’ai effectivement accepté comme fils. J’ai toujours su les rares fois où je l’ai vu qu’elle était hypocrite.

Lorsque le père de Wilson vivait, il m’entretenait et me donnait beaucoup d’argent. Quand Wilson a commencé à travailler, il me gratifiait aussi ; mais qu’est-ce qu’une vieille comme moi fait avec l’argent ? Presque rien. Je les mettais juste dans un coffre ; lorsque je vais rentrer, je compterai ma maigre fortune ; certes, ce sera loin d’atteindre le montant de la caution mais au moins avec cela, ce sera plus aisé de compléter ; je demanderai donc à Adéline de venir me voir au village dans une semaine.
Une fois chez Adéline, elle m’installe et prends bien soin de moi. Elle me présente à son amie Lolita qui abhorre depuis mon arrivée une mine très triste. Je n’ai pas résisté à l’envie de lui demander ce qui n’allait pas chez elle. Adéline m’a alors narré son problème. Après avoir écouté Adéline,je m’adresse à Lolita.

- Lolita, la gifle que tu as donné à ta belle-mère annule les mauvaises actions que cette dernière avait commises envers toi ; personne ne te donnera raison et aucun homme n’accepterait que tu frappes sa mère même si elle est une sorcière ; c’est ça même la vérité ma petite, ne te leurre pas. Si tu as envie de retrouver ton foyer, tu seras obligée de t’excuser auprès de ta belle-mère. Nous ne sommes pas chez les Blancs ; ce sont nos réalités.

- non Grand-mère, je ne ferai pas à ma belle-mère le plaisir de m'humilier devant elle.

- et pourtant tu le dois; ne laisse pas l'orgueil te dominer et contrôler tes sentiments.

Je passe une bonne nuit et le lendemain, Adéline m’emmène à la gare pour que je puisse prendre le car pour retourner au village.

Hélène
Je n’ai pas pu me libérer à temps pour répondre au rendez-vous avec Adéline ; je lui téléphone en m’excusant pour mon retard. Elle devra m’attendre quelques minutes. Pendant le trajet je m’interroge sur le genre de service qu’elle pourrait bien me demander ; sûrement qu’elle veut de l’argent ; dans ce cas, elle devra en chercher elle-même car je lui montrerai la voie ; dans tous les cas, je suis bientôt à destination ; ma curiosité sera satisfaite.

- Salut Adéline ;
- Ravie de te revoir Hélène ; tu es toujours belle et pimpante ;
- Merci ; alors, en quoi puis-je t’aider ?
- Voilà ; j’ai besoin que tu me trouves un client pour l’achat d’une maison bien située dans la ville ;
- Attends ma copine, tu es devenue démarcheur ?
- Arrête de m’insulter Hélène ;
- Pourquoi quand on te dit la vérité tu penses qu’on t’insulte ? Trouver des clients pour la vente de maison, ce sont les agents immobiliers qui s’en occupent et on les appelle communément démarcheurs.

Je sens que j’énerve Adéline mais elle fait l’effort de se contenir et poursuit en m’expliquant que son fiancé pourrait être libéré à l’issue de la vente de cette maison. Je n’en reviens pas :

- mais Adéline, pourquoi te gênes-tu autant ?
- Tu ne comprends pas Hélène ; c’est l’amour ; j’aime cet homme et je veux le voir libre!

- Tu aimes quoi sur un prisonnier ? On t’a prescrit ce Wilson à l’hôpital ? Pourquoi te sens-tu obligée de l’attendre alors qu’il n’est même pas ton mari ? Et si à sa sortie, il ne t’épousait pas ? Ma chére, réfléchis sérieusement ; tu es en train de perdre ton temps et surtout de perdre des opportunités.

- Hélène, si tu peux m’aider, fais-le, s’il te plaît ;

- Ok, je peux te trouver des acheteurs ; tu me donnes juste les détails ; je te reviens très vite.

A la fin de notre discussion, je dépose Adéline au carrefour le plus proche et je continue mon chemin ; pendant mon trajet, je lance le numéro de Darius une de mes nombreuses connaissances assez nanties et je lui pose le problème ; si la maison est bien située, il est intéressé ; c’est Adéline qui sera heureuse.

Kadessa
Je suis dans ma chambre encore allongée sur mon lit quand ma mère entre dans ma chambre ; elle me salue et s’assoit sur le bord de mon lit. J’ai bien compris qu’elle voulait me parler ; je la connais bien :

- tu n’ouvres pas ton magasin aujourd’hui ?

- Oui maman ; je vais y aller ; depuis que j’ai engagé une aide, je ne me gêne plus
- Sache que ta boutique ne sera bien tenue que par toi-même ; ne t’amuse pas avec ta source de revenus ;
- C’est compris maman ; alors, quelles sont les nouvelles ?
- Elles sont bonnes ;
- Ah oui ? Je t’écoute alors ;
- Maman Issifou désire que tu épouses son fils.

Je fronce les sourcils et je l’interroge :

- mais il s’est déjà marié ; nous étions toutes les deux à son mariage ;
- Issifou est musulman, et peut bien prendre une deuxième femme surtout que la première n’est pas musulmane ;
- Et après moi, il en prendra encore certainement ;
- Ce n’est pas une obligation ;
- Je vais y réfléchir maman ; Issifou est un beau garçon mais je n’ai pas très envie de vivre dans la polygamie ;
- Actuellement sa femme n’est plus chez lui ;

Je me redresse car la conversation devient attrayante.

- pourquoi ?
- il l’a mis dehors parce qu’elle a osé giflé sa mère ;
- Quelle audace ! Maman, est-ce qu’Issifou est d’accord pour m’épouser ?
- Sa mère s’arrangera pour qu’il le soit.
- je vais réfléchir à cette proposition maman ; donne-moi juste deux jours.

Je vais dans la salle de bains pour me doucher et m’apprêter à me rendre dans mon magasin ; j’ai arrêté mes études à l’école secondaire et j’ai très tôt été initiée par ma mère pour le commerce ; aujourd’hui, elle est fatiguée et j’ai pris la relève. Pendant que je me frotte le corps, je repense à la proposition de maman Issifou ; je connais bien Issifou car il rendait visite à sa mère à la boutique ; grand, beau, svelte, il dispose de tous les atouts pour attirer les femmes ; à l’époque, je lui lançais de petits regards coquins mais il semblait ne pas être intéressé. Cette fois-ci, je ne vais pas le rater.

Lolita
Je viens d’appeler Issifou pour une ènième fois et il ne décroche pas. Il doit être vraiment fâché ; que puis-je faire donc ? Je lui ai envoyé des tonnes de messages mais il ne me répond pas. Vivement que le Weekend prochain arrive afin que nous allions au village voire les parents, ma sœur et moi. Nous sommes quatre enfants pour nos parents ; trois filles et un garçon ; Mon frère et moi avons eu la chance de faire l’université et d’avoir un diplôme contrairement à Elisabeth qui a très tôt cessé ses études, faute de moyens ; ma sœur Lydia, la benjamine de la famille est en classe de terminale et pour faire l’université, elle devait rester chez moi.
J’espère que mes parents trouveront une solution car je n’ai aucune envie de m’excuser auprès de ma belle-mère comme me l’a recommandé la grand-mère de Wilson ; si je le fais elle crierait victoire et me malmènerait davantage ! Que dois-je donc faire pour retrouver le cœur de mon mari que j’aime sincèrement?


A Suivre..........................

Vicissitude