Vicissitudes : Chapitre 15

Ecrit par Djiffa

Lolita
Je ne passe même plus chez Adeline pour prendre mes affaires ; je me rends directement au domicile conjugal. Plus de temps à perdre, mon mariage est en jeu. Issifou n’est pas à la maison ; tout est sombre à l’intérieur et je n’ai pas les clés ; je choisis d’attendre espérant qu’il va rentrer. Il ne manquerait plus qu’il découche. Je prends une brique et je m’assois ; Issifou finit par rentrer mais tard dans la nuit ; D’où revenait-il ? Je ne pense pas que ce soit du travail car il est très tard ; il est peut-être passé chez sa mère après que j’ai quitté ; il s’étonne de me voir là, devant le portail de la maison :

– Lolita, qu’est-ce que tu fais là dans le noir ?
– Je t’attendais ;
– Il se fait tard ; laisse-moi te ramener chez Adéline, nous causerons une autre fois ;
– Non, je ne retourne pas chez Adéline ; je suis rentrée en fait.
– Loli, je t’ai déjà dit que la condition pour revenir ici est de présenter tes excuses à ma mère ; c’est une condition non négociable ; maintenant tu peux toujours rentrer à partir de la semaine prochaine et moi je sors ;
– Avec ta mère, c’est réglé Issifou ;
– Ma mère ne m’a pourtant rien dit ;
– Appelle là alors ; j’étais là-bas ce soir ;
– Il est très tard et elle doit être en train de dormir.
– Ok, demain, tu vas l’appeler pour vérifier ;
– Oui mais en attendant, je vais te ramener ; je ne passerai pas la nuit sous le même toit que toi tant que je n’ai pas la preuve que tu as présenté tes excuses.

Malgré mes protestations, Issifou me conduit chez Adéline. Je me demande depuis quand Issifou est devenu si sévère ! Il me dépose chez Adeline et avant de s’en aller, il me dit :

– Si je vérifie auprès de maman et que tu y étais réellement, tu pourras revenir à la maison dès demain soir ; autrement, tu attends la semaine prochaine, le temps que j’évacue mes affaires; bonne nuit.

Apparemment mon cher mari n’a même pas hâte de me retrouver. Ce n’est pas un bon présage car cela veut dire que je ne lui ai pas manqué. Adéline est surprise de me revoir.

– Loli, que se passe t-il ?
– Issifou veut la preuve que j’ai présenté des excuses à sa mère avant de m’accepter. D’ailleurs, il est rentré très tard ; je me demande où il était.
– Tu n’aurais pas dû laisser la situation traîner autant ; maintenant le gars prend le dessus ; ok, viens dormir, demain tu pourras retourner chez toi.

Issifou
Je viens de passer une belle soirée avec Kadessa ; j’étais chez elle où elle m’a offert un repas copieux ; j’adore sa cuisine. Elle prend tellement bien soin de moi et elle est très sensuelle dans ses gestes. Depuis que nous sommes connus intimement il y a quelques jours, je sens un attachement envers elle; j’ai aimé sa sensualité, ses caresses, sa douceur. Une vraie tigresse au lit ! Oh Kadessa ! Elle me rend dingue.

De retour à la maison, je constate que ma femme m’attendait. Il était tard ! Elle a dû paniquer en croisant Kadessa chez moi la dernière fois ; et elle a raison ; car Kadessa fait chavirer mon cœur ; elle a grignoté un bout de mon cœur qui n’appartenait qu’à Lolita qui, de par son entêtement, m’a poussé à voir ailleurs et j’ai aimé. Lorsqu’on a goûté au miel, il est difficile de s’en passer. Je suis conscient que j’ai commis l’adultère. Que vais-je faire ? Comment vais-je gérer cette situation ? Je n’ai jamais voulu être polygame ; il est vrai, étant musulman, je me suis mariée sous un régime polygamique mais je n’ai jamais eu cette intention. Mais, laissons le temps au temps.

Le lendemain, j’appelle ma mère pour savoir si Lolita était effectivement avec elle la veille. Elle me le confirme ; je voulais en même temps appeler Lolita pour lui dire de rentrer mais je me ravise ; peu importe ; elle m’a déjà habitué à vivre sans elle ; si elle veut elle revient, si elle ne veut pas, libre à elle. C’est fini l’époque où je ne jurais que par elle.

Maman Issifou
Mon fils est passé ici ce matin après le travail pour embrasser sa fille. Il m’a fait savoir que sa mère devrait rentrer bientôt et que Fatima allait devoir partir d’ici. Je regrette de voir partir la petite car je l’aime beaucoup. De toute façon, je pourrai la voir chaque fois que je le désire à moins que sa mère ne veuille pas. Si cela ne tenait qu’à moi, Fatima restera ici.
Je m’inquiète d’ailleurs du prochain retour de Lolita ; il ne faut pas que Issifou s’éloigne de Kadessa. Il faut d’ailleurs que je lui parle vite afin qu’il comprenne qu’il vaut mieux pour lui être polygame. Lorsque la femme a une rivale, elle est plus sage. J’attendrai le weekend pour avoir toute son attention. En effet, mon fils a trop de principes ; je me demande à qui il ressemble ; il tient à ce que je présente des excuses à Lolita pour avoir insulté ses parents et même aux parents si possible. Selon lui, nous sommes toutes deux en faute et nous nous devons des excuses mutuelles ; comme Lolita a fait sa part, je devrais faire de même. Issifou m’énerve parfois.

Eric
Mon téléphone sonne et c’est Adéline ; pour quelles raisons pourrait-elle bien m’appeler après tout ce temps de silence ? Je lui en veux parce qu’elle n’a pas cédé à mes avances. Cependant, je décroche le téléphone :

– Allo
– Bonsoir Eric ; c’est Adéline ;
– Il y a belle lurette ; comment tu vas ?
– Bien, en fait, Wilson demande à ce que tu ailles le voir.
– Ok, j’irai ;
– Ce sera tout, passe une bonne journée.

Maman et moi avons décidé de cesser de rendre visite à Wilson ; le masque est jeté ; nous n’avons jamais aimé Wilson ; mais papa était vivant et nous n’avions pas d’autre choix que de l’accepter. Dès la mort de notre père, il a commencé à s’ériger en successeur, voulant contrôler tous les biens. Comment peut-il vouloir prendre le contrôle alors que c’est ma mère qui a souffert pour que mon père puisse réaliser tout ceci ? C’est moi qui devrais avoir le contrôle. Wilson a toujours pensé qu’il était intelligent ; il ne savait pas que j’étais plus malin que lui. Je vais quand même faire semblant de répondre à son appel. Et puis, il est temps pour moi de mettre un terme à cet amour entre Wilson et Adéline ; si je ne peux l’avoir, lui non plus ne l’aura pas.

Kadessa
Je ne suis pas satisfaite ; tout va bien avec Issifou mais j’attends qu’il me parle d’amour, d’union, d’officialisation, etc… je ne veux pas forcer non plus ; c’est encore tôt ; je veux laisser les choses se faire naturellement. Il finira par ne plus se passer de moi et optera de me prendre en secondes noces. Enfin, si c’est la volonté de Dieu. J’ai ressenti un pincement au cœur quand il m’a même fait savoir que sa femme est revenue. Mais c’est sa femme après tout. Je n’ai pas à m’insurger contre ce fait ; je prie juste qu’elle ne détourne son attention de ma personne ; de toute façon, on verra bien ce qui en adviendra ; pour l’heure, je savoure de bons moments avec lui ; il passe chez moi tous les soirs avant de rentrer. Je l’ai même déjà amené saluer mon père. Chaque jour, je m’attache de plus en plus à Issifou car je lui découvre un caractère qui me plaît énormément ; c’est un homme sérieux ; mais comme tout homme, il reste fragile quand il est loin de celle qu’il aime. Cela a été mon avantage sinon il ne m’aurait même pas regardé. Si j’arrive à épouser Issifou, ceci sera une leçon pour moi ; dans un couple, on ne s’excuse pas toujours parce qu’on a tord mais pour apaiser les tensions. En plus, il ne faut jamais laisser les conflits durer dans le temps.

Wilson
J’ai demandé au Surveillant de ma cellule de faire supprimer le nom d’Adeline de la liste des visites autorisées ; eh oui, le prisonnier aussi a des droits ; il est libre de ne pas vouloir recevoir la visite d’une personne spécifique. J’ai fait également supprimé Lolita et Issifou car je sais qu’elle pourrait les envoyer me convaincre ; aussi dure que soit ma décision, c’est pour son bien. Ces trois personnes sont mes principaux visiteurs à part ma famille. Je n’ai alors plus pratiquement personne pour s’enquérir de mes nouvelles ; mais comme Grand-mère me l’a dit lors de son passage, j’ai Dieu. Et qui a Dieu, a tout.

Lorsque l’on m’a annoncé que j’avais une visite, j’ai bien cru que le Surveillant avait oublié de supprimer Adéline de la liste. Une fois dans la salle de visite, je vois mon jeune frère. Je m’indigne :

– Je demande hein Eric, que vous ai-je fait ? Depuis trois mois, vous m’abandonnez ici ?
– Ne te fâche pas mon grand-frère ; j’étais débordée, maman a été malade ;
– Ah bon ? De quoi souffre t-elle ?
– Le Médecin a diagnostiqué de nombreuses affections ; tout cela nous a déstabilisé ; mais elle va mieux ; et c’est là où j’ai pensé à te rendre visite.
– Adéline ne t’a pas fait ma commission ?
– Adéline ? Qui est Adéline ? Cette pute a-t-elle notre temps ?
– Pourquoi la traites-tu de pute ?
– Elle te trompe là dehors ; elle change les hommes comme des chaussures.
– Non Eric, je ne te crois pas ;
– Je savais que tu n’allais pas me croire ; c’est pour cela que je ne t’ai jamais rien dit ; sais-tu même qu’elle a essayé de me séduire ?
– Quoi !
– Je l’ai envoyé balader, vite fait ; mais comme tu ne me crois pas, je vais la suivre et te rapporter des photos comme preuves.
– Oui, je veux bien les avoir ces photos car je ne te crois pas ; mais il faut que ces photos ne soient pas récentes car depuis quelques jours, je lui ai demandé de refaire sa vie et de ne plus m’attendre.
– Tu as bien fait ; je t’apporterai des preuves.
– Bien qu’en est-il de la vente de la maison ?
– Toujours pas d’acheteur ;
– C’est normal qu’il n’y ait aucun acheteur si vous vous voulez vendre au double du prix !
– Nous vendons la maison au prix qu’il faut, c’est-à-dire cent millions ;
– Adéline m’a parlé de deux cent millions ;
– C’est faux.
– Ok, même si un client propose moins, vendez et payez ma caution ;
– Wilson, ce serait du gaspillage de brader une aussi belle maison !
– C’est de mon avenir qu’il s’agit ; ou souhaites-tu que je moisisse en prison ?
– Pas du tout grand-frère ; ok, j’en parlerai à maman. Je vais y aller maintenant.
J’ai beau ne pas vouloir y penser, j’y pense quand même ! Adéline ? Me tromper ? Non, sans preuve, je ne le croirai pas. Mais, pourquoi n’a-t-elle pas fait ma commission à Eric ? Et pourquoi m’a-t-elle menti que ma famille vend la maison au double du prix ? Je suis confus ; je ne comprends rien. Oh mon Dieu ! Fais-moi sortir d’ici.

Lolita
J’ai eu du mal à me concentrer au travail ; j’ai espéré l’appel de Issifou en vain. A la fin de la journée, j’ai dû lui téléphoner pour savoir s’il avait appelé sa mère et si je pouvais rentrer chez nous. Il acquiesce. Je passe prendre mes affaires chez Adéline et je me dirige vers le domicile conjugal. Issifou m’y attendait ; il me salue froidement. Quelques minutes après, il m’annonce qu’il sort.

– Mais chéri, tu n’avais pas l’habitude de sortir les soirs après le boulot ;

– Tu as bien dit « avais » ; cela veut dire que tu parles d’une autre époque ; maintenant, je sors les soirs après le boulot.
– Puis-je savoir où tu vas ?
– Je sors prendre de l’air ; c’est tout ce que je peux te dire.

Nul doute qu’il va voir cette femme ! Mon Dieu ! Son cœur est-il déjà ailleurs ? Comment après deux mois d’absence, mon mari sort au lieu de rester avec moi ? Ce n’est pas bon signe du tout. J’espère que je n’aurai pas une coépouse ! Autant mourir ! Si je savais, je n’allais pas traîner à présenter ses excuses qui du reste n’étaient même pas si difficiles à faire. Comment vais-je récupérer mon mari ? Aidez-moi

Vicissitude