10 - Edinson

Write by ACLIRL

Je tape : «  Une nouvelle chance » puis efface ce titre. C’est le 27 ème que je tapais. « Une dernière fois » ou encore « Une seconde vie » entre autres furent des titres qui ne me convenaient pas on plus. Rien ne me convient. Aucune inspiration ne me vient. Enfin l’inspiration me vient, mais les conditions dans lesquelles je me trouve ne me permettent pas d’avoir une bonne concentration. Et ce, malgré le fait que je suis allongée dans ma chambre depuis au moins 2 heures. J’ai commencé par mâchouiller mon stylo. Oui, j’ai commencer à mâchouiller mon stylo alors que je travaille sur mon ordinateur. Me rendant compte de ce que je faisais, je suis allé me chercher à manger, pensant qu’un bon kilo de litchi était le meilleur moyen de revenir sur Terre. J’ai fait une pause, même si je n’ai pas réussi à faire la moindre chose depuis ce matin, pensant encore une fois que cela serait mon remède. Mais en vain. Elle est devant moi et mes pensées s’éloignent dans des pensées noires que je n’oserai pas partager. 

Ma bouteille repose toujours sur mon chevet. Il faut que je jette cette foutue bouteille . Cette bouteille est une des raisons principales pour lesquelles je ne suis pas fichu de me concentrer une seule putain de minute. 

Résigné, je me lève, ignore Gilda, vide les dernières gouttes de la bouteille et la jette fermement dans la poubelle. Ca c’est fait. 

  • Woah, me dit-elle le ton amusé. Elle t’a volé un truc cette bouteille? 
  • Oui, ma concentration. réponds-je l’agacement dans la voix. 

Je tourne ma tête vers la crapule, la défiant du regard. Elle le soutient jusqu’à ce que son téléphone vibre et qu’elle plonge sa concentration sur le message qu’elle envoie, non sans avoir levé les yeux au ciel. Pourquoi suis-je le seul à ne pas pouvoir en faire autant? 

Je me dirige vers le frigo, choppe une nouvelle bouteille. Me dirigeant paisiblement vers la chambre, je me dis que ce geste m’aurait simplifié la vie si je l’avait fait deux heures plus tôt. J’arrive près de mon lit, et m’installe confortablement. Je dépose la bouteille en face de moi, où se trouvait l’ancienne. Je pose mon ordinateur sur mes cuisse, décidé à trouver un titre à mon projet. 

Je pose mes yeux sur la bouteille. L’autre me faisait tressaillir. Surtout pendant la nuit. Je revois encore ses lèvres se déposer sur le goulot de la bouteille, ma bouteille. Ses lèvres pulpeuses. Les mêmes lèvres que j’observais depuis l’arbre sur lequel je m’adossais. Je n’arrête pas de penser à la proximité de nos lèvres. J’étais enivré par sa douce odeur aux agrumes. Je m’imaginais déjà déposer ma tête au creux de son cou. La sentir puis aspirer sa peau entre mes lèvres. L’allonger sur la nappe, dévorer ses lèvres, découvrir ses courbes. Quel con j’ai été de ne pas la libérer de son haut. J’aurai enfin pu voir tout ce qui me titille. Où peut-être est-ce mieux de laisser place à l’imagination? Lorsque je la toucherai comme son corps mérite d’être touché, je veux qu’elle reporte ce haut, pour que je rectifie mon erreur.  Rien ne serait plus plaisant que de la défaire de ce jean qui semble contenir le fruit de mes fantasmes les plus fous. Oh, et ces lèvres… cette pression qu’elles exerçaient autour du goulot, je ne peux qu’imaginer cette pression qu’elles pourraient exercer autour de moi… J’en mourrai je pense. Voilà une belle façon de quitter ce monde, me dit une petite voix dans ma tête. 

Je baisse les yeux sur mon ordinateur pour regarder l’heure. Je me suis encore déconcentré alors que j’ai jeté la bouteille. J’ai vraiment besoin de prendre l’air. Je me lèvre et  m’habille sans prêter attention à ce que je met. Je fais un bref aller-retour entre le salon et ma chambre pour prévenir Gilda de ma sortie. Zana étant absente, je lui demande de la prévenir lorsqu’elle rentre du boulot. 

Je referme l’ordinateur et marche d’un pas déterminé jusqu’à la porte. 

*** 

Encore à quelques pas de l’hôpital, je ralenti la cadence jusqu’à mon arrivée aux portes coulissantes. Entre la chaleur, les transports et mon manque de… peu importe ce qu’il me manque, je me trouve trop à cran. Peut-être me suis-je trop délaissé ces temps-ci. 

Mon père n’a jamais été autant sur les nerfs qu’il y a quelques semaines. J’ai pensé qu’il m’arracherait les yeux de la tête si ses seins sur pattes n’avait pas été là. Enfin, seins sur pattes, c’est plutôt une paire de jumeaux gonflés à je ne sais quel liquide qu’il traîne avec lui. Je ne comprendrais jamais comment il a pu se retrouver avec une telle femme. Comment peut-on passer de la femme aimante avec laquelle nous étions depuis tant d’années à…ça? N’y voyez pas une critique dans le vent; surtout quand on sait que jamais au plus grand JAMAIS je ne sus tombé sur une conversation sérieuse entre mon père et elle.  Soit ils se cachent lorsqu’ils parlent en secret, soit il est avec elle pour l’oubli et elle avec lui pour la belle vie. La deuxième hypothèse me semble bien plus probable, bien que la première m’aurait apporté un peu de consolation. Et le pire, c’est que c’est une belle vie qu’elle ne mènera avec lui que pendant ses heures de libre. Déjà qu’avec maman, la femme qu’il a toujours aimé, il passait les trois quarts du temps hors de la maison, imaginez ce que cela donne avec un thon pareille guise de remplaçante. 

Je secoue ma tête, comme pour me sortir ces idées de la tête et sort mon portable de ma poche. Cela doit faire deux jours que je ne répond pas aux messages de Derek. Ca me vaudra déjà un coup de poing dans les côtes à notre prochaine rencontre. 

Moi : Salut Daisy

Il met moins d’une minute avant de me répondre. Si vous vous demandiez pourquoi j’ai fini par l’appeler Daisy, regardez la manière dont il me parle et vous aurez la réponse.

Derek : Je te croyais mort, Eden. Tu commençais à m’inquiéter mon chou. Alors, toujours dans ta ville à l’autre bout du monde? Che Guevara n’a pas fini de revendiquer sa cause? 

Je lève les yeux au ciel face à l’appellation qu’il me donne et son exagération.

Moi : Oui c’est ça, toujours à trente minutes de chez toi. Et non, mon projet n’est pas terminé. Loin de là. 

Je commence à arpenter le hall d’entrée et demande la chambre de Tonton. Elle a changé, encore une fois. Je suis l’instruction de l’homme qui me désigne son nouvel emplacement. 

Derek : Toujours à vérifier ce que les Villyennes portent en dessous des jupes. 

Moi :  Pour la dernière fois D, les habitantes de Villy sont des Villyottes ! C’est quand même pas dure nan ? 

Derek : Le nom, ça change pas ce qu’il y a en dessous mon chou. Prend de la graine. Alors elle s’appelle comment ?

Je commence à écrire mon message, hésitant au sujet de Yacine. Lorsqu’il me demandait si j’étais bien arrivé il y a quelques jours, entre autres questions, je ne lui ai pas dis qu’une fille me plaisais. En voyant Yacine et en l’invitant à deux reprises même si la première était due un accident, je voulais garder cette petite histoire pour moi. Même si j’ai vacillé entre quelques filles, Derek était au courant. 

  Que dois-je lui dire? Je n’ai pas vraiment eu de relation sérieuse depuis un moment. Je ne vois même pas pourquoi je parlerais de relation. Voyant que je met du temps avant de répondre, il me renvoie un message. 

Derek : Pardon, peut-être la juste question était-elle : Elles s’appellent comment??

Je souris en répondant.

Moi: Rien de confirmé, juste une fille qui me plaît. 

Il répond sans attendre.

Derek : Appelle moi quand t’as conclu. 

Je grimace. 

Moi : Ca m’étonnerai. Elle n’est pas comme ça. 

Intérieurement je rajoute : je crois. 

Derek : Elles le sont toutes bébé. Tchuss, Valérie est là.

Valérie? C'est bien la deuxième fois qu'il m'en parle. Rare ! 

Je range mon portable dans ma poche après l’avoir mis en silencieux. 

J’arrive vers la chambre de Tonton et toc légèrement sur la porte pour ne pas le brusquer au cas où il se serait assoupi. J’aurai peut-être du appeler avant de passer. Venir à l’improviste n’est pas un choix des plus judicieux pour visiter un malade. J’aurai du le savoir. Trop tard pour faire marche arrière, il réponds «oui » de sa voix faible. 

Je pousse la porte et  découvre son visage.

A chaque reprise, il a l’air plus faible que la foi précédente. N’empêche, il n’en a pas l’air moins courageux. 

  • Tonton, désolé de venir sans prévenir, lui dis-je. 
  • Pas de bêtises fiston, me dit-il balayant ma remarque d’une main insouciante. Assis-toi dont. 
  • Merci. 

Je m’installe et d’un geste machinal cherche ma bandoulière. Il le remarque et soulève un sourcil, moqueur. Bon, il a assez d’énergie pour se moquer de moi. C’est rassurant d’une certaine manière. 

  • Je vois que ta machine a oublié de se lever avec toi, rigole-t-il. Une bonne façon de procéder de la même manière que nous autres à l’époque. Pas d’ordinateur, pas de risque de pertes. Tout est dans la tête. 
  • Tu écrivais ? lui demandé-je.
  • Pas vraiment, répond-il. 
  • Qu’as-tu fais dans ta vie? le questionnais-je ,curieux.
  • Pâtissier, dit-il. Entre autres.   

Je plisse les yeux comme pour lui demander d’aller plus loin dans ses explications. De la même manière qu’un père vous raconte son histoire, il me raconte tous les métiers qu’il a pu exercer dans sa durée d’activité. On dirait qu’il dit ça pour la millième fois. 

A ma grande surprise, je retiens ce qu’il me dit. Il a été Pâtissier, Animateur, Assistant Comptable, Secrétaire et enfin Pigiste pour plusieurs revues. 

  • Tout n’a pas toujours été facile, avoue-t-il. Encore moins ces dernières années. Durant ma vie , j’ai couru après pas mal de chose, au lieu de profiter du simple fait d’être là. J’ai toujours voulu plus lorsque j’exerçais chacun de ces métiers. Si j’avais eu un flash de ce qu’aurait été ma vie maintenant, j’aurai profité de chaque instant. J’aurai mordu la vie à pleine chair. 

Je ne réponds pas. Lui seul peut savoir ce qu’il endure et ce qu’il a déjà enduré. Dieu sait ce qu’il lui reste à subir de nouveau. J’ai envie de répliquer, mais que dire? 

Le silence s’installe entre nous jusqu’à ce qu’une infirmière entre pour le casser. 

  • C’est l’heure dit-elle en s’adressant directement à Tonton. Monsieur, je vous prie de quitter la salle et de revenir après la consultation de votre père, me dit-elle. 
  • D’accord, réponds-je sans corriger son erreur. Vous aurez fini d’ici quelques minutes? lui demandé-je avant de me rendre compte de mon indiscrétion. 
  • Il vous faudra revenir ce soir avant l’arrêt des visites. 

Je hoche la tête et salut Tonton. Il me dit qu’il m’enverra un texto lorsque je pourrais revenir. Tiens tiens, la femme de la dernière fois  ne lui rendra donc pas visite. 

Je m’abstiens de faire cette remarque à haute voix et sort de la chambre. Je me retrouve presque dans le hall lorsque je sors mon portable de ma poche. 

Un message de Gilda s’affiche sur mon écran. Je clique dessus. 

Gilda: Martin a son Match dans 3 heures. 

Je n’ai rien contre ce môme, mais en quoi celui qui s’intéresse clairement à Gilda m’intéresserait moi. Je suis pratiquement sûr de hausser les épaules avant de répondre. 

Moi : Super ! Très bien pour toi. 

Je n’attend que quelques secondes avant qu’elle ne me réponde. 

Gilda: ELLE y sera. De rien Dinesonne. 

Bon, ça change tout. 


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