9 - Yacine

Write by ACLIRL

Le haut en dentelle est par-fait. Sa couleur saumon va parfaitement avec mon teint et sa coupe irait aussi bien à une fille en rencard qu'une fille entre amis. Si Edinson tente quelque chose, tout viendra de lui et je serai fixée sur  ce qu'il attend de moi. J'ai hâte que tout soit clair. Une part de moi meurt d'envie qu'il devienne plus qu'un ami tandis que l'autre paierait cher pour qu'il s'éloigne. J'ai l'impression que tout va bien trop vite. Papa s'en va, Thomas me trompe, et moi, quelques temps plus tard, je fricote avec l'inconnu. Je me rassure en me disant qu'après tout, je n'ai joué aucun rôle dans cette succession d'événement. Ces derniers temps, c'est comme si j'avais été spectateur de ma propre vie. Pendant que les autres agissaient en mal et que j'en subissais les conséquences, je ne me souviens pas avoir réprimé leurs actes de manière violente.

Je sors de ma rêverie et verse une modeste quantité d'eau de Cologne sur le haut de mon buste. 
Quelques minutes plus tard je traverse l'appartement et m'engage dans les escaliers. Arrivée au bas de l'immeuble, j'aperçois Ed derrière la vitre. Il tapote sur son portable, non sans être adossé nonchalamment contre le capot d'une voiture qui m'est familière. Si j'étais confuse il y a quelques minutes, je le suis plus encore maintenant. Je m'explique : il existe des « levels » chez les filles. Si je viens en jean et en tee-shirt, il est évident que je viens faire acte de présence. Maintenant, si Ed vient en jean gris classique et en T-shirt noir - qui épouse ses formes à merveille - je n'ai absolument aucune piste. L'avantage, qu'il le sache ou non, c'est qu'il est magnifique tout en restant simple. Si j'avais pris mon décolleté plongeant qui dit 'viens-noyer-un-œil-par-ici', je passais directement au level supérieur. 

 Je me demande combien de filles le reluquent de la même manière. Enfin, ce n’est pas comme si ça me ferai quelque chose hein. J'en suis sûre. Complètement sûre. 

Je sors du bâtiment et me poste à quelques pieds de lui. Il garde la tête baissée sur son écran, les sourcils froncés.  Je me racle la gorge.

- Hum, hey... je lance. 

Il lance un 'hey' distrait en relevant lentement la tête. Mon regard et le sien se croisent. Ses muscles se décontractent lentement et il ne fronce plus du tout les sourcils. C'est le regard adouci qu'il m’observe en rangeant discrètement son portable. Il se redresse et ouvre la portière en me faisant signe de m'installer. Bien, bien. La piste de rencard est toujours dans le coin à ce que je vois. Je m'installe avec grâce. Lorsque je le vois refermer la portière et faire le tour du capot, je me raidi.

Quelques instants plus tard, il s'installe près de moi et nous démarrons peu après. Plusieurs minutes s'écoulent dans le silence. J'ai l'impression qu'il fait trois fois plus chaud tellement la tension est palpable. Je décide de lancer la conversation.

- Où est-ce que tu m'emmène déjà ? je dis. 

- Là où j'en ai envie, il répond. 

Je lève les yeux au ciel tandis qu'il m'observe du coin de l'œil. Je me concentre quelque peu sur la route pendant qu'Ed reprend. 

- Allez un peu d'humour! Je peux juste te dire qu'on reste dans Villy. 

- Je croyais que tu ne connaissais pas Villy, je réplique. 

- Je t'ai dis que je ne connaissais pas bien le coin. (Il inspire avant de s'expliquer). Il m'est arrivé de venir ici. Mon père m'a déjà amené sur le haut de la ville. Il y a une sortie du périph' pas loin. J'y vais de temps en temps...mais je n'ai pas besoin de descendre dans la ville. 

 Ça explique tout. Je ne demande pas pourquoi il se rend sur le haut de la ville, l'endroit le moins peuplé. Je hoche simplement la tête, ignorant s'il remarque ma réponse silencieuse. Nous poursuivons le chemin en parlant météo. Bizarre, je sais. Mais marrant. Alors qu'Ed fini de m'expliquer sa théorie selon laquelle la pluie est d'une certaine manière un temps harmonieux, je campe sur mes positions. 

La discussion s'arrête lorsqu'Ed ralenti jusqu'à couper le moteur. J'observe le lieu. Je regarde la place bouche bée. Nous descendons en silence de la voiture. Ed me demande d'installer la nappe qu'il me tend proche de l'étang. Il termine en disant qu'il arrive dans un instant. Je m'exécute et marche d'un pas assuré.

Je suis enfin installée et je regarde le paysage. Wow! Je me demande combien de fois je me suis rendue sur ce lieu, combien de fois j'ai parcouru ces lieux. Rien n'a changé. Le domaine de mon enfance est toujours aussi calme... et étrange. Il y a une maison  à l'arrière de l'étang. Je doute qu'elle ne soit habitée. J'ai eu beau parcourir les lieux des centaines de fois avec Martin, je n'y ai jamais vu la moindre personne. Ce que je trouve étrange dans tout cela, c'est le fait que l'herbe soit si bien entretenue près de l'étang. Je m'allonge sur le dos et ferme les yeux en éloignant souvenirs et questions de ma tête. 

Je me donne une règle : profiter de l'instant. Je suis tout simplement à un...hum...après-midi paisible avec Ed. 

- On voit ton nombril, me lance-t-il sans prévenir. T'embête pas (il dit alors que je tire désespérément sur mon haut) j'ai pas dis que ça me dérangeait!  dit-il en creusant sa fossette. 

Ed dépose un panier près de moi au milieu de la nappe avant de s'installer. Avant que je n'ai eu la chance de le questionner sur son contenu, Ed  déballe l'objet de mes interrogations. Je dois être en train de rêver. Des emballages recouvrant pancakes et fraises couvertes de chocolat, un pot de nutella, deux mini-bouteilles de jus de fruit et le sourire adorable d'Ed me font face. 

Oh, dit-il. (Je lance un air interrogateur et il me répond) Tu t'attendais probablement à quelque chose de plus...

Pour la première fois, Ed paraît apaisé. Gêné même. Il se frotte l'arrière de la nuque, les yeux baissés comme s'il ne savait pas où regarder. 

- Ne termine pas cette phrase. Ed, je retire tout le mal que je pensais de toi. Tu es radié de ma liste des personnes non fréquentables. 

- On est officiellement amis alors, dit-il maintenant d'humeur joyeuse. 

Amis? C'est tout ce qu'il souhaite? 

- Non! Pour qu'on soit amis, t'as intérêt à ce que ça soit bon! 

Ed secoue la tête et lance les premières hostilités. Nous mangeons et Ed ne laisse pas la piste de rencard s'éloigner. Je vois les petits regards qu'il me lance durant le goûter. Je me laisse aller aux plaisirs des douceurs d'Ed. Il me dit qu'il a tout préparé lui même et je ne peux m'empêcher de faire une comparaison avec Thomas. Jamais il n'avait pris la peine de confectionner un tel repas et de nous sortir dans un endroit si..intime. Juste nous deux. 

                                                                                                       *** 

Nous arrivons à la fin de notre goûter et je n'ai pas encore envie de m'en aller. Je ne sais pas quels sont les projets d'Ed après notre sortie, mais moi , je n'en ai aucun. Nous avons tous les deux beaucoup échangé à propos de nos activités et de nos préférences gustatives. Ed fait du tennis et aime les repas gourmands comme moi. Il m'a raconté qu'il faisait pas mal de compétition et que son goût pour la confection de goûters aussi exquis que le notre était devenu une habitude issue de petites occupations durant son temps libre (pendant les vacances a-t-il précisé). 

- Tu veux la dernière ? 

Ed me tend la dernière fraise. Je fais signe que non, mais en vrai, j'en raffole. Ces fraises sont tout simplement exquises. Le chocolat qui les recouvre doit avoir été conçu par quelqu'un qui raffolait plus des goûter que moi. Et croyez-moi, ils représentent une minorité sur Terre. 

- Fais moi plaisir, dit-il en s'humectant les lèvres. 

Son regard brille. Les reflet de l'eau brillante et ruisselante font écho au reflet  émeraude des prunelles de ses yeux. Il me fait une moue irrésistible. Je veux bien lui faire plaisir, mais pas de la manière qu'il imagine. C'est moi qui viens de penser ça?!   

Ed bouge et s'installe au plus près de moi, ce qui m'incite à me raidir presque immédiatement. Je n'ose plus bouger ni même respirer. Je n'ai plus d'yeux que pour Edinson. Je ne peux pas m'empêcher d'humer la douce eau de Cologne qui émane du T-shirt qui trace dangereusement ses muscles. Comment résister à un tel charme? 

Alors que je ne m'y attend absolument pas il saisit mon menton et approche la fraise de ma bouche. J'ouvre la bouche les yeux rivés dans ceux d'Ed, les siens dans les miens. Je mange la fraise de la même manière. Lorsque je termine, ses yeux se dirigent vers ma bouche et les miens vers la sienne. Seuls quelques centimètres séparent nos bouches. L'évidence est flagrante. 

Edinson s'approche de moi, passe son autre main autour de ma taille et effleure mon nez du sien. Ses lèvres chaudes et humides effleurent les miennes. La pression est trop forte, mais je la maintien pour être sûre qu'il m'embrasse par lui-même. Je suis coupée du décor. Ni l'étang, ni le goûter, ni rien ne comptent plus si ce ne sont les fabuleuses lèvres d'Edinson. La main qui encercle ma taille dessine des cercles et soulève gentiment de temps à  autre mon haut saumon. Ed a le souffle court et ses petites respirations achèvent leur chemin sur mon visage. 

J'abandonne ma décision stupide d'attendre que les lèvres d'Ed se posent sur les miennes. Je décide de choisir pour lui. Si nos chemins venaient à se séparer, je regretterai vraiment de ne pas avoir eu le plaisir de goûter aux lèvres d'Edinson. C'est le terme approprié. Je veux savoir quel goûts elles ont, je veux savoir comment il va m'embrasser. Excitée par l'idée, j'affiche un rictus. Au même moment. Quelque chose d'inattendu se produit : Ed s'éloigne de ma bouche, les yeux remontant lentement vers les miens. Il se reprend et son sourire standard est de retour. L'air de rien, comme si la tension et la température n'étaient pas montés d'un cran, il se redresse et lâche ma taille avant de me dire : 

- On rentre ? 

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