102: Certains se réjouissent, d’autres pleurent
Write by Gioia
***Jennifer BEMBA***
Le début avril marque
la reprise des activités professionnelles pour moi. Hallelujah, je suis sur
pieds. Je ne dirai pas que ma santé est parfaite, mais je suis assez solide
pour reprendre le cours de ma vie. Avril est un gros mois pour nous. C’est la
pâque bien sûr, mais cette année spécialement, il y aura beaucoup de mouvements
au pays. Et c’est justement le sujet que j’aborde avec Romelio pendant notre
petit-déj.
— Quand est-ce
qu’on enterre Raymond ?
— La veille de
Pâques pour quoi ?
— Les préparatifs
non chéri. Je dois voir qui pour savoir quoi faire ?
— Tu veux y
participer ? il me demande d’un air
dubitatif
— Pourquoi je n’y
participerais pas ? C’est
la famille ou pas ?
— Euh…OK. Je vais
demander à tata Belle et on en reparle alors ?
— Je peux aussi
l’appeler si ça ne te dérange pas
— Bah OK alors.
Ne va quand même pas te prendre trop de charges, rappelle-toi que tu viens
juste de reprendre, d’accord ?
— T’en fais pas,
je suis solide comme un roc, je lui dis confiante
Il prend ma main et la
porte à sa bouche avant de terminer son sandwich. Je prends de son téléphone le
numéro de madame Belle et c’est après son départ que j’appelle cette dernière.
Malheureusement, elle n’a pas répondu donc j’ai dû lui laisser un message. J’ai
eu le temps de songer au plan de Yasmine et le modifier selon ma convenance
parce que le sien est juste trop compliqué pour moi. Déjà que ça n’a pas été
facile de ramener l’harmonie dans ma maison la dernière fois que je me suis
engueulée avec Romelio, je ne veux pas tout gâcher. Ah non. Les paroles de
Yasmine m’ont aidé à pousser ma réflexion et j’en ai tiré quelques conclusions.
Elle a bien raison. Une chose dont je suis certaine c’est que Romelio m’aime et
veut qu’on soit heureux. La preuve c’est moi qu’il a choisi parmi toutes. Alors
je dois travailler sur mes émotions surtout quand je suis mal en point. Et lui
proposer Yasmine pour une potentielle PMA ne me ferait passer que comme une
folle parce que je sais mieux que quiconque qu’il ne peut pas la blairer.
L’histoire là date, mais il l’associe encore à la meuf qui s’est moquée de
Marianne avec George. Ce dernier alors, il le déteste carrément. Mais une mère
porteuse ne doit pas être difficile à trouver dans les cliniques de ce pays. Le
détail que je vais m’efforcer de garder pour moi c’est que c’est mon ovule qui
sera fécondé par les spermatozoïdes de Romelio et la mère n’aura qu’une charge.
Mener la grossesse à terme. Mon challenge à l’heure actuelle c’est comment
introduire la chose à mon mari. Prudence étant mère de sûreté je prends tout
mon temps et j’étudie le sujet de fond en comble pour ne pas essuyer un rejet
lorsque je le lui présenterai. Yasmine m’aide dans ce sens. Je ne lui ai pas
encore dit que je ne compte plus faire appel à son ventre, mais c’est elle qui va
me conduire à la clinique où je prévois faire la PMA.
Ce matin encore, elle
était déjà au Snack à mon arrivée. Manque de bol pour moi, ma tante aussi s’y
trouvait et je n’ai pas manqué ses regards de travers. Je fais le tour du personnel
pour m’assurer que tout le monde est à son poste avant de recevoir Yasmine dans
mon bureau.
— Il faut
m’appeler quand tu débarques non, je lui dis d’entrée de jeu.
— Ah, je n’en
voyais pas l’utilité puisqu’on se voit régulièrement.
— Oui, mais
imagine si Romelio était dans les parages. C’est vrai qu’il sait qu’on se parle
encore, mais il ne faudrait pas non plus l’emmener à se questionner sur nous.
— Tu as raison,
ce détail m’avait échappé. En fait je venais voir comment ça avançait.
— Pour le moment
rien encore. Je préfère y aller avec douceur.
— Eh, depuis le
temps là ? Ça fait plus d’un mois
quand même hein. Tu n’es pas pressée de guérir ?
— Bien sûr que
si, mais je préfère la prudence. En plus on a beaucoup à faire dans sa famille
dernièrement alors je préfère avancer un pion à la fois.
— OK, c’est toi
Mme BEMBA après tout. Sinon j’ai enfin dégoté le contact de
l’embryologiste qui travaille à la clinique. On le rencontre quand tu veux.
— Super,
envoie-le-moi et je vais le contacter.
— Je pense que
c’est mieux que je l’appelle puisque c’est moi qu’il connaît. Donne-moi
simplement tes disponibilités et je m’occupe du reste. Pendant ce temps tu te
concentres sur Mr BEMBA.
— Ça marche, je
t’informe dès que je consulte mon agenda ? Ça te
convient ?
— On fait comme
ça alors. Bon je te laisse commencer ta journée alors. On reste en contact.
On se sépare sur cette
phrase. Je lui glisse un billet de 10 000 francs
et vais rejoindre mes assistantes pour lancer les premières commandes de la
journée. Une grande partie de nos recettes vient des plats qu’on livre à
quelques entreprises de la place. Je compte par exemple une bonne partie du
personnel de l’hôpital Li parmi mes clients alors on s’assure de préparer ses
différentes commandes d’ici midi. Dès que j’ai une minute de répit, je m’assois
un peu et ma tante se rapproche.
— Tu en as assez
fait pour aujourd’hui Jenny. Il faut aller te reposer un peu.
— Eh, ma
surveillante personnelle, je la taquine.
— Ce n’est plus
le moment de blaguer avec ta santé. On ne doit pas revivre ce qui vient juste
de passer.
— Je fais
attention ma tante, ne t’en fais pas. Je suis bien la première qui ne veut pas
revivre ce que j’ai traversé dernièrement.
— Hum. Et Yasmine ? Tu fais aussi attention à tes fréquentations ? Parce que je ne te comprends pas. Je t’ai
parlé.
— C’est une
ancienne amie tata, tu le sais déjà.
— Et pourquoi
elle ne reste pas dans son ancienneté ?
Qu’est-ce qu’elle vient chercher près de toi maintenant que ta vie est en ordre
et la sienne est désordonnée ?
— Tu es terrible
hein, me marré-je. Comment tu sais que sa vie est en désordre toi ?
— Tu as oublié
que je connais ton oncle est aussi celui de son mari ? La vie de George est en fumée dernièrement
donc celle-là te tourne autour parce qu’elle se cherche. C’est une opportuniste
qui ne voit en toi qu’une porte de sortie.
— Tu es grave.
Elle ne cherche rien sinon un peu de distraction parce que comme tu le dis, sa
vie est un peu compliquée récemment.
— Hum ! En tout cas je t’ai parlé. Vérifie bien ton
porte-monnaie quand elle est dans le coin et surtout n’accepte rien de ce
qu’elle te donne. Cadeau, nourriture, bijou, rien du tout. On ne sait plus qui
est qui dans ce monde. Et surtout, ne permets jamais qu’elle se rapproche de
ton mari. Je dis bien, ô grand jamais !
— Je veille ma
tante, dors tranquille. Comme on est sur le sujet, je vais te demander un
service. Est-ce que tu peux me trouver une femme de la vingtaine en bonne santé ?
— Euh… d’accord.
Tu cherches une nouvelle cuisinière ou bien une servante ?
— Rien de tout
ça. Au moment venu je te le dirai. Si tu peux même me trouver plusieurs, disons
cinq au moins, ça me conviendrait.
— D’accord, mais
je dois bien leur dire ce pour quoi je les cherche.
— Dis-leur que
c’est pour un travail d’un an. Le reste je te le dirai une fois prête.
— OK. Je dois les
chercher pour quand ?
— Tu peux
commencer même maintenant si tu as le temps. Mais la semaine de Pâques, je ne
serais pas disponible. Il se peut que les deux semaines avant aussi. Tu te
souviens que le copain de Elikem est décédé non ?
— Ah oui. C’est
déjà le moment de l’enterrer ?
— Oui oui. Ils
ont prévu la semaine de Pâques pour ça.
— Hum, est-ce que
c’est recommandé de voyager dans cet état alors qu’on t’a opéré dernièrement ? Il faut bien voir avec la grande docteure là
avant hein. Je ne suis pas sûr que ce soit une bonne idée en tout cas.
— Tu sais qu’il y
a des femmes plus grandes qu’elle hein. Elle ne doit pas faire plus d’1m80 et
au passage son nom c’est Oyena, je dis avec humour.
— Pardon, quand
je dis grande docteure tu comprends et c’est plus simple. Il faut bien lui
demander si tu peux déjà prendre l’avion après ton opération.
— On va au Bénin
tata. C’est là-bas qu’il sera enterré.
— Oh, mais
pourquoi ? Je pensais qu’il était
gabonais.
— Si. En fait nigérian
de père et Béninois de mère si je me souviens bien des choses que Romelio m’a
racontées. Il a juste grandi au Gabon.
— Anh tout
s’explique ! Quelque part la petite
Elikem doit remercier Dieu hein parce que nigérian mix béninois, elle n’allait
jamais avoir la paix dans ce foyer avec la sorcellerie concentrée.
— Non c’est
méchant. Comment tu peux dire ça ?
— Pardon
laisse-moi ça. Vous êtes trop dans les émotions vous les jeunes, mais une
adulte assise voit au loin ce qui vous échappe. Elle n’allait pas emmener ce
mariage quelque part donc Dieu merci il est parti. Si tu fouilles bien,
peut-être que c’est un esprit familier qui l’a emmené.
Je m’abstiens de lui
dire que c’est le père de Ray même qui est derrière tout ça. Les vieilles
personnes comme ma tante sont accrochées à leurs préjugés. Mon téléphone sonne
pendant qu’elle continue à me partager ses idées préconçues. L’appel est de
madame Belle alors je m’excuse pour répondre.
— Allô bonjour
maman, comment ça va ?
— Bonjour
Jennifer, je vais bien merci et toi-même ?
— On fait aller.
Comment se porte ma sœur ?
— Ta sœur ?
— Je parle
d’Elikem, clarifié-je.
— Ah pardon, j’ai
la tête un peu ailleurs. Elle se porte bien également. Romelio m’a dit que tu
voulais nous donner un coup de main pour les préparatifs ?
— Oui. Je voulais
même te contacter depuis pour savoir comment tonton Eli se gérait avec la
nourriture depuis que tu es là-bas, mais la santé m’a fait défaut.
— Oh il ne faut
pas te déranger pour nous. Il n’y a pas grand-chose à faire pour les
préparatifs en réalité. On s’est déjà occupé de tout avec les EKIM.
— Ah… OK dans ce
cas. Bon si jamais tu as un besoin, quelle que soit la nature, n’hésite pas.
Même pour la cuisine après les funérailles, on peut s’en occuper au Snack.
— Merci pour la
proposition. Si besoin il devait y avoir, je m’en souviendrai. D’ici là je te
laisse. Prend-soin de toi.
— Merci, je passe
le bonjour à Elikem aussi. On se revoit bientôt, je termine sur ça et
raccroche.
— Alors ? Qu’est-ce qu’elle a dit ? ma tante me demande avec beaucoup d’intérêt.
— Qu’ils ont déjà
tout fait oh.
— Pourquoi j’ai
la nette sensation que tu es déçue ?
— Bah je voulais
vraiment aider. C’est en ce moment qu’on doit soutenir nos proches.
— Je comprends ma
fille. Tu as toujours eu un grand cœur, mais vois aussi par là une occasion de
te reposer parce qu’on se connaît. Tu allais en faire trop là-bas et ce n’est
pas le moment, même si tu ne veux pas m’écouter. Tu dois te ménager encore.
Je suis bien embêtée,
mais bon que puis-je faire ?
Romelio saura au moins que j’avais de bonnes intentions.
***Mally LARE AW***
Tous mes stages sont
bouclés. Mon bachelor également. Techniquement, les autres composent dans une
semaine, mais j’ai joué de mon charme sur la directrice du programme qui m’a un
peu prise sous son aile depuis mon arrivée. Être deux francophones dans un
programme à petit effectif comme le BFA (licence en art digital et animation) de
DigiPen rapproche beaucoup. Mais rajoute la gentillesse légendaire des
Québécois, mon excellent dossier scolaire et le fait que j’ai choisi le Canada
pour y faire tous mes stages et tu comprends le pourquoi certains potes me
charrient en douce que la directrice a le béguin pour moi. Ce n’est quand même
pas cette raison qui m’a valu la permission. Non, elle me l’a accordé après que
j’ai fait près d’une heure à lui expliquer ce qui est arrivé à Elikem. Je me
devais d’être présent pour ma sœur alors j’ai écrit mes examens en avance et
bien sûr elle me fait confiance pour ne pas ébruiter l’affaire alors je suis
offline sur tous mes réseaux. J’ai quand même raconté à trois potes dont je
suis proche que ma sœur est gravement malade donc j’ai dû me rendre à Springs
pour être à son chevet. Ils ne me chercheront donc pas lorsqu’ils constateront
mon absence en classe durant les exams.
Actu je vais chercher mes
femmes à l’aéroport de Seattle. Nous quittons d’ici demain, pour Paris où on
fera un stop, pour dormir une journée à l’hôtel, pour que maman se repose un
peu puis on continue à Lomé. Je suis parti de bonheur, pensant récupérer trois
femmes, mais il n’y a que maman et Elikem qui a l’air si absente que je ne sais
quoi dire à part la prendre dans mes bras. Il y a quelques mois elle allait
bien. Du moins assez bien pour quelqu’un qui essayait de reprendre le cours de
sa vie. Une semaine plutôt je lui ai parlé et elle tenait toujours. Je récupère
l’unique valise qu’elles ont et demande d’après Océane.
— Le travail l’a
finalement retenu, me répond maman.
Elikem à l’arrière se
contente de chercher sa ceinture de sécurité. Une fois à la maison, elle se
rend dans les toilettes et je retiens de justesse maman par les épaules quand
elle essaie de la suivre. Cette dernière se retourne avec un air désolant, mais
je secoue quand même la tête.
— On ne sait pas
ce qu’elle va aller faire là-bas.
— Elle a besoin
d’espace maman. Si on la colle tout le temps, elle risque d’exploser.
— J’ai peur
Mally, j’ai tellement peur, elle m’avoue la lèvre tremblante et les yeux
craintifs.
— Confiance, je
dis sans aucune conviction. Je ne l’ai moi-même pas alors la communiquer m’est
difficile.
Nous nous assoyons,
les yeux rivés vers la porte des toilettes, comme des gens qui attendent
anxieusement une nouvelle. Elikem sortira de là après ce qui me semble être une
éternité.
— Je peux aller
dormir un peu ? elle
demande d’une voix à peine audible
— Bien sûr, je
vais…
— Je connais la
chambre, elle répond sur le même ton et monte.
On ne l’a plus revu de
la soirée. Maman faisait quand même les tours dans sa chambre aux deux heures
et me confirmait qu’elle dormait à poings fermés. La preuve, le lendemain, je
lui trouvais une meilleure mine lorsqu’on quittait la maison pour prendre notre
vol. Elle n’a cependant pas dit grand-chose.
Sept minutes avant 23 h,
c’est à cette heure que l’avion amorcera sa descente lorsqu’on arrivera enfin à
Lomé. Papa nous récupère une fois le protocole fait. Malgré les circonstances
tristes, je retrouve ma chambre d’enfant avec un grand soulagement. Je ne suis
rentré qu’une fois depuis mon départ, et cette fois remonte à trois ans plutôt
alors je suis soulagé d’être de retour avec mon diplôme en poche. C’est à peu
près la même chose que les parents me disent ce matin au réveil.
— Je suis fière
de toi mon chéri. Tu as fait de l’excellent travail et nous te fêterons lorsque
les circonstances seront meilleures, me dit maman tout en me câlinant le dos.
— Oh c’est pas
nécessaire, j’ai déjà eu assez de célébrations dans ma vie. L’essentiel c’est
que mes dernières notes sortent pour avoir enfin la confirmation que j’en ai
réellement fini.
— Tu l’as déjà
mon grand. On a confiance, papa me dit sur un ton rassurant qui me fait sourire
de joie. Ça fait du bien de ramener des bonnes nouvelles en ces moments
difficiles.
— Alors quelle
est la suite ? La maîtrise ? DigiPen toujours ou tu veux continuer
ailleurs ? continue papa.
— Il vient tout
juste de finir Eli. Il faut le laisser souffler un peu quand même, intervient
maman.
— C’est mieux
qu’il continue et finisse tout maintenant que ses acquis sont encore frais dans
son esprit, continue papa.
— Je vais te
décevoir papa, mais le projet c’est de bâtir mon héritage pour les trois ans à
venir, je lui réponds.
— On dit
fructifier chéri, dit maman en souriant.
— Non, j’ai bien
dit bâti. Le domaine médical ce n’est pas mon truc. Je préfère rester en
animation. C’est ce que j’aime et je compte me lancer sur des projets persos
avec des potes sud-africains pendant que je continuerai à travailler là où ma
carrière m’emmènera. On verra après pour la maîtrise, si elle est utile.
— D’accord, tu es
grand désormais. C’est toi qui décides, mais n’oublie pas d’être prudent avec
tes investissements.
— Ne t’en fais
pas pour ça papa. J’ai un plan bien ficelé.
Oui j’ai un plan bien
ficelé dont la première étape c’est de récupérer Snam. Elle fait partie de mon
héritage et je compte bien le lui faire entrer dans le crâne. Puisqu’elle ne
veut pas me voir, j’ai donc décidé d’aller plus loin et rencontrer simplement
ses parents. On verra bien ce qu’elle sortira par la suite pour m’éviter. Maman
décide justement de se rendre chez les WIYAO vers 10 h, puisqu’Elikem est encore
au lit. Papa reste à la maison au besoin alors je conduis maman chez les WIYAO.
En dehors d’Aïdara, personne ne sait ce qui se passe entre Snam et moi. Je
connais assez King pour savoir qu’elle évite tellement de parler de moi qu’elle
ne prononcera même pas mon nom pour raconter à sa famille ce qui s’est passé.
Et s’il advenait qu’elle l’a fait, je ne compte pas fuir devant mes
responsabilités. Oui elle m’a surpris en position fâcheuse. Oui je suis un
crétin. Et oui je ne veux qu’elle.
J’entre avec maman
dans la concession des WIYAO pensant qu’on les surprendrait puisqu’on a gardé
notre visite secrète, mais la surprise est mienne quand je tombe sur Snam dont
la tête apparaît derrière celle de sa mère. Ma présence étant inattendue, elle
aussi partage ma surprise. Les mamans se saluent et nous charrient au passage
sur le fait qu’aucun de nous n’a pris la peine d’avertir l’autre famille qu’on
serait au pays. Un sourire satisfait se dessine sur mon visage quand Snam salue
ma mère. J’attends de voir comment elle va m’éviter tout en restant polie. On
va bien rire. Tonton Magnim est le dernier qui sort du salon et nous rejoint
sur la véranda.
— Snam va nous
ramener à boire s’il te plaît, lui indique sa mère.
— Je vais
l’aider, je réponds un peu après que King soit partie.
— Toujours à la
queue leu leu les deux là hein, ce n’est pas une petite dot que je vais te
demander Bella, j’entends tonton Magnim commenter pendant que je m’éloigne.
Snam dispose des
canettes sur un plateau quand je fais mon entrée dans leur cuisine. La voir là
me donne envie de l’embrasser et lui tirer les oreilles à la fois. On n’a pas
idée de punir un humain comme elle l’a fait avec moi ces derniers mois. Je
m’approche et soulève la main pour prendre les verres à sa place.
— King, je dis
tout bas et dépose les verres sur le plateau
— Papa j’ai
besoin d’aide, elle me prend par surprise après avoir crié
— Qu’est-ce que
tu fous Snam ? On a….
— Papaaa
— Snam ! je dis exaspéré pendant que les pas de tonton
Magnim se rapprochent.
— Qu’est-ce qu’il
y a ici ? son père lui demande
maintenant qu’il est avec nous. Mally, ma fille n’est pas un aimant pour que tu
la colles de cette façon, il me reproche et je me rends compte que je n’avais
même pas bougé. Je recule et bredouille des excuses.
— Qu’est-ce que
je choisis pour vous comme amuse-gueules ?
— Des
amuse-gueules ? Tu
m’as appelé avec urgence comme ça pour un truc si simple ? son père lui répond. Pour ma part, j’ai juste
la bouche ouverte. Elle est décidément déterminée à tomber dans tout. Même l’absurde
pour m’éviter.
— Je ne voulais
pas ramener n’importe quoi là-bas non plus, elle persiste à expliquer sa
mauvaise foi.
— Prends
seulement tout. Mally donne-lui un coup de m…
— Ce n’est pas
nécessaire papa. Je vais…
— Je vais
t’aider, je l’interromps aussi.
Tonton Magnim nous
observe à tour de rôle et tranche en retirant les paquets d’amuse-gueules de
ses bras puis me les remet. On entend maman et tata Ciara depuis la véranda, se
questionner comme des gens qui ne se sont pas vus depuis une éternité, pourtant
ces deux se parlent régulièrement. Ces deux femmes vont me tuer un jour. Dès
que Snam commence à servir, je me lance. Hors de question qu’elle se défile.
— Vous êtes au
courant que j’ai bouclé ma licence tonton et tata ?
— Ah bon ? Il paraît qu’on te doit des félicitations alors,
tonton me dit avec humour.
— On ne va plus
respirer depuis que monsieur a fin….
— Je prendrai
mieux que les félicitations. Je veux ta fille, je veux King.
Les réactions sont
brusques à cette annonce. Le doigt de Snam qui ouvrait la canette pour maman s’arrête.
Tonton qui était légèrement affaissé dans son fauteuil se redresse. Maman
murmure des questions et tata Ciara promène son regard sur sa fille puis moi.
— Je la veux
comme femme, j’insiste.
— Tu la veux
comme femme ? tonton me retourne.
— Genre l’épouser ? sa femme poursuit.
— L’épouser, fusionner,
la mettre au dos, tout ce qu’elle veut, tant qu’elle est à moi.
— Enfin…je…je
suis…, Mally on ne blague pas….
— Quand tu me
vois, est-ce que j’ai l’air de blaguer maman ? J’ai la tête d’un type qui veut faire une
blague ce matin ?
Elle n’a rien à dire
comme réponse après le regard que je lui ai lancé. Je retourne mon attention
sur Snam qui ne porte plus aucune émotion sur la face. Quelqu’un pourrait
presque croire que j’ai imaginé le petit air surpris que j’ai vu sur sa face
tantôt. Je m’apprêtais à continuer, mais c’est elle qui me cloue le bec.
— J’ai fini de
servir, je peux m’en aller ? Eric
passe me prendre dans moins d’une heure, elle dit à ses parents comme si on
n’avait pas déjà une conversation en cours.
— Libère cet
homme, il n’a rien à faire avec toi.
— Oho ! maman et tata poussent un cri d’étonnement.
— C’est quelle
façon de…
— Ne te mêle pas
de ça maman, je dis en lui levant une main pour qu’elle garde le silence. Snam,
toi et moi on sait que tu perdras du temps à cet homme et le fera souffrir pour
rien. Il ne pourra pas supporter de voir la profondeur et l’importance de notre
lien. Tu veux me punir ?
Parlons-en en privé. Je suis à toi, tu sais que peu de femmes peuvent se vanter
d’avoir le droit de me réprimander. En dehors des femmes avec qui je partage
mon sang, tu es la seule qui peut me faire n’importe quoi. Demande-moi la lune
si tu veux tant me faire chier, j’irai emmerder Dieu pour qu’il me dise comment
te la décrocher, mais ne me demande pas de tirer un trait sur nous. Tu penses
qu’un autre homme supporterait de voir un autre aussi dévoué que je le suis à
toi dans les parages ? Tu me
connais Snam. Tu connais ma ténacité quand je tiens à quelque chose et il n’y a
aucune femme que je désire autant que toi. Ne fous pas la merde.
Elle me lorgne et veut
s’en aller, mais je suis déjà debout et la retiens en la tenant par l’épaule.
— Jeune homme tu
vas te calmer et te rassoir pour qu’on discute comme des adultes, tonton me dit
d’une voix qui me ramène sur terre. Je regarde autour de moi et constate que j’ai
même la posture de quelqu’un qui s’apprête à se battre.
Je bredouille une
excuse et me rassois comme demandé. Snam en profite pour s’extirper, mais ce n’est
que partie remise.
— Ma fille n’est
pas un morceau de chair pour que tu viennes nous la demander comme si tu allais
faire les courses, commence tonton.
— Non ce…
— Tu me laisses
finir, il dit fermement alors je la boucle. Ce qu’on sait de vous c’est que
vous êtes amis. C’est ce que vous nous avez dit. Alors, explique-moi ce
revirement de situation. Tu as déjà entretenu une quelconque relation amoureuse
avec King avant aujourd’hui ? Tu as
la parole désormais.
— Oui, j’ai aimé
Snam dans chaque phrase, geste, et regard depuis nos seize ans. Depuis que j’ai
conscience que l’intérêt que j’éprouve pour elle dépassait une simple
fraternité. Quelque part dans un coin de ma tête, je me suis toujours projeté avec
elle. Petits on parlait déjà de la maison qu’on aurait avec un grand terrain de
jeu sur lequel on jouerait avec nos enfants chaque weekend.
— Je ne doute pas
de toi, mais Romelio et Elikem aussi jouaient à ce genre de jeux plus petits. Ils
partageaient tout et nous racontaient qu’ils feraient le tour du monde quand
ils avaient dix ans, me dit tata.
— Sauf que je ne
suis pas Romelio et Snam n’est pas Elikem. Notre relation est différente. J’ai gardé
toutes mes envies de gamin concernant Snam et d’autres s’y sont rajoutées, je
dis sans expliquer la nature de ses autres. Je ne vais pas non plus me tirer
dans les pieds. Comprenez juste qu’il n’a jamais été question d’amitié entre
votre fille et moi. L’enjeu c’était l’amour depuis le début. En tant que gamins
nous avions une définition plus innocente de ce mot. J’admets qu’on ne
comprenait même pas la portée de ce qu’on disait, mais Snam je l’ai toujours vu
à ma droite, à mes côtés, tenant ma main jusque dans mes vieux jours.
J’attendais une approbation
après cette déclaration on ne peut plus sincère, mais c’est la sonnerie que je
reçois. La servante ouvre leur portail et laisse entrer un jeune homme qui m’est
inconnu. Ce dernier, Eric, que je croyais être une invention nous salue et les
parents de Snam lui retournent également leurs salutations en l’adressant par
son nom. Ma Snam, celle qui devait être à ma droite sort tout de suite après avec
un sourire des plus chaleureux adressé à cet Eric qui la prend par la taille. J’ignore
par quelle force j’arrive à me contenir, mais je me tiens, les poings pliés, la
face dure, et le cœur brûlant, pendant que les deux s’en vont collés l’un
contre l’autre tels des amants.
— Je comprends
bien tes sentiments mon grand, mais comme tu vois, King est déjà..
— Non, je coupe
tonton avant qu’il ne finisse.
***Belle LARE AW***
Non. C’est tout ce que
sa tête de Kopek a dit puis il s’est levé en bredouillant des excuses sur un
ton peiné et se retirer dehors.
— Vraiment. Snam
était bien célibataire pendant des années. Pourquoi il n’a rien tenté ? Ciara demande tout haut ce que je pense.
Ce petit idiot m’a
même dit mot pour mot qu’il n’aimait pas la fille. J’ai même fini par reléguer
cette histoire au second plan, en me disant qu’eux aussi prenaient le chemin de
Romelio et ma Perla. Le but de ma visite n’était pas si important alors je ne m’éternise
pas. Monsieur « qui veut
des gens, mais ne le dit pas » m’attendait
au volant de ma voiture. Comme il était assez troublé, je n’ai pas jugé
nécessaire d’en rajouter une couche durant le trajet.
— Eh monsieur, ma
porte ne t’a rien fait, je dis quand il claque la portière de la voiture.
— Pardon, il bredouille
nerveusement et s’en va comme une flèche.
— Qu’est-ce que
tu as fait mon garçon ? me
demande son père quand je fais mon entrée au salon.
— Va justement
parler à ton fils. Monsieur croit qu’il suffit de bien parler pour ramasser les
femmes comme des bouts de papier, j’explique à son père quand une porte s’ouvre.
C’est ma petite chérie
qui en sort, le corps emmitouflé dans un grand peignoir. Je suis soulagée de
voir ses cheveux en pétard, signe qu’elle a réellement dormi.
— Qu’est-ce qui
se passe ? elle demande tout en s’installant
auprès de son père qui lui a tendu la main.
— Tu as déjà
brossé tes dents ?
— Oui, elle a
mangé et s’est juste rendormie, me répond Eli.
— Très bien.
Figurez-vous que votre Mally international nous a cloué le bec tout à l’heure en
demandant la main de Snam, je leur annonce et aucun d’eux ne semble surpris.
Attendez, il vous en avait parlé ?
— Non, mais qu’est-ce
qui t’étonne tant dans sa démarche ? rétorque
Eli.
— Oui, ce n’était
qu’une question de temps, poursuit Elikem.
— Une question de
temps pour qui ?
— Pour qu’ils
grandissent et aient l’âge légal de vivre leur relation non. Tu as oublié les
choses qu’ils se disaient plus jeunes ? me
demande Elikem.
— Tu te souviens
lorsqu’ils avaient six ou sept ans je pense, il a dit à Snam qu’il lui donnerait
vingt enfants comme ça elle aura toujours des compagnons de jeu lorsqu’il sera occupé
à gagner de l’argent ? Eli
nous rappelle.
— Et quand Snam l’a
répété avec joie à ses parents et tonton Magnim a demandé à Mally si c’est sur
sa fille qu’il faisait les lourds plans ? Continue
Elikem.
Oui je m’en rappelle
comme si c’était hier. Snam et Mally en ont dit des choses qui nous ont
tellement fait rire en grandissant. Je me souviens même qu’à un moment Ciara et
moi on s’était entendu pour les surveiller quand chacun d’eux dormait à la
maison, pour s’assurer que la curiosité et leur grande affection les encouragent
à se toucher intimement.
— Lui-même ne s’en
souvenait pas ? Il a
tout gâté pour on ne sait quelle raison. Voilà que Snam est prise et monsieur l’ouvre
grandement devant les parents pour dire qu’aucun homme ne pourra supporter de l’avoir
comme concurrent parce qu’il est trop féroce. On peut être aussi arrogant alors
qu’on est en position de faiblesse ?
— Il n’est pas
arrogant, mais déterminé, son père me répond avec un sourire.
— Ah bon hein ? N’est-ce pas c’est toi qui lui as montré la
passion ? Il est passionné jusqu’à
il agrippe les épaules de l’enfant devant ses parents comme si elle lui devait
quelque chose.
— Que veux-tu,
parfois il faut prouver sa détermination pour obtenir ce qu’on veut.
— Toi Eli hein,
ton fils n’a jamais de défauts. C’est lui le christ.
— Il en a, mais l’arrogance
n’en fait pas partie.
— Pardon, va lui
dire d’épargner nos portes dans la maison, je dis et m’assois tout en passant
le bras autour de ma fille.
Eli nous donne de l’intimité
et s’en va voir son fils.
— Tu veux faire quoi
aujourd’hui ? On pourrait aller à la plage
si ça te dit, je lui propose.
— Je vais aller à
l’hôpital avec papa tout à l’heure.
— Oh. Tu viens
juste d’arriver et tu veux déjà retourner dans les odeurs d’alcool alors que tu
y as passé tout ton temps au Colorado ?
— C’est là-bas
que je me sens moi, elle me dit sur un ton lourd qui ne me pousse pas à la
convaincre.
Eli nous retrouve
quelques minutes plus tard et environ une heure après ils quittent la maison tous
les deux pour l’hôpital. Le reste de la soirée, je la passe dans les derniers
préparatifs. Antoine qui redemande le lieu de l’enterrement. Aïdara me dit qu’elle
n’a obtenu que le vendredi de congés donc elle partira jeudi dans la nuit. Jeanne
ma servante me confirme aussi qu’elle peut reprendre du service demain. Presque
tous les enfants seront présents et ça me chagrine que la dernière fois c’était
pendant la dot de Perla. Qui aurait cru qu’on se retrouverait ici, un an plus
tard ? La vie est si
imprévisible quand elle décide de nous faire mal.
***Elikem AKUESON***
J’ai eu de longs mois
pour me préparer à ma nouvelle réalité, mais à 24 heures de cette réalité,
je me rends compte que je ne sais pas comment je vais le faire. Je me suis
réveillée en sueur, la poitrine douloureuse, des étourdissements et de la
difficulté à parler. Je n’ai réussi à faire que quelques pas avant de tituber. Mally
est le premier visage que j’ai vu.
— Elie ! Doucement, n’essaie pas de parler. PAPA ! Elikem fait une détresse respiratoire !
J’ai entendu le mot
respiratoire dans ce qui sonnait à mes oreilles comme des bafouillis. Une crise
respiratoire ? C’est ce qui m’arrive ? Je n’en ai pas eu depuis le collège. Très
vite les autres accourent et chacun parle.
— Elikem ne parle
pas ! me dit maman pendant que
papa me place l’oxymètre sur le doigt.
J’ai du mal à déchiffrer
tout ce qui se dit, mais je vois Aïdara et Mally ramener un concentrateur d’oxygène
portatif qui ressemble vaguement à une version améliorée de ce que maman
utilisait pour nous en grandissant. À deux ils assemblent et branchent la machine
pendant que les parents me dirigent vers ma chambre. Quelques minutes plus tard,
je commence déjà à sentir de l’amélioration. J’ai mal partout, mais la douleur à
la poitrine est pire. Je ne sais pas comment je vais y arriver. Comment je vais
pouvoir regarder Ray dans un cercueil quand il a pendant si longtemps été dans
mes bras ? Quand j’ai senti sa main
chaude me toucher pendant des années. Comment je peux le regarder inerte alors
que j’ai son sourire et sa voix imprimés dans mon être ? Mon Ray à moi est plein de vie, il aimait parler,
rire, m’emmerder. Il était vivant !
***Eli LARE AW***
Nous sommes restés à
son chevet jusqu’au lever du soleil quand elle s’est enfin rendormie.
— Voici ce qu’on va
faire. Vous deux vous restez ici avec la grande sœur. Papa et moi on se rendra
à l’enterrement, Belle nous annonce tout d’un coup.
— Mais maman, z’est
l’entehement de son fianzé.
— Je sais chérie,
je sais. Mais je me rends compte après cette nuit que ta sœur n’est pas prête. Je
ne sais pas ce que ça fera à son mental si on l’emmène avec nous.
— Et si elle nous
en veut à son réveil ? Tu sais
qu’Elie n’aime pas qu’on décide pour elle, poursuit Mally.
— Alors on
avisera, je leur réponds après que Belle m’ait lancé un regard rempli d’incertitude.
Oui on avisera, mais
la priorité pour l’heure c’est d’entourer et soutenir au mieux ma petite guerrière.
Je sais qu’elle s’en remettra. Je la connais assez pour ça, mais cette fois, le
chemin pour y arriver sera plus épineux et douloureux, alors parfois il nous
faudra décider pour elle. Le corps c’est la seule chose qui entre sous terre de
toute façon. Je suis de ceux qui croient que nos proches continuent de vivre à
travers les gestes, actions ou personnes qu’ils nous ont laissés. Il ne tient
qu’à nous d’y croire et de se motiver avec cette raison pour ne pas sombrer
dans la déprime.
Puisque nous ne serons
que deux, je propose à Belle qu’on fasse le voyage avec les WIYAO puisqu’ils ne
sont que trois, parce que Macy n’a pas pu rentrer. Elle le fait, mais ils nous
informent qu’Antoine et Loussika se sont joints à eux alors nous finissons par
prendre la route seuls. Comè, c’est notre destination. La ville natale de la mère
de Ray où il sera enterré le lendemain.
***Jennifer BEMBA***
Romelio a préféré qu’on
fasse le trajet hier soir et dorme à l’hôtel plutôt que le samedi même. Ce
matin je me suis levée de bonne heure avec lui et rejoins pour la prière. En général
je ne le fais pas, parce que ses prières sont un peu trop longues à mon goût,
mais je voulais qu’on prie pour Elikem alors j’ai pris sur moi. Pendant qu’il se
douche, je suis au lit et regarde des vidéos amusantes sur son téléphone quand il
reçoit un message d’Elikem justement. Je l’entends qui revient dans la chambre alors
je lui lis tout haut.
— Je ne peux pas.
C’est tout ? pensé-je en premier.
— Elikem t’a
envoyé « je ne peux pas ». Elle ne peut pas quoi ?
— Elle ne sera
pas là, il soupire tout en s’asseyant sur le lit.
— Quoi ? Tu veux dire qu’elle ne se pointera pas aux
funérailles de son fiancé ?
— Je m’y
attendais un peu. Elle n’est pas encore prête à lui dire au revoir.
— Mais…, fais-je
éberluée. Les gens se déplacent de partout et elle, la femme même ne sera pas
là ? Tu imagines ce que les gens
vont dire ? Pourquoi ils sont là et
la concernée même non ?
— Toi et ses gens,
vous cherchez sa présence pour vous nourrir peut-être ?
— Ah, mais non ce
n’est pas ce que je dis. Mais avoue que ça ne fait pas sérieux Romelio. C’est
comme si tu…, Dieu nous en préserve, mais tu n’es plus. Tu penses que je pourrais
manquer ton enterrement ? Avec
tout ce qu’on a partagé ? Tu te
sentirais comment ? Elle
ne pense pas à ce pauvre Ray ?
— Jennifer…
— Hum, il faut
lui parler oh. Ce n’est pas tout de la consoler quand elle pleure. Il faut
aussi lui dire la vérité. Les amis servent à ça.
— Appelle là donc
pour lui dire non, comme tu es spécialiste du deuil, il me dit sur un ton agacé
et se lève tout en faisant tomber sa serviette pour prendre le lait de corps.
Avec sa longue queue toute flasque, on dirait un concombre défraichi là, pfff ! Les amis doivent se dire la vérité oui ou non ? On ne peut jamais dire quelque chose à monsieur concernant sa grande amie et il ne prendra pas la mouche. Bref, je retourne à mes vidéos. Mais je dois aussi texter ma tante pour qu’on en parle parce qu’elle m’a déjà dit qu’Elikem avait choisi Ray par dépit parce que ce dernier m’aimait, mais je n’y ai pas trop prêté attention. Il faut croire qu’une aînée assise voit effectivement plus loin que nous. Parce qu’une vraie femme amoureuse ne pourrait pas rater les funérailles de son homme.