102: Certains se réjouissent, d’autres pleurent

Write by Gioia

***Jennifer BEMBA***

Le début avril marque la reprise des activités professionnelles pour moi. Hallelujah, je suis sur pieds. Je ne dirai pas que ma santé est parfaite, mais je suis assez solide pour reprendre le cours de ma vie. Avril est un gros mois pour nous. C’est la pâque bien sûr, mais cette année spécialement, il y aura beaucoup de mouvements au pays. Et c’est justement le sujet que j’aborde avec Romelio pendant notre petit-déj.

— Quand est-ce qu’on enterre Raymond?

— La veille de Pâques pour quoi?

— Les préparatifs non chéri. Je dois voir qui pour savoir quoi faire?

— Tu veux y participer? il me demande d’un air dubitatif

— Pourquoi je n’y participerais pas? C’est la famille ou pas?

— Euh…OK. Je vais demander à tata Belle et on en reparle alors?

— Je peux aussi l’appeler si ça ne te dérange pas

— Bah OK alors. Ne va quand même pas te prendre trop de charges, rappelle-toi que tu viens juste de reprendre, d’accord?

— T’en fais pas, je suis solide comme un roc, je lui dis confiante

Il prend ma main et la porte à sa bouche avant de terminer son sandwich. Je prends de son téléphone le numéro de madame Belle et c’est après son départ que j’appelle cette dernière. Malheureusement, elle n’a pas répondu donc j’ai dû lui laisser un message. J’ai eu le temps de songer au plan de Yasmine et le modifier selon ma convenance parce que le sien est juste trop compliqué pour moi. Déjà que ça n’a pas été facile de ramener l’harmonie dans ma maison la dernière fois que je me suis engueulée avec Romelio, je ne veux pas tout gâcher. Ah non. Les paroles de Yasmine m’ont aidé à pousser ma réflexion et j’en ai tiré quelques conclusions. Elle a bien raison. Une chose dont je suis certaine c’est que Romelio m’aime et veut qu’on soit heureux. La preuve c’est moi qu’il a choisi parmi toutes. Alors je dois travailler sur mes émotions surtout quand je suis mal en point. Et lui proposer Yasmine pour une potentielle PMA ne me ferait passer que comme une folle parce que je sais mieux que quiconque qu’il ne peut pas la blairer. L’histoire là date, mais il l’associe encore à la meuf qui s’est moquée de Marianne avec George. Ce dernier alors, il le déteste carrément. Mais une mère porteuse ne doit pas être difficile à trouver dans les cliniques de ce pays. Le détail que je vais m’efforcer de garder pour moi c’est que c’est mon ovule qui sera fécondé par les spermatozoïdes de Romelio et la mère n’aura qu’une charge. Mener la grossesse à terme. Mon challenge à l’heure actuelle c’est comment introduire la chose à mon mari. Prudence étant mère de sûreté je prends tout mon temps et j’étudie le sujet de fond en comble pour ne pas essuyer un rejet lorsque je le lui présenterai. Yasmine m’aide dans ce sens. Je ne lui ai pas encore dit que je ne compte plus faire appel à son ventre, mais c’est elle qui va me conduire à la clinique où je prévois faire la PMA.

Ce matin encore, elle était déjà au Snack à mon arrivée. Manque de bol pour moi, ma tante aussi s’y trouvait et je n’ai pas manqué ses regards de travers. Je fais le tour du personnel pour m’assurer que tout le monde est à son poste avant de recevoir Yasmine dans mon bureau.

— Il faut m’appeler quand tu débarques non, je lui dis d’entrée de jeu.

— Ah, je n’en voyais pas l’utilité puisqu’on se voit régulièrement.

— Oui, mais imagine si Romelio était dans les parages. C’est vrai qu’il sait qu’on se parle encore, mais il ne faudrait pas non plus l’emmener à se questionner sur nous.

— Tu as raison, ce détail m’avait échappé. En fait je venais voir comment ça avançait.

— Pour le moment rien encore. Je préfère y aller avec douceur.

— Eh, depuis le temps là? Ça fait plus d’un mois quand même hein. Tu n’es pas pressée de guérir?

— Bien sûr que si, mais je préfère la prudence. En plus on a beaucoup à faire dans sa famille dernièrement alors je préfère avancer un pion à la fois.

— OK, c’est toi Mme BEMBA après tout. Sinon j’ai enfin dégoté le contact de l’embryologiste qui travaille à la clinique. On le rencontre quand tu veux.

— Super, envoie-le-moi et je vais le contacter.

— Je pense que c’est mieux que je l’appelle puisque c’est moi qu’il connaît. Donne-moi simplement tes disponibilités et je m’occupe du reste. Pendant ce temps tu te concentres sur Mr BEMBA.

— Ça marche, je t’informe dès que je consulte mon agenda? Ça te convient?

— On fait comme ça alors. Bon je te laisse commencer ta journée alors. On reste en contact.

On se sépare sur cette phrase. Je lui glisse un billet de 10000 francs et vais rejoindre mes assistantes pour lancer les premières commandes de la journée. Une grande partie de nos recettes vient des plats qu’on livre à quelques entreprises de la place. Je compte par exemple une bonne partie du personnel de l’hôpital Li parmi mes clients alors on s’assure de préparer ses différentes commandes d’ici midi. Dès que j’ai une minute de répit, je m’assois un peu et ma tante se rapproche.

— Tu en as assez fait pour aujourd’hui Jenny. Il faut aller te reposer un peu.

— Eh, ma surveillante personnelle, je la taquine.

— Ce n’est plus le moment de blaguer avec ta santé. On ne doit pas revivre ce qui vient juste de passer.

— Je fais attention ma tante, ne t’en fais pas. Je suis bien la première qui ne veut pas revivre ce que j’ai traversé dernièrement.

— Hum. Et Yasmine? Tu fais aussi attention à tes fréquentations? Parce que je ne te comprends pas. Je t’ai parlé.

— C’est une ancienne amie tata, tu le sais déjà.

— Et pourquoi elle ne reste pas dans son ancienneté? Qu’est-ce qu’elle vient chercher près de toi maintenant que ta vie est en ordre et la sienne est désordonnée?

— Tu es terrible hein, me marré-je. Comment tu sais que sa vie est en désordre toi?

— Tu as oublié que je connais ton oncle est aussi celui de son mari? La vie de George est en fumée dernièrement donc celle-là te tourne autour parce qu’elle se cherche. C’est une opportuniste qui ne voit en toi qu’une porte de sortie.

— Tu es grave. Elle ne cherche rien sinon un peu de distraction parce que comme tu le dis, sa vie est un peu compliquée récemment.

— Hum! En tout cas je t’ai parlé. Vérifie bien ton porte-monnaie quand elle est dans le coin et surtout n’accepte rien de ce qu’elle te donne. Cadeau, nourriture, bijou, rien du tout. On ne sait plus qui est qui dans ce monde. Et surtout, ne permets jamais qu’elle se rapproche de ton mari. Je dis bien, ô grand jamais!

— Je veille ma tante, dors tranquille. Comme on est sur le sujet, je vais te demander un service. Est-ce que tu peux me trouver une femme de la vingtaine en bonne santé?

— Euh… d’accord. Tu cherches une nouvelle cuisinière ou bien une servante?

— Rien de tout ça. Au moment venu je te le dirai. Si tu peux même me trouver plusieurs, disons cinq au moins, ça me conviendrait.

— D’accord, mais je dois bien leur dire ce pour quoi je les cherche.

— Dis-leur que c’est pour un travail d’un an. Le reste je te le dirai une fois prête.

— OK. Je dois les chercher pour quand?

— Tu peux commencer même maintenant si tu as le temps. Mais la semaine de Pâques, je ne serais pas disponible. Il se peut que les deux semaines avant aussi. Tu te souviens que le copain de Elikem est décédé non?

— Ah oui. C’est déjà le moment de l’enterrer?

— Oui oui. Ils ont prévu la semaine de Pâques pour ça.

— Hum, est-ce que c’est recommandé de voyager dans cet état alors qu’on t’a opéré dernièrement? Il faut bien voir avec la grande docteure là avant hein. Je ne suis pas sûr que ce soit une bonne idée en tout cas.

— Tu sais qu’il y a des femmes plus grandes qu’elle hein. Elle ne doit pas faire plus d’1m80 et au passage son nom c’est Oyena, je dis avec humour.

— Pardon, quand je dis grande docteure tu comprends et c’est plus simple. Il faut bien lui demander si tu peux déjà prendre l’avion après ton opération.

— On va au Bénin tata. C’est là-bas qu’il sera enterré.

— Oh, mais pourquoi? Je pensais qu’il était gabonais.

— Si. En fait nigérian de père et Béninois de mère si je me souviens bien des choses que Romelio m’a racontées. Il a juste grandi au Gabon.

— Anh tout s’explique! Quelque part la petite Elikem doit remercier Dieu hein parce que nigérian mix béninois, elle n’allait jamais avoir la paix dans ce foyer avec la sorcellerie concentrée.

— Non c’est méchant. Comment tu peux dire ça?

— Pardon laisse-moi ça. Vous êtes trop dans les émotions vous les jeunes, mais une adulte assise voit au loin ce qui vous échappe. Elle n’allait pas emmener ce mariage quelque part donc Dieu merci il est parti. Si tu fouilles bien, peut-être que c’est un esprit familier qui l’a emmené.

Je m’abstiens de lui dire que c’est le père de Ray même qui est derrière tout ça. Les vieilles personnes comme ma tante sont accrochées à leurs préjugés. Mon téléphone sonne pendant qu’elle continue à me partager ses idées préconçues. L’appel est de madame Belle alors je m’excuse pour répondre.

— Allô bonjour maman, comment ça va?

— Bonjour Jennifer, je vais bien merci et toi-même?

— On fait aller. Comment se porte ma sœur?

— Ta sœur?

— Je parle d’Elikem, clarifié-je.

— Ah pardon, j’ai la tête un peu ailleurs. Elle se porte bien également. Romelio m’a dit que tu voulais nous donner un coup de main pour les préparatifs?

— Oui. Je voulais même te contacter depuis pour savoir comment tonton Eli se gérait avec la nourriture depuis que tu es là-bas, mais la santé m’a fait défaut.

— Oh il ne faut pas te déranger pour nous. Il n’y a pas grand-chose à faire pour les préparatifs en réalité. On s’est déjà occupé de tout avec les EKIM.

— Ah… OK dans ce cas. Bon si jamais tu as un besoin, quelle que soit la nature, n’hésite pas. Même pour la cuisine après les funérailles, on peut s’en occuper au Snack.

— Merci pour la proposition. Si besoin il devait y avoir, je m’en souviendrai. D’ici là je te laisse. Prend-soin de toi.

— Merci, je passe le bonjour à Elikem aussi. On se revoit bientôt, je termine sur ça et raccroche.

— Alors? Qu’est-ce qu’elle a dit? ma tante me demande avec beaucoup d’intérêt.

— Qu’ils ont déjà tout fait oh.

— Pourquoi j’ai la nette sensation que tu es déçue?

— Bah je voulais vraiment aider. C’est en ce moment qu’on doit soutenir nos proches.

— Je comprends ma fille. Tu as toujours eu un grand cœur, mais vois aussi par là une occasion de te reposer parce qu’on se connaît. Tu allais en faire trop là-bas et ce n’est pas le moment, même si tu ne veux pas m’écouter. Tu dois te ménager encore.

Je suis bien embêtée, mais bon que puis-je faire? Romelio saura au moins que j’avais de bonnes intentions.

***Mally LARE AW***

Tous mes stages sont bouclés. Mon bachelor également. Techniquement, les autres composent dans une semaine, mais j’ai joué de mon charme sur la directrice du programme qui m’a un peu prise sous son aile depuis mon arrivée. Être deux francophones dans un programme à petit effectif comme le BFA (licence en art digital et animation) de DigiPen rapproche beaucoup. Mais rajoute la gentillesse légendaire des Québécois, mon excellent dossier scolaire et le fait que j’ai choisi le Canada pour y faire tous mes stages et tu comprends le pourquoi certains potes me charrient en douce que la directrice a le béguin pour moi. Ce n’est quand même pas cette raison qui m’a valu la permission. Non, elle me l’a accordé après que j’ai fait près d’une heure à lui expliquer ce qui est arrivé à Elikem. Je me devais d’être présent pour ma sœur alors j’ai écrit mes examens en avance et bien sûr elle me fait confiance pour ne pas ébruiter l’affaire alors je suis offline sur tous mes réseaux. J’ai quand même raconté à trois potes dont je suis proche que ma sœur est gravement malade donc j’ai dû me rendre à Springs pour être à son chevet. Ils ne me chercheront donc pas lorsqu’ils constateront mon absence en classe durant les exams.

Actu je vais chercher mes femmes à l’aéroport de Seattle. Nous quittons d’ici demain, pour Paris où on fera un stop, pour dormir une journée à l’hôtel, pour que maman se repose un peu puis on continue à Lomé. Je suis parti de bonheur, pensant récupérer trois femmes, mais il n’y a que maman et Elikem qui a l’air si absente que je ne sais quoi dire à part la prendre dans mes bras. Il y a quelques mois elle allait bien. Du moins assez bien pour quelqu’un qui essayait de reprendre le cours de sa vie. Une semaine plutôt je lui ai parlé et elle tenait toujours. Je récupère l’unique valise qu’elles ont et demande d’après Océane.

— Le travail l’a finalement retenu, me répond maman.

Elikem à l’arrière se contente de chercher sa ceinture de sécurité. Une fois à la maison, elle se rend dans les toilettes et je retiens de justesse maman par les épaules quand elle essaie de la suivre. Cette dernière se retourne avec un air désolant, mais je secoue quand même la tête.

— On ne sait pas ce qu’elle va aller faire là-bas.

— Elle a besoin d’espace maman. Si on la colle tout le temps, elle risque d’exploser.

— J’ai peur Mally, j’ai tellement peur, elle m’avoue la lèvre tremblante et les yeux craintifs.

— Confiance, je dis sans aucune conviction. Je ne l’ai moi-même pas alors la communiquer m’est difficile.

Nous nous assoyons, les yeux rivés vers la porte des toilettes, comme des gens qui attendent anxieusement une nouvelle. Elikem sortira de là après ce qui me semble être une éternité.

— Je peux aller dormir un peu? elle demande d’une voix à peine audible

— Bien sûr, je vais…

— Je connais la chambre, elle répond sur le même ton et monte.

On ne l’a plus revu de la soirée. Maman faisait quand même les tours dans sa chambre aux deux heures et me confirmait qu’elle dormait à poings fermés. La preuve, le lendemain, je lui trouvais une meilleure mine lorsqu’on quittait la maison pour prendre notre vol. Elle n’a cependant pas dit grand-chose.

Sept minutes avant 23 h, c’est à cette heure que l’avion amorcera sa descente lorsqu’on arrivera enfin à Lomé. Papa nous récupère une fois le protocole fait. Malgré les circonstances tristes, je retrouve ma chambre d’enfant avec un grand soulagement. Je ne suis rentré qu’une fois depuis mon départ, et cette fois remonte à trois ans plutôt alors je suis soulagé d’être de retour avec mon diplôme en poche. C’est à peu près la même chose que les parents me disent ce matin au réveil.

— Je suis fière de toi mon chéri. Tu as fait de l’excellent travail et nous te fêterons lorsque les circonstances seront meilleures, me dit maman tout en me câlinant le dos.

— Oh c’est pas nécessaire, j’ai déjà eu assez de célébrations dans ma vie. L’essentiel c’est que mes dernières notes sortent pour avoir enfin la confirmation que j’en ai réellement fini.

— Tu l’as déjà mon grand. On a confiance, papa me dit sur un ton rassurant qui me fait sourire de joie. Ça fait du bien de ramener des bonnes nouvelles en ces moments difficiles.

— Alors quelle est la suite? La maîtrise? DigiPen toujours ou tu veux continuer ailleurs? continue papa.

— Il vient tout juste de finir Eli. Il faut le laisser souffler un peu quand même, intervient maman.

— C’est mieux qu’il continue et finisse tout maintenant que ses acquis sont encore frais dans son esprit, continue papa.

— Je vais te décevoir papa, mais le projet c’est de bâtir mon héritage pour les trois ans à venir, je lui réponds.

— On dit fructifier chéri, dit maman en souriant.

— Non, j’ai bien dit bâti. Le domaine médical ce n’est pas mon truc. Je préfère rester en animation. C’est ce que j’aime et je compte me lancer sur des projets persos avec des potes sud-africains pendant que je continuerai à travailler là où ma carrière m’emmènera. On verra après pour la maîtrise, si elle est utile.

— D’accord, tu es grand désormais. C’est toi qui décides, mais n’oublie pas d’être prudent avec tes investissements.

— Ne t’en fais pas pour ça papa. J’ai un plan bien ficelé.

Oui j’ai un plan bien ficelé dont la première étape c’est de récupérer Snam. Elle fait partie de mon héritage et je compte bien le lui faire entrer dans le crâne. Puisqu’elle ne veut pas me voir, j’ai donc décidé d’aller plus loin et rencontrer simplement ses parents. On verra bien ce qu’elle sortira par la suite pour m’éviter. Maman décide justement de se rendre chez les WIYAO vers 10 h, puisqu’Elikem est encore au lit. Papa reste à la maison au besoin alors je conduis maman chez les WIYAO. En dehors d’Aïdara, personne ne sait ce qui se passe entre Snam et moi. Je connais assez King pour savoir qu’elle évite tellement de parler de moi qu’elle ne prononcera même pas mon nom pour raconter à sa famille ce qui s’est passé. Et s’il advenait qu’elle l’a fait, je ne compte pas fuir devant mes responsabilités. Oui elle m’a surpris en position fâcheuse. Oui je suis un crétin. Et oui je ne veux qu’elle.

J’entre avec maman dans la concession des WIYAO pensant qu’on les surprendrait puisqu’on a gardé notre visite secrète, mais la surprise est mienne quand je tombe sur Snam dont la tête apparaît derrière celle de sa mère. Ma présence étant inattendue, elle aussi partage ma surprise. Les mamans se saluent et nous charrient au passage sur le fait qu’aucun de nous n’a pris la peine d’avertir l’autre famille qu’on serait au pays. Un sourire satisfait se dessine sur mon visage quand Snam salue ma mère. J’attends de voir comment elle va m’éviter tout en restant polie. On va bien rire. Tonton Magnim est le dernier qui sort du salon et nous rejoint sur la véranda.

— Snam va nous ramener à boire s’il te plaît, lui indique sa mère.

— Je vais l’aider, je réponds un peu après que King soit partie.

— Toujours à la queue leu leu les deux là hein, ce n’est pas une petite dot que je vais te demander Bella, j’entends tonton Magnim commenter pendant que je m’éloigne.

Snam dispose des canettes sur un plateau quand je fais mon entrée dans leur cuisine. La voir là me donne envie de l’embrasser et lui tirer les oreilles à la fois. On n’a pas idée de punir un humain comme elle l’a fait avec moi ces derniers mois. Je m’approche et soulève la main pour prendre les verres à sa place.

— King, je dis tout bas et dépose les verres sur le plateau

— Papa j’ai besoin d’aide, elle me prend par surprise après avoir crié

— Qu’est-ce que tu fous Snam? On a….

— Papaaa

— Snam! je dis exaspéré pendant que les pas de tonton Magnim se rapprochent.

— Qu’est-ce qu’il y a ici? son père lui demande maintenant qu’il est avec nous. Mally, ma fille n’est pas un aimant pour que tu la colles de cette façon, il me reproche et je me rends compte que je n’avais même pas bougé. Je recule et bredouille des excuses.

— Qu’est-ce que je choisis pour vous comme amuse-gueules?

— Des amuse-gueules? Tu m’as appelé avec urgence comme ça pour un truc si simple? son père lui répond. Pour ma part, j’ai juste la bouche ouverte. Elle est décidément déterminée à tomber dans tout. Même l’absurde pour m’éviter. 

— Je ne voulais pas ramener n’importe quoi là-bas non plus, elle persiste à expliquer sa mauvaise foi.

— Prends seulement tout. Mally donne-lui un coup de m…

— Ce n’est pas nécessaire papa. Je vais…

— Je vais t’aider, je l’interromps aussi.

Tonton Magnim nous observe à tour de rôle et tranche en retirant les paquets d’amuse-gueules de ses bras puis me les remet. On entend maman et tata Ciara depuis la véranda, se questionner comme des gens qui ne se sont pas vus depuis une éternité, pourtant ces deux se parlent régulièrement. Ces deux femmes vont me tuer un jour. Dès que Snam commence à servir, je me lance. Hors de question qu’elle se défile.

— Vous êtes au courant que j’ai bouclé ma licence tonton et tata?

— Ah bon? Il paraît qu’on te doit des félicitations alors, tonton me dit avec humour.

— On ne va plus respirer depuis que monsieur a fin….

— Je prendrai mieux que les félicitations. Je veux ta fille, je veux King.

Les réactions sont brusques à cette annonce. Le doigt de Snam qui ouvrait la canette pour maman s’arrête. Tonton qui était légèrement affaissé dans son fauteuil se redresse. Maman murmure des questions et tata Ciara promène son regard sur sa fille puis moi.

— Je la veux comme femme, j’insiste.

— Tu la veux comme femme? tonton me retourne.

— Genre l’épouser? sa femme poursuit.

— L’épouser, fusionner, la mettre au dos, tout ce qu’elle veut, tant qu’elle est à moi.

— Enfin…je…je suis…, Mally on ne blague pas….

— Quand tu me vois, est-ce que j’ai l’air de blaguer maman? J’ai la tête d’un type qui veut faire une blague ce matin?

Elle n’a rien à dire comme réponse après le regard que je lui ai lancé. Je retourne mon attention sur Snam qui ne porte plus aucune émotion sur la face. Quelqu’un pourrait presque croire que j’ai imaginé le petit air surpris que j’ai vu sur sa face tantôt. Je m’apprêtais à continuer, mais c’est elle qui me cloue le bec.

— J’ai fini de servir, je peux m’en aller? Eric passe me prendre dans moins d’une heure, elle dit à ses parents comme si on n’avait pas déjà une conversation en cours.

— Libère cet homme, il n’a rien à faire avec toi.

— Oho! maman et tata poussent un cri d’étonnement.

— C’est quelle façon de…

— Ne te mêle pas de ça maman, je dis en lui levant une main pour qu’elle garde le silence. Snam, toi et moi on sait que tu perdras du temps à cet homme et le fera souffrir pour rien. Il ne pourra pas supporter de voir la profondeur et l’importance de notre lien. Tu veux me punir? Parlons-en en privé. Je suis à toi, tu sais que peu de femmes peuvent se vanter d’avoir le droit de me réprimander. En dehors des femmes avec qui je partage mon sang, tu es la seule qui peut me faire n’importe quoi. Demande-moi la lune si tu veux tant me faire chier, j’irai emmerder Dieu pour qu’il me dise comment te la décrocher, mais ne me demande pas de tirer un trait sur nous. Tu penses qu’un autre homme supporterait de voir un autre aussi dévoué que je le suis à toi dans les parages? Tu me connais Snam. Tu connais ma ténacité quand je tiens à quelque chose et il n’y a aucune femme que je désire autant que toi. Ne fous pas la merde.

Elle me lorgne et veut s’en aller, mais je suis déjà debout et la retiens en la tenant par l’épaule.

— Jeune homme tu vas te calmer et te rassoir pour qu’on discute comme des adultes, tonton me dit d’une voix qui me ramène sur terre. Je regarde autour de moi et constate que j’ai même la posture de quelqu’un qui s’apprête à se battre.

Je bredouille une excuse et me rassois comme demandé. Snam en profite pour s’extirper, mais ce n’est que partie remise.

— Ma fille n’est pas un morceau de chair pour que tu viennes nous la demander comme si tu allais faire les courses, commence tonton.

— Non ce…

— Tu me laisses finir, il dit fermement alors je la boucle. Ce qu’on sait de vous c’est que vous êtes amis. C’est ce que vous nous avez dit. Alors, explique-moi ce revirement de situation. Tu as déjà entretenu une quelconque relation amoureuse avec King avant aujourd’hui? Tu as la parole désormais.

— Oui, j’ai aimé Snam dans chaque phrase, geste, et regard depuis nos seize ans. Depuis que j’ai conscience que l’intérêt que j’éprouve pour elle dépassait une simple fraternité. Quelque part dans un coin de ma tête, je me suis toujours projeté avec elle. Petits on parlait déjà de la maison qu’on aurait avec un grand terrain de jeu sur lequel on jouerait avec nos enfants chaque weekend.

— Je ne doute pas de toi, mais Romelio et Elikem aussi jouaient à ce genre de jeux plus petits. Ils partageaient tout et nous racontaient qu’ils feraient le tour du monde quand ils avaient dix ans, me dit tata.

— Sauf que je ne suis pas Romelio et Snam n’est pas Elikem. Notre relation est différente. J’ai gardé toutes mes envies de gamin concernant Snam et d’autres s’y sont rajoutées, je dis sans expliquer la nature de ses autres. Je ne vais pas non plus me tirer dans les pieds. Comprenez juste qu’il n’a jamais été question d’amitié entre votre fille et moi. L’enjeu c’était l’amour depuis le début. En tant que gamins nous avions une définition plus innocente de ce mot. J’admets qu’on ne comprenait même pas la portée de ce qu’on disait, mais Snam je l’ai toujours vu à ma droite, à mes côtés, tenant ma main jusque dans mes vieux jours.

J’attendais une approbation après cette déclaration on ne peut plus sincère, mais c’est la sonnerie que je reçois. La servante ouvre leur portail et laisse entrer un jeune homme qui m’est inconnu. Ce dernier, Eric, que je croyais être une invention nous salue et les parents de Snam lui retournent également leurs salutations en l’adressant par son nom. Ma Snam, celle qui devait être à ma droite sort tout de suite après avec un sourire des plus chaleureux adressé à cet Eric qui la prend par la taille. J’ignore par quelle force j’arrive à me contenir, mais je me tiens, les poings pliés, la face dure, et le cœur brûlant, pendant que les deux s’en vont collés l’un contre l’autre tels des amants.

— Je comprends bien tes sentiments mon grand, mais comme tu vois, King est déjà..

— Non, je coupe tonton avant qu’il ne finisse.

***Belle LARE AW***

Non. C’est tout ce que sa tête de Kopek a dit puis il s’est levé en bredouillant des excuses sur un ton peiné et se retirer dehors.

— Vraiment. Snam était bien célibataire pendant des années. Pourquoi il n’a rien tenté? Ciara demande tout haut ce que je pense.

Ce petit idiot m’a même dit mot pour mot qu’il n’aimait pas la fille. J’ai même fini par reléguer cette histoire au second plan, en me disant qu’eux aussi prenaient le chemin de Romelio et ma Perla. Le but de ma visite n’était pas si important alors je ne m’éternise pas. Monsieur «qui veut des gens, mais ne le dit pas» m’attendait au volant de ma voiture. Comme il était assez troublé, je n’ai pas jugé nécessaire d’en rajouter une couche durant le trajet.

— Eh monsieur, ma porte ne t’a rien fait, je dis quand il claque la portière de la voiture.

— Pardon, il bredouille nerveusement et s’en va comme une flèche.

— Qu’est-ce que tu as fait mon garçon? me demande son père quand je fais mon entrée au salon.

— Va justement parler à ton fils. Monsieur croit qu’il suffit de bien parler pour ramasser les femmes comme des bouts de papier, j’explique à son père quand une porte s’ouvre.

C’est ma petite chérie qui en sort, le corps emmitouflé dans un grand peignoir. Je suis soulagée de voir ses cheveux en pétard, signe qu’elle a réellement dormi.

— Qu’est-ce qui se passe? elle demande tout en s’installant auprès de son père qui lui a tendu la main.

— Tu as déjà brossé tes dents?

— Oui, elle a mangé et s’est juste rendormie, me répond Eli.

— Très bien. Figurez-vous que votre Mally international nous a cloué le bec tout à l’heure en demandant la main de Snam, je leur annonce et aucun d’eux ne semble surpris. Attendez, il vous en avait parlé?

— Non, mais qu’est-ce qui t’étonne tant dans sa démarche? rétorque Eli.

— Oui, ce n’était qu’une question de temps, poursuit Elikem.

— Une question de temps pour qui?

— Pour qu’ils grandissent et aient l’âge légal de vivre leur relation non. Tu as oublié les choses qu’ils se disaient plus jeunes? me demande Elikem.

— Tu te souviens lorsqu’ils avaient six ou sept ans je pense, il a dit à Snam qu’il lui donnerait vingt enfants comme ça elle aura toujours des compagnons de jeu lorsqu’il sera occupé à gagner de l’argent? Eli nous rappelle.

— Et quand Snam l’a répété avec joie à ses parents et tonton Magnim a demandé à Mally si c’est sur sa fille qu’il faisait les lourds plans? Continue Elikem.

Oui je m’en rappelle comme si c’était hier. Snam et Mally en ont dit des choses qui nous ont tellement fait rire en grandissant. Je me souviens même qu’à un moment Ciara et moi on s’était entendu pour les surveiller quand chacun d’eux dormait à la maison, pour s’assurer que la curiosité et leur grande affection les encouragent à se toucher intimement.

— Lui-même ne s’en souvenait pas? Il a tout gâté pour on ne sait quelle raison. Voilà que Snam est prise et monsieur l’ouvre grandement devant les parents pour dire qu’aucun homme ne pourra supporter de l’avoir comme concurrent parce qu’il est trop féroce. On peut être aussi arrogant alors qu’on est en position de faiblesse?

— Il n’est pas arrogant, mais déterminé, son père me répond avec un sourire.

— Ah bon hein? N’est-ce pas c’est toi qui lui as montré la passion? Il est passionné jusqu’à il agrippe les épaules de l’enfant devant ses parents comme si elle lui devait quelque chose.

— Que veux-tu, parfois il faut prouver sa détermination pour obtenir ce qu’on veut.

— Toi Eli hein, ton fils n’a jamais de défauts. C’est lui le christ.

— Il en a, mais l’arrogance n’en fait pas partie.

— Pardon, va lui dire d’épargner nos portes dans la maison, je dis et m’assois tout en passant le bras autour de ma fille.

Eli nous donne de l’intimité et s’en va voir son fils.

— Tu veux faire quoi aujourd’hui? On pourrait aller à la plage si ça te dit, je lui propose.

— Je vais aller à l’hôpital avec papa tout à l’heure.

— Oh. Tu viens juste d’arriver et tu veux déjà retourner dans les odeurs d’alcool alors que tu y as passé tout ton temps au Colorado?

— C’est là-bas que je me sens moi, elle me dit sur un ton lourd qui ne me pousse pas à la convaincre.

Eli nous retrouve quelques minutes plus tard et environ une heure après ils quittent la maison tous les deux pour l’hôpital. Le reste de la soirée, je la passe dans les derniers préparatifs. Antoine qui redemande le lieu de l’enterrement. Aïdara me dit qu’elle n’a obtenu que le vendredi de congés donc elle partira jeudi dans la nuit. Jeanne ma servante me confirme aussi qu’elle peut reprendre du service demain. Presque tous les enfants seront présents et ça me chagrine que la dernière fois c’était pendant la dot de Perla. Qui aurait cru qu’on se retrouverait ici, un an plus tard? La vie est si imprévisible quand elle décide de nous faire mal.

***Elikem AKUESON***

J’ai eu de longs mois pour me préparer à ma nouvelle réalité, mais à 24 heures de cette réalité, je me rends compte que je ne sais pas comment je vais le faire. Je me suis réveillée en sueur, la poitrine douloureuse, des étourdissements et de la difficulté à parler. Je n’ai réussi à faire que quelques pas avant de tituber. Mally est le premier visage que j’ai vu.

— Elie! Doucement, n’essaie pas de parler. PAPA! Elikem fait une détresse respiratoire!

J’ai entendu le mot respiratoire dans ce qui sonnait à mes oreilles comme des bafouillis. Une crise respiratoire? C’est ce qui m’arrive? Je n’en ai pas eu depuis le collège. Très vite les autres accourent et chacun parle.

— Elikem ne parle pas! me dit maman pendant que papa me place l’oxymètre sur le doigt.

J’ai du mal à déchiffrer tout ce qui se dit, mais je vois Aïdara et Mally ramener un concentrateur d’oxygène portatif qui ressemble vaguement à une version améliorée de ce que maman utilisait pour nous en grandissant. À deux ils assemblent et branchent la machine pendant que les parents me dirigent vers ma chambre. Quelques minutes plus tard, je commence déjà à sentir de l’amélioration. J’ai mal partout, mais la douleur à la poitrine est pire. Je ne sais pas comment je vais y arriver. Comment je vais pouvoir regarder Ray dans un cercueil quand il a pendant si longtemps été dans mes bras? Quand j’ai senti sa main chaude me toucher pendant des années. Comment je peux le regarder inerte alors que j’ai son sourire et sa voix imprimés dans mon être? Mon Ray à moi est plein de vie, il aimait parler, rire, m’emmerder. Il était vivant!

***Eli LARE AW***

Nous sommes restés à son chevet jusqu’au lever du soleil quand elle s’est enfin rendormie.

— Voici ce qu’on va faire. Vous deux vous restez ici avec la grande sœur. Papa et moi on se rendra à l’enterrement, Belle nous annonce tout d’un coup.

— Mais maman, z’est l’entehement de son fianzé.

— Je sais chérie, je sais. Mais je me rends compte après cette nuit que ta sœur n’est pas prête. Je ne sais pas ce que ça fera à son mental si on l’emmène avec nous.

— Et si elle nous en veut à son réveil? Tu sais qu’Elie n’aime pas qu’on décide pour elle, poursuit Mally.

— Alors on avisera, je leur réponds après que Belle m’ait lancé un regard rempli d’incertitude.

Oui on avisera, mais la priorité pour l’heure c’est d’entourer et soutenir au mieux ma petite guerrière. Je sais qu’elle s’en remettra. Je la connais assez pour ça, mais cette fois, le chemin pour y arriver sera plus épineux et douloureux, alors parfois il nous faudra décider pour elle. Le corps c’est la seule chose qui entre sous terre de toute façon. Je suis de ceux qui croient que nos proches continuent de vivre à travers les gestes, actions ou personnes qu’ils nous ont laissés. Il ne tient qu’à nous d’y croire et de se motiver avec cette raison pour ne pas sombrer dans la déprime.

Puisque nous ne serons que deux, je propose à Belle qu’on fasse le voyage avec les WIYAO puisqu’ils ne sont que trois, parce que Macy n’a pas pu rentrer. Elle le fait, mais ils nous informent qu’Antoine et Loussika se sont joints à eux alors nous finissons par prendre la route seuls. Comè, c’est notre destination. La ville natale de la mère de Ray où il sera enterré le lendemain.

***Jennifer BEMBA***

Romelio a préféré qu’on fasse le trajet hier soir et dorme à l’hôtel plutôt que le samedi même. Ce matin je me suis levée de bonne heure avec lui et rejoins pour la prière. En général je ne le fais pas, parce que ses prières sont un peu trop longues à mon goût, mais je voulais qu’on prie pour Elikem alors j’ai pris sur moi. Pendant qu’il se douche, je suis au lit et regarde des vidéos amusantes sur son téléphone quand il reçoit un message d’Elikem justement. Je l’entends qui revient dans la chambre alors je lui lis tout haut.

— Je ne peux pas.

C’est tout? pensé-je en premier.

— Elikem t’a envoyé «je ne peux pas». Elle ne peut pas quoi?

— Elle ne sera pas là, il soupire tout en s’asseyant sur le lit.

— Quoi? Tu veux dire qu’elle ne se pointera pas aux funérailles de son fiancé?

— Je m’y attendais un peu. Elle n’est pas encore prête à lui dire au revoir.

— Mais…, fais-je éberluée. Les gens se déplacent de partout et elle, la femme même ne sera pas là? Tu imagines ce que les gens vont dire? Pourquoi ils sont là et la concernée même non?

— Toi et ses gens, vous cherchez sa présence pour vous nourrir peut-être?

— Ah, mais non ce n’est pas ce que je dis. Mais avoue que ça ne fait pas sérieux Romelio. C’est comme si tu…, Dieu nous en préserve, mais tu n’es plus. Tu penses que je pourrais manquer ton enterrement? Avec tout ce qu’on a partagé? Tu te sentirais comment? Elle ne pense pas à ce pauvre Ray?

— Jennifer…

— Hum, il faut lui parler oh. Ce n’est pas tout de la consoler quand elle pleure. Il faut aussi lui dire la vérité. Les amis servent à ça.

— Appelle là donc pour lui dire non, comme tu es spécialiste du deuil, il me dit sur un ton agacé et se lève tout en faisant tomber sa serviette pour prendre le lait de corps.

Avec sa longue queue toute flasque, on dirait un concombre défraichi là, pfff! Les amis doivent se dire la vérité oui ou non? On ne peut jamais dire quelque chose à monsieur concernant sa grande amie et il ne prendra pas la mouche. Bref, je retourne à mes vidéos. Mais je dois aussi texter ma tante pour qu’on en parle parce qu’elle m’a déjà dit qu’Elikem avait choisi Ray par dépit parce que ce dernier m’aimait, mais je n’y ai pas trop prêté attention. Il faut croire qu’une aînée assise voit effectivement plus loin que nous. Parce qu’une vraie femme amoureuse ne pourrait pas rater les funérailles de son homme.

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