2- Changer d'air

Write by Owali

KOUM KOUM KOUM KOUM

Ça devait bien faire vingt minutes que je me déchaînais sur ce sac de frappe sans ressentir la moindre fatigue.

- Eh bien! Tu es en formes aujourd'hui!

Sans prendre la peine de répondre, je continuai à taper dans le punching ball.

- Si tu continues comme ça tu risques de le déchirer, insista-t-il. Tu ne voudrais pas plutôt monter sur le ring pour qu'on s'échange quelques...

Je me retournai vivement dans sa direction.

- On ne va rien s'échanger du tout! Parmi tous les boxeurs de la salle c'est sur moi que tu as choisi de jeter ton dévolu? Tu t'es vu? Tu crois sérieusement que nous sommes dans la même catégorie?

- Non mais...

- Mais quoi?!? Qu'est-ce qui n'es pas clair? Tu veux que je t'envoie à l'hôpital? Dégage de ma vue maintenant! Hurlai-je avant de me remettre à frapper de plus belle.

D'habitude je suis cool avec les petits jeunots dans son genre mais aujourd'hui non! Je ne suis juste pas d'humeur ! Elle...Bref.

Une heure plus tard je finissais mon entrainement et comme je ressentais encore un peu de tension je rentrai en footing. Mon téléphone retentit dans ma poche lorsque je franchis le seuil de la porte de l'appart. 

- Prince à l'appareil, j'écoute.

Un éclat de rire résonna à l'autre bout du fil.

- Non mais tu t'entends parler? "Prince à l'appareil, j'écoute". On est ou la? Excusez moi madame la secrétaire, je souhaiterai parler à mon combi, le prince des princes, mokonzi na bakonzi, j'ai nommé...

- Hé hé hé Pardon! Pourquoi tu parles beaucoup comme ça? Et puis d'abord, tu es arrivé quand?

- Ah voila! Là je te retrouve ! ricanna t-il de plus bel.

- Tchip!

- Hum africain! Jamais tu ne vas arrêter de tchiper!

- Hassan, je ne suis pas d'humeur. Parle vite, je viens de rentrer du sport, j'ai faim et je...

- Eh eh eh c'est bon! Merci pour l'accueil! On voit que je t'ai manqué, c'est sympa! Bon quand mon combi, le vrai hein, pas celui qui parle la. Quand le prince aura fini de faire ses caprices qu'il me fasse signe. Mais je te préviens que je ne suis la que pour deux jours.

Je me dirigeai vers la cuisine et me servit un verre d'eau pour me calmer.

- Excuse moi mec, t'as raison, bonne arrivée. Tu es descendu où?

- Tu veux que je descende où? Je suis chez ma go!

- Laquelle?

- Ah ah ah enfoiré! Je suis chez Imane.

- Ah oui ? Donc tu es encore avec elle, je pensais que...

- Gars, pourquoi tu fais les choses des go comme ça? Depuis quand on parle beaucoup au téléphone alors qu'on est dans la même ville? Tu as dis que tu as faim non? Gagnons du temps, allons manger.

- Ah tu as même raison hein...

- Toujours, toujours. Bon on dit midi chez le Khalife.

- Okay on s'attrape!

Il était dix heures sur l'horloge murale. Le restaurant était à dix minutes de chez moi. J'avais largement le temps de prendre une douche et de me reposer.

***

J'accélérai les pas, une fois de plus ma ponctualité légendaire avait fait ses preuves. Il était treize heures et quart lorsque je poussai les portes du restaurant. En balayant du regard la salle, je ne vis aucune trace d'Hassan. Espérant qu'il n'était tout de même pas repartie sans m'avoir prévenu, je pris mon téléphone pour l'appeler lorsque je vis... trois appels en absence...oups!

Bon je crois que c'est mort.

J'étais déjà en train de rebrousser chemin quand j'entendis sa voix dans mon dos.

- Heureusement que je te connais comme ma poche hein!

Je me retournais surpris et soulagé: 

- Oh Hassan! Mais je pensais que...

- ...que tu étais en retard? oui je sais. Je le savais, c'est pour ça que j'ai fais la réservation pour 13h30. Tu es trop prévisible mec, surprend moi un jour!

- Ah tu m'a bien eu!

On se fit l'accolade avant d'aller s'installer à notre table.

- Bon alors raconte, qu'est-ce-qui te met de si mauvaise humeur un beau samedi d'été ensoleillé comme ça?

Hassan c'était mon combi, ma personne de confiance. Il avait toujours été là dans les bons comme dans les moins bons moments de ma vie en France. Ivoirien d'origine libanaise, je ne cesserai de sourire à l'évocation du souvenir de notre rencontre...

Je participa à un tournoi de foot inter universitaire. Sous les couleur du Gabon, j'affrontais l'équipe Côte d'Ivoire à laquelle il appartenait.  A dix minutes de la fin du match, alors que nous menions 2-0, l'équipe ivoirienne effectua son dernier changement stratégique et fit rentrer leur sauveur, "le blanc". Nous le négligions tous jusqu'à ce qu'il commence à parler à ses coéquipiers.

- Les gars ça va aller, yé sui mal prè pour les mettre soua!

"Popopo! Ça c'était quelle qualité de blanc qui parle comme un noir?" m'étais-je fais la réflexion.

Je n'avais pas compris le sens de sa phrase jusqu'à ce qu'il marque à deux minutes d'intervalle les 2 buts qui nous menèrent aux prolongations. Face à la déculotée qu'il nous infligeait, j'avais été désigné pour le marquer à la culotte, mais à chaque fois il me sortait des phrases pour me distraire :

" He dja! Mon ami, amusement à part, la go la est mal fan de toi hein!".

Comme un idiot, je m'étais retourné pour regarder la fille en question et quand je réalisai qu'il me parlait du travesti du campus, c'était déjà trop tard! Il avait marqué le but de la victoire. Après s'être réjouis avec ses compagnons, il était revenu vers moi.

- Gars! Ya foye, on n'a qu'à aller se pouhé pou fêter ca!

- Hein? Je vais fêter quoi? mon équipe à perdu je te rappelle.

- Même si tu n'as pas gagné match aujourd'hui, c'est ami tu as eu, ye te parle de queque chose!

C'est ainsi que notre histoire commença...


Revenant au présent, je ne su quoi lui répondre:

- Ah laisse. Moi même je ne sais pas, j'ai accepté cette situation mais j'ai l'impression que je me suis surestimé.

- Comment ça? Explique moi gars.

Lui expliquer? Lui expliquer quoi?

Lui expliquer que je venais de revoir mon ex qui s'envoie en l'air avec mon meilleur pote et que ça me fait chier alors que je suis censé ne plus rien avoir à foutre de sa vie?

Lui expliquer que je fais des efforts surhumain pour ne pas foutre mon poing dans la figure de Marcus à chaque fois qu'il me parle d'elle parce qu'il a tout ce que je n'aurai plus jamais.

Lui expliquer qu'elle me dégoutte mais que je n'arrive pas à la sortir de mon esprit ? Pfff

- Elle m'obsède...

- Qui?

- Tu fais exprès ou quoi? tu crois que je te parle de qui?

- Marie? Gars, tu es encore sur le dossier la? Moi je pars, je reviens, je me dis que mon combi, mon gars sur a évolué, et qu'est-ce que j'entends?

- Mais qu'est-ce que tu veux que je te dise. J'essaie de zapper sur elle mais à chaque fois que je la vois...

- Quoi? tu l'as encore vu où? Elle n'est pas à Toulouse?

- Si, si...mais tu sais que Marcus...

- Ah il continue à la sauter. Pfff ce mec vraiment aucune dignité quoi! Tu sais ce qu'elle représente pour ton pote mais tu continues quand même!

- Non mais c'est de ma faute, quand il a su qui elle était pour moi il était prêt à tout arrêter, mais je lui ai dit que c'était bon pour moi donc...

- Ah en tout cas, ça c'est votre affaire, je ne veux même pas en savoir plus. Vos histoires de vous partager les go, moi ye suis pas dedans!

- Ouai laisse, c'est notre cuisine interne. Bref, c'est quoi les news de ton côté?

- Ah gars, on est la, business comme d'habitude quoi!

- Vraiment! Un jour je serais comme toi!

- Oui, oui, continue à rêver.

- Rêver comment? Quand je serais Mokonzi je vais t'appeler pour que tu sois mon bras droit.

- Ah ah ah ok j'attends ce coup de fil avec impatience alors...

Nous continuâmes à discuter ainsi un long moment.

***

En début de soirée, Marcus n'était toujours pas rentré et n'avais  répondu à aucun de mes appels ni mes messages, ce qui ne lui ressemblait pas du tout. Je tournais en rond dans l'appartement comme un lion en cage. Malgré les fenêtres ouvertes, j'avais l'impression de toujours sentir son parfum flotter dans l'air. Il fallait que je sorte pour ne pas devenir fou.

Mais où aller ? Que faire ?

Je me mis à parcourir mon répertoire et envoyer des SMS du style « on dit quoi type ? A quel niveau ? » à des potes fêtard que je ne fréquentais pas souvent. Parmi la dizaine de message que j'avais envoyé, je n'eu que trois réponses.

--> Blaize « Je suis en train de rentrer du taf je suis casé, je vais me reposer »

Ok bon toi tu ne me sert à rien !

--> Le Bonz « On est la type, je chill avec des potes en case avant de bouger en teub, tu nous join ? »

Mouai si je n'ai rien d'autre à faire peut être. Je connais le genre de boite où ils vont, je ne me sens pas d'aller à la pêche ce soir...

--> Le Pilote « Je me prépare pour aller serrer des meufs en soirée salsa, et toi ? »

Ah intéressant ! Pourquoi pas ?


Deux heures plus tard j'entrai à La Pachanga, un restaurant/boite de nuit plutôt sympa à deux pas de la tour Montparnasse.

Je ne sortais pas beaucoup parce que je n'étais pas un très bon danseur. Avec mes deux pieds gauches, j'avais souvent été la risée de mon entourage ce qui m'avait découragé à apprendre. Mais j'avais appris à mes dépens que ne pas savoir danser pouvais faire rater des opportunités, alors je mettais tout en oeuvre pour y remedier et me forçais à prendre des cours de temps à autres.

Mais le chemin à parcourir était encore long avant de prétendre pouvoir me déhancher comme Georges aka Le Pilote.

On l'appelait ainsi à cause des lunettes aviator ne quittaient quasi-jamais ses yeux. De jour comme de nuit, il les portait. C'était à ne rien y comprendre.

- Hé gars ! C'est comment ? m'interpella t-il depuis le coin obscur où il s'était retranché.

J'allais vers lui et le saluai:

- Ah c'est comme tu vois, on est la. Mais pourquoi tu es dans le noir comme ça ?

- Gars, je repère ! On t'a dis qu'on va danser avec les gos au hasard ? Il faut savoir si elles sont seules ou accompagné.

- Ok si elles sont avec leur gars tu ne les approche pas, mais si elles sont entre copines c'est feu à volonté, c'est ça?

Il me dévisagea comme s'il avait vu un extra terrestre.

- Quoi ? Pourquoi tu me regardes comme ça ?

- Gars toi tu sors d'où avec tes fausses techniques d'approche la ?

- Rho !

- Non, je comprend pourquoi tu es toujours seul depuis la. Viens, je vais te donner un court rapide. Tu vois le groupe de filles la ?

- Quoi les deux blanches, la métisse et les deux noires la ?

- Oui, bon moi c'est la petite métisse la qui m'intéresse mais je ne vais pas aller directement vers elle sinon elle va faire « sa métisse ».... Mais pourquoi je parle même beaucoup? Regarde seulement.

Il se dirigea vers le groupe et commença à faire le pitre. Certaines souriaient et d'autres riaient déjà aux éclats. Il réussi à convaincre une des filles blanches de le suivre. Une fois sur la piste, il l'a tua en la faisant tourner dans tous les sens. Je perdis mon sourire en réalisant que je ne pourrais jamais faire ça moi !

A la fin de la chanson, il la raccompagna et invita une fille noir à danser. Cette dernier déclina son offre, ce qui lui permis de se retourner vers la métisse qui dansait assise depuis un moment et après quelques minutes de négociation, cette dernière accepta. Il avait réussi son coup. En passant devant moi, il me fit un clin d'œil en me mimant un « A toi de jouer ».

A moi de jouer, a moi de jouer... facile à dire.

Le DJ venait de changer de rythme et mis un zouk qui me foutu le moral dans les chaussettes...

J'avais l'impression que les paroles avaient été écrites pour moi...

'' J 'ai perdu mon âme-sœur

elle s'en est allée sans même se retourner

Tout c'que j'ai sur le cœur

Je suis condamné a le garder

N'ai-je pas été a la hauteur ?

N'ai-je pas été celui qui savait t'écouter ?

N'ai-je pas droit au bonheur ? ''

Le Pilote qui venait de choper une troisième fille, me donna une tape à l'épaule pour me sortir de ma rêverie.

« A l'attaque gars! La soirée ne va pas durer éternellement ! »

Il avait raison, il fallait que je passe à autre chose. Je décidai d'aller au bar me prendre un truc fort pour me donner du courage. Le barman venait de me servir un long island que je regardais longuement comme pour prendre mon élan, quand une voix s'éleva dans mon dos :

« Un sex on the beach, s'il te plait ! »

Je me retournais et la vis...

MOKONZI