***Elikem Perla Xena Akueson***

Une fois mes versets lu j’ai fermé mon nouveau testament ainsi que mes yeux pour prier. Puis j’ai changé d’avis et je me suis mis à genoux pour que ça soit plus efficace. Romelio a dit que la position ne change rien mais j’ai vraiment besoin qu’elle marche ma prière donc je fais comme les gens sur Emmanuel TV, la chaîne que maman regarde chaque Dimanche. 

Je finis quand j’entends du mouvement dans la chambre et qu’on glousse derrière.

Elikem: Dieu n’a pas laissé toutes tes dents à 85 ans pour que tu ris de moi grand-maman 

Gisèle: la kiki des Kiki tu as raison hein, Dieu même a dit de mettre aux genoux pour qu’il envoie sur la tête donc tu fais bien. Le probatoire se trouve là-bas 

Elikem: C’est dans l’évangile selon Zizèle qu’on a écrit la partie là? 

Gisèle: tu n’as même pas quitté les genoux que tu blasphèmes déjà hein? Après tu vas te demander pourquoi tu as écrit sept pages pour avoir 7/20 en Philo 

Elikem: Tchip! 15/20 ou rien je t’ai dit! 

Gisèle: HaaaaaaMaaiiiiineeeeee!!! Bon ferme ma lumière 

Elikem: je reste dormir ici, c’est ta punition

Gisèle: voilà les enfants d’aujourd’hui. C’est toi qui vient dans ma chambre et tu veux me punir 

Elikem: quand on se moque il faut être prête à supporter les retombées

Gisèle: pardon économise les longues phrases pour donner demain à l’examen et puis éteint ma lumière avant de venir te coucher hein 

Je fais comme tel et fonce dans son lit jusqu’à recouvrir ma tête de la couverture. Son lit est plus dur que le mien mais c’est le deuxième endroit le plus confortable de la maison. Le premier c’est le lit des parents mais on ne me prendra jamais là-bas. Pas après les rêves maléfiques et le mauvais esprit contre lequel je prie tous les soirs contrairement à ce que croit grand-maman. Romelio dit que j’exagère mais comment qualifier des rêves dans lesquels papa et moi sommes dans des positions honteuses? Et le pire je me lève toujours dans un état bizarre. La première fois que c’est arrivé, j’ai définitivement mis ça sur le compte du film X que les gars regardaient au bahut. C’était l’année passée et j’étais dans une classe vraiment pourrie. On ne compte plus les renvois. Les condoms utilisés qu’on retrouvait le lundi matin par terre. On avait toujours à dire sur cette seconde là. C’est ma voisine de banc qui avait reçu le porno en question, venant d’un dragueur. Quand je dis que notre génération est désespérante et je ne vais jamais me marier, maman rigole mais elle ne comprend pas. Qui drague une fille en lui envoyant du porno? En tout cas c’est deux ou trois jours après ça je pense que j’ai fait mon premier rêve maléfique. Papa et moi avions fait un saut à la piscine de Sarakawa après notre séance habituelle au tennis. Sauf que dans l’eau il s’est approché pour me soulever et j’ai senti son souffle dans mon cou. Il m’a enlacé les reins avant de me dire que je suis trop belle et qu’il n’arrive pas à m‘ôter de son esprit.  Mes lèvres n’arrivaient pas à sortir un mot. Et le pire c’est qu’en moi un truc palpitait et attendait la suite. Il a détaché sa tête de mon cou et tandis qu’il me fixait, sa main palpait mon sein presque inexistant. Il me demandait si j’aimais ça, et j’en voulais  plus. J’ignore ce qui se serait passer si Aïdara ne m’avait pas réveillé. Elle m’a même dit que je lui racontais une histoire. Je me suis sentie tellement sale et confuse à mon réveil quand j’ai vu l’état de mes dessous. Après les avoir changé, j’ai simplement confirmé la version qu’Aï avait déjà dans sa tête et je lui ai concocté une petite histoire romantique pour qu’elle puisse bien y croire. Je pensais l’incident derrière moi et enfoui dans un coin à ne plus jamais ouvrir sauf que les rêves sont revenus. Dans d’autres endroits. Jamais on ne va plus loin que les attouchements mais j’arrête pas d’avoir de frissonner au réveil. Ensuite je me sens sale et j’ai peur de papa. Puis les palpitations ont commencé dans la vie réelle. Je veux dire quand je suis réveillée. Je me perdais des fois dans les conversations à fixer les lèvres de papa. Quand il me faisait un compliment, je me sentais toute bête, comme s’il venait de me valider. Moi qui ne me soucie pas tant de mon apparence physique, je me retrouvais à penser indirectement à ce qu’il penserait si je portais un truc qu’il aimait. La goute de trop c’est lorsque j’ai pleuré juste parce que maman m’a dit en blague de quitter sa place auprès de son mari quand on était à une fête. C’était juste une blague. Mon cerveau sait très bien. Mais les voir rire, se chuchoter des choses dans l’oreille et papa glisser sa main sur son derrière après avoir vérifié qu’on ne les regardait pas, c’était trop troublant. Une haine sans nom pour Les deux a envahi ma tête sans prévenir. J’ai pleuré sans pouvoir me retenir quand on rentrait. Heureusement Mally avait par mégarde déposé sa chaise sur mon pied quand il sortait de table. J’ai laissé Aï répondre à ma place quand on m’a surpris. Mais j’ai refusé les bras de papa quand il a essayé de voir mon pied. Je n’ai accepté que maman à qui j’ai trouvé une raison stupide pour justifier le refus avec papa. C’est depuis le jour là que je fuis papa. Personne ne sait combien notre complicité me manque. Mais je ne peux pas supporter d’être proche de lui et peut-être faire une connerie. Je ne peux pas supporter qu’il me voit comme une folle dérangée et pas sa Xena. Romelio est le seul à qui j’en ai parlé et il me l’a fait limite regretter avec sa bourde de la dernière fois. Lui seul parce qu’il ne me jugera jamais je le sais. Je ne peux pas le décevoir lui parce qu’il s’en fout de moi en tant que fille. Je ne suis que son amie. C’est pas comme papa Eli et puis y’a maman. Je ne peux pas lui dire un truc sale comme ça. Surtout qu’il s’agit de son mari et tout le monde sait combien maman est très jalouse quand il s’agit de papa Eli. Grand-maman m’a raconté des histoires de dingue sur ça. Maman garde son homme comme un précieux trésor donc mes bêtises n’ont rien à foutre dans cette maison. C’est Romelio qui m’a conseillé la prière parce qu’il se connaît mieux dans ce domaine. Mes parents sont chrétiens aussi mais je n’étais pas sérieuse avec les cours de catéchisme, puis on a cessé d’aller à l’église catholique quand maman a découvert Emmanuel TV. Tous les dimanches elle et papa sont devant et ils sont persuadés qu’en emmenant Aïdara chez le propriétaire de cette chaîne, elle sera miraculeusement guérie. J’en ai ri la première fois que je l’entendais le dire à ma sœur. Ma réaction l’a tellement blessé qu’elle est venue me voir en chambre la nuit pour me faire un sermon près de deux heures sur comment on doit se soutenir en famille et la guérison de ma sœur ne dépend que de nous. Je n’étais pas fière de moi donc je me suis excusée et j’écoute juste ce qu’elle dit sur ce sujet désormais même si je ne sais pas comment un miracle va changer une fille atteinte de trouble du déficit de l’attention avec hyperactivité en plus des problèmes d’élocution dont elle souffre. Genre un éclair fend le ciel et Aïdara va se mettre à parler normalement,  ne plus avoir besoin de ses prothèses auditives, et obéir aux consignes sans se rebeller, rouler par terre, chanter ou danser? Ça me semble tiré par les cheveux. Surtout qu’il faudrait déjà qu’elle accepte d’entrer dans un avion pour aller au Nigeria avec les parents, chose qui est impossible parce que depuis qu’elle a cinq ans elle ne peut pas rester assise pendant plus d’une heure. Si on essaie de la forcer ce sont les larmes et cris assurés. Elle panique et s’essouffle un peu comme si elle se sentait en danger. En l’absence de ses médicaments elle ne pourrait pas tenir une journée normale en classe mais comme son neuropsychologue a déconseillé la prise quotidienne des médicaments, on a pas encore trouvé de moyens efficaces pour la rassurer en ce qui concerne les avions. Papa Eli a refusé catégoriquement les sédatifs tant qu’elle n’est pas ado. Je parlais de moi et comment j’ai débarqué sur la petite peste déjà? Oui je l’ai traité de petite peste. Quelle petite n’a pas encore trois ans mais gifle sa grande sœur tout ça parce qu’elle a monté sa culotte jusqu’en haut de son ventre et j’ai descendu en lui disant qu’on ne fait pas comme ça? Le pire je ne lui ai jamais rendu. Le choc étant trop. C’est venu me trouver sans prévenir que kpan! Grand-maman n’aurait pas crié Hey Aï tu as fait quoi ça que j’aurais cru être dans le rêve. Je lui compte ça, elle sait très bien. Le jour où je vais lui rendre je ne veux même pas voir ou entendre quelque chose. Bref Romelio m’avait donné deux solutions quand je lui ai exposé brièvement le souci. Me trouver un copain sous prétexte que c’est mon corps qui m’envoie le signal qu’il est prêt et mon cerveau l’aurait normalement pris lui au lieu de papa Eli mais comme je le hais, il a choisi voilà l’homme que j’admire le plus dans ma vie, sa théorie, Je précise! En même temps faut se demander pourquoi j’attendais quelque chose d’intelligent d’un type qui un beau matin sans même me dire bonjour m’a raconté avec beaucoup de fierté sa première perte nocturne. Le gars se croyait trop homme. Je quittais et il me suivait pour me raconter tout ce qu’il entreprend tenter dans le domaine sexuel quand il sera prêt. L’amitié avec ce gars c’est vraiment bizarre. 

Sinon sa deuxième option c’était la prière. J’ai donc opté pour la prière parce qu’hors de question qu’un de ses vauriens à l’école pose le doigt sur moi. J’ai........

Une sale odeur sortant de nulle part m’a brutalement réveillé. J’ouvre les yeux et c’est Mally qui est dans le lit à mes côtés. Son pied recouvert de sa chaussette dégueulasse sans laquelle il ne dort jamais est juste à côté de mon visage. Je le frappe au passage mais comme il dort comme un bois mort, il roule seulement et s’en va même en tirant la fine couverture sur moi. 

Je veux me refaire un deuxième tour mais le tambour matinal composé de maman, Aï et grand maman entre tour à tour dans la chambre. Tout le monde parle. Je ne peux même plus dormir. 

Aï: tsu a bian darmi? 

Belle: c’est pas le moment mon amour. Ta sœur doit se préparer. Allez perla on se lève 

Gisèle: Et tu laves les assiettes avant de partir hein, c’est ton tour. 

Aï: ho on lave quand c’est le proba? 

Gisèle: le proba c’est la dispense ma fille? Une femme doit savoir jongler. Elle sera maman et maîtresse de maison un jour.

Je grogne en me levant tandis qu’elles me suivent à la queue leu leu on croirait que je leur dois quelque chose. Je peux essayer de ne pas laver si ça me chante mais je n’aurais pas d’argent de poche simplement. Ce sont Belle et Eli les parents de cette maison mais on sent souvent l’influence de zizèle Mally avec son long cuir dent qu’elle mâchouille et me sourit grandement quand elle voit ma mine renfrognée.  

Je finis la vaisselle qui heureusement n’était pas grande puis file sous la douche. J’enfile mon uniforme, prends mon sac dans lequel j’avais déjà tout rangé puis je sors. Papa est là, prêt aussi. 

Belle: tu as ta carte d’identité perla? 

Elikem: tout est dans mon sac 

Belle: fais voir 

Elikem: je te dis que c’est dedans. Je ne mens pas quand même 

Belle: On ne sait jamais avec vous. 

Elle agrippe mon bras sans me demander et me tire pour fouiner dans mon sac. Tout ce qui m’agace. 

Elikem: maman arrête je vais être en retard!  

Belle: tu....

Eli: ça suffit Bijou. 

Belle: chéri c’était pas comme ça qu’elle avait oublié sa trousse ici durant son BEPC et elle t’a appelé en larmes? 

Eli: Elle a dit qu’elle l’a alors on l’écoute. Dit-il en me retirant de l’étreinte de maman. En plus, tu vas froisser la tenue de notre future bachelière. Tenue qu’elle a pris beaucoup de temps à repasser hier avant de se coucher. Et c’est inacceptable pour une gagnante comme elle de se présenter au premier jour des épreuves avec une tenue froissée, n’est ce pas ma guerrière? 

Tout ça il le disait en réajustant ma tenue sur moi. Je sais pas pourquoi il est comme ça. Pourquoi revenir vers moi et être si tendre en dépit de ce que je fais? Heureusement maman s’avance pour un câlin donc il se met sur le côté.

Belle: tu lis à tête reposée le sujet. Tu notes tes idées sur un brouillon avant de commencer d’accord 

Elikem: oui maman 

Belle: sois sereine, Dieu fera le reste. Je t’aime 

Je la serre en guise de réponse. Puis c’est le tour d’Aïdara. 

Aï: bonne chsance. Elle dit simplement en me serrant la taille avant de poser sa tête sur mon ventre 

Elikem: merci ma peste 

Gisèle: C’est déjà sur les genoux hein kiki. Dieu va mettre sur la tête mais ne prend pas tous les intercalaires pardon. Faut penser aux autres 

Elikem: lol foutaises! Merci quand même 

Eli: allez on y va 

Belle: Mally lui est où dans cette maison? On ne peut pas le trouver dans ses moments? 

Aï: il dort hencore maman

Elle hurle son nom pourtant on sort déjà avec papa. Finalement le bougre sort avec ses chaussettes à son pied tout en se grattant le ventre.

Mally: bon fais bien là-bas hein. J’ai des plans de vacances moi 

Belle: Tchippp!!!!! Toi tu es comment? elle dit tout en essayant de lui tirer les oreilles mais il a déjà esquivé avec l’agilité de quelqu’un qui a bu cinq red bull. Aïdara et grand maman rigolaient. Papa et moi aussi au loin. Belle et Mally c’est comment dire? Une longue histoire à suivre simplement. Quand maman est dépassée elle se retourne simplement vers papa et lui dit “il était ton idée!” Et mon papa lui fait un immense sourire moqueur sans rien dire. Je secoue la tête pour sortir de mon esprit les belles images de papa entrain de sourire. 

En cours de route mon père biologique qui m’a d’ailleurs interdit de donner du papa à Eli, m’appelle. J’en ai parlé à papa et grand maman mais pas maman parce que j’ai déjà expliqué non? Elle aurait fait un scandale et comme mon père biologique est le maître des scandales on allait pas voir la fin de l’histoire. Donc papa Eli a dit son habituel, lui s’en fout de tout anyway. Il m’a toujours répété que c’est notre relation le plus important pour lui. Grand maman en grande chercheuse de querelle a dit de donner le titre de premier père de Paris à Antoine comme ça il aurait sa place unique. Pour trancher j’ai opté pour The papounet. Tu sens la joie chez lui quand je l’appelle comme ça. Les oreilles sont tranquilles, tout le monde est content. 

Comme d’habitude il répond avec tout le côté dramatique qui le caractérise. Ce que je donnerais moi pour assister à un procès dans lequel il intervient. 

Antoine: allô ma merveille? 

Elikem: mon papounet. Ça va? 

Antoine: non Perla! Tu peux m’expliquer le pourquoi tu ne m’as pas appelé à ton réveil? Je te signale qu’en un jour si important comme celui-ci tu as besoin des mots de ton père pour être prête! 

Elikem: heu je devais faire mes tâches ménagères et....

Antoine: pardon? Tâches ménagères tu as dit? 

Elikem: non non j’ai rien dit. Je rajoute en vitesse quand je me rends compte de la gaffe que j’ai fait en disant ça 

Antoine: j’espère que tu ne me caches rien de ce qui se passe là-bas mon sucre d’orge! Il est inconcevable et totalement rocambolesque qu’on te fasse faire des tâches ménagères quand tu es en classe d’examen et de surcroît j’ai les moyens pour t’acheter un lave vaisselle! 

Elikem: d’accord. Umm, tout le monde va bien sinon? Aurore et tata? 

Antoine: on ne va jamais bien quand tu n’es pas avec nous. Aurore parlait encore de toi à ses amies de classe hier qui sont passées la visiter à la maison. Elle a hâte de te voir 

Elikem: moi aussi j’ai hâte. 

Antoine: bien sûr que tu as hâte. Je sais qu’on te manque et c’est réciproque mon ange mais ne sois pas trop triste. Ici on a une surprise pour toi. Mais avant je veux que tu montres à ses gens aux proba ce que valent les Akueson, tu m’entends! J’ai fini premier de ma promotion, pareil pour ta tante Ciara. Tu as en toi les gènes nécessaires pour porter ce nom loin. 

Elikem: je vais essayer 

Antoine: Non Perla! Ce sont les phrases des perdants ça. Les Akueson n’essaient pas....

Et c’est parti. Pendant qu’il me sortait le discours de motivation je me rappelais de la première fois que j’ai rencontré Antoine le comédien Akueson. Merci à grand maman parce qu’avant ça je le voyais  juste comme un papa aimant mais pas habitué aux choses du pays parce qu’il se promenait toujours avec une serviette au cou quand il rentrait et pour un rien il pétait les plombs. Pas contre moi mais la pluie, le beau temps, les arbres bref tout à Lomé. Son attitude était tout le contraire de ce à quoi j’étais habituée à avec ma petite famille du pays. 

Donc la première fois c’était à mes treize ans. L’année là j’avais réussi à convaincre The papounet d’inclure grand maman dans le voyage parce qu’elle avait eu une sale année sur le plan de la santé suite à une chute dans les escaliers. Il a accepté et on était hyper contentes. On débarque à Charles de Gaule mais papa n’est pas au terminal indiqué. Au lieu que Zizèle m’écoute et attende patiemment avec moi c’est elle qui me disait oh viens on va ici. Ah y’a les boutiques bla-bla-bla. Elle n’a pas écouté et elle est partie. Mais comme je la connais comme ça, et peut-être la naïveté enfantine faisant je n’ai pas trop paniqué, me disant qu’elle retrouverait le chemin du retour vu comment elle se retrouve facilement au grand marché de Lomé en dépit de son âge. 

Une quinzaine de minutes après son départ, The papounet débarque et faut pas voir la crise de nerfs qu’il me fait quand je lui dis que grand maman est partie faire un tour. Il porte la main à son front. Je demande si ça..., il ne me laisse pas finir, brandit son téléphone et je sais déjà que c’est maman qui va en prendre pour son grade. Il a seulement commencé avec “ta mère est où Belle?” Je sais pas ce que maman a dit mais la réponse suivante c’était, “mais elle connaît pas Paris!” Dit avec un air hautement outré. En fait ce n’est pas la phrase même qui m’a tué mais le geste de la main qui quittait son cœur pour que le bras fasse un demi cercle, et la poitrine qui ressort genre comme si maman était en face de lui et il l’a questionnait. Je jure maman je sais pas comment j’ai fait pour ne pas éclater de rire hein. Grand maman revenait avec ses sacs de course quand papa finissait sa crise au téléphone. Je pense j’ai éclaté de rire quand elle l’a salué sans stress avant de me dire que maman et moi on la négligeait mais fallait voir comment elle a bien utilisé la carte de crédit dans la boutique. Papa était tellement sonné que durant le trajet il n’a pas arrêté de répéter tout seul, j’en reviens pas. Je ne sais pas ce qui s’est dit entre maman et grand maman quand elles se sont parlées au téléphone à notre arrivée chez les Akueson. Quoiqu’il en soit zizèle me montrait fièrement ses achats le soir là au lieu qu’on dorme. La vieille avait pris tout son temps dans les boutiques pour parfumer les petits cartons et me dérangeait de l’aider à choisir ce qui est mieux. La première et unique fois de ma vie que j’ai ri jusqu’à ne pas pouvoir dormir. Même aurore refusait de retourner à son lit tellement la pauvre croyait que grand maman avait encore une autre histoire à raconter. 

Antoine: Perla je te parle? Allô? Foutue connexion du bled. Des années et jamais ils ne...

Elikem: je suis là papounet. On est proche du centre. Je vais devoir te laisser 

Antoine: ah ok. Bon on reste zen et confiant. Tu l’as déjà ton diplôme. Reste juste à concrétiser. Et la beetle jaune te rejoindra cet été sans faute. Pas vrai Mon amour qu’on est allé chez Volkswagen avant hier? 

Lou: Oui ma puce. On y est allé et ton papa a déjà discuté des modalités de paiement avec le concessionnaire. Bonne chance pour les examens. On a confiance en toi 

Elikem: merci, je dis amusée 

Antoine: bon on ne te retient pas davantage. Je te fais de grosses bises et on t’aime très fort. Ce soir on t’appelle.

Elikem: d’accord. Bisous aussi et bonjour à Aurore. 

Antoine: sans faute. Elle n’est pas encore réveillée. Tu sais comment sont les va...

Lou: chéri enfin tu as dit que tu ne la retenais plus.

Antoine: (rires), tu entends tata Lou me faire la morale? Il semble que je sois devenu une pie dernièrement 

Elikem: lol toi? Jamais 

Antoine: je sens ton ironie à plein nez, attention 

Je rigole et il me dit enfin au revoir quand papa gare devant le centre. 

Elikem: figure toi que ma beetle est toujours dans la discussion mais personne ne se rend compte que je n’ai pas le permis 

Eli: (rires) tu as définitivement envie qu’on te refasse le discours sur l’ambition hein 

Elikem: lol mais je m’excuse de ne pas être assez ambitieuse oh sinon sur quelles routes je vais conduire une voiture basse comme la beetle en question? Notre Lomé là comme ça? 

Eli: en plus ton manque d’ambition s’étend au territoire togolais. Je vais définitivement le dire au papounet. Tu as besoin d’une remise à niveau 

Elikem: kieeeeee mes oreilles, pitié 

Eli: (rires), tu vas gérer avec le père de l’ambition. Et je te rappelle que y’a des comme Mally qui réclament depuis la place où on doit déposer la candidature pour avoir un papounet qui envoie les beetle aussi 

Elikem: ton fils là je sais pas comment il est sorti sans rien prendre de ton caractère, je dis moqueuse 

Eli: laissez mon garçon son potentiel reste à exploiter, il réplique avec humour 

Je pouffe de rire et frappe son bras avant de me rendre compte qu’on avait repris les vieilles habitudes. Je n’avais pas le temps de réagir qu’il était déjà à ma porte et m’ouvrait.

Elikem: c’est embarrassant papa. On est au pays, je dis en descendant bien gênée 

Eli: donc au pays la galanterie est prohibée? Il demande sur un ton rieur 

Elikem: c’est pour les maris et femmes ça pardon. 

Eli: erreur. C’est pour les hommes et femmes. C’est le rôle d’un père de montrer le standard à sa fille. 

Elikem: ouais bon, c’est pas la peine hein. C’est pas comme si je m’intéressais aux hommes et vice versa 

Eli: toi peut-être. Le versa permet moi d’en douter. Et ce n’est pas le moment pour cette discussion. Pour l’heure, je vais juste t’accompagner à ton centre, attendre que tu trouves ta salle et te voir entrer en conquérante.

Comme il a dit, il m’a pris la main et nous sommes entrés dans l’établissement. Faut voir comment je fais minus à côté de lui. Moi j’ai hérité de la taille de grand maman. Papa lui est juste the man quoi. Jambes fuselées. Corps sec. Cheveux légèrement grisonnants de part et d’autre. Une légère barbe. Le genre qui donne un air distingué. Et surtout cette assurance quand il marche. Les gens s’écartent pour nous laisser passer. Quarante-sept ans de self control qui m’apaisent quelque soit la situation. Même quand je fouinais pour trouver ma carte et qu’elle n’était nulle part, je me sentais tranquille parce qu’il était à côté. J’ai finalement trouvé la carte. Il a pris ma main qu’il a porté à ses lèvres, sans un mot. Je n’en avais même pas besoin. Je me suis retournée prête à courir le sprint si on donnait le signal maintenant. Heureusement Romelio m’est tombé dessus pour casser la magie néfaste. Ya que moi pour commencer ma vie de femme en m’entichant d’un homme inaccessible! Faut même pas que le sujet de philo tourne dans ce genre de thématiques. Je vais tout tuer. 

***Farida Adamou***

Comme Ida aura bientôt neuf ans, Tao et moi l’emmenons doucement à participer aux prières. Ce n’est pas évident avec les enfants je m’en rends compte. J’aurai eu de la pratique si Allah nous avait fait grâce et......Non je viens juste de finir ma prière. Ce n’est pas bien de commencer la journée avec des lamentations. Au contraire. Je continue à prier justement pour que Laith soit en santé et protégé là où il se trouve. Je me suis résignée à l’idée qu’on ne le retrouvera plus. Aujourd’hui mon mari n’a plus autant d’influence. Son père n’est plus. Pareil pour maman. Il n’y a que maman nafi mais elle est vit en Australie avec ses filles. Quelques beaux frères continuent à nous aider au pays, mais être le fils d’un ex colonel ce n’est pas la même chose qu’un colonel actuel. Surtout quand il y’a eu changement de régime et l’ancien sous lequel papa était est à l’opposé du régime actuel. On a plus les mêmes relations. Mais je sais que Tao n’a pas arrêté. On en parle plus autant parce qu’on ne sait plus quoi se dire avec le temps. Mais je connais mon mari. Je sais que jamais il n’abandonnera. Il veut juste en reparler quand il aura une bonne nouvelle à m’annoncer. De mon côté je fais ce que je peux aussi. Mon site de vente je l’ai nommé LaithAdamou.fr dédié à lui. Je ne me voyais pas prendre cette voie jadis mais aujourd’hui je ne pourrais plus être psychologue et encore moins sexologue. Même sortir de chez nous me demande un grand effort. Si je n’avais pas Ida je ne sais pas si j’y serais arrivée mais comme elle est là et nous avons promis de lui donner une belle vie, Tao et moi on se bat.

Je m’apprête et finis d’habiller ma princesse pour notre sortie. Nous allons rejoindre Tao pour déjeuner ensemble. 

Ida est tout notre contraire. On essaie tant bien que mal de la protéger mais elle aime tellement sortir. À notre arrivée j’écris à Tao et il répond qu’il descend. Ida descend déjà la vitre dès qu’elle le voit sortir de son immeuble. Toutes les fois que je vois mon homme je m’émeus. J’aurais perdu la tête s’il ne m’avait pas juré sans arrêt pendant quatre ans qu’il me ramènerait notre fils. Si je ne l’avais pas vu prier, pleurer, se jeter dans les démarches administratives pour relancer Interpol, j’aurais flanché. Il entre dans la voiture et sa fille démarre le bavardage.

Ida: papa tu es en retard. Tu avais dit qu’on allait manger à 11h45.

Tao: il est 11h40 mon coeur. 

Ida: c’est pas vrai il est 45euhhh sur le téléphone de maman, elle chantonne derrière avec mon téléphone qu’elle brandit comme une arme 

Tao: sur la montre de papa il est 40. On fait un deal. On se dit 42? 

Ida: et on va faire une promenade aux magasins après aussi 

Farida: tout ça pour les magasins? On y était la semaine passée non? 

Ida: c’est la semaine passée. Aujourd’hui c’est la nouvelle semaine en plus je vais acheter les cadeaux pour Macy, Aïdara, Snam et....

Elle comptait joyeusement les noms tout en montrant ses doigts. Elle est aux anges depuis qu’on lui annoncé notre prochaine visite au pays. Les Adamou vont célébrer les cinq ans de décès du Colonel. Je ne peux pas me défiler en tant qu’épouse. Et j’avoue que mes amis me manquent même si je ne sais pas comment je vais me sentir en foulant le sol de ce pays où j’ai laissé tant de souvenirs douloureux. Je reviens à la conversation de mes deux voisins dans la voiture quand ils semblent être arrivés à un accord. Après le déjeuner on passera par les terrasses du port. 

Farida: tu as dit des cadeaux pour les amis. On ne va pas arriver là-bas et tu vas te mettre à soulever les collants avec des paillettes ou cœurs dorés Ida. Je me suis fait comprendre? Je demande en la regardant grâce au rétroviseur intérieur. 

Ida: Oui, elle dit faiblement et souffle papa par la suite. 

Ce dernier se tourne et lui fait un clin d’œil. Elle glousse et je sais déjà que c’est perdu. Quelqu’un va m’expliquer pourquoi mon mari pense qu’une petite fille d’à peine neuf ans a besoin d’autant de collants? Et quand je lui explique on dirait que c’est moi la folle. 

***Romelio Tchaa Bemba***

Troisième jour du proba et je me suis rappelé que mon oncle m’a demandé d’aller jeter un coup d’œil chez la petite ingrate là. Faut qu’on m’explique si les maters nous font pour qu’on deviennent les coursiers. Tu lui dis maintenant elle va te réciter la liste exhaustive des choses qu’elle fait pour toi depuis que tu es dans le ventre. Comme je n’ai pas de frère à part Arthur et il ne vit pas avec nous je ne peux même pas ordonner quelqu’un d’autre quand maman commence. Arthur en passant c’est un garçon dont maman s’est entiché durant les croisades d’évangélisation organisées par l’église de papa. Il vit à Aneho et je le considère comme mon frère parce que le projet c’était qu’il se fasse adopter mais sa tante a refusé. Papa et maman s’occupent de lui financièrement il y’a trois ans par contre. Maman dit qu’il lui a rappelé tonton Magnim dans son attitude. Très studieux mais pas de moyens et elle trouvait qu’il était trop délaissé à son goût. Quand sa grand mère le permet, il vient de temps en temps chez nous. Depuis je l’ai pris comme un frère aussi. C’est un chic petit. Toujours prêt quand je lui dessine un plan, on ne croirait pas qu’on a quatre ans d’écart. 

Bref maman a demandé que je lui ramène des mèches parce que madame a changé d’avis. Ce qu’elle a emmené au salon ne lui plaît plus. Les femmes vont me tuer. Faut voir comment elle me gueulait les indications au téléphone même. Que d’aller dans le fond de la chambre, à côté de la boîte de chaussure noire, derrière le sac du marché, à 180 degrés du petit balai. En tout cas on m’a traité de tout les noms avant que je ne trouve ses fameuses mèches. Je prends mon vélo et me rends au salon selon ses indications. Je pose mon vélo et qui je vois arriver. 

Elio: attend tu es née avec un poids sur la tête ou quoi? Je demande à Jennifer qui arrivait cette fois un grand sceau sur sa tête 

Jen: haaa faut bouger j’ai pas le temps! Elle crie 

Elio: eh pardon, fais doucement avec moi. Je dis en m’effaçant de son chemin 

Elle entre dans une maison à côté du salon ce que je trouve intriguant. J’entre dans le salon en question.

Hana: c’est pas trop tôt! 

Elio: merci c’est pour les humains non? Où je ne suis pas considéré à ce niveau? 

Hana: va donne le sachet à la dame au lieu de bavarder! Viens! 

Elio: l’âge de la confusion est déjà arrivé Essohana Bemba? C’est triste 

Elle frappe ma main avant de la prendre pour que je m’approche d’elle. 

Hana: ça s’est bien passé aujourd’hui? 

Elio: neti-neti, je réponds dans mon petit lingala. Des fois je suis là et je me rappelle que je suis quand même congolais de père hein. 

Hana: mais comment? Ou ça c’est bien passé ou ça ne s’est pas bien passé. 

Elio: tu es pressée pourquoi? Le bulletin va arriver à la maison on verra tous. Faut pratiquer....ho.....les fruits de....ho l’esprit....la patience, je rajoute en esquivant les coups tandis que les coiffeuses rigolaient et m’appréciaient 

Elle même Hana m’aime hein mais elle préfère se plaindre que voilà comment je ne la respecte jamais à la maison. Entre temps j’avais réussi à me défiler. Elle me vendait trop là-bas. J’avais regagné la maison d’à côté par une porte qui la connectait au salon. Jennifer était là courbée sur son sceau, les fesses en haut. Un beau fessier ma foi. Normalement dans un film nigérian, j’aurai soit toussé, ou fait le con et tapoté son derrière. Mais je ne suis pas ce genre de con. 

Elio: l’ingrate. 

Elle se relève, me regarde et fronce le visage 

Jen: tu fais quoi dans la maison des gens? 

Elio: toi même tu fais quoi ici? Ce n’est pas la maison qu’on m’a désigné comme étant la tienne 

Jen: tu aimes trop les racontars pour un garçon 

Elio: c’est la réponse à ma question ça? 

Jen: tu es qui pour que je te réponde d’abord? 

Elio: attend quand je serais quelqu’un dans ce pays tu vas voir. Je vais te clouer le bec avec 

Jen: tchrr pardon j’ai à faire, dit-elle avant de se pencher sur son sceau 

Elio: au lieu de me demander mon numéro comme toutes les filles tu préfères secouer les fesses devant moi. Les filles d’aujourd’hui vraiment chuan! (Traduisant la déception) aucune décence 

Jen: Non mais Ho! Elle dit en se redressant et prend même un peu d’eau pour m’envoyer mais je n’ai pas esquivé les choses d’Hana pour qu’une débutante comme elle arrive à m’avoir 

Elio: c’est bon hein. Y’a l’eau chez moi. Je vais me laver. Pas la peine de te fatiguer Et là l’inattendu se produit. Ses lèvres s’étirent mais on voit bien qu’elle lutte et elle pousse même un buron. Je ne rate pas les fossettes parfaitement creusées sur les deux joues. La faiblesse de l’humain. Ça c’est encore quelle tentation envers la créature de sang et chair que je suis? Je décide donc de changer de sujet pour fuir la tentation. J’ai Océane déjà avec qui je n’ai pas encore eu de vraie discussion bien qu’on se soit croisé durant les épreuves.  sinon tu es bien, je reprends. Ça ne te dit pas de faire un truc pour toi durant ses vacances? Genre te reposer tu sais? 

Jen: qui a dit que je suis en vacances? 

Elio: tu n’as pas seize ans? 

Jen: ouais donc? 

Elio: à seize ans on va à l’école en général. Oh. Je fais une pause et me rend compte de ma connerie. Tout le monde n’a pas les moyens pour ça. Le voile de tristesse que je lis dans son regard me confirme ma connerie. J’allais la rassurer quand elle me devance 

Jen: à quoi ça sert l’école pour un drepanocytaire SS. D’ici dix-huit ans je vais crever de toute façon. 

Elio: ôte moi d’un doute. Ce truc totalement débile ne vient pas de sortir de la bouche d’une si jolie fille n’est ce pas

Jen: voilà que tu as recommencé. Je ne sais pas pour qui tu te prends mais ta façon de me parler j’aime pas du tout! D’ailleurs tu es dans la maison des gens et je travaille! Va faire joujou ailleurs! 

Elio: mais je m’en fous que tu aimes ma façon d’être Jennifer. Je m’en fous de ce que tu penses quand tu me sors des conneries pareilles. Je ne sais pas qui t’a dit que les drepanocytaires SS ne vivent pas passé dix-huit ans mais si dans ta famille ce n’est pas le cas, considère que tu seras la première à dépasser et même fêter quarante ans. 

Jen: lol (dérisoire) je te le redemande tu es qui? 

Elio: Tu répondras à cette question toi même un jour. On se voit demain. Je dis puis retourne au salon et demande tout haut, Qui ici connaît Jennifer? 

-Moi. il se passe quelque chose avec elle? La dame qui est sur la tête de maman demande 

Elio: vous savez ce qu’elle fait de l’autre côté là? 

Hana: il se passe quoi fiston? Maman demandé sérieusement parce que je suis on ne peut plus sérieux avec la dame 

Elio: il se passe que Jennifer se promenait encore avec un truc lourd sur sa tête et vient de me dire qu’elle ne va pas dépasser dix-huit ans raison pour laquelle je suppose elle ne va pas à l’école. Tu trouves ça normal toi maman? 

Hana: non. Du calme. Donc madame vous dites connaître Jennifer? Maman demande en la fixant droit dans le miroir 

Je me calme parce que maman a pris le relai. Je m’assois et l’écoute régler la chose avec la qualité qu’il me manque. La diplomatie. Je découvre aussi que la dame est la fameuse tante de Jennifer. Encore mieux. Elle va nous expliquer le comment du pourquoi des âneries que sa nièce m’a dit tout à l’heure.