33. Montagnes russes

Write by SSS

………….dans la peau de Eugenio Da Silva……..

16h00. Plus que deux heures avant le fameux échange entre Yani et Key. J’ai fait venir deux agents de la brigade criminelle à la maison pour préparer psychologiquement et matériellement Yani. Ils lui donne des instructions sur la manière dont elle doit se comporter, ce qu'elle doit dire et tout. Ils lui ont d'ailleurs suggéré un habillement simple et discret. Elle a mis un jean noir et un tee-shirt bleu-nuit des plus ordinaires.

1er agent : N'ayez surtout pas peur, tout va bien se passer. Ne montrez surtout pas de ce que vous ressentez sinon elle va se douter de quelque chose. 

2ème agent : Elle a parlé d'un endroit sans réseau, sans connexion quelconque. Le micro-traceur qu'on a placé sur votre abdomen va nous permettre de vous suivre jusqu’à un certain niveau où nous perdrons tout signalement. Discrètement, des agents de police vont alors commencer les recherches à cet endroit. Ne vous inquiétez pas, on ne vous jette pas dans la gueule du loup.

Yani : Vous êtes sûr qu’elle ne se rendra compte de rien ? Elle est très maligne.

1er agent : C'est pas la première fois qu'on le fait, faites nous confiance. 

Ils discutent encore un peu. Yani a peur, ça se voit. Son cœur doit battre à 1000 à l'heure, je la connais trop. Je viens m'asseoir à côté d'elle dans le fauteuil. Elle me regarde, je la regarde. J’ai tellement envie de la prendre dans mes bras comme avant pour la consoler mais bon, avant c’était avant. Honnêtement je ne veux absolument pas qu'elle risque sa vie ainsi, je tiens trop à elle.

Moi : Ça va ?

Yani : Oui ça va, enfin…. Ça peut aller.

Moi : Je sais que tu as peur, c'est tout à fait normal. Personne ne t'en voudrait si tu renonce tu sais, c'est ton droit. Je tiens beaucoup à elle, mais je tiens aussi à toi.

Yani : Je ne veux pas renoncer. C’est ma petite Keyla qui est concernée et je ferai tout pour la sauver. 

Elle a dit « ma petite Keyla ». Ça me touche beaucoup.

Moi : Merci pour tout ce que tu as fait pour elle bien qu'elle ne soit pas ta fille et pire, que sa mère soit la cause de tes soucis. 

Yani : Keyla n'est pas sa mère, elle mérite de l'amour peu importe ce que Leila a pu nous faire. Et tu n'a pas à me remercier pour ça.

Moi : J’espère sincèrement que notre plan va fonctionner et que ni toi, ni Key …

Yani : Arrête de stresser, tout va bien se passer.

Moi : Hum que puis-je dire ? OK. 

Je lui prend la main et je lui souris. Je nous revois encore il y a quelques années, assis dans le salon de notre maison, sa tête sur ma poitrine, entrain de discuter de notre futur. C’est vrai que tout a changé, mais en aucun cas je ne veux la perdre. Je prie tout les saints de me la ramener intact.

Max entre dans la pièce et remarque immédiatement ma main sur celle de Yani. Il me lance un regard rapide que seuls les hommes peuvent comprendre qui traduit tellement de choses, entre autre : « retire vite tes pattes de ma meuf sinon t'aura un uppercut de luxe dans la face ». Et à moi de lui lancer un très léger sourire genre « Tu as peur ?  ». Je sais, c’est pas du tout le moment mais je n'ai pas pu m'en empêcher. Je me rappelle l'époque où on était encore véritablement amis , où on se donnait de bons taquets. Ça ne sera plus jamais pareil. 

Max : (élevant la voix) Yani chérie ? Viens ici s'il te plaît.

Yani : (à moi) Un instant.

Elle se lève et va vers lui. Ils sortent un instant pour discuter. J’espère qu'il pourra lui apporter le réconfort dont elle a besoin et surtout qu’après cette épreuve, ils se retrouveront et pourront vivre en paix leur histoire car ils le méritent.

Les minutes défilent à une vitesse folle. Nous attendons tous, nerveux et tendus comme des crampes le fameux appel.  Le temps passe tellement vite que ni vu ni connu, il sonne 18h, l'heure fatidique. Comme attendu, le téléphone de la maison sonne presque en même temps. 

1er agent : Mademoiselle Balka c’est à vous de décrocher. Soyez calme surtout, ayez l'air détendu. Les autres, silence radio s'il vous plaît. Mettez-le sur haut parleur.

Yani souffle un bon coup et décroche.

Yani : Allô ?

Leila : (ton ironique) Ma chérie ! Quelle joie de t'entendre à nouveau, c'est un pur régal !

Yani : Leilatou, ma chère amie.

Leila : Alors, tu es prête ? Je suis impatiente de te revoir. Regarde dans ta boîte mail, un compte anonyme t'a envoyé un courrier sans objet et sans nom. Il y a l'adresse où tu dois te rendre pour conclure l'affaire. Comme je te l'ai dit, je veux que tu vienne seule sans aucune arme, que tu évite d'être suivie surtout. Sinon je disparais avec l’enfant et lorsque je ressurgirai, ce sera pour véritablement en finir avec vos têtes.

Pendant qu'elle parle, l'un des agents de police qui avait mis le téléphone sur écoute essaye de localiser la provenance de l'appel mais semble avoir du mal à y arriver. Moi j’ai juste envie de tuer cette folle, d’ailleurs c’est tout ce qu'elle mérite.

Leila : Tu prends un taxi qui t'amène à l'adresse que je t'ai envoyé. Dès que tu descend, tu vas apercevoir une cabine téléphonique MTN. Tu appelle le numéro écrit dans le courrier. Je te dirai quoi faire. Tu as 40min top chrono. À tout à l'heure.

Elle raccroche. Yani prend son téléphone et consulte sa boîte Mail. Elle voit effectivement l’adresse : Église St-Raymond, Quartier Est. Ainsi qu'un numéro de téléphone.

Yani : Je connaît bien cette église, c’est là que Eugenio et moi on s'était mariés. 

2eme agent :  Nous n’avons pas réussi à localiser la provenance de l’appel, elle a brouillé les pistes. Ne perdons pas trop de temps. Allons-y tout de suite. Nous allons vous suivre de près tout en étant discrets. Allez, go go go !

Max prend Yani dans ses bras et l’embrasse tendrement. C'est tellement émouvant, un tel au- revoir. Elle sort avec les agents, nous laissant Max et moi dans le salon. Ils nous ont promis nous tenir au courant au fur et à mesure des opérations mais honnêtement mon esprit ne sera tranquille qu'au moment où Yani et Keyla  franchiront de nouveau le seuil de cette porte, saines et sauves.

Max s'assied dans le fauteuil, le visage entre les mains. Il a vraiment l’air tendu.

Moi : (À lui) Elle va revenir. Ton amour et Dieu la ramèneront.

Lui : Ah….. Je l’espère. Je ne vais pas te mentir, j'ai peur.

Moi : Je te comprend. Mais tu sais, depuis que je suis né, j'ai rarement vu de femmes aussi déterminées qu'elle. Elle est également très chanceuse, Dieu est avec elle. Regarde tout ce que Leila a fait contre elle, mais elle s'en est toujours sortie. Elle va revenir, j'en suis convaincue.

Il me regarde un moment puis contre toute attente, esquisse un léger sourire.

Lui : Merci Eugenio, merci.

Moi : 

Lui : (l'air sérieux)  Mais bas les pattes, c'est ma fiancée à présent donc tu te calme.

Moi : (Sourire) Ne t'en fais pas. Rend la heureuse c’est tout. Et fais gaffe. 

On s'est serré la main comme deux hommes d'affaires. Ah Max, mon ancien meilleur pote et maintenant fiancé de mon ex-femme……

Seigneur Dieu tout puissant, je ne suis qu'un pauvre pécheur mais je vous en prie, ramenez cette femme à ceux qui l'aiment. Cette incertitude va me tuer. Nous avons maintenant les yeux rivés sur le téléphone, attendant un prochain appel qui espérons-le, sera positif.

………..dans la peau de Yani Balka…….

J'ai rarement ressenti autant de peur. Peur que ça foire, peur de ne pas pouvoir ramener Keyla à ses pères, peur d'y rester. Je prie Dieu du plus profond de mon cœur que tout se passe bien ; j’essaie surtout de calmer le tohu bohu qu'il y a en moi et de paraître sereine à l’extérieur. Au fur et à mesure que la voiture avance, mon palpitant monte. Je me sens comme une condamnée qu'on amène vers son exécution.

Le véhicule me dépose devant la fameuse église. Le cœur gros, je descend. La circulation n’est pas très dense à cet endroit, disons même qu'il n'y en presque pas. Ah, pleins de souvenirs me viennent d'un coup en me retrouvant ici. Surtout l’instant où je suis entrée dans cette église vêtue de ma magnifique robe blanche accompagnée de ma mère, m’avançant vers le bel Eugenio. Hum…. Tout ça c’est malheureusement du passé.

Je regarde autour de moi. Effectivement,il y a une cabine téléphonique juste à côté. J'y vais en même temps et je compose le fameux numéro.

Leila : Allô ? C’est toi ma belle ?

Moi : Je suis déjà devant l’église. Que dois-je faire ensuite ? 

Leila : OK. Dans 2secondes un taxi noir viendra te chercher. Monte directement dedans sans faire de mouvement suspect, sans même regarder à droite et à gauche. Si tu  le fais, le chauffeur m'avertira et je disparaîtrai. 

Moi : D’accord. Et après ?

Leila : Après tu verras toi-même.

Elle raccroche. À peine je range le téléphone qu'un taxi noir aux vitres opaques vient garer devant moi. Il a l’air d’un taxi de ville pour personnes aisées. La vitre du chauffeur s'abaisse :

( d’une voix grave et sans même me regarder) Montez Madame, Mademoiselle Maddo vous attend.

J'obtempère immédiatement en espérant que les policiers m'ont vu de loin et qu'ils vont me suivre. Au fur et à mesure que le véhicule avance, j’essaie de poser des questions au chauffeur. 

Moi : Qui êtes-vous ? 

…………..

Moi : Pourquoi vous travaillez pour Leila ? Qu’est-ce qu'elle vous donne ?

…………….

Moi : Est-ce que vous savez au moins pour qui vous travaillez actuellement ?

…………

Moi : OK ne dites rien. Mais sachez que vous aidez une criminelle.

Il reste silencieux, la tête  toujours braquée sur la route, le  visage austère. La peur commence par vraiment me gagner. Les vitres sont vraiment sombres de l’extérieur donc personne ne peut savoir que je suis à l’intérieur. J’espère vraiment que les agents continuent à me suivre.

Moi : Dites moi au moins où vous m'amenez.

Arrêtez de parler.

Moi : Vous n'allez pas me tuer, si ?

( sur un ton plus élevé) Taisez-vous maintenant. On descend bientôt. 

Son téléphone sonne et il le décroche.

Lui : Allô ?.......Oui, déjà…….. OK. (me tendant le téléphone) C'est elle, elle veut vous parler.

Moi : (prenant le téléphone) Allô ? 

Leila : Apparemment tu es sage, c’est bien. Tu arrive à la prochaine étape. Vous allez bientôt arriver à une station service. Dès que vous arriverez, tu va descendre et entrer dans le magasin de la station. Tu va faire semblant de chercher un produit en particulier et aller au fond de la salle. Tu me suis ?

Moi : Oui parfaitement.

Elle : Sublime. Tu verras une porte à l’arrière, tu l'ouvrira. Tu va te retrouver derrière  la station ; il y aura là une voiture rouge garée. Tu entre t’asseoir à l’arrière sans poser de question. 

Elle raccroche. C’est vraiment malin de me faire changer n’importe comment de voiture comme ça. Elle veut brouiller les pistes le plus possible mais elle ne sais pas que je porte un traceur sur moi. Le véhicule gare effectivement devant une station service et le chauffeur m'intime l'ordre de descendre immédiatement, ce que je fais. Je fais tout comme elle me l'a dit et BIM ! Je tombe sur une fringante 4x4 rouge qui a l'air toute neuve, aux vitres complètement fumées. Vraiment cette femme n’arrêtera pas de m'étonner. Où a-t-elle trouvé l'argent pour faire toute cette opération alors qu'elle était foirée quand elle a disparu ?? Bref, plus tard je me poserai des questions. J'ouvre la portière et je grimpe à l’arrière. 

Le chauffeur était un individu complètement cagoulé avec des lunettes noires, sûrement pour ne pas être reconnu. 

Lui : Vous êtes Yani Balka ?

Moi : Euh oui.

Dans la seconde qui suit, il démarre avec une vitesse qui projette ma tête sur l'un des sièges avant. Putain la douleur….je reste assommée quelques minutes. 

Moi : Où m'amenez vous ? Qui êtes….

Lui : Fermez là !

Il file tellement vite que mon ventre se retourne. Il grille les feux , double les gros porteurs, manque même de cogner d'autres véhicules. Je commence à prier qu'on ne fasse pas un accident avec cette vitesse là. Cette salope veut vraiment ma peau. 

Il s'embarque sur une route presque déserte et roule, roule, roule sans s’arrêter. Des deux cotés de la voie, des gros arbres  aux épais feuillages s'étendent à perte de vue. Les minutes défilent et la nuit déploie déjà sa noirceur dans le ciel. Seigneur est-ce qu’on va me retrouver ? Est-ce que je vais vers ma mort ? Je refoule même quelques larmes. Il faut que je garde la tête froide, toujours. 

À un moment, le véhicule dévie de la route et s’embarque sur un chemin de brousse très sinueux. On s'enfonce de plus en plus dans les bois et je vois mon cœur battre devant moi. Je pense à ceux que j'aime, Max, ma mère et…… Eugenio. J’ai peur à l'idée de ne plus les revoir. Elle va me tuer c’est quasi sûr.

BRAAAAAAAAA !!! Le véhicule s'arrête brusquement au beau milieu de la brousse, entre de grands arbres. Ça doit faire au moins 1h30 qu'on roule comme des forcenés. Le mystérieux chauffeur me tend un téléphone allumé.

Lui : Tenez, c’est ELLE à l'appareil.

Moi : (prenant le téléphone) Allô ?

Tu as respecté mes instructions à la lettre, je te remercie pour ta sagesse. J’espère qu'il a été correct avec toi, le chauffeur. Sinon t'inquiète, je vais le réprimander. Maintenant tu es presque arrivée. Tu vas descendre du véhicule et marcher dans la direction correspondant à ta gauche. Marche tout droit surtout. Tu ne t’arrêtera que lorsque je te ferai signe. 

Moi : Quel signe ? Je n’ai aucun appareil sur moi.

Tu verras bien.

Elle raccroche. Ce manège commence vraiment à m'énerver mais je n'ai pas le choix. Je descend et le 4x4 s'en va aussitôt. Marcher ainsi dans des bois que je ne connais pas pendant la nuit noire me fait vraiment peur. Je me sens seule au monde, coupée de l'univers avec pour seul espoir un traceur collé sur mon ventre. Dieu pardon, faites qu'on me retrouve . 

Je marche, marche, marche. Chaque pas est une épreuve pour moi, je n'y vois presque plus rien. J'ai peur de piétiner un serpent ou de tomber dans du n’importe quoi. En plus j’ai froid et les insectes me tournent autour. J’entends des bruits bizarres, des cris d’animaux. Ça me glace l'échine mais je continue à mettre un pied devant l'autre. 

5min. 10min. 20min. 30min. Bientôt 1h que je marche sans fin. J'ai les doigts gelés et les jambes chancelantes. J'en peux plus de ne pas savoir où je vais. Il faut que je m'arrête sinon je vais pas tenir. Mais je commence par avoir une sale impression…..l’impression qu'on me suis. À un moment, j’entends un craquement de branches, puis un autre, puis encore un autre. 

Moi : (la voix tremblante) Qui est là ? Leila c’est toi ? 

Aucune réponse. Ma peur quadruple. Je m'arrête et je me retourne……

 GBAAAAAA (un violent coup sur la tête) La douleur me foudroie comme un éclair et me fait perdre l’équilibre….tout s'embrouille autour de moi…..une silhouette est devant moi et…….trou noir…….

Au delà de ce que tu...