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Write by anomandaris
Cinq minutes, quelques instructions de prière basique et un transfert de billets plus tard, Hilary était partie. Yvan tira une chaise de sa table à tout faire et mit les mains sur son crâne rasé, pensif et déjà plus pâle que d’habitude.
— Ou bien elle a un ex très rancunier, ou bien elle a des copines sorcières, fit Cyrus. Quelqu’un de foutrement puissant, dans tout ça. Asservir une faucheuse pour s’en prendre à elle, c’est le comble de la bassesse.
— À croire que nous n’aurons affaire qu’à des sbires de sorciers, ici à Sharkpool. Pour une fois, je préférerais que ce soit un fantôme plutôt que d’avoir à faire face à une faucheuse asservie.
— Elles sont donc si dangereuses que ça ?
Pour une raison qu’Yvan n’avait jamais donnée à Cyrus, il avait une trouille bleue des fantômes. Le frère Collins, qui avait confié Cyrus à Yvan pour sa formation actuelle, confia à Cyrus que c’était une affaire de fantôme qui avait valu l’excommunication officielle d’Yvan. Comparer les faucheuses à sa Némésis n’en rendait l’affaire que plus dangereuse.
— J’ai eu affaire à ces saloperies à deux reprises, dit Yvan. La première, on l’avait détectée assez tôt, et même là, j’ai eu du mal à la détruire. La deuxième fois, je suis venu après qu’elle ait dévoré sa cible, et nous avons essayé de vengre la mort du malheureux garçon, victime de la négligence de sa mère. Le chef de notre trio de lévitants, père Rodolphe, m’a ordonné de fuir quand il a vu que j’étais le seul du groupe qui s’en était sorti sans se faire estropier. Père Rodolphe s’est reconverti en archiviste de bibliothèque après cette affaire, et est mort à ce poste l’an passé. Sur une chaise roulante.
— La vache, fit Cyrus. Qu’est-ce qu’on va donc faire, pour sauver l’âme d’Hilary ?
— Prier que ce ne soit pas une faucheuse s’étant nourri pendant deux semaines sur une âme mortelle. Si Hilary était plus vieille, elle serait morte depuis quelques jours. Son âme étant fraîche, je lui donne moins de quarante-huit heures maximum, maintenant. À défaut de la sauver, pister l’empreinte spirituelle de la faucheuse et retrouver son maître.
— Donc c’est ce soir ou demain, alors.
— Si on échoue ce soir, je doute fort que tu aies le courage de revenir demain. Si elle est encore en vie. Nous sommes deux, et je suis encore trop jeune pour mourir. Je veux au moins me dépuceler, chance que toi tu as eu, au moins.
— Van, on parle d’une vie humaine, là, reprocha Cyrus.
— Oui, c’est vrai. Voilà pourquoi je ne lui ai pris que cinquante dollars. Je ne paierai pas un si lourd karma, si je l’abandonne à son sort. Si tu veux tant jouer aux héros, tâche de te souvenir que je ne poursuivrai jamais la formation d’un handicapé.