48-

Write by Lilly Rose AGNOURET

 


48-

Nous sommes assis au Rivoli et mes yeux ont du mal à regarder autre chose que le visage en face de moi.
« Tu es sûr que tu as faim ! J'ai l'impression que c'est plutôt moi que tu es en train de manger du regard. »
Je souris.
« Je me demande juste ce que tu ne m'as pas encore dis. », fais-je très espiègle.
« Oh ! Tu veux savoir quel est mon plus grand secret. J'en ai plusieurs. Par lequel commencer ? »
« Arrête de te moquer. Dis-moi un truc que je ne sais pas sur ta famille. Quelque chose que je devrais savoir. »
Avec le plus grand sérieux, il me regarde et hésitant, il me confie :
« Mon oncle Angelo, le frère cadet de mon père, est gay. »
« Oh ! », fais-je manquant de m'étouffer avec une gorgée d'eau. « Tu veux dire que ton oncle...qu'il...euh ! »
« Il aime les hommes, chérie. Je ne sais pas comment tu pourras t'accommoder avec cette situation, mais il va falloir faire un petit effort, car nous allons le rencontrer avec son mari pendant notre séjour à New York. »
« Oh ! Tu veux dire que je vais avoir devant moi deux hommes susceptibles de s'embrasser et tout ??? Euh...je...Tu sais, je sais pas si...ouais, c'est plus qu'un petit effort que je vais devoir faire ! C'est une blague ou ton oncle existe vraiment ? »
« Il existe vraiment, Tania. Il est super génial, mais il est gay. Et on n’y peut rien. »
« Comme tu dis ! On n’y peut rien. Je...je... »
« Parle, je t'écoute. »
« C'est juste que je ne m'attendais pas à ce genre de révélation. Donc ton oncle embrasse d'autres hommes et ils vont ensemble au lit et tout le reste !!! »
« Tania, as-tu un souci avec cela ? Dis-le moi, que je le sache ! »
« Euh !!! Je dois dire que je suis un peu sonnée ! Je...je vais devoir m'habituer à cette idée. J'ai déjà vu des homos, t'inquiète ; mais jamais encore je n'en ai côtoyé. Ça fait tout drôle quand même ! Ça t'a pas surpris la première fois ? »
« C'est mon oncle. Il est né 28 ans avant moi. Donc, il était déjà gay quand je suis arrivé au monde. Et non, ça ne me choque pas. »
« C'est fort quand même. Mais bon, euh... »
« Respire, chérie ! J'ai peur que tu finisses par manquer d'air. Il ne te mordra pas. »
« Ouais ! », fais-je le regard en l'air. « Donc lui, il joue le rôle de la femme, c'est ça ? Ça marche vraiment comme ça pour eux. »
« Changeons de sujet, car je vois bien que tu es mal à l'aise. On en discutera plus tard. Je ne t'imposerai pas sa présence si vraiment, ça doit te rendre malade. »
Je le regarde sans rien dire. Je ne sais que penser, d'ailleurs. Mais bon, il va bien falloir que je rencontre cet oncle si je dois faire ma vie avec Miro.
J'avale une part de pizza pour m’ôter de la tête les images qui y défilent. Miro rompt le silence en me demandant :
« Dis pourquoi as-tu un passeport alors que jamais tu n'as voyagé ? »
« Oh ! Je l'ai fait comme ça pour décorer mon portefeuille ! », fais-je en souriant. « J'rigole ! C'est maman qui prévoyait un séjour au Cameroun avec son groupe de prière de l'église. Au final, elle a dû renoncer à son voyage parce que je suis tombée malade à quelques jours du départ. Voilà ! »
« Ok ! Maintenant, raconte-moi un truc que je ne sais pas de toi. Je t'écoute. »
« Euh...je...je sais pas moi. J'ai rien de particulier à raconter. Ma vie est vraiment banale, tu sais. J'ai toujours vécu avec ma mère. Et voilà ! »
« Fais un effort, tu trouveras bien. »
Là, je cherche. Et je finis par lui dire :
« Mon père est un alcoolique repenti. Quand j'étais à la maternelle, je pleurais beaucoup parce qu'il avait des accès de colère chaque fois qu'il avait bu. Je devais à chaque fois le supplier à genoux pour qu'il ne me crie pas dessus. J'avais 4 ou 5 ans à l'époque. Il faisait des promesses que jamais il ne tenait. Ce n'est que lorsque je suis arrivée en CE2 qu'il s'est résolu à aider financièrement ma mère et à payer pour ma scolarité. Ça été des périodes difficiles parce qu'il lui arrivait de boire au point d'en oublier mon prénom ! »
« Oh ! Jamais je n'aurais imaginé que tu es passé par des moments aussi difficiles ! Je suis désolé si je t'ai rappelé de mauvais souvenirs ! »
« Ça va,», fais-je le regard vague. « J'ai grandi. »
« Ok. Maintenant, dis-moi comment tu imagines notre mariage. »
« Oh ! Je ne savais pas que j'avais dit oui ? Il ne me semble pas avoir entendu de proposition. »
« Bien, disons que tu as déjà dit oui. Où se mariera t-on et comment ? »
« Les pieds dans l'eau, au bord de mer à Port-Gentil. Avec toutes mes copines vêtues de robe couleur écrue ; et mes nièces en demoiselles d'honneur. »
« C'est gentil de vouloir me faire faire des économies, mais je crois qu'une fois que tu auras voyagé, tu auras envie de te marier les pieds dans l'eau à Port-Louis, à Zanzibar, ou à Cape Town, ma chérie. »
« Je suis nulle en géographie, Miro, donc disons qu'on se mariera quelque part les pieds dans l'eau. »
« Ok, ma belle. Mange ; ta pizza va refroidir. »
J'avale encore deux parts de pizzas et ma glace au café. Puis nous levons le camp.

Dans la voiture je lui demande :
« Que ferai-je de mes journées pendant que monsieur sera occupé à travailler ? »
« Oh ! T'as même pas besoin de poser la question. Tu vas très vite trouver à t’occuper. Imagine-toi Port-Gentil en 100000 fois plus plus magique et tu comprendras pourquoi tout le monde rêve d'aller New York. T'as vraiment pas de soucis à te faire. Il y a autant de salles de cinémas là-bas qu'il y a de bars et de maquis à POG. Et puis, il y aura ma sœur avec toi. Elle va se charger de te faire découvrir tout ce qu'il y a de beau là-bas. »
« Je vois que monsieur a pensé à tout », fais-je en souriant.
« Que ne ferais-je pas pour toi, Tania ! », me rétorque t-il.
Nous continuons la route en silence. La ville est belle cette nuit. Les axes principaux sont déjà décorés aux fanions vert-jaune-bleu, à l'approche du 55ème anniversaire de l'indépendance du pays.
« Tu m'aideras à choisir un cadeau pour ma mère. C'est son anniversaire mardi prochain. », fait Miro.
« Oh ! Celui de ma mère c'est 10 jours après. Elle est née le 27 août. »
« Ok ! Alors je te laisse la charge de trouver des cadeaux pour les deux. Je sature en termes d'idée ! », me dit il.
C'est sûr ! Sa mère doit déjà tout avoir.
« Et que veux-tu faire de spécial pour ta mère ? », me demande t-il.
« C'est quelqu'un de très humble. Elle n'aime pas trop ce qui superflu. Donc, je pense qu'un massage et des soins de beauté lui feront plaisir. »
Il se contente de sourire et ne dit rien.
Quand nous arrivons à l’hôtel, nous prenons des cartes de recharge pour nos phones et montons dans notre chambre. Pendant qu'il tente de joindre son père, je me couche sur le lit, les yeux vers le plafond. Je l'entends qui demande des nouvelles de ses amis Patrick et Alec. Apparemment, le père lui dit qu'il n'a pas à s'en faire pour eux, car ils se sont très vite acclimatés au pays.
Il raccroche et vient vers moi. Il me prend par le bras et m’entraîne dans une danse lente, avec le silence autour de nous comme musique. Il finit par m'embrasser sur le front, le nez, la joue. Je me sens bien là. Quand il emprisonne mes lèvres dans un long baiser, j'aimerais que le temps se fige maintenant et que demain ne vienne pas tout de suite.
« Nous allons jouer à un jeu. »
« Et en quoi consiste ton jeu. », lui dis-je.
« Je vais embrasser chaque parcelle de peau de ton corps pour deviner quels en sont les points les plus érogènes. Et interdiction de m'arrêter. Ensuite ce sera ton tour. »
« C'est de la triche ; j'ai bien droit à un joker, non ! »
« Oui, juste un ! Viens là. »
Il me lève de terre et me dépose délicatement sur le lit. Il commence sa prospection sur mon corps, me déshabillant au passage. Et je sais que pour moi, c'est peine perdue, sitôt qu'il pose ses lèvres dans mon cou, puis sur l'un de mes seins.
La nuit défile lentement et nous en arrivons à faire l'amour. Je suis pleine d'appréhension, mais monsieur parvient à calmer mon angoisse en se montrant très tendre et surtout patient.

Le matin venu, nous allons prendre le petit déjeuner à La Librevilloise ensuite, il m'emmène faire des photos d'identité. Puis, nous atterrissons dans un prêt-à-porter appartenant à une amie de sa mère.
« Elle ne connaît pas mal de monde, ta mère ! », lui fais-je.
« Elle entretient très bien son carnet d'adresses. », me répond-il.
Nous entrons et l'une des vendeuses se jette littéralement sur nous, sitôt qu'elle voit Miro.
« Vous désirez, monsieur, madame ? »
Elle a dû se dire que c'est un client à ne pas négliger ! Elles savent y faire dans ce magasin.
« J'attends à la caisse. Je ne fais qu'accompagner ma fiancée. », répond Miro.
Je le regarde histoire de savoir ce que je suis censé acheter.
« Il te faut des robes de soirée. Nous sommes invités à dîner demain chez un couple d'amis de mes parents. Et pour l'anniversaire de ma mère la semaine prochaine, il y aura un dîner. Tu vois le genre ! »
« Ok ! », fais-je peu convaincue.
Je suis la vendeuse qui m'emmène dans un coin où les robes sont plus chères les unes que les autres. J'ai mal à la tête tellement il y a du choix. Puis, nous passons aux chaussures. Ensuite, elle me propose de choisir un parfum et une pochette pour accompagner les robes.
Quand nous revenons à la caisse, je préfère me boucher les oreilles pour ne pas entendre le montant de la facture.
« Allons dans une bijouterie chercher un bijou pour ta mère. », me lance Miro.
Wèèèèèèèè ! Je suis seulement le mouvement.

Il est 14 heures quand nous rentrons à l’hôtel.
Dans la chambre, Miro me demande :
« J'ai remarqué que tu ne portes pas ta bague. Celle que je t'ai achetée il y a tout juste 4 jours. »
« C'est que personne ne me l'a mise au doigt, alors j'ai pensé qu'elle était juste là pour décorer », lui fais-je en souriant.
Il se lève alors du canapé dans lequel il s'était affalé et me demande où se trouve la bague. Je fouille mon sac de voyage et en sors l'écrin rouge en forme de cœur dans lequel se trouve la bague. Avec le plus grand sérieux, il pose un genou par terre et me prend la main.
« Mademoiselle Tania Akendengue, tu seras ma femme avant même de t'en rendre compte. », dit-il avec beaucoup d'assurance.
Là, il me glisse la bague au doigt et me baise la main. 

PUPUCE- (tome 1)