71 : la première fois

Write by Gioia

***Arthur Sodji***

Une semaine plutôt, j’ai pris mes jambes à mon cou après qu’Aurore m’ait offert son sous-vêtement ainsi qu’une langue moite dans mon oreille. En général je suis celui qui introduit ma langue dans l’oreille des filles. Pareil pour les soutifs, si je me fie à mes souvenirs, j’ai plus enlevé les dessous de mes deux ex qu’elles ne l’ont fait. En même temps mes souvenirs ne sont pas les plus clairs actuellement donc qui sait ce que je raconte. J’ai plein de choses à faire, comme répondre à Romelio qui veut une mise à jour de l’affaire de Leah ; mon argent est toujours porté disparu, je pourrais même dormir, il est d’ailleurs 23 h et la nuit est faite pour ça. Mais non ; je suis assis sur mon lit, en face de ce soutif balconnet noir aux motifs fleuris et j’essaie de tirer de lui les réponses à mes questions. Totalement absurde.

J’espère trouver la paix en rentrant chez moi, mais c’est Leah qui m’attend devant mon immeuble.

– J’ose croire que tu as enfin mon argent, dis-je en prenant les devants

– C’est vraiment comme ça que tu veux qu’on finisse Arthur ? Après tout ce qu’on a partagé ?

- « On » ? Il y’a eu un « On » quand au fait ? l’interrogeai-je, estomaqué par sa sournoiserie

– Oh maintenant on n’a plus été un « on » ? ose-t-elle dire sur un ton blessé. Qui a dit qu’il voulait faire sa vie avec l’autre ? Qui me remplissait la tête de rêves ? Donc pour une question d’argent, tu me traites non seulement comme une pestiférée, mais en plus tu te tapes une de mes meilleures amies ? Quel monstre sans cœur es-tu donc ?

– Le monstre qui se prenait pour l’homme de ta vie pendant que tu te tapais fièrement un autre. Tony, ça te dit quelque chose ?

Sur cette phrase son visage s’effondre comme les gâteaux d’anniversaire qu’écrasent les enfants sur les photos que Romelio ne cesse de mettre en statut Whatsapp dernièrement.

– Cococomment tu as su ? bafouille-t-elle

– le comment est nécessaire ? je le sais c’est tout

– Le Salopard, il….

– gagnons du temps tu veux, je ne sais même pas pourquoi, mais je me sens charitable donc tu as deux jours de plus pour me donner l’ar…..

Elle se met à farfouiller fébrilement dans son sac puis me tend une enveloppe. Je prends connaissance du contenu et le compte y est. C’est à mon tour d’être un peu confus. Quel est l’intérêt de son petit simulacre si elle avait déjà l’argent ? Bref, j’ai l’essentiel, et rien à lui dire en réalité, donc je tape le code d’entrée pour entrer dans mon immeuble, mais elle s’empresse de se faufiler derrière moi.

– je t’en prie, j’ai besoin de te parler, me supplie-t-elle littéralement du regard

J’ignorais que j’avais encore une once de pitié en moi, mais me voilà m’effaçant pour qu’elle passe en avant. Ou peut-être c’est la curiosité. Parce qu’en réalité une partie de moi a encore du mal à se faire à l’idée que la fille qui m’avait charmé par sa candeur cachait en réalité une manipulatrice. Dès que je ferme la porte de mon studio, ses bras se retrouvent autour de ma hanche.

– qu’est-ce que tu crois faire ?

– Je t’en prie Arthur, ne les laisse pas nous faire ça. J’admets que je ne suis pas parfaite et tu as toutes les raisons de me punir, mais ne laisse pas Toni nous séparer

– Donc c’est la faute de Tony ? Leah c’est Tony qui t’a dit de me mentir ? je lui demande contrarié après avoir détaché ses bras de ma taille

– Non il… il m’a… je suis tombée dans son piège, il m’a séduit, et je…. j’ai pas pu résister, mais je te jure je ne lui ai pas donné ma virginité

– merci, dis-je sarcastique. Merci de l’avoir réservé pour moi, je me sens privilégié tout d’un coup

– Je te dis la vérité Arthur s’il te plaît, elle rétorque, les yeux mouillés

– je te l’accorde quand même, tu as un sacré toupet. Dehors là tu m’as traité de monstre, me reprochant de t’avoir mené par le bout du nez, et ici tu es aux bords des larmes alors que tu m’as fait pareil ? Et n’essaie même pas de me faire croire que tu ignorais ce que j’attendais de nous. Tu savais pertinemment que je m’intéressais à toi. Qu’est ce que ça te coûtait d’être simplement honnête et me dire que tu ne ressens pas la même chose ? Tu n’es même pas fichue d’être vraie avec moi, et je devrais sauter de joie que tu sois encore vierge ? C’est avec ça que je vais vivre ? Hein dis-moi !

 – Tu ne fais jamais d’erreur ? elle sanglote

– J’en fais, mais certainement pas l’hypocrisie avec quelqu’un à qui je considère

– Je regrette tellement si tu savais, je n’ai jamais voulu te blesser comme ça. Je ne sais même pas quoi te dire pour te prouver ma sincérité. Tu… tu veux voir mon téléphone ? Tu verras que je ne lui ai pas fait signe depuis belle lurette

La curiosité encore une fois me pousse à lui prendre le cellulaire qu’elle me présente fébrilement, mais la douleur qui résonne dans mon être les minutes suivantes est indescriptible

– Ekim ? dis-je d’une voix qui a pris du temps avant de revenir à mon cerveau

– Il ne t’arrive pas à la cheville je te promets, c’est un bon menteur qui a failli me détourner du chemin. Je ne sais pas pourquoi j’ai oublié mes résolutions, moi qui m’étais toujours juré d’être…

– Tu t’es tapé mon collègue de travail ? TONI EKIM ? répétai-je en furie

– cocollèguuue ? dit-elle prise de court comme si elle venait de se rendre compte que mon humeur avait changé

– sors… avant que je n’oublie mes bonnes manières

– S’il te….

– J’ai dit tu sors ! je m’écrie et elle prend ses jambes à son cou

Mais quel abruti j’ai été ! Je me revois parler et chanter les merveilles de ma relation au travail, tout ça devant Toni. Et j’ai même été chercher des conseils chez lui ? Non, mais quel bouffon je suis.

Je n’ai pas fermé l’œil. Mon lit portait les traces de ma rancœur et mon visage respirait l’opprobre. Les deux me l’ont mis bien profonds en tout cas.

***Aurore Akueson***

Macy a le chic pour faire grimper ma tension. Elle me dit qu’on s’en va pique-niquer, je me purge donc le ventre la veille pour honorer ses petites confitures dont elle seule a la recette et je dois me farcir son zigoto de copain.

– On a bientôt fini Kekeli, elle me parle comme un enfant tout en tapotant rapidement sur le clavier de son ordi

– Pfff relou, je soupire et pour la saouler je pose mes pieds toujours chaussés sur son canapé couleur crème. Après tout c’est elle qui me parle comme un enfant non. Elle l’a un peu cherché.

– Qui t’a au fait dit d’aller jouer dans les paramètres prédéfinis de l’outil ? elle réprimande Seb

– C’est Carl bébé, tu sais qu’il aime toucher à tout

– Et quand il dérègle tout il ne sait pas régler hein ? Combien de fois les techs lui ont dit de jouer avec la version démo ? C’est à une semaine d’une rencontre importante qu’il se sentait l’envie de jouer ?

– C’est bon Macy tu sais comment il est

– Je sais surtout que je dois me taper du double travail quand je ne suis même pas Tech donc gardez vos mains baladeuses loin de la section paramètres avancés

– Tu sais que tu es belle quand tu râles, il dit sur un ton sirupeux

La partie du film qui m’énerve. Macy qui était toute en feu y’a quelques secondes, se met limite à chuchoter et lutter contre un sourire. Si elle était une chatte, je suis persuadée qu’elle lui aurait collé la jambe pour qu’il pelote sa fourrure. Les choses ennuyantes en gros.

Quelques minutes plus tard, il lui prend carrément la tête entre les mains et lui roule une pelle profonde après qu’elle lui ait dit « fini ». Genre je suis transparente quoi. Manquait plus qu’il soulève sa jupe et lui caresse la peau. Macy est la première à interrompre leur lutte buccale. Elle me lance des coups d’œil gênés tout en lui disant au revoir

– Tu m’appelles quand tu rentres, tu vas me manquer

– Toi aussi Sebou, je te fais signe promis

– Nieunieuni......, je reçois un coussin sur la face, m’empêchant de finir ce que je murmurais dans mon coin sans déranger personne

– Bye Kekeli, j’entends le nieunieu me dire amusé tandis que Macy rigole

– Donc, tu ne me récompenses pas pour ma patience ; je dois en plus me faire agresser ?

– Je t’aidais à ne pas faire disparaître tes iris façon tu roulais des yeux depuis là

– très drôle, je dis et roule encore des yeux avant de me rendre compte que je l’ai fait

Elle pouffe de rire, agrippe son panier de pique-niques, me prend la main et nous sortons.

Et qui je vois une fois au parc qu’avait choisi Macy pour notre sortie entre filles ? Le fuyard. Il est assis sur un banc et regarde les canards marcher. Je m’approche et tape son pied avec le mien.

– Aux dernières nouvelles tu ne portes pas de soutif ou je me trompe ?

– On ne salue pas les gens d’abord ? C’est quoi ses manières, me reproche Macy qui était derrière moi

– Est-ce que j’ai envie qu’il passe une bonne journée pour le saluer ? Bref monsieur mon soutif ? Je vais le récupérer quand ? C’est mon seul sans bretelles

– Umm Arthur, tu es avec nous ? demande Macy qui agite sa main devant sa face

Je remarque effectivement que le type nous fixe pourtant on dirait qu’il est absent. Je mets la main sur son front qui ne semble pas chaud pourtant. Macy continue de lui parler, mais il ne répond pas. Je m’abaisse donc et lui enfonce un doigt mouillé par ma salive dans l’oreille

La réaction est immédiate. Il se lève et nous regarde comme si on venait de sortir d’un trou perdu.

– vous foutez quoi ici ?

– Tu rêvais debout ? On te parle depuis un moment, Macy lui dit

– Tu… Tu… tu fais quoi dehors comme ça ? marmonne-t-il étonné et les yeux rivés sur mon torse

– Ouh là viens on s’en va Macy, faut pas qu’on nous chasse du parc parce que la bosse de Monsieur s’excite comme s’il n’a jamais vu de tétons érigés sous un t-shirt

– KEKELI !!!! Elle s’écrie embarrassée tandis que l’autre se retourne vivement. Elle me couvre carrément la bouche avec sa main pour bloquer le reste de ce que j’allais dire

quand l’autre se défendait que ce n’était pas une bosse

Macy le bon samaritain l’a invité à notre pique-nique. Les raisons ne m’intéressent même pas. J’ai bien précisé que je n’allais pas partager ma bouffe. Mensonge ou gêne de sa part, je l’ignore, mais il a dit que la moitié de Sandwich que Macy lui a donné suffisait amplement.

– On n’est quand même en public hein, tu es obligé d’ouvrir grandement ta bouche comme ça pour manger quand la quantité est plus grosse que ce que tu peux prendre ? Se moque Macy

– Il faut que je finisse vite avant que tu n’essaies de me convaincre par les sentiments de partager avec le calcif bossu

– Petite peste je t’ai dit que je ne bandais pas

– oh, mais y’a pas de honte à avoir dans ça hein. Cette sœur serait en train de couiner sous les pilonnages de....

– Bois ! Elle dit et me fourre une paille dans la gueule, ce qui me fait rire au point de m’étouffer tandis qu’Arthur nous observe avec un air drôle

– Tu me confirmes en tout cas que les filles minces aiment s’empiffrer, ironise-t-il quand je m’attaque au petit yaourt fait maison de Macy après avoir vidé sept petits mets déjà

– C’est pour aider Macy à définir son régime alimentaire

– Tu m’aides tellement, tu manges et aimes tout, ironise-t-elle à son tour

– Est-ce que c’est ma faute si tu as des doigts de fée ?

– nieunieunieu, elle m’embête et rigole

– Connasse, je rigole aussi

– c’est toi qui as préparé tout ça ?

– Tout Monsieur, dans les moindres détails. Même le pain de ton sandwich a été fait à la maison, avec de la farine de sarrason, par les soins de la fée du logis

– sarrasin chérie, dit-elle amusée

– voilà, elle est épatante hein, répliquai-je fièrement

– mince, tu aimes autant cuisiner ? Je l’ignorai, dit-il admiratif

– En plus elle prépare tout ce qu’elle utilise, liquide vaisselle, crème hydratante, et j’en passe. Elle fait même sa pâte de tomates en boîte

– heyeee, doucement avec la pub, dit Macy gênée. Voilà ce que je ne comprends jamais sur elle. Paris entier m’aurait entendu si j’avais le quart de ses aptitudes, mais elle préfère garder ça pour elle

– Tu veux te lancer dans le commerce de produits naturels ? lui demande Arthur

– peut-être un jour, mais pour le moment je le fais plus pour le fun et aussi ma santé

– pour le fun ? Tu es à part, il dit toujours étonné ce qui me fait éclater de rire. C’est exactement la réaction que j’ai eue la première fois que Macy m’a montré son potager chez eux, qu’elle a commencé à treize ans parce qu’elle s’ennuyait durant les vacances scolaires

– Elle sera une bonne femme non ? Regarde comment elle est craquante en plus, je murmure à Arthur

– On t’entend Aurore. Je suis en couple et Arthur ne t’a rien fait pour que tu le forces à sentir ton haleine de cornichons saumurés

– Le couple c’est quand on te ramène toujours du travail ?

– Il ne me ramène pas du travail, nous avons un projet en groupe et c’est tout à fait normal qu’on y accorde énormément du temps, vu que nous sommes un petit groupe encore jeune

– ouais sauf que c’était pas ça le plan quand je te l’ai présenté. Tu devais prendre du bon temps avec lui et continuer ta vie. Au lieu de ça tu lui donnes tout ton temps au nom d’un projet dont on ne voit même pas les résultats depuis le temps. Tu es la seule dans son équipe ? Pourquoi c’est toujours à toi qu’il délègue les immenses tâches ?

– Comme tu peux le voir Arthur, j’ai une petite jalouse sur les bras

– Pfff j’ai au moins accepté que je suis jalouse et c’est mon droit parce qu’il empiète sur notre temps. Mais tu n’as pas accepté que tu en fais trop

– Quand c’est toi qui m’écris à deux heures du matin pour ton ventre tu ne considères pas que tu en fais trop hein, mais tes yeux sont bien ouverts quand il s’agit des autres

– ne mélange pas les oranges et les parasites s’il te plaît. Il faut bien que quelqu’un t’incite à développer ta créativité

– et je suppose que l’orange c’est toi, intervient-il sur un ton drôle

– Quand tu me vois rayonnante comme je suis, je ne te fais pas l’effet d’un verre frais de jus d’orange dans une canicule accablante ?

– c’est pas des lol hein, il rigole au même moment que Macy secoue sa tête et me dit qu’elle aura tout vu avec moi

– il faut remercier le ciel que je te fasse tout voir. Je te forme ça d’ici que tata te cède sa compagnie de transport

– Ah bon Macy ? J’en apprends des choses, dit Arthur davantage intéressé. J’aime ce ton qu’il prend

– Dans deux ans figure-toi, elle en aura 25 et sera PDG d’une firme,

– Petite entreprise madame, c’est toi qui as construit la firme pour moi ? me dit Macy

– C’est le joli immeuble que tonton Magnim a pensé et dessiné que tu appelles petit ?

– laisse seulement ma co, c’est la taille du personnel qui détermine celle de l’entreprise pas la taille du bâtiment, réplique-t-elle avec humour

– bref on ne nous apprend pas ça en licence pro optique. Ce qu’il faut retenir Arthur c’est qu’elle est une femme complète hein. On ne sait jamais. Si elle se retrouve bientôt sur le marché du célibat....

– Elle est déjà sur le marché du célibat Arthur et une femme très complète aussi, me coupe-t-elle me prenant par surprise

– hey c’est quoi le plan ? Pourquoi tu veux saboter mon projet ? Je lui demande

– Mais je commence aussi mon projet, où est le problème ?

– respecte la file. J’ai commencé avant toi donc range-toi derrière

– Le mien a plus de chance de réussite que le tien. C’est devant mes yeux que tu lui as donné ton soutien. Tu sais que si ça remonte aux oreilles de ton père....

– maintenant pourquoi tu me menaces ? Hein ? On passait un bel après-midi quand même, je dis et elle se permet de rire aux éclats

– donc tu as aussi peur de quelqu’un toi, l’autre se permet de répéter sur un ton moqueur

– Tu m’as vu avoir peur de quelqu’un ? Pfff. D’ailleurs revenons au sujet. Ne laisse pas le petit corsage de Macy te duper, elle cache une paire de boobs....

– quand je dis que tu es bête cette fille, elle dit et m’agrippe le cou avec un bras. Je me débats et rigole à la fois sous ses assauts plutôt joueurs. C’est comme ça qu’on se comporte presque tout le temps. La première fois que son zigoto de copain nous a vus dans nos délires, il a fixé sa bouche d’espadon pour lui dire qu’il la pensait plus classe que ça, juste parce que j’ai filé un coup par mégarde à Macy et elle a lâché une caisse dans les rires.

J’admets le gars m’énerve depuis ce jour là.

– Je sais que je suis beau, mais pas au point que vous vous disputiez pour moi, dit Arthur, nous ramenant au présent

– j’aurais dû m’en douter, les garçons qui ont les grosses oreilles se prennent souvent trop

– la méchanceté te donne quoi mince, rigole Macy

– ses oreilles sont larges ou j’ai menti

– comme les tiennes hein, il me réplique avec humour

– bref tu ne sortiras même plus avec Macy, ton cas est rejeté

– je n’ai pas retiré le mien Arthur, elle est très célibataire même

– euh la solidarité féminine, c’est comment ?

– quand je t’ai parlé de ça avec Leah tu m’as dit quoi ? rétorque Macy

– mais justement j’étais solidaire. Elle m’a traité de pute, fallait bien que je lui prouve qu’elle a raison non, je réponds et c’est Arthur qui éclate de rire cette fois

– C’est quel degré de mauvaise foi ça, il dit

– Je devais être solidaire avec la sœur Leah

– En tout cas, je t’ai dit de ne pas m’embarquer dans des histoires tordues. Leah reste quand même mon amie

– Et tu me branches ici à son gars ?

– Je ne suis pas le mec de Leah, il nous répond

– Ah bon ? Depuis quand ? l’interroge Macy

– Depuis un moment, disons que je me suis trompé sur elle

– Tu veux en parler ? Lui propose Macy

– Ce n’est pas intéressant. Parlez plutôt, je vous écoute, j’avais besoin de me changer les idées et vous êtes arrivées pile au bon moment

– si tu souhaites en tout cas lui confirmer que tu es avec une pute, j’offre mes services moyennant trois restos par semaine. Pas de sexe par contre. Faudra aussi te nettoyer les oreilles si tu veux qu’on répète les choses de la dernière fois

– Tu n’as pas honte de te vendre moins cher comme ça ? me dit Macy

– Ma sœur il y a encore quelle honte à avoir dans un pays capitaliste ? On se défend avec les armes du terrain, je réplique et Arthur rigole encore aux éclats

– Aurore Kekeli Akueson, dire que je t’ai toujours cru timide

– ti quoi ? plaisante Macy

– pourquoi tu veux mentir sur moi ? Je suis timide comme mon père

***Macy Wiyao***

Deux jours depuis notre sortie avec Aurore. Je me maquille et sa face me revient quand elle a sorti qu’elle est timide comme son père. La bonne blague lol. C’est elle qui me racontait avec agacement comment son père lui foutait la honte avec ses longs e-mails qu’il envoyait aux profs toutes les fois qu’il n’aimait pas les remarques sur ses bulletins. Et la meuf se dit timide. J’ai toujours dit que la place d’aurore est sur scène ou dans un genre de comédie romantique. Toutes les fois où je l’entends j’ai l’impression de regarder une série amusante. Y compris quand elle me parle de sa vie amoureuse.

Je ne connais pas les applications de speed dating, mais si on gagne les points là-bas, c’est qu’elle doit être en tête des charts. Jusqu’à présent j’ignore qui lui a montré cette façon de vivre, mais comme elle est habituée à rencontrer beaucoup de gars sur ses applications c’est comme ça aussi qu’elle n’arrive pas à se contenter d’un. Celui qui a duré a fait je pense dix huit jours au trop. Et s’il a traîné c’est parce que madame ne savait pas comment couper le cordon vu que le gars venait de se casser la jambe et tout à coup s’est mis à lui sortir des grandes déclarations après neuf jours. Entre autres, qu’il ne sait pas ce qu’il aurait fait sans elle, parce que rien ne va dans sa vie, il a vu un corbeau noir à sa fenêtre récemment et sa sœur qui pratique le feng shui lui a dit qu’il y’a des mauvaises radiations dans son voisinage.

Faut donc comprendre pour quelqu’un qui passe à travers les hommes comme les tasses de café que j’engloutis quand j’ai une tonne de travail, Aurore a du mal avec la notion que je sois avec un gars dont je me suis plains chez elle. Dans sa tête, dès que tu as matière à te plaindre, c’est qu’il faut se barrer. Je ne sais plus en quelle langue lui expliquer qu’aucun couple n’aurait duré si tout le monde avait fait ses valises au premier désaccord. Elle n’entend rien malgré ses grosses oreilles. Le plus étrange dans son cas c’est qu’elle n’a jamais subi de peine de cœur pour qu’on dise que sa légèreté émotionnelle est une carapace pour éviter une énième souffrance. Bref elle n’aime pas quand j’essaie de creuser pour mieux la comprendre. Elle m’avait accusé de la juger donc j’ai arrêté. Loin de moi l’idée de juger quelqu’un et certainement pas quelqu’un qui me célébrait sans que je lui demande pendant que je me prenais pour un canard.

Un autre qui me célèbre même si Aurore ne l’accepte pas c’est Seb mon copain. Ce n’est pas n’importe quel homme qui aurait accepté de confier une partie importante de son projet professionnel à une jeune débutante, mais en plus m’inclure comme il le fait à chaque étape du processus. Je me mets à mon meilleur ce soir parce que je reçois la famille de mon copain. Son père habite à Reims, mais il est là pour l’occasion.

***Seb Lavigne***

C’est un exploit que Macy arrive encore à m’étonner depuis le temps que je le côtoie, mais elle y arrive. Mon père a fermé les yeux d’émoi rien qu’à la première bouchée de son tajine marocain. Je ne sais même plus si je lui ai déjà dit que papa en raffolait ; peut-être une fois en passant, mais comme le cerveau de cette fille est un mini ordinateur elle s’en est rappelé et nous a surpris avec. Si elle n’avait pas déjà gagné l’appréciation de mon père par les brèves échanges qu’ils avaient eus dans le passé, elle vient de se le mettre en poche là. Norman mon cousin aussi devrait rentrer dans la poche quand je sais combien il aime bouffer les plats de ma meuf. Mais dernièrement il semble souvent de mauvaise humeur, sans raison apparente.

– Alors vous en êtes où avec le lancement de « halo » ? demande papa pendant le dessert

– Tout est enfin prêt, dis-je satisfait. Je pars dans quatre jours pour une tournée de trois pays d’Afrique de l’Ouest. Nous avons réussi à négocier des rencontres avec vingt compagnies au total

– Tu vas assurer ses présentations sans ton équipe ? me questionne papa

– Je voulais Macy avec moi, si tu peux la convaincre, essaie

– Seb, murmure-t-elle gênée…

– Voyons Seb elle va y aller sur les fonds de qui ? intervient Norman

– Sur les fonds de qui comment ?

– Ce n’est pas le moment de faire des dépenses inutiles. On ne sait pas encore ce que nous réserve l’avenir

– Les déplacements quand on parle d’un lancement ne sont pas inutiles Norman. Qu’on le veuille ou pas, les gens jugent les produits et services avant d’y investir leur argent. Et ce n’est pas avantageux de se présenter seul en général. On ne peut pas tout contrôler dans la vie, notamment les empêchements, petits malaises ou pire des accidents, d’où l’utilité d’un remplaçant, lui explique papa, ce qui m’agace même un peu.

Est-ce qu’on a besoin d’expliquer ça à quelqu’un ? Inutile mon cul. Quand c’était lui qui demandait à voyager avec moi ce n’était pas inutile.

– Je vois, dit-il la mâchoire contractée

– Alors ma douce, mon fils m’a expliqué que tu étais réticente à l’idée de te lancer dans l’entrepreneuriat ? papa relance Macy pour mon plus grand bonheur

Voici un an maintenant que je lui dis de quitter son job pour travailler avec moi à temps plein, mais elle fait sa difficile. C’est ça aussi que je ne comprends pas sur elle et en même temps m’énerve un peu. Pourquoi faire les choses à moitié au lieu de se lancer pour de bon ? Elle sait bien que je suis un pionnier. Je ne peux pas couler, mais non. Elle préfère se taper les 35 heures et des fois plus, pour un salaire indigne de ses capacités. 

– Oh je n’ai pas encore assez d’expérience

– Bébé je t’ai bien dit que tu as tout le nécessaire. Le reste je te l’apprendrai, fais-moi confiance, je la rassure

– Umm, on verra. Quelqu’un veut des fruits ? J’ai reçu des jolies mangues mûres de ma famille à Lomé

Il n’en faut pas plus à papa pour tomber dans la sauce. Les oreilles de Norman aussi se tendent et ses yeux suivent des yeux le bol contenant les mangues découpées que ramène Macy. Je les laisse se jeter dessus. Les fruits ce n’est pas mon truc. J’aurais nettement préféré avoir un oui de Macy et qu’elle me suive à Lomé dans quelques jours.

Je veux bien demander à papa quand on rentre chez moi qu’il me donne la botte secrète qu’il a utilisée avec maman pour qu’elle accepte de l’attendre sagement à Lomé, sachant bien qu’il a une femme ici à Reims. Vu comment je connais les femmes et surtout ma mère, c’est évident que jamais elle n’aurait consenti à être avec un homme en couple si ce dernier n’avait pas volé son cœur. Et j’aimerais voler entièrement celui de Macy. Seulement je ne pose pas la question à papa. À vrai dire nos relations ne sont pas hyper chaleureuses, mais elles ne sont pas catastrophiques non plus. Je l’ai rejoint ici quand maman m’a fait quitter Lomé après l’accident des voisins. J’ai vécu chez les parents de Norman, des amis à maman. C’est d’ailleurs comme ça que nous nous sommes rapprochés. Papa passait une fois par mois me voir. Il était certes avenant, mais j’ai mal vécu le fait qu’il me cache. Puis je me suis habitué avec le temps et j’y ai même trouvé des bons côtés. J’imagine que c’est la culpabilité, mais il me refuse rarement de l’aide financière. D’ailleurs c’est lui qui s’est prêté garant pour le prêt qui m’a servi à monter mon projet. Et franchement l’argent résout 97 % des problèmes ici-bas donc de quoi je me plains ? Pas grand-chose !

Je suis rentré un peu avant le début de ma tournée pour profiter du pays. C’est mon premier retour depuis le départ. Tout ça par la faute de maman. J’aurais dit qu’elle ne m’a pas manqué, mais ce serait un gros mensonge. Elle m’a pris dans son étreinte et tout d’un coup je me sentais définitivement à la maison. Norman aussi est là. Faut pas me demander comment. Je n’ai pas sorti un rond pour son billet donc ça ne m’intéresse même pas de savoir comment il l’a fait.

– Comment va se dérouler ton programme mon chéri ? me demande maman après m’avoir bien régalé

– Je pense que je commence par le Burkina, je vais demander à Macy tout à l’heure

– Hum !

– Hum quoi ? Je lance à Norman qui était devant notre télé en compagnie d’une de ses amies, qui fait aussi partie de l’équipe

– Je ne peux plus « humer » ? il rétorque sur un ton agressif

– Ton attitude de diva commence sérieusement à me les faire. C’est quoi ton problème ?

– Doucement Sébastien, maman me rappelle à l’ordre. Ce que ton cousin veut dire c’est que tu laisses trop les choses importantes au contrôle d’une étrangère

– C’est pas vrai, rigolai-je d’étonnement. Tu as déjà rapporté. Quel genre de mec es-tu ?

– Un qui a les yeux ouverts Seb ! Un qui ne rêve pas debout pendant que cette fille mange ton cerveau

– Celle qui me mange le cerveau c’est elle qui a remis en état les dégâts que tu avais causés il y a quelques jours

– Et alors ? C’est pas son travail ? En plus j’essayais juste de me familiariser aussi avec l’outil

– mais je rêve, je rigole encore. Tu la paies pour dire que c’est son travail ? Tu sais combien les programmeurs m’auraient chargé si elle n’avait pas réussi à me remettre les paramètres comme il faut?

Son long visage ne fait que s’allonger et il se met à blablater

– en conclusion tout ce que j’essaie de te dire c’est que tu lui fais trop confiance. Avec les filles africaines on ne sait jamais. Elle peut te mettre dans la bouteille ou même si elle n’en arrive pas là, elle peut refiler ton projet à quelqu’un d’autre

– Il a raison chéri. Je n’aime pas non plus cette histoire que ton cousin m’a racontée. Les gens sont jaloux du succès des autres de nos jours. Tu ne peux pas soulever une fille de nulle part et tout lui donner comme ça parce qu’elle est ta copine

– En plus si je peux me permettre, elle n’a pas l’image d’une professionnelle donc c’est une erreur de la mettre autant en avant. J’ai fait un tour sur son compte Facebook et elle fait trop fausse avec sa tonne de maquillage là, on dirait les vendeuses de piments, bien sûr je dis ça pour toi hein, rajoute la fille

– Non, mais lol. Vous me prenez pour un con ? Elle a signé un accord de confidentialité et en plus elle m’aime. Elle est incapable de me trahir. Et ce que vous ne comprenez pas c’est que cette fille en a dans la cervelle. Quand je n’avais pas encore les moyens de me payer certains consultants, elle se tapait des heures de webinaires, en dehors de son emploi régulier, juste pour qu’on avance. Si elle se prenait au sérieux, elle pourrait me réclamer le triple de ce que je lui verse actuellement. C’est pas tout ça de critiquer, il faut aussi avoir le niveau de la personne, dis-je spécifiquement à l’endroit de Norman

– bref on t’aura parlé !

– Sebastien, commence encore maman

– Rien maman. Macy ne peut rien me faire. Je suis en plus son premier copain. Sa toute première fois en amour.

– Bon si tu le dis

Je l’ai dit et j’insiste dessus. Elle n’est certes pas follement amoureuse au point de quitter son emploi, mais je ne doute pas du reste. Il y a qu’à voir son implication. Elle est à moi. Que Norman se contente de sa part du travail.

Si ça ne dépendait que de ma mère, elle m’aurait gardé enfermé à la maison sous prétexte que le mauvais œil des gens. Mais c’est mal me connaître. Je n’ai que trois jours à faire avant de commencer ma tournée. Et je compte bien en profiter. Je me rends d’abord chez Josh pour commencer. Ça aussi maman l’ignore et mieux c’est. Il est de retour, sa première fois aussi depuis le temps qu’on s’est perdus de vue. Le revoir m’a fait un bien fou même si son apparence physique était totalement différente.

– Merde tu ne paraissais pas si musclé mec, c’est comment ?

– Redis le lui, je ne sais pas si c’est le sport qu’il est parti étudier au final, réplique sa mère

– Je t’ai dit que les muscles sont à la mode maman

– Hum en tout cas, que les filles continuent de vous mentir. Je vais m’occuper de ton père. Je veux voir tes pieds ici avant minuit, est-ce que c’est clair

– Hooo il est juste 18 h ! se plaint-il

– J’ai fini de parler

– Je reviens gars, dit-il en la suivant

Je suis donc seul dans la cour, mais pour quelques brèves minutes. Leur portail s’ouvre et une moto entre. Celui qui la tire m’est inconnu au début, mais je le reconnais très vite.

– Axel ? C’est toi ça purée

– Euh on se connaît ? demande-t-il un peu confus

– C’est Seb, Sébastien, du Colpro

– Ohhhh !!! Sorry je ne t’avais pas reconnu, c’est comment ? dit-il joyeux tout en me faisant l’accolade

– On est là comme tu vois. De retour pour un moment. Purée même Allen a changé ? On vieillit, je rigole en voyant le gosse qui a hélé le nom d’Axel se rapprocher de nous

– C’est plutôt Ezra ça, rigole Axel. Mais oui, on vieillit comme on dit. Ils sont au lycée maintenant

– Fous-moi le camp inconscient ! la voix de la mère crie depuis l’intérieur nous arrêtant brusquement.

Le sourire d’Axel qui suit est crispé. Ezra roule simplement des yeux et demande à son frère s’il a son colis après m’avoir salué. Axel lui remet quelque chose et le petit file à l’intérieur tout content. Joshua sort à cet instant et le bouscule carrément au passage

– C’est quoi ? Tu ne m’as pas vu ? le rabroue Josh

– Qui courait entre nous ? rétorque le petit

– Continue à me répondre, que je t’en colle une et on verra si tu fais encore l’insolent

– Laisse-le tranquille Joshua, répond Axel

– Ce qui se passe ici te regarde ? il défie Axel

– Ouh là mec, allons-y mollo, la soirée n’a pas encore débuté

– pfff t’as raison, viens on se casse d’ailleurs

– Axel tu veux te joindre à nous ?

– Sans façon, amusez-vous bien, il me dit avant de rejoindre son autre frère

– Heureusement que tu avais une voiture gars, parce que j’en peux plus de ma daronne je te jure, se lamente-t-il pendant que je ne nous conduis à l’hôtel École Avenida comme il a demandé

– Qu’est-ce qui se passe avec elle ?

– Depuis l’accident du vieux elle a changé. Ce que je peux comprendre, prendre soin d’un paraplégique c’est du travail, mais elle est invivable. Tout me tombe dessus dans cette famille. Imagine que c’est moi qui rentre, et dois payer les factures de la maison

– Non sérieux ?

– Comme je te dis là. L’électricité, l’internet. Je lui prête l’argent que j’ai gagné dans mes petits boulots et elle me gueule dessus juste parce que j’ai demandé à être remboursé

– Punaise je compatis. J’ignorais que c’était aussi grave. Il n’y a personne pour vous soutenir ? Je sais pas Axel lui fait quoi ?

– Axel sait faire quoi sinon se promener sur sa moto au nom du stage ? 22 ans et il vit toujours à la maison pendant que nous on est dehors à se chercher. Il n’est même pas fichu de draguer une fille mec. Il court derrière la petite bonne que la vieille a engagé pour l’aider avec le vieux, il dit et je rigole bien amusé par son histoire

– Au moins il a avancé. Tu disais jadis qu’il ne pouvait même pas tenir une conversation

– Mais la bonne ? Quand même. Faut voir les pagnes délavés que la meuf porte même. C’est honteux quand j’y pense

– Lol laisse le type. Trou c’est trou.

– C’est ça ! Qu’il continue à suivre les trous délabrés comme un mouton affamé. On ne pourra pas me reprocher de l’avoir abandonné à son sort de villageois sans rien faire pour lui. J’ai aussi mes problèmes et projets. Euh.... tu peux me passer ton téléphone ? Il me demande

– Pourquoi ?

– comme la vieille ne m’a pas remboursé je me retrouve en panne sèche, j’ai juste besoin d’envoyer un message à ma meuf

– Euh OK, vas-y, acquiesçai-je

Il le prend et envoie un texto j’imagine. Quelques minutes plus tard, nous garons devant l’hôtel. Et la bombe qui en sort me cloue littéralement le bec

– C’est ta meuf ça ?

– Elsie Olin, il crâne

– Je pensais que tu étais sur Hadeya ? dis-je toujours admiratif devant la fille qui semblait chercher Joshua du regard

– Pardon on fait quoi avec un canard quand on a un cygne en face ? Il ironise puis sort de la voiture et se rapproche d’elle

Je ne sais pas si j’ai déjà envié quelqu’un, mais ce petit bijou aurait été beau aussi à mon bras, même s’il n’est pas aussi gonflé que celui de Joshua. Il a d’abord trouvé une blanche où ça ? Et elle l’a même suivi jusqu’ici ? Je suis trop intrigué

– So babe, meet Seb a good friend of mine, and Seb voici mon bébé, Elsie qui jure qu’elle va parler le français avant de quitter Lomé, il plaisante

– Je lui apprendrai volontiers, je réplique en prenant la main d’Elsie qui répondait effectivement dans un français totalement tordu

D’amour, D’amitié