81: you must calculer
Write by Gioia
***Axel Sani***
Maman est rentrée trois
jours après le décès de papa et dire qu’elle est inconsolable est un euphémisme.
Elle s’est enfermée dans leur chambre et ne cesse de pleurer. L’annoncer à
Joshua fut tout aussi pénible. Il a demandé une date pour programmer son retour
mais à l’heure actuelle, mon cerveau n’a pas encore accepté l’information que
papa n’est plus. Ezra est toujours aussi remonté. Il est sorti ce matin sous
prétexte qu’il allait camper chez tonton Gaëtan pour avoir une réponse concernant
la négligence de Jeanne. Allen s’est enfermé dans sa chambre comme maman. Les
visites ont débuté aujourd’hui par tonton Arnaud et sa famille. Eben fut le deuxième
à se présente. Et il était accompagné de son frère Fabien, en plus d’un sachet
de fruits pour nous. C’était la première fois que je le rencontrais. Maman n’a
pas voulu sortir pour les voir. C’est tout penaud que j’ai dû retourner vers
Eben et son frère. Le premier heureusement ne semblait pas offusqué.
– Tu as déjà notifié
ton employeur de la nouvelle ? il me demande
– Oui, elle m’a
donné une semaine off pour le moment, mais je pourrais en plus au besoin
– C’est bien, il faut
faire un effort pour manger, tu comprends. Même si c’est dur, ce n’est pas le
moment que tu te négliges, tu dois être fort, il me dit quand mes yeux se
remplissent encore de larmes
Je hoche uniquement la
tête et pour lui faire plaisir, mange quelques fruits. Il arrive à tirer Allen
hors de la chambre aussi et reste jusqu’au retour d’Ezra qui semble plus irrité
que ce matin.
– Tonton Gaëtan n’avait
pas de nouveau comme il avait promis !
– Il avait promis de
faire signe quand il en aurait Ezra, pas qu’on devait le chercher, je lui
rappelle
– PFF, pendant qu’on
est ici à se morfondre, la véritable coupable est potentiellement en fuite, conneries
va, il rage et s’en va
– ça va lui passer, tente
de m’encourager Eben
Lui et son frère font une
bonne partie de la journée avec nous. En partant, Eben me confirme qu’il compte
repousser son départ de quelques jours, vu ce qui s’est passé. La
reconnaissance déjà élevée que j’ai pour lui monte à un niveau supérieur.
Je pensais les visites
finies, mais un inconnu se présente en fin de journée sous le nom de George, le
fils d’un ancien collègue de papa et voulait prendre de ses nouvelles vu qu’il
passait dans le coin.
***George Sani***
Je n’aurais pas fait ça
en ses circonstances mais n’avoir aucune nouvelle de papa depuis trois jours me
rendait anxieux. D’autant que Jeanne et tonton Gaëtan ne me répondaient pas non
plus. J’ai fait plusieurs tours dans le quartier et après mille questionnements
en voyant les défilés réguliers dans leur maison, j’ai décidé d’entrer. Une
partie de moi craignait déjà que quelque chose lui soit arrivé mais entendre qu’il
est décédé m’a donné le tournis. J’ai fixé directement sa femme, et l’air froid
qu’elle m’a retourné en dépit des larmes, m’a fait frissonner. Cette femme est
coupable. J’avais prévenu papa. Je lui avais dit qu’il était trop confiant.
Merde et double merde ! Je me suis levé
fébrilement et c’est la mort dans l’âme que je suis rentrée. Maman a fait une
chute quand je lui ai annoncé la nouvelle. Ses larmes n’ont temporairement tari
qu’à la fin de la semaine, soit deux jours plus tard.
– Nous devons aller
aux funérailles de ton père George, cette femme ne mérite pas de l’enterrer après
tout ce qu’elle lui a fait
– Je suis d’accord, on
aurait dû faire comme j’avais proposé à papa et le faire quitter cette maison
depuis le début. Il serait encore parmi nous aujourd’hui
– C’est qu’il ne voulait
pas précipiter les choses pour éviter justement qu’elle profite davantage de la
situation, dit-elle avant de se remettre à pleurer
Rien n’arrivera à nous
consoler de cette perte, mais je me fais la promesse de mener à bien les projets
que papa et moi avions. Sans tarder, je me rends chez tonton Gaëtan pour lui
faire part de la nouvelle. Non seulement il la connaissait mais en plus, il
partage mes soupçons.
– Mais tonton nous
ne pouvons pas fermer les yeux sur ce crime ! Une enquête doit être ouverte
– George, je ne t’en
veux pas, parce que tu ne sais pas de qui tu parles. Si tu veux commander une
enquête, je ne vais pas me mettre sur ton chemin, mais je t’en prie, à cause de
Dieu, ne mentionne pas mon nom quand tu commenceras ta vendetta. Mon fils n’a
que moi et ma femme est vieille
– De quoi as-tu peur ?
– Tu penses qu’une
femme qui a pu tuer son mari craindra des étrangers ?
– Elle a profité de
sa faiblesse ! Nous sommes des hommes sur nos
deux pieds. Qu’est-ce qu’une vieille peut nous faire ?
– Cette vieille
comme tu dis, a plus d’influence que toi et moi rassemblés. En tout cas peut-être
ta profession t’a permis de connaître du monde important mais moi c’est lèblè (petit
travail), que je fais. Laisse-moi dedans et quand tu quittes ici, oublie aussi
la route de ma demeure si tu décides de te révéler
Impossible de le
raisonner, vu la tête qu’il fait. Je n’insiste pas. De toute façon je n’ai pas
besoin de lui en réalité. Le dimanche, dernier jour de la semaine, je rencontre
l’avocat à qui j’avais présenté papa pour son divorce pour qu’il me conseille
sur la marche à suivre. Mon but est simple. Empêcher cette femme de dormir sur
le dur labeur de mon père. Contre une poignée de billets, l’avocat accepte d’aborder
avec moi ce qu’il avait déjà fait avec papa.
– Votre père s’est marié
sans contrat donc automatiquement sous le régime de la communauté réduite aux
acquêts. Sa femme conservera donc la moitié des biens de la communauté et l’autre
moitié s’ajoutera aux biens personnels du défunt, composant ainsi la
succession. Là où le testament peut tout changer, c’est au niveau du montant qu’elle
pourra percevoir dans la succession. De ce que m’avait dit votre père, il ne s’était
pas encore décidé sur les clauses à inscrire dans son testament en revanche
– Quoi ? Donc elle peut tout rafler s’il s’avère qu’il n’en
est pas fait établir un avant son décès ?
– Je ne dirai pas
rafler mais en tant que conjoint survivant, elle a la priorité dans la succession
des héritiers et peut choisir d’hériter de l’usufruit de la totalité des biens,
donc les utiliser et percevoir les loyers si locations il y a, jusqu’à son
décès. Mais elle ne pourra pas les revendre puisqu’elle n’est pas propriétaire.
Les petites et moyennes réparations en termes d’envergure sont à sa
responsabilité tandis que les majeures incombent aux nus-propriétaires, soit
les autres héritiers. Elle doit impliquer et coordonner la gestion des biens
avec les nus-propriétaires dans ce cas de figure. Sinon, elle peut opter pour le
quart en pleine propriété. Le reste des héritiers se partagera le reste. Là où
votre présence peut tout changer, c’est qu’étant enfant d’une autre union, vous
pouvez prétendre à l’héritage et elle perd l’option de l’usufruit
– Donc elle devra se
contenter du quart en pleine propriété si je comprends bien
– Tout à fait
– Merveilleux. Mais
il n’y a rien qu’on puisse faire concernant la moitié qui lui revient d’office ?
– Non la loi ne
permet pas d’écarter une veuve ni les enfants M Sani
– OK, dis-je. ¾ pour
cinq garçons ce n’est pas énorme, mais au moins elle ne pourra pas s’asseoir
sur tout et j’ai aussi le compte bancaire en France dont elle ignore l’existence
C’est tout satisfait que
je quitte le bureau de l’avocat. Il m’a expliqué qu’une fois que Mireille
saisira un notaire pour procéder au partage de l’héritage, ce dernier est tenu
de trouver tous les potentiels héritiers avant de continuer avec la succession.
C’est à ce moment que maman et moi ferons notre grande sortie. D’ici là, je
vais me rendre aux funérailles en tant qu’ami de son fils et observer tout ça
de loin. Peut-être pourrai-je même trouver des preuves pour l’incriminer. Papa
avait quand même mentionné le fait qu’elle ait un amant. S’il pouvait sortir de
son trou et que je les prenne sur le fait, je les enverrais tous les deux
croupir dans un taudis. On verra comment elle pourra tuer les gens là-bas.
***Mireille Sani***
J’ai pris le temps
nécessaire pour consoler mes enfants et calmer les cœurs, principalement celui
d’Ezra qui ne démordait pas avec le nom de Jeanne dans sa bouche. Dans la vie
il faut choisir ses batailles, et j’ai décidé de laisser cette petite sur le
côté bien qu’elle se soit moquée de moi. La mettre au centre de cette histoire,
c’est risquer qu’elle craque et avoue toutes les conspirations de Martin. Mes
enfants ne le supporteront pas et pire, mes ennemis seront informés. Déjà que l’un
a eu le toupet de se présenter chez nous comme fils d’un ancien collègue. J’avoue
que je ne sais pas ce qui m’a le plus choqué entre la découverte que Martin
avait tout un fils en dehors de nos enfants, ou que ce dernier ait eu l’audace
de sortir de sa tanière.
Sinon je l’ai appris en
ramassant son téléphone après l’avoir noyé. J’ai également fait d’autres
découvertes et je m’en vais discuter avec mon notaire de tout ceci. Il me faut
un plan d’action pour les mois à venir.
– Martin a osé te
faire ça ? il s’offusque devant les feuilles
imprimées des courriels ainsi que SMS de Martin
– Nous n’en sommes
plus à ça Norbert. Il l’a fait et n’est plus. Ce que je veux savoir c’est ce
qui m’attend pour la suite
– Bon, si c’est réellement
son fils, tu ne peux pas l’écarter. Toutefois, si je me fie au courriel dans
lequel Martin exigeait qu’on donne une procuration à George chez HSBC Poitiers,
on peut jouer sur le fait que Martin n’avait pas toutes ses facultés en lui
signant ses procurations et qu’il a profité de lui. On peut aller plus loin, en
optant pour le recel successoral s’il a touché au compte après le décès de
Martin. Ce que ça veut dire, c’est qu’il essaierait de s’approprier une part
supérieure de la succession et rompt ainsi le principe d’égalité dans le partage.
Si la cour nous donne raison, il devra premièrement restituer l’entièreté de ce
qu’il a touché, perd le droit de recevoir une part du montant de ce compte, devra
payer des dommages et intérêts aux cohéritiers, puis ne peut s’absoudre au
paiement des dettes que Martin contrairement à vous par exemple, qui pouvez
refuser de participer à la succession et de ce fait renoncer aussi bien aux
avoirs qu’aux dettes.
– Fais ça au plus
vite, je t’en prie
– Ce n’est pas
forcément une procédure facile à défendre en cour…
– Je te fais entièrement
confiance Norbert, entièrement, susurrai-je en caressant sa main. Le faible que
cet homme a toujours eu pour moi ne m’est pas inconnu. Martin s’était d’ailleurs
éloigné de lui parce qu’en bon jaloux, il ne supportait plus de l’entendre me
complimenter. Si je dois jouer dessus pour obtenir gain de cause je le ferai.
– Dans ce cas, transmet
au plus vite l’acte de décès de Martin à la HSBC pour qu’il gèle les avoirs du
compte. Je m’occupe de dresser l’acte notarié
Je me lève et lui plante
une bise sonore sur la joue avant de le remercier tout en le fixant droit dans
les yeux. Mes calculs sont bons. Il me reste un dernier cas.
– Joshua, est-ce qu’il
y’a une façon de le priver de sa part ?
– Euh…, fait-il pris
de court, l’héritage est un droit universel pour les enfants Mireille
– S’il te plaît,
fouille un peu pour moi. Ce garçon est une vraie déception. J’ai saigné pour l’envoyer
en Amérique malgré tout ce que j’avais comme problèmes avec son père. Il ne s’est
pas gêné pour finir ses études mais en plus il se comporte comme un mouton
derrière une petite blanche. Il est rentré avec elle ici et ne se gênait pas
pour me harceler qu’il veut de l’argent pour la faire sortir. Si on le laisse
toucher sa part, il ne fera que s’enliser
– Je comprends mais
tu ne peux pas lui parler ?
– Tu te dis bien que
je l’ai fait. Il voit même Axel et Ezra se débrouiller mais ça ne lui dit rien.
Là où il est, il n’y a qu’un coup de massue qui peut le ramener sur terre. Peut-être
on peut lui dire que le partage prendra du temps et lorsqu’il retournera dans
son Amérique, lui faire croire qu’il n’a rien eu ?
– Je risque ma
licence si je fais ça Mireille, c’est un délit et…
– Je t’en prie,
dis-je en lui caressant son ampoule qu’il appelle tête. Il soupire, signe d’abandon.
Les hommes chauves vraiment, ils aiment ça. Je sors de là reposée, et prête
pour la suite. Un petit tour au marché pour m’acheter des concombres et bien
purger comme ça je maigris plus vite et ressemblerai à une bonne veuve.
***Macy Wiyao***
J’avais prévu rester dans
mon coin jusqu’au départ, mais j’ai appris par maman le décès tragique du père
d’Axel et malgré qu’on se soit écrit, je n’ai pas pu m’empêcher de me pointer
chez eux, histoire de lui souhaiter de vive voix. Mon cœur s’est noué quand il
est sorti de l’intérieur avec cet air malheureux. Sans réfléchir, je me suis jetée
dans ses bras et j’ai attaché mes bras autour de son cou. Il m’a serré au point
de m’étouffer et je n’ai pas bronché. Il en a besoin.
– Je suis vraiment
désolée Axel
– La veille
seulement Macy, il me parlait. Je me sens tellement con, je me dis que j’aurais
du le suivre au lieu de le confier à Eben
– C’est normal, on
se dit toujours qu’on aurait pu changer quelque chose mais s’il y’a une chose
que j’ai apprise sur les tragédies, c’est qu’elles arrivent aussi vite que les
étoiles filantes. Je ne peux que te souhaiter mes condoléances et beaucoup de
courage
Il me serre sans
répondre. Nous restons comme ça, je ne sais combien de temps, mais il quand il
se détache, je sens un petit soulagement dans son air, même s’il reste dominé
par la morosité. Il me conduit vers la balustrade où je m’adosse et revient
avec une cannette de Sprite pour moi.
– La tension est
toujours haute avec tes frères ? je lui
demande parce qu’il m’en a parlé quand on se textait
– Non je pense qu’Ezra
commence par à accepter petit à petit. Allen en revanche ne veut pas sortir de
la chambre. Il ne s’est pas douché depuis trois jours et encore moins brossé
les dents. L’ironie c’est que j’ai essayé de le tirer dehors mais en tant que
son aîné je n’ai même pas sa force. Il m’a plaqué en un rien de temps imagine. Plus
minable tu…
– Ne dis pas ça, tu es
mentalement fort
– Le mentalement
fort ne m’a rien apporté jusqu’à présent
– Je ne vais pas te contredire
pour le moment, parce que tu vas mal, mais rappelle-toi que tu as sauvé ma
cousine quand tu parles de ton mental. Et rappelle-toi de tout ce que tu as
accompli professionnellement grâce à ton mental, je dis et sans réfléchir j’effleure
son front de mes lèvres comme j’étais assise sur la balustrade.
Le baiser qui s’en suit
me prend aussi par surprise et me désarme complètement. Comment ça je suis en
train de me faire rouler une pelle ? Seb doit… ,
Seb m’a…. , je repense aux conneries qu’il m’avait dites. Et puis merde c’est
trop bon ce que je ressens actuellement. Je soupire à peine que ma langue se retrouve
aspirée et je murmure de satisfaction quand il m’enfonce la sienne dans la bouche.
Mes ongles s’oublient et tracent des dessins imaginaires sur son dos, le
faisant grogner et soudainement mes lolos sont pétris comme de la pâte dans les
mains d’un boulanger. Mes jambes qui étaient croisées sur ses jambes tout à l’heure
tombent sous l’effet des fourmillements naissants dans mes reins.
– Ax… , hhhsshhh,
fais-je quand il descend je ne sais quand et me mordille le téton. Malgré mon bonnet
double D il m’arrive de sortir sans soutif, je me contente les jours là d’une tenue
qui tient quand même bien ma poitrine. Il a fallu que ce jour soit aujourd’hui et
je suis en robe cami en coton.
– J’ai envie de te
goûter Macy, il me dit d’une voix si sexy que j’en mouille ma culotte
Mon cerveau ne fait que
crier comme une sirène d’incendie, « je veux ça », « je veux ça ». Et avant que je ne formule une réponse, il baisse
une bretelle, exposant un sein gauche à l’air qui est aussitôt aspiré et je
croise derechef mes jambes autour de ses hanches. Ce type a un truc avec la
brusquerie, parce que façon il m’a choppé les lèvres sans prévenir, c’est comme
ça qu’il vient de les laisser et me surprend en me regardant avec douceur.
– J’ai envie de toi
mais ici ça serait bizarre. Tu es une superbe fille Macy ; j’ai longtemps hésité mais en réalité j’espérais
pouvoir te draguer proprement, t’emmener manger, rencontrer officiellement tes
parents avant ça. Je suis désolé d’avoir sauté sur toi comme une brute, il dit
et m’embrasse
La douche que je reçois
est glacée. Comment j’ai fait pour ne pas le manquer ? Enfin j’avais conclu depuis la soirée avec ses
frères qu’il avait flashé sur moi mais de là à parler de rencontrer mes parents ? J’essaie de lui sortir un sourire correct mais
il a dû remarquer mon changement parce qu’il me prend la main, la pose sur sa
joue et me demande si je suis fâchée
– Non du tout, ça
peut arriver de se sauter dessus, en plus tu vis un moment éprouvant. Et si on
reparlait de ce qui vient de se passer plus tard ? Je dois aussi rentrer, j’avais parlé d’une sortie rapide à mon père et je
m’en vais déjà vers deux heures dehors
– D’accord, dit-il
un peu déçu mais il s’éloigne quand même pour me permettre de remettre de l’ordre
dans ma tenue puis me raccompagne en plus
Une fois à la maison, je
dois recevoir aussi un message de lui, alors que c’est moi qui devais lui
écrire.
– J’espère vraiment
ne pas t’avoir fait fuir Macy. Bonne soirée et j’espère aussi te revoir bientôt
J’hésite longtemps mais
finis par juste le rassurer et lui souhaiter également une bonne soirée. À quoi
bon lui dire que je suis en couple ? Il en a déjà
assez sur le dos.
***Jeanne EKOUE***
Après des années à me
réveiller aux aurores pour assister Madame Mireille, je m’étais dit qu’un
avantage de ma situation actuelle, c’est que je pourrais me reposer mais non. La
personne d’une taille de pile qui s’appelle Imogen a décidé de frapper
violemment mon pied alors que le sommeil m’a tardivement trouvé.
– C’est quoi qui
court dans ta tête ? Je ne peux
pas dormir ? je crie sur elle
– Lève-toi vite ! elle se permet de me parler fort en retour
Je remets le pagne sur
moi sans lui répondre et elle ose me frapper avec plus de violence. Sa chance c’est
quelle saute vite comme un lapin, parce que la main que j’envoie allait
sérieusement lui ramasser la joue si elle avait atterri à bon port.
– Je t’ai pas dit qu’on
part quelque part matin là ? Tu crois que
j’ai moi tout ton temps ?
– Et tu ne pouvais
pas me réveiller comme les gens normaux ? Tu sais ce
que ça fait psychologiquement de voir un mort ?
– Regarde chyquolo
quelque chose là, je suis pas dedans. On doit quitter ici à sept heures donc fais
vite
– Elle a dit
psychologiquement Imo, fais un peu d’effort, lui dit mon fils qui finit de
porter ses chaussures
– Est-ce que le mot là
va me donner à manger ? Tchroum, ne
va pas boire ta bouillie au lieu de me corriger, elle lui dit et il sort à la
course de la chambre qu’on partage
J’entre dans ma deuxième
semaine ici et elle n’est pas de tout repos. Dès que la porte de la maison s’ouvre,
je sursaute, craignant que ça soit les Sani. Maman m’a dit qu’elle réfléchit à
une solution mais j’ai peur que ces gens viennent me prendre ou touchent à mon garçon.
Je sors quand même me doucher et m’habiller. Autant sortir plutôt que d’attendre
ici et devenir folle d’inquiétude.
Maman est sortie de la
chambre qu’elle partage avec tonton Billy quand nous étions dehors. C’est vrai
qu’elle a dit ne pas être enceinte mais son ventre n’était pas aussi…
– Inhein ? Vous êtes habillées comme ça pour aller où
Jeanne ? m’interrompt-elle dans mes
pensées
– Bonjour maman. C’est
Imo qui dit qu’on doit aller quelque part. Imogen c’est encore où on va ?
– Joyau faut bien
nettoyer la bouche, elle dit à mon fils sans me répondre
– N’est-ce pas à toi
que je parle ?
– Joyau je suis dehors
hein, dépêche sinon je pars
Mon fils sort à la course,
secouant la main en guise d’au revoir à maman, avant de me répéter aussi de me presser.
Maman pousse un juron aussi long que la moitié de la corde à sécher dans leur
cour.
– Et c’est Imogen
qui se prostitue n’importe comment dans cette ville que tu vas suivre aujourd’hui
hein Jeanne ? C’est à ce niveau que tu es
arrivée ?
– Se prost.. ituer ? Depuis quand ?
– Tu penses qu’elle
a poussé les ailes pour me traiter comme ça d’où. En tout cas fait comme tu
veux, mais n’emmènes pas un autre rejeton dans cette maison. Mon mari n’est pas
là pour vous nourrir
Je sors de la maison sur
cet avertissement et c’est en galopant que je rattrape ma sœur ainsi que mon
fils. Nous montons dans un taxi et quelques minutes plus tard, descendons dans
un quartier qui m’est inconnu. Je ne connais pas bien la ville comme ça. Un peu
de marche, et nous voilà devant une très jolie maison, où elle sonne.
– Donc tu emmènes mon
fils dans tes bêtises quoi. Heeyyy, poussai-je un petit cri d’étonnement
– Bêtises ? Si je faisais pas, on allait manger, elle dit et
un homme en uniforme nous ouvre avant que je ne réponde
– Petit vingt-cinq
tu es là, ça fait longueur, il lui dit avec un sourire
– Je suis là non, c’est
toi qui m’as pas cherché
– Toi tu donnes pas
numéro et on va te chercher comment ? Tu as même
emmené le grand Pelé avec toi hein. Ça va chef ?
– Bonjour tonton, le
salue mon fils. Je suis de plus en plus intriguée. Imogen se prostitue et elle
présente mon enfant aux gens en désordre ? Elle va m’entendre
dès qu’on sortira d’ici
– Bonjour Pelé. En
tout cas, entrez, madame vous attend déjà, il dit et nous laisse entrer
De l’extérieur la maison
ne ressemblait qu’à une normale, un peu comme ce que j’ai vu en vivant à la
Caisse mais l’intérieur est un vrai festin pour les yeux. L’allée vers la
terrasse est bordée de gazons joliment taillés et de gros pots de fleurs. Une arche
recouverte de fleurs blanches et feuillages se tient au milieu. Sur la véranda
se tient une femme habillée en boubou léger qui dépose sur la table, le genre de
plateau que je rêverai d’avoir dans quelques années. Elle nous salue et demande
qu’on s’installe.
– Joyau va rester
avec tonton gardien, on va parler en grands, dit ma sœur à mon fils qui s’exécute.
Madame Belle voilà Jeanne, ma sœur que je t’ai dit qu’on a dit qu’elle a tué
quelqu’un
-Heeyyyyyyy, je crie tout
en me levant. Tu veux…
– Ho faut diminuer
ta folie hein, y’a monsieur qui n’est pas encore réveillé, elle me répond
naturellement comme si elle ne m’avait pas vendu à cette dame
– Imogen, je crois
que ta sœur s’inquiète que tu m’aies parlé de ça. Jeune fille…
– Son nom c’est Jeanne
madame, comme je t’ai dit, manière elle est bête, elle peut pas tuer quelqu’un
C’en est de trop. C’est
son oreille que j’attrape et la tire correctement, tandis que la dame essaie de
nous calmer
– Entre toi et moi
qui a arrêté l’école en premier ? Tu entends
ton français et tu me traites de bête ? je réplique
en colère après avoir lâché son oreille
– J’ai arrêté l’école
mais ça n’a pas bloqué mes mains pour travailler et chercher à manger
– Imogen, ça suffit
avec la provocation, lui reproche la dame
– Hum, donc j’ai dit
elle peut pas tuer l’homme. Ce qu’elle connaît c’est bien nettoyer donc elle va
bien faire chichon (joli) à ta maison si tu la prends
– C’est la personne
qui n’est pas bête qui utilise chichon comme adjectif ? je me moque d’elle en douce
– Tu as compris ou
bien tu n’as pas compris ?
– Les filles un peu
de tenue, je ne vais pas le répéter, dit la dame sur un ton sérieux et je me
redresse aussitôt. Bon Imogen, je veux bien la prendre à ta place si tu me dis
qu’elle travaille aussi bien que toi
– Plus que moi-même madame,
ça seulement faut pas prendre peur
L’assurance avec
laquelle, elle l’affirme me surprend un peu. Aussi longtemps que je m’en
souvienne Imogen n’a jamais manqué d’occasion quand elle devait m’insulter. Je
ne peux pas compter le nombre de fois qu’on s’est battu, et là, elle me laisse
son travail. C’est bizarre et inhabituel. Je ne sais pas quoi en penser mais ce
n’est pas dans mon habitude de refuser le travail donc j’écoute attentivement
les instructions de la dame et lui confirme que je peux commencer demain sans
problème. Je buvais l’eau quand elle m’a demandé si les soixante-dix mille par
mois me conviennent aussi. Je me suis étranglée et j’ai toussé comme jamais. Je
n’ai jamais reçu la somme là. Ma bouche se dépêche tellement pour répondre que
je me mords la langue. Nous quittons la demeure quelques minutes plus tard.
– Tu veux prendre
combien sur l’argent que je vais recevoir ? lui demandai-je durant notre marche
– Ha si tu veux me
donner tout même je prends
– Imbécile, je vais
me fatiguer pour venir tout te donner parce que ? Donne un prix on s’entend sur ça comme ça on va éviter les problèmes
demain
– Continue seulement
à bien payer l’école de Joyau et que j’ai pas faim quand je rentre
– Payer l’école de
Joyau ? Attend c’est toi qui paie son
écolage ?
– Que quelqu’un d’autre
devait ?
– Mais…. , fais-je
confuse, j’ai dit à maman d’utiliser le salaire que je gagnais chez les Sani
pour ça…, pour lui trouver une bonne école
– Han, faut voir
avec elle, comme c’est ta mère. Elle a commencé mais pourquoi elle a pas fini c’est
elle seule qui sait. Bon moi je vais partir avec Joyau à l’atelier, tu veux partir
avec nous ou bien tu retournes à la maison ?
– Quel atelier ?
– Chez tonton
Amadou, tata est apprenti menuisier là-bas
– Yaaaa tu as
finalement trouvé quelqu’un pour t’apprendre ton affaire d’ébénisterie ? je m’étonne
– Qui demande trouve
toujours, c’est le petit frère du gardien de madame Belle qui m’a trouvé, elle
réplique très confiante
Je la suis à l’atelier et
après présentation avec son patron, mon fils me conduit dans un petit coin où
nous restons. Il sort aussi de son sac à dos, un cahier et se met à dessiner pendant
qu’on discute. J’apprends qu’Imogen l’a toujours emmené avec elle quand il est
en congé ou vacances scolaires. La seule chose qu’elle lui exige c’est de ne pas
faire de bruit sinon le patron retirera cette petite faveur. Il m’avoue aussi qu’à
la maison, maman ne lui accorde jamais d’attention. En réalité, c’est Imogen
qui s’en occupe depuis le début. Il n’y a qu’à voir ma sœur pour comprendre qu’elle
est dans son élément ici. Une petite personne parmi plein de grands gaillards
et elle insulte autant qu’eux. L’un a même tenté de me draguer, et avec sa
grande bouche, elle a couru lui dire que je suis maudite donc il mourra s’il me
touche.
Il sonne dix-sept heures
dépassées quand nous rentrons enfin à la maison. Imogen sent la sueur à tuer un
bouc donc elle court tirer de l’eau dans le puits pour se laver. Apparemment,
maman lui a interdit d’utiliser le robinet. Je ne perds pas une minute pour
confronter cette dernière qui se récurait les dents devant un plat rempli d’os.
– Il faut m’expliquer
ce que tu as fait de l’argent que j’ai gagné pendant deux ans chez madame
Mireille ?
– Imogen a déjà
versé son venin dans tes oreilles à ce que je vois
– Je t’avais dit
maman de trouver une bonne école pour mon fils ! C’est pour lui que je ne bronchais pas toutes les fois où je portais ce lourd
monsieur de son fauteuil ! C’était pour
que mon fils vive bien et ne manque de rien ici. Je t’avais donné ma confiance
maman
– Tu as fini de me
crier dessus ?
– Non ! dis-je en versant les larmes de rage. Tu nous as
fait venir sur cette terre pour quoi au final ? Jusqu’à aujourd’hui, Bijou n’a plus jamais fait signe depuis qu’elle est
partie et je suis sûr que c’est de ta faute. Romane a fui aussi à cause de toi.
Tu as plus frappé Imogen que tu l’as nourri dans toute sa vie et c’est moi que
tu appelais la fille à ton image, c’est comme ça que tu te joues de moi ?
– C’est bon cette
fois ? elle dit après un moment à juste
me regarder respirer bruyamment
– Rends-moi mon
argent ! je crie en tenant un bout de
son habit
– Tu es certainement
à mon image, mais ton ingratitude vient de ton père. C’est dans la nature que
tu as trouvé ton fils en revenant ici ou dans une maison ? Sans moi, sans mon cerveau tu aurais pu fuir
pour te cacher ici ? Si je devais
faire les calculs comme tu me fais maintenant, tu penses que ce sont tes pauvres
quarante mille par mois qui suffiront à me dédommager ? Je t’ai envoyé à l’école au village, tu es allée
ouvrir tes jambes pour prendre une grossesse. Ça ne te suffisait pas. Il te
fallait prendre une deuxième, or j’avais un homme prêt à te prendre et élever
ton niveau. J’ai gagné quoi dedans ? Aujourd’hui,
le pipi que tu es vient aussi me réclamer des comptes ? La vie m’a tout montré tchrrrrr, m’injurie-t-elle
avant de me bousculer et s’en aller
Les mots m’ont fait si
mal que je ne pouvais stopper mes larmes sur ma couche de nuit. Imogen à côté ne
se gêne pas un peu pour me demander si ça va, pourtant on dort sur le même
matelas au sol.
– Tu te rends compte
qu’elle m’a appelé pipi, dis-je amère
– Hum…
– Ton cœur noir ne
peut pas essayer de me consoler un peu ? Tu es quel
humain toi ?
– Au moins elle t’a
dit la vérité
– Tu dis quoi ? dis-je sur un ton bagarreur
– Tu souffres pour
manger, c’est toi qui vas faire enfant avec quelqu’un qui souffre aussi.
– Qui t’a dit qu’il
souffrait ? C’était mon professeur de
maths et il m’écoutait. Il me comprenait, bref, tu n’as pas de cœur donc les
choses comme ça ne sont pas à ton niveau
– Quelqu’un qui
souffre a le temps pour écouter une souffreuse, c’est normal
– Tu es bête, le mot
là n’existe même pas
– Hooo, tu as compris.
Et puis tu fais deuxième enfant. Au moins Dieu prend lui là pour qu’il ne
souffre pas, oh tu pleures que la vie est triste, jusqu’à tu m’as frappé dans l’histoire
là
– Je t’ai frappé
parce que tu m’as traité de bête quand je pleurais la perte de mon enfant. Tu étais
cruelle sans raison
– OK oh, je n’a qu’à
être crielle
– On dit cruelle. De
toute façon quelqu’un qui a avorté de son enfant à quatorze ans ne connaît rien
de ce que je pouvais ressentir
– Ce qui est sûr, elle
t’a déjà dit que tu es pipi. Tu n’es pas mort, demain le travail t’attend, donc
faut faire silence on dort
Façon, elle me l’a dit, c’est comme ça qu’elle s’endort facilement. Parfois je me demande si elle a un point faible. Je lui murmure quand même un merci, pour avoir pris soin de mon fils, bien qu’elle n’ait jamais caché son antipathie pour moi.