84 : Faut pas dire à quelqu’un, c’est ça secret d’africain

Write by Gioia


***Fabien TOUTIAN***

C’est avec Bijou que j’ai découvert que femme aussi chante sous la douche quand elle est heureuse. Sa dernière sœur Romane est arrivée hier à Lomé et je m’apprête à quitter la maison pour aller chercher son neveu Joyau. Comme la courte et la maman du garçon travaillent, elle s’était proposée pour garder le petit vu qu’il est en période de vacances scolaires. Je sors ma moto et me mets en chemin pour ECOBANK de Nukafu, où la sœur de Bijou est supposée me retrouver. Elle et le petit étaient déjà sur place à mon arrivée d’ailleurs.

— Tu veux que je te dépose quelque part? je lui demande après les salutations

— Non j’attends en fait ma patronne qui viendra me chercher bientôt, dit-elle. Effectivement elle a deux gros paniers de course pleins devant elle

— Ah OK, bon nous sommes partis alors, répliquai-je tout en détachant le deuxième casque pour que le petit le mette mais ce dernier secoue la tête

— J’ai déjà ma casquette

– Ça c’est un casque petit chef, on ne monte pas à moto sans

— Mais je…

— Joyau dépêche-toi d’obéir sinon ce sera la fin des vacances sur le champ, lui ordonne sa mère

Comme la plupart des enfants, il serre la mine mais se laisse quand même faire. Nous partons et quelques minutes plus tard, je fais un petit arrêt à une supérette histoire d’acheter du lait PEAK et un paquet de saucisses. Chez nous, il n’y a pas d’histoire de petit déjeuner. Mon amour pour la pâte continue au grand dam de Bijou. Quant à cette dernière, elle s’est habituée à manger les restes en matinée. Une fois hors de la supérette, le petit fait encore la tête pour remettre son casque.

— Les autres sur les motos ils n’ont pas porté tonton, se défend-il

— Tu sais moi aussi je parlais comme ça avant. Puis mon grand frère m’a parlé du nombre d’accidents qui survient au quotidien sur nos routes. Et tu vois je n’ai pas du tout envie de mourir pour quelque chose qu’on peut changer. Je suppose que tu ne veux pas mourir non plus ou je me trompe?

Il remue la tête en guise de réponse.

— Dans ce cas…

Il donne sa grosse tête et je lui remets son casque. Les enfants d’aujourd’hui franchement, ils ne connaissent plus le mot crainte. Quelques minutes additionnelles, et nous voilà à la maison. Le petit est là pour faire une semaine avec nous normalement. N’ayant aucune minute à perdre, je remets les courses à madame et m’en vais honorer le rendez-vous d’un client qui veut installer trois réfrigérateurs menus de distributeurs d’eau.

***Bijou EKOUE***

Depuis que les retrouvailles, je ne tenais plus sur place et le clou de l’émotion c’est qu’enfin je vais revoir le reste de ma famille aujourd’hui. Imogen m’a dit au téléphone hier qu’elle emmènera Romane chez nous après sa journée à l’atelier. Joyau est déjà avec moi et m’amuse beaucoup avec ses remarques. D’abord il voulait savoir où le tonton est parti. Quand j’ai répondu au travail, il voulait ensuite savoir si c’est le même travail que sa maman et Imo.

– Est-ce que Imo et maman font le même travail? je lui demande au lieu de lui donner la réponse

— Non, maman elle a pris le travail d’Imo et puis elle fait capita (la prononciation de carpenter)

— Menuiser c’est pas mieux?

— Non Imo a dit capita, il insiste. Est-ce que le tonton c’est le papa de ton bébé?

— Kierr quel bébé? fais-je choqué

— Mais dans le ventre, il dit et le pointe

— Oh je n’ai pas de bébé dans le ventre voyons

— Mamie elle a un ventre comme pour toi et puis j’ai entendu tonton Billy lui a dit que…

J’ai tiqué au prénom Billy, qui m’a rappelé celui de tonton Bill. Ce n’est pas la première fois que je l’entends. Jeanne m’avait déjà dit que maman s’était mise en couple avec un ex-douanier qui s’appelle tonton Billy. Impossible qu’il soit aussi un ancien gardien, en plus que tonton m’avait avoué ne pas avoir fini son collège. Mais le nom Bill évoque toujours un souvenir amer en…

— Tata tu entends? on me crie dans les oreilles

C’est Joyau qui se tient maintenant sur mon canapé et tout près de mon visage.

— Oui jojo, je n’ai pas de bébé, mon ventre est seulement gros

— Ah bon? Pourquoi maman et Imo n’ont pas de gros ventre alors? Waaaa les enfants, je ne l’imaginais pas aussi curieux

Entre causeries et des séances improvisées de foot avec son ballon en plastique qu’il avait dans son sac à dos, je n’ai pas vu le temps filer. L’on sonne au portail de la maison que nous partageons avec d’autres locataires. La fille d’un voisin est plus rapide que moi pour ouvrir. Mais ce sont mes sœurs. Romane s’élance en premier et me rejoins avant que je n’aie le temps de finir un pas.

— Mais Seigneur tu grandis pour partir où? m’écriai-je la joie débordante de partout et elle de rire

— C’est l’âge oh Bijou, Joyau mon petit chouchou, crie-t-elle avant de s’abaisser pour essayer de porter ce dernier qui rigolait

— Vous là vous aimez le bruit hein

— Comment tu sens comme ça Imogen? dis-je en retroussant le nez

— Merci de lui demander! appuie Romane qui lui avait visiblement déjà fait la remarque

— J’ai demandé à la sueur de sortir? réplique-t-elle avec l’air de quelqu’un qui ne se sent pas concerné tout en frottant la tête de Joyau

— Franchement Courtegen le citron ne coûte pas plus de cent francs. Ça te coûte quoi de bien te frotter le corps avec avant d’aller à l’atelier rempli de garçons là? lui reproche Romane

— Bon je suis partie…

Je me dépêche en un rien de temps, l’attrapant par le bout de sa culotte et Romane se saisit de son bras.

— Hooo laissez-moi non, je vous ai volé quelque chose

— Tu viens à peine et tu veux aller où?

— Je vais rester pourquoi? je t’ai déjà conduit Romane

— Donc c’est Romane seulement que je vais voir? Si tu restes un peu ça va te faire quoi?

— Bijou tient là bien, à un deux, on la soulève

Elle proteste mais son poids n’est rien face au mien. Rajoute Romane qui malgré sa minceur semble forte et nous avons porté sans difficulté Imogen pour la mettre dans la chambre et actuellement on l’a forcé à s’asseoir sur un tabouret dans notre douche commune. Manches retroussées, Romane démêle ses cheveux, et je dépose le sceau rempli d’eau à température normale. Elle ne voulait pas que je chauffe l’eau, sous prétexte qu’elle ne dort pas bien quand elle se lave avec.

— Tata Bijou?

— Oui jojo? je réponds tout en frottant le cou d’Imo avec l’éponge de savon. Oui on va la laver, elle n’a pas le choix.

— Pourquoi les nénévi de Imo sont pas comme pour toi et puis pour tata Roma?

— HEYYY ce mioche, rigole Romane avant de le corriger qu’on dit les nénés et pas nénévi

— C’est parce que Imo est une petite personne, moi je suis grosse et Romane est très grande

— Mon nénévi concerne quoi sur toi avec ta tête comme mon marteau que j’utilise à l’atelier là

— On le corrige et tu répètes le mot? rétorque Romane

— Nénévi oh nénés oh tout ça part dans la bouche des enfants ou bien ça ne part pas?

— Soulève vite le bras on te lave avec ta sourde oreille que tu aimes

— Hannnn, refuse-t-elle donc on la tire de force pendant qu’elle riposte nous arrosant d’eau et de mousse, et Joyau ne fait que rire de nous

— Hannn, Romane pousse un petit cri de dégoût, donc c’est pour cacher les longs poils que tu refusais de lever le bras hein?

— C’est mon poil, si je veux garder je garde, elle se défend

— Quand on veut garder, on se met régulièrement du citron madame, sinon tu rases

— Ce n’est pas parce que tu travailles parmi les garçons que tu dois te comporter comme un, je lui dis aussi

— Faite vite, moi j’ai faim

— Au lieu de nous remercier, tchroum, réplique Romane et nous continuons à nous activer sur elle jusqu’à la rendre toute propre

Je constate que Romane a vraiment grandi mais en plus muri en tant que femme. Parce qu’elle donnait des conseils à Imo que moi-même je n’avais jamais entendu. Dès la douche, elle a beurré le corps d’Imo de karité et nous expliquait que plus un corps est humide, plus il retient l’hydratation donc il ne faut pas traîner ou se nettoyer totalement le corps avant de passer de la crème. L’huile de tomates que j’avais proposée comme pommade, elle a refusé. Pourtant c’est ce que j’utilise moi, je lui ai expliqué.

— C’est la tata avec qui je vends au marché qui m’a dit que c’est meilleur pour garder la peau plutôt que les autres produits

— La tomate c’est un fruit ma Bijou, quand tu la manges tu sens de l’huile dedans?

— Mais elle a dit que mes vergetures ne vont pas grossir avec ça, en plus ma couleur ne va pas changer et je ne vais pas avoir les boutons. Et puis c’est ça qu’elle-même utilise depuis des années, j’insiste

Elle me prend la bouteille, regarde en arrière et secoue la tête

— Il n’y a que de la vitamine E et d’huile d’olive dans ton truc. Aucune mention faite de caroténoïdes alors que l’huile de tomate est extraite normalement des pépins donc ton huile ne contient même pas l’ingrédient de base que tu crois acheter. Nous ne faisons que l’observer, parce qu’elle vient de parler chinois pour nous.

— Bref, elle n’est pas non plus mauvaise ton huile. La vitamine E contient assez d’antioxydants pour combattre le vieillissement, et l’huile d’olive est un bon gras. Elle te la vend à combien?

-5500 mais quand je la supplie des fois elle m’enlève deux cents dessus

— Hum si c’est pour une si petite boîte, moi je te conseille d’acheter de la vitamine E directement en pharmacie. Au moins l’huile est renfermée dans des gélules donc tu évites l’exposition à l’air comparé à la bouteille dans laquelle se trouve ton produit. L’exposition à l’air réduit la quantité des bienfaits que tu es supposée recevoir de ton produit donc disons que c’est comme si tu achètes le lait en boîte. Une fois ouvert tu dois vite l’utiliser sinon plus il dure, moins il est bon.

— iiii, tu connais beaucoup parler han, dit Imo la bouche pleine du riz à l’arachide que j’avais fait comme repas du soir, pendant que je prenais le peigne pour rendre sa tête présentable mais Romane me présente le Pink oil

— Utilise ça plutôt, les cheveux d’Imo sont trop fins pour le beurre de Karité

— On met Pink aussi dans cheveu? je fais confuse

— Mais c’est une crème hydratante capillaire, enfin pour cheveu je veux dire. Tu l’as pourquoi?

— Je mets ça sur mes tissages pour les peigner

— La crème est autant bonne pour les vrais que faux cheveux. Et il faut toujours la mettre sur cheveux mouillés pour un meilleur résultat

– Tout ça tu connais comment? l’interroge Imo

— La sœur de papa qui vit à Berne m’a appris ça quand elle venait pour les vacances. Elle a dit que si je valide ma licence elle va financer ma formation en cosmétologie par la suite

– Licence c’est quoi? je demande

— C’est la première étape du parcours universitaire

— Donc tu as fait école jusqu’à tu vas partir dans université hein, s’étonne Imogen

— Jusqu’à? rigole Romane. La sœur de papa qui vit à Berne fait un doctorat en anthropologie sociale et son mari est ingénieur aéronautique. Ils n’ont pas eu de petits parcours les deux là

— En tout cas tant que tu manges bien c’est l’essentiel

— Toi c’est tout ça ton problème hein

— La faim ce n’est pas bon oh, tu ne vois plus bien quand ça arrive, dit Imogen avant de lécher l’assiette comme si je n’avais plus à manger dans cette maison, mais c’est aussi elle qui refuse quand je lui propose de reprendre du riz

Je venais aussi de finir ses nattes quand Fabien faisait entrer sa moto dans la maison. Je me dépêche de me lever, car j’ai oublié de préparer sa pâte à cause du bavardage intéressant. Romane me suit mais pas Imogen. Elle veut encore s’en aller mais c’est Fabien qui la retient cette fois, et réclame son argent, qu’elle s’empresse de lui dire qu’elle a mangé. J’ai eu vent de cette histoire et ne comprends pas comment il a pu croire qu’Imogen avait dix-sept ans avec sa forme. Il se défend qu’à leur première rencontre, elle était avec des gens qui lui ont confirmé son âge et sa propre mère est une petite personne donc pourquoi il douterait. En tout cas, je pense que cette histoire d’argent va rester un jeu entre eux.

— Il faut me laisser la pâte je vais la préparer pour toi ma Bijou

— Eiiyeee, non, Fabien n’aime pas quand ça fait les boules

— Ne t’en fais pas, j’ai appris à bien la préparer parce que mon papa aussi n’aimait pas ça. Et puis il faut aller saluer ton mari comme il est entré dans la chambre

— Mon mari? fais-je surprise. Il n’est pas mon mari oh

— Oh, mais Joyau m’a dit que…

— Woueye l’enfant là, il est où?

Il avait suivi Fabien dans la chambre et les deux sont revenus main dans la main.

— Parait que tu as marié ma sœur et tu me lifin encore? lance Imogen qui n’avait pas perdu un bout de la conversation entre Romane et moi

— Si tu ne parles pas mina avec le français, on ne va plus t’appeler Imogen hein, lui dit Romane

— Pourquoi je ne vais pas te réclamer mon argent que tu as obtenu en manipulant la vérité? répond Fabien tout en se mettant à table

— C’est une partie de la dot que tu as donné ça, je t’envoie le reste après

— Hey je ne suis pas mariée avec lui, je leur rappelle

— Pourquoi vous habitez ensemble alors? Romane aussi se lance dedans

— C’est parce que je travaillais chez la maman de Fabien au village

— Mais maman elle habite pas là-bas où elle travaille, intervient Joyau

Je regarde Fabien pour qu’il dise aussi quelque chose mais il semble plus intéressé par les boules de pâte qu’il forme avec sa main. La conversation devient plus hilarante les minutes suivantes. Fabien a dit que le bac ça se fête donc il a sorti le dernier beaujolais que j’avais acheté lorsque son frère était parmi nous et au lieu de nous attendre Imogen a bu ses deux verres comme on boit l’eau pourtant on lui a dit d’aller doucement. Les choses qu’elle a dites par la suite, je ne pense pas qu’un jour je puisse oublier tellement j’ai ri. Romane aussi n’était totalement là dans la tête mais elle a réussi à marcher pour se rendre dans mon lit. J’ai porté Imogen pour la mettre à côté et il n’y avait plus de place pour moi. Je ressors avec Joyau dans mon dos

— C’est bon? Elles sont installées? me demande Fabien quand je ferme ma porte

— Oui oui, mais je peux laisser Joyau dans ton lit pardon? Comme elles ont bu là, j’ai peur qu’elles dorment mal et lui donnent des coups

— Toi aussi tu n’as pas besoin de demander, il dit et m’ouvre sa porte. C’est la première fois que j’entre dans sa chambre qui est bien rangée mais c’est normal. Il m’a plusieurs fois critiqué parce que je ne dépose pas les choses là où je les ai prises. Je couche le petit et j’allais sortir quand il tient ma main.

— Tu pars où toi?

— Je vais dormir au salon non

— Et parce que? Tu dors avec nous

— Non! je dis vivement et recule de peur

— Bijou, c’est moi Fabien, est-ce que je t’ai déjà fait quelque chose?

— ….

— Bijou? je t’ai déjà…

— Tu faisais avec la fille quand je vous ai vu! je lui réponds en colère et tremblante de peur

— La fille n’est pas toi. Tu es Bijou. Depuis qu’on se connaît, jamais je ne t’ai touché. On a vécu tous les deux ici pendant des années, pris la moto ensemble, jamais je ne t’ai rien fait de mal, ou je mens?

***Fabien TOUNTIAN***

Je m’attendais à un moment qu’elle sorte de la chambre en courant vu le temps que ça lui prenait pour répondre. Dans d’autres circonstances, je me serais rapproché de mon interlocuteur pour le secouer s’il avait eu un temps d’absence aussi long que le sien, mais j’ai peur. Je suis en terrain inconnu.

— Non, répond-elle d’une voix à peine audible quand je ne l’espérais plus

— Alors dors avec moi, le lit est assez grand pour nous deux ainsi que Joyau. Je ne te ferai rien sans ta demande

Elle s’installe d’un pas hésitant et prend le petit contre elle. L’essentiel c’est qu’elle ait fait un petit pas vers la confiance. C’est pour ça que j’ai insisté. Je ne peux pas dire à l’heure actuelle que je veux faire d’elle ma femme mais même si on ne finit pas ensemble, il est important qu’elle se libère de cette peur chronique envers les hommes. Une chose est d’être méfiante dans la vie. C’est important pour la survie. Mais penser que les relations entre homme et femme sont toujours violentes n’est pas normal. Elle ne pourra jamais jouir d’une quelconque relation et peut-être par ricochet, elle pourra communiquer son idée erronée des relations à ses petites sœurs.  

Je me glisse aussi dans le lit et après quelques instants, sa respiration se fait régulière. Un autre signe de confiance pour moi.

***Aîdara Laré AW***

Qui aurait cru que j’aimerais le surf? Pas moi en tout cas. Bon je ne fous encore rien de grand-chose sur la planche mais c’est…, comment dire, si amusant? Bon quand le torse hâlé de Marley ne me distrait pas négativement. Je ne sais pas pourquoi le type se prend pour David Hasselhoff comme ça. Or il est blond et avec des muscles en moins. Bon je préfère sa plastique à celle de David mais il fait trop tape-à-l’œil quoi. Un peu de tenue, on est avec des enfants de sept-huit ans et à cette période les filles sont prônes au béguin. Bien sûr, je lui ai donné une chance de rectifier le tir en lui faisant la remarque. Ne jamais accuser quelqu’un sans lui permettre de se corriger en premier. Les coutumes ne sont pas les mêmes partout. Et vous savez ce que ce… ce m’as-tu-vu là m’a répondu quand je suis venue avec ma sollicitude? Que tant qu’à avoir un béguin, mieux que ça soit un gentil gars comme lui plutôt qu’un mécréant. Le professionnalisme est mort. J’ai créé une petite section sur le bulletin que je dois remettre à la fin de la colonie. Et bien sûr elle lui est dédiée. Lui aussi va me noter donc pourquoi pas moi? Mally dit que c’est le high level du Kongossa que je viens d’atteindre ça. Je dis que c’est la proactivité. Mon formateur n’avait que des éloges sur Marley. Je doute qu’il ait vu ce que je vois depuis quelques jours. Ce vieux de la cinquantaine a trop insisté sur le fait que je ne devais pas être trop familière avec les enfants, pour accepter que Marley joue au bourreau des cœurs ici.

Ce soir, c’est le camping improvisé au programme. Nous avons enrôlé les enfants dans le dressage des tentes dans le jardin de la propriété où nous logeons et c’est Marley qui a allumé le feu. Le dîner fut léger parce que le dessert allait être consistant. Chacun était armé de ses brochettes. Ceux qui ont les brochettes de fruits les trempent dans le chaudron de chocolat qui fond au feu et ceux qui ont les brochettes de marshmallow les font griller au-dessus des flammes crépitant en bas du chaudron.

Les activités sont lancées. Les enfants proposent qu’on se raconte des histoires donc chacun se lance, puis c’est le tour de Charles. Il se lève solennellement et sort un bout de papier de sa poche, geste qui nous amuse. Quelqu’un s’est préparé pour l’occasion clairement.

-Dear Diary, commence-t-il, I now understand why girls wait for their princ….

Un cri strident vient de mon côté. Il est de Thema qui a un air mortifié et se met à courir derrière Charles qui se défile mais se fait prendre par Marley qui lui retire le papier à temps.

— Give me this, dit-elle prestement et arrache le papier à Marley en retour avant de souffler de soulagement mais juste pour quelques secondes. Elle se retourne et aurait donné un sacré coup dans les noyaux de Charles si Marley n’avait pas anticipé son intention en la soulevant.

— Enough now you two, il leur ordonne et le calme revient un peu de temps après. Bien sûr Charles doit en rajouter une, que non il voulait seulement raconter une histoire intéressante, et on veut le tuer. Pour ramener la bonne ambiance, je raconte une histoire que mamie zizèle nous raconte souvent les soirs où on se faufilait dans sa chambre. Bon l’histoire n’est pas drôle en soi, mais ça m’a amusé d’effrayer de voir les enfants suspendus à mes lèvres, attendant chaque rebondissement et sursautant quand je montais d’une octave. Plus personne ne veut raconter après moi. On ne fait que m’en demander des nouvelles. Au bout de la cinquième, Marley me fait signe que c’est la dernière vu qu’il est quand même tard. Il éteint le feu et nous nous assurons que les enfants s’installent bien dans leurs tentes.

C’est la nuit que je me connecte pour faire le rapport à la famille et vu qu’on est nombreux ça me prend du temps pour faire le tour, donc je ne dors pas tôt. J’étais en train de rire devant les vidéos stupides que m’a envoyés mon frère quand j’ai entendu un «Daffy? Tu dors?» Il n’y a qu’un seul qui ose m’appeler comme ça. Et c’est lui que je trouve dehors quand j’ouvre la tente.

— Tchu fais quoi là?

— J’ai mal au ventre, mais Natori et Chane (ceux avec qui ils partagent sa tente) ont refusé de m’accompagner. Tu peux venir avec moi dis? me demande-t-il sur un ton que je trouve un peu implorant

— Euh, OK, dis-je un peu hésitante avant d’emboîter son pas

Non seulement il me tient la main mais une fois dans les toilettes, le type ne veut pas la lâcher

— S’il te plaît, tu peux rester? Je… je vais pas durer

— Che vais pas te regarder non plus là

— Pleeeeasssse, comme on est dehors là, et si le crocodile venait dans les toilettes pour me bouffer les fesses, dit-il d’une voix craintive et j’arrive à peine à retenir le rire qui s’échappe de moi

— C’était justche une histchoire tchoi auchi, je continue à rire. L’une des histoires que j’avais racontées mentionnait une fille qui avait été vilaine avec son entourage et la nuit, un crocodile est sorti des chiottes quand elle y était et l’a bouffé. De tous ceux qui auraient pu craindre un petit conte, je n’avais pas imaginé que Charousse le terrible en ferait partie. Il choisit ce moment pour attraper son ventre et l’odeur désagréable qui suit ne me trompe pas. Un silencieux mortel qui me fait sortir en vitesse

-Daraaaaa, à cause de Dieu pardon me laisse pas!!! le crocodile peut sortir de nulle part

— Chuis dovant la portche Charousse, fais vite

— Tu es là? me demande-t-il après juste une minute

— Oh my Gaad tchu as mangé quoi aujourdjui? dis-je le nez pincé

— Inh fais comme si tu ne sens rien non toi aussi, se plaint-il

Regarde celui qui supplie et c’est encore lui qui a des exigences. Enfin il tire la chasse et mes narines sont libérées de l’odeur fétide. Il est toujours accroché à ma main au retour et je le reconduis jusqu’à sa tente.

— Poulette ça reste entre nous hein pardon, tu sais qu’on a nos choses en dehors des autres

— Bonne nuit charousse, dis-je amusé

Le lendemain, le crâneur est de retour, se moquant de ses camarades à tort et à travers. C’est au moment où il traite Thema de morveuse que je révèle notre petite escapade de la veille, en demandant si un garçon qui ne peut pas aller aux chiottes sans tenir la main de quelqu’un peut aussi parler. L’air coupable et sa façon farouche de se défendre l’ont vendu plus que ma révélation et ses amis ne se gênent pas pour rire de lui. Marley et moi avons laissé Mr le railleur subir un peu avant de ramener l’ordre parmi les enfants. Il m’annonce officiellement aussi la fin de notre relation. Je réplique que je l’aime aussi. Et à ma grande surprise, je reçois un petit sourire joyeux de Thema après lui avoir servi son repas. Bon elle aime manger mais c’est inhabituel et presque une petite victoire pour moi donc je casse les oreilles de Marley le soir quand nous revoyons le programme des activités à faire le lendemain.

— C’est parce qu’elle ne te sent plus comme une menace aussi, me dit-il

– Moi Dzara une menaze? m’étonnai-je

— C’est une page de son journal que le chenapan avait commencé à lire hier

— Nonnn! comment il l’a eu?

– Il dit l’avoir trouvé traînant et tu le connais, il ne s’est pas gêné pour le lire

— Tu vois che que j’ai djit sur ton torse que tu exposes à tchout va! je l’accuse

— Oh là tout doux, le béguin de Thema a début l’an dernier quand elle est venue en visite chez son frère

— Son frère? Tchu veux djire que tchu la connais?

— C’est la petite sœur de Cédric, tu te souviens du pote que je t’ai présenté

Je prends la tête du type hyper sérieux d’un côté, celle de Thema de l’autre, je les colle en esprit et bingo! Comment je l’ai manqué? À la soirée il paraissait aussi emmerdé qu’elle quand je lui parle parfois

— waiiit, si cédjric est ton ami c’est qu’il a ton âge? Il a une petchite sœur de sept ans à vingt chixes ans?

— Haha, il a plutôt la trentaine et oui, c’est bel et bien sa petite sœur. J’étais d’ailleurs présent à sa naissance, c’est pour ça que son béguin m’amuse

— Au yieu de s’amuser tchu devrais lui expliquer que c’est pas normal va

— Bof ça va lui passer, dit-il en croisant les mains derrière sa tête, tu ne vas pas me dire que tu n’as jamais eu de béguin toi

— Pou… Pourquoi on parle de moi maintchenant?

— tiens tiens qu’est-ce que tu caches pour t’indigner subitement comme ça? ironise-t-il

— Rian du tchout et puis finis d’écrire ton report

— Oh mais je l’ai fini Aïdara. Une collègue de mon frère…

— Han?

— C’était mon dernier béguin, je l’avais dans mon collimateur depuis mes seize ans. Elle était plus âgée et pour moi elle n’était qu’un fantasme pour me tenir au chaud et en plus je ne la voyais que les fois où je visitais Parker. Puis un soir, l’année où j’ai obtenu le bac je me suis senti pousser des ailes. J’avais découvert le sexe en première et tu sais comment c’est. On se croit fort, adulte et surtout prêt à conquérir le monde après quelques coups de reins. Je l’ai accosté un soir quand elle était en virée de filles. J’ai sorti tout ce que je pensais avoir comme jeu et elle a craqué. Elle m’a accordé quelques minutes de passion dans sa voiture. Peut-être était-ce le fait qu’elle représentait l’inatteignable ou l’imprévu de la situation mais j’ai tant savouré chacune de ses minutes qu’aujourd’hui encore je peux fermer les yeux et y repenser. Bon je ne dis pas que dans onze ans je vais coucher avec Thema si elle m’aborde. Loin de là. Je veux dire qu’avoir un béguin n’est pas automatiquement signe de danger. Parfois, ça fait du bien à l’esprit de rêver, même s’il ne le réalisera jamais

Je ne devrais pas être scandalisée par cette révélation? Il vient quand même de me parler d’une de ses expériences sexuelles mais au lieu de ça, j’ai les lèvres sèches et les images des choses que je me suis imaginée faire avec un futur amoureux se succèdent dans mon esprit.

— Tu veux vivre ce qui se passe dans ta tête? dit-il avec la voix du petit démon qui reste sur l’épaule des gens dans les films ainsi qu’un regard lourd de sens

— Je… jeum…. , fais-je, ne sachant pas ce que jeum veut dire

La minute qui suit son visage est tout près du mien. Ses mains sont sur la table. Je ne recule pas le visage pourtant mon cœur cogne dur. Il n’annonce pas un «je vais t’embrasser» comme j’ai souvent lu le gars dominant dire dans mon bouquin. Il me mord la joue et je mouille ma culotte comme jamais.

— Si tu pousses des ailes et veux vivre une fois ce que tu as en tête, j’aimerais bien que tu me fasses signe en premier parce que j’aimerais essayer un truc que j’ai en tête depuis que je t’ai vu en legging d’hiver il y a un an, il annonce, ramasse son report et s’en va tout en me souhaitant bonne nuit.

Me voilà toute chaude et retournée qu’un homme ait osé m’aborder comme ça. Moi Aïdara, j’ai attiré l’attention de quelqu’un depuis un an? Je panique! Je dis à qui? Mally ou Snam ? Certainement pas Hilda. Elle risque de tout gâcher. Pas que je compte engager Marley comme acteur d’une journée dans mon film X… Non non… Punaise! même ma voix intérieure s’est faite toute petite en l’imaginant comme acteur du film X. Je me couvre la tête de honte et rigole comme si quelqu’un me voyait.

***Raïssa WANKE***

Suite aux informations additionnelles que m’a fournies le fils de Tao, je me suis rendue sans perdre une seconde au temple spirituel d’Agate où ses parents l’ont adopté.

Sans surprise, tout le monde était frappé d’amnésie quand j’ai mentionné le nom Laith Adamou, ou Thierry Ndouo. Certains ont même poussé le bouchon niant carrément qu’ils laissaient certains visiteurs partir avec des enfants. Un groupe cependant m’a approché peu de temps après. J’ignore encore comment ils se sont débrouillés pour trouver le lieu où je résidais durant mon séjour dans leur petite commune. Quoiqu’il en soit, ce groupe de trois personnes était venu avec des plaintes longues comme le bras ainsi qu’une proposition. Le résumé de leurs plaintes, c’est que le dirigeant actuel était trop strict. Il refuse que les guides spirituels reçoivent des donations en main propre des visiteurs, ne leur donne que le minimum monétaire pour vivre avec l’argument qu’ils vivent sur place et sont nourris donc ils n’ont pas besoin de plus sinon ce serait nourrir l’amour pour l’argent en eux. Bref des informations inutiles pour moi. Ce qu’ils proposaient en revanche et qui a piqué mon intérêt, c’est qu’ils pourront me trouver ce que je cherche si je pouvais les soutenir financièrement pour qu’ils enlèvent le vieux à la tête de leur temple. Bien sûr je ne devais pas révéler ma source parce qu’ils risqueraient de subir la colère des Dieux si les autres membres l’apprenaient, car ils sont tenus de garder le secret.

Rousseau avait dit qu’à l’état de nature l’homme est bon puisqu’il n’a pas de semblables. Il ne peut se comparer à personne donc ne connaît pas les sentiments de cupidité, d’ego ou rivalité. Mais une fois au milieu des siens, sa nature réelle se révèle. Il veut plaire, s’imposer, être aimé, il convoite, découvre la jalousie et en voulant obtenir ses désirs, il se corrompt. Et ce n’est pas moi qui allais repousser ses âmes corruptibles qui se sont présentées gratuitement à moi. Je leur ai remis l’argent qu’ils voulaient. Ils m’ont donné deux noms. Hector qui a plusieurs fois emmené sa sœur au centre à cause de ses problèmes de fertilité. Sa sœur aurait emmené un jeune garçon le confiant à un des guides décédé aujourd’hui un peu avant la venue d’Henri et Lucie Ndouo qui ont adopté ce petit. Personne n’a pu me donner le nom de la sœur en question mais l’information était suffisante pour moi.

Je suis donc passée à l’étape suivante. Soit faire appel à une amie et homologue, le procureur général et ministre de la Justice Eliza Ameley Coleman-Asamoah ancienne conseillère juridique en litige commercial pour l’Insao, l’institut que j’ai aidé mon mari à développer. J’ai gardé avec elle de très bons contacts et d’ailleurs, Hadeya épousera un de ses fils, quand elle se décidera à agir comme son âge au lieu d’un bébé. Le procureur général va se charger d’inculper pour racket ce qui ont pris mon argent et fermer ce temple pou crime organisé. Ils réfléchiront à deux fois avant de distribuer des enfants à n’importe qui.

Je n’ai pas perdu de temps non plus une fois à Lomé. Mon frère, préfet de la préfecture de Golfe m’a retrouvé sans tarder la trace de cet Hector Sodji. Il n’est plus. Ça lui a pris du temps mais il a réussi à me trouver la liste de ses présumées sœurs. Du moins celles qui avaient le même père et/ou mère selon les registres des différentes mairies du Togo. Je me détendais devant ma piscine avec cette liste de quatorze personnes à rechercher quand ma fille s’est souvenue de moi. Je prends son appel et elle me sort un âllo d’une voix si enrouée que je roule des yeux. Chaque semaine Hadeya vit un drame. J’avais dit à son père qu’on ne devait pas lui permettre d’intégrer cette école d’art dramatique à New York mais mon mari est de l’école qui pense qu’on doit laisser les enfants suivre leur cœurrrrr!

– Qu’est-ce qu’il y’a encore? dis-je sur un ton détaché

– Maman…, elle dit et renifle une bonne minute avant de se décider à continuer, c’est.. Axel…, son papa est dé… cé… dé…

– OK, et?

– C’est Axelll maman…, mon aaaamiiii, j’ai le cœur en miettes, pourquoi lui??? il est si gentil, pourquoi son papaaaaa? mamaanhannhann!

-…..

– Tu es là maman? dit-elle d’une voix hésitante

– Tu as cinq secondes additionnelles et je raccroche, j’ai mieux à faire

– Mais je suis tris…

– Quatre

– S’il te plaît tu peux aller leur donner du soutien? T’as pas besoin de t’éterniser là-bas. Juste pour lui montrer qu’on est là pour eux, s’il te plaît

– Eux c’est qui? Je t’ai demandé de m’inclure dans un «on»? C’est toi qui aimes porter la peine des gens et pleurer pour eux comme si on te donnait un salaire pour ça

– C’est mon ami maman, il est si gentil, poli, et très attentionné. En plus son papa était ton collègue ministre avant mais il a eu un accident et…

– Une seconde Hadeya

C’est maintenant qu’elle se met à sangloter et me supplier dans toutes les cinq langues qu’elle parle. Ça doit être son pouvoir de Benjamine qui joue sur moi parce que ses aînés n’arrivent pas à me faire faire autant de choses qu’elle. Me voilà maintenant obligée d’aller saluer une famille qui ne m’intéresse en rien parce que Hadeya risque de vider tous les flux de son corps en larmes.

***Raymond EKIM***

Est-ce que le fait que mon nom commence par r veut dire que je ne dois rien avoir dans ma vie? Parce que les jours s’égrènent et rien n’avance. L’assureur en charge de notre dossier continue de me dire qu’il ne peut me donner un délai concernant le remboursement. Que ça peut être la semaine à venir, comme le mois suivant ou l’année prochaine parce que les procédures ne dépendent pas toutes de lui. J’ai dû me défaire de quelques membres du personnel pour m’assurer de pouvoir payer le reste d’ici les mois à venir. J’ai proposé à papa qu’on prenne un avocat pour accélérer la procédure. Offre qu’il a approuvée tout en précisant que ça sera à mes frais. Or je vis sur le minimum depuis un moment. J’ai dû sortir de mes poches pour encourager mon oncle à faire avancer l’enquête criminelle et rembourser une partie infime de la dette de quelques clients impatients afin de pouvoir me promener en paix.

À ce stade je n’ai plus le cœur de me soucier des ragots qui circulent déjà sur nous. Je soupire après la paix. On est samedi mais je suis chez moi, au fond de ce lit à 23 heures. La femme de mon père m’a invité dans son église. Cette femme aime prier, on le sait mais son amour pour la prière ne l’empêchait pas de tourner la tête quand sa famille… Bref, ce n’est pas en ressassant le passé que je vais avancer. Je suis sur Snap pour me distraire. J’en regarde quelques-uns d’anciens camarades de classe puis je tombe sur le compte de Mally, le petit frère de Perla. Ce n’est pas la première fois que je vois ses photos ou vidéos. Il poste régulièrement ses journées scolaires, les projets sur lesquels il travaille, des démos de jeux et de l’histoire de l’animation dans les multimédias. En tout cas si je connais quelque chose sur le sujet, c’est grâce à lui. Il a commencé un stage chez EA Vancouver il y a peu et semble être le garçon le plus heureux de la terre selon ses messages. Je le comprends en même temps. À vingt ans et avec autant d’opportunités, qui ne serait pas le plus heureux? Ça m’a souvent soulé que Perla reporte nos activités pour s’occuper de ce petit, mais au moins il n’a pas gaspillé les efforts de sa sœur. J’imagine un peu la fierté qu’elle…

Mes yeux manquent de sortir de leurs orbites devant la vidéo que je viens de lancer. C’est Perla… ma Perla en maillot de bain avec comme bas un string et elle est en compagnie de son amie Océane. Les deux se couchent chacune sur un transat et deux hommes habillés en blanc s’avancent. Ils ont à la taille des ceintures sur lesquelles sont accrochées des bouteilles. Chacun appuie sur une bouteille en question, récupérant ce que j’imagine être une lotion et ce que mes yeux voient les minutes suivantes font chauffer brûler mon cœur au point que je vois trouble en composant son numéro.

– C’est quoi ses âneries Elikem? je crie aussi fort que les nerfs qui battent contre mes tempes. C’est comme ça que tu étudies là-bas? Tu vas te coucher je ne sais où pour qu’un homme appuie tes fesses, les secoue, tire ton corps dans tous les sens et tout ça avec mon alliance sur ton doigt?

– C’est qui qui m’appelle? dit-elle sur un ton insolent

– Haaaa bon hein, je vois. Je vois très bi…

– Tu m’arrêtes ça parce que tu ne vois rien du tout! Quand tu m’envoies un sticker! UN STICKER je dis bien pour me souhaiter joyeux anniversaire tu ne connaissais pas le mot ânerie?

– Tu as choisi d’écouter ta famille plutôt que celui que tu dis aimer

– Et tu as choisi d’ignorer mes messages préférant me laisser me faire tous les pires scénarios possibles

– Non ce n’est pas ça, dis-je pris de court

– Ah non? rigole-t-elle de dérision. Tu aurais juste pu me dire je suis en vie, ça aurait suffi à me rassurer mais non, même ça je n’y avais pas droit. Mais les autres tu leur répondais sans problème ou pas? Si je n’avais pas fait signe à Denola, tu peux me dire que tu allais te décider à me faire signe? ET n’ose pas mentionner ce stupide STICKER!

– ça fait mal? C’est à peu près ce que j’ai ressenti le jour là quand tu as choisi ta famille sans tenir compte de moi

– Oh c’était donc une vengeance hein, OK je vais me faire masser, va te faire foutre, bye! elle dit et coupe ne me permettant pas d’en rajouter une

J’appelle sans tarder Denola mais il ne répond pas donc je lui laisse une note vocale le menaçant de ne plus jamais mettre sa bouche dans mes histoires de couple. Connerie va.

Deux heures plus tard, je ne vais pas mieux. Denola m’a envoyé une réponse bien salée. La colère a diminué, laissant place à la tristesse. Qu’est-ce qui m’arrive au fond? Je sais que j’aime encore cette femme qui se trouve à des kilomètres de moi. Je ne veux pas la perdre. Quel que soit ce que j’ai dit ou pensé, mon être entier sait au fond de lui qu’il ne veut pas d’une autre. OK sa famille a gâché nos plans mais la mienne a commencé. Je veux essayer. Je veux la voir, l’embrasser, la tenir. Je me couche avec la résolution de prendre un rendez-vous dès lundi à la banque pour obtenir mes relevés bancaires afin de déposer une demande de visa au plus tôt. Je n’ai pas grand-chose sur mon compte mais j’espère que ça suffira à convaincre les Américains de me laisser entrer dans leur pays.

Je me réveille dès six heures et décide d’aller à la messe aujourd’hui pour prier que Dieu me guide sur le droit chemin. Comme la patience n’est pas mon fort, je décide d’écrire un message à Perla avant de la voir en personne. En pleine rédaction, mon gardien fait son entrée suivi d’hommes en uniforme.

– Bonjour, êtes-vous Raymond EKIM?

– Lui-même, bonjour messieurs, j’espère que vous m’apportez des bonnes nouvelles, dis-je soulagé de les voir. Ils doivent être au service de mon oncle. Peut-être c’est le fait que j’ai décidé d’aller à la messe qui…

– Mr Raymond Ekim vous êtes en état d’arrestation pour….

– Quoi? Comment? fais-je confus et affolé

– Silence! En état d’arrestation pour extorsion sur les personnes de Nadine Boumah…

– Extor quoi? m’indignai-je en reconnaissant le nom d’une de mes clientes

Ils se mettent à me bousculer pour me mettre les menottes tout en continuant à me lire mes droits bien que je leur explique que je n’ai volé et encore moins extorqué personne. Menottes aux poignets je suis traîné comme du gibier jusqu’à leur voiture et en direction vers le poste de police, devant mon gardien qui ne cesse de s’affoler. J’ai quand même le temps de lui crier d’appeler mon père.

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