96: Je veux ton amour, I don’t wanna be friends
Write by Gioia
***Thierry Henry NDOUO***
Plusieurs mois se sont
écoulés depuis mon voyage impromptu à Libreville. Le froid de décembre est déjà
bien installé. Pourtant mon esprit est toujours au pays, précisément sur la
famille EKIM, bien je sois moi aussi en famille et il y’a beaucoup pour
m’occuper ici. Lucille par exemple, amuse la galerie parce qu’elle fait le tour
du salon des Adamou pour partage les morceaux de pomme dans son petit bol.
Bientôt elle aura dix-sept mois et quand je pense aux révélations sur la
famille EKIM, je n’ai qu’une conclusion qui s’impose à moi. Le père de Ray ne
l’a jamais aimé. En tout cas pas comme il aimait ses autres enfants. Je sens
une petite tape sur mon épaule et en levant les yeux, je tombe sur le regard
d’amande de ma mère qui semble soucieuse.
– Tu manques de
quelque chose ?
– Non non, ça va
– OK, euh…, ton
pè…, enfin Tao ne devrait pas tarder. En général, il ne travaille pas après le
15 décembre, mais il se fait que…
– ça ne me
dérange pas, je t’assure
– OK…, Asad, tu
veux bien emmener Thierry dans la bibliothèque pour lui montrer le nouvel
aquarium ?
– Je suis obligé ? lui demande le garnement sans détourner la
tête de la télé. Il a dû oublier qu’il a une maman africaine parce qu’un
coussin atterrit sur sa face sans tarder et Lucille éclate de rire comme si
c’était le jeu.
– Hooo, qu’est-ce
que j’ai encore fait moi ?
– Tu te lèves et
que ça saute, petit fripon
– ça va, je vais
plutôt t’aider avec ça, dis-je en essayant de lui prendre l’aspirateur qu’elle
avait dans les mains mais elle m’en empêche
– Hors de
question, c’est toi l’invité
– Ma mère ne
dormirait pas paisiblement si ça parvient à son esprit que j’étais
confortablement vautré pendant que tu passais l’aspirateur alors laisse-moi
faire s’il te plaît
Elle me donne
l’appareil non sans rechigner et prend ma place sur leur divan. Lucille qui
croyait réellement qu’on a commencé à jouer attrape un coussin et veut attaquer
Asad avec bien que je la rappelle à l’ordre. Ce dernier s’en va à la course,
l’incitant à lui courir après et elle s’en va avec sa démarche incertaine là.
– Est-ce que la
maman de Lucille se joindra à nous ? Elle
me demande pendant que je suis au travail
– Non, elle avait
un programme avec son amie
– Ah d’accord,
dit-elle d’une petite voix, puis marque une courte pause avant de recommencer
quand je me lançais aussi dans une question
– Non vas-y, lui
dis-je
– Non non je
t’écoute
– Tu arrives à
comprendre ces parents qui aiment un enfant plus qu’un autre ? Je veux dire, je n’imagine pas aimer un jour
celui ou celle qui suivra Lucille plus qu’elle mais la vie vient de me montrer
que c’est possible. Comment peut-on en arriver à ça ? Pour que je puisse l’éviter, parce que je ne
veux jamais me retrouver dans une situation où je fais sciemment ou
inconsciemment du tort à mon bébé, lui dis-je sincèrement
– Laisse cet
aspirateur et viens ici, me répond-elle tout en se levant du divan
Je m’exécute, le temps
qu’elle revienne avec une tablette puis me montre un site internet, qui porte
mon nom.
– Quand on t’a
perdu, j’ai arrêté d’exercer mon métier et pour m’occuper, j’ai décidé de me
lancer dans la vente en ligne, de produits de soins corporels. Pour moi c’était
évident que ma ligne devait porter ton nom et bien que les cinq premières
années n’étaient pas rentables, jamais je n’ai eu l’idée d’abandonner, parce
que pour moi c’était une façon de te garder en vie. Pendant longtemps, j’ai
pensé t’aimer plus que Ida. Je…
– Je suis désolé,
dis-je attristé par son récit
– Non chéri, je
ne te raconte pas ça pour que tu culpabilises, surtout que ce n’est pas ta
faute, réplique-t-elle en me caressant la joue. Donc je disais que j’ai même
ressenti une grosse culpabilité en tombant enceinte de ton petit frère. Cette
petite voix en moi me soufflait de temps en temps « te réjouir pour cette grossesse, n’est-ce pas
une façon d’oublier Laith ». J’ai
même prié qu’Asad soit une fille, parce que bêtement, je ne sais pas, je me
disais qu’une autre fille comme Ida c’était meilleur. On avait déjà
l’expérience avec les filles. Mais un autre garçon qui t’aurait potentiellement
ressemblé, c’était difficile à accepter pour moi. Tu connais la suite. Je ne
considère pas que j’ai été une bonne maman pour Ida. Je l’ai délaissée à sa
naissance, et quand j’ai pris conscience qu’un autre enfant avait aussi besoin
de moi, je l’ai étouffée, par crainte qu’elle ne se pense pas aimée. Je ne peux
remercier que Dieu pour la relation fusionnelle qu’il nous a permis d’avoir
malgré mes manquements. Et il n’y’a qu’à lui encore que je peux témoigner ma
gratitude pour la mère que j’ai réussi à être pour ton frère. Mon point c’est
qu’on n’a pas la même relation avec tous nos enfants, puisque nous évoluons en
tant qu’humains. C’est notre devoir en tant que parents de ne pas exprimer cet
amour de façon si disparate que les enfants le ressentent. Et pour bien
accomplir ce devoir, tu as la prière, tout comme tu travailles pour pourvoir à
ces besoins physiques. Tu pries aussi pour que ton Dieu t’aide à être un père
juste, aimant et bon pour tous tes enfants, indépendamment de tes émotions.
– Mais personne
n’a prié plus que tata Marcie dans ce pays, lui dis-je dubitatif puis je lui
raconte en détail ce qui s’est passé quand j’étais à Libreville
– Je vois. Mais
tu conviens avec moi qu’on ne peut pas se fier à une expérience individuelle
pour juger qu’une méthode entière ne fonctionne pas ? Parce que je connais beaucoup aussi qui
prient et sont heureux de leurs vies. C’est à toi de choisir en âme et
conscience
– Hum, je me dis
que c’est parce que le père de mon ami l’a eu hors mariage. Les enfants nés en
dehors des unions semblent avoir les vies les plus difficiles
– Je ne te
contredirai pas là-dessus, ayant expérimenté ce que tu dis
– C’est pour ça
que je préfère faire tous mes enfants avec Vitalia, mais sa tête de haricot là fait
comme si elle ne me voit pas quand je lui fais les yeux doux, parlai-je
oubliant carrément en présence de qui j’étais. Euh…, bon je vais finir de
passer l’aspirateur avant que Lucille ne revienne pour saccager le salon,
dis-je en me levant prestement
– D’accord,
dit-elle avec un sourire en coin
Papa ne rentrera que
tardivement le jour là. Nous avons eu le temps de manger et jouer comme des
fous. Asad ne respecte pas les gens hein. Moi son grand de plusieurs années, il
m’a dominé dans notre partie multijoueur sur Rocket League. Heureusement sa
mère était là pour lui couper un peu ses ailes de dragon avec lesquelles il
volait trop haut là. On lui a rappelé que c’était son tour de remplir le
lave-vaisselle et c’est en traînant des pieds qu’il s’est levé pour aller le
faire. Nous sommes à Marseille depuis deux jours mais Lucille me sort une phase
que je ne capte pas jusqu’à présent. Dès que sonne l’heure de sa douche de
nuit, elle se met à me fuir, ou se battre contre moi. Mais dès que sa mamie lui
présente la main, elle l’attrape et se comporte comme le petit ange de Jésus.
Ce soir encore, elle a gagné. Elles se douchent entre filles. Et papa a demandé
à me parler donc j’ai laissé pour cette fois, mais demain je l’attends.
– Excuse-moi pour
aujourd’hui, je ne pensais pas que ça me prendrait autant de temps, me dit-il
tout en revenant avec un dossier qu’il dépose sur la table à manger
– Pas de soucis,
j’espère qu’il n’y avait rien de grave
– Pas vraiment,
je change juste l’organigramme du cabinet donc il faut rencontrer chaque
employé et passer en revue, ce qui sera ses fonctions désormais. Bref, j’ai une
proposition à te faire. Nous comptions mettre la maison en location dans deux
ans mais je me suis dit pourquoi pas toi ? Bien
sûr ce n’est qu’une proposition comme j’ai dit, rien ne t’oblige à l’accepter
– Vous la louez
parce que vous déménagez ?
– Non, ils
partent en croisière ces vieux là sans penser à moi, me répond gaillardement
mon frère avant de venir poser son menton sur le crâne de papa puis, il se met
à masser ses joues
– Qui a dit qu’il
ne voulait pas qu’on attende qu’il finisse le lycée avant de profiter de notre
vie ? Rétorque papa après lui
avoir pincé les mains simultanément
– Détends-toi le
daron, je déconnais, rigole le garnement
– Petit fêlé de
la tête va, ironise papa
– Maman, il y’a
ton mari qui m’insulte encore gratuitement
– Asad, tiens-toi
bien là-bas sinon tu vas dormir direct, lui répond maman depuis leur salle de
bain
– Jamais soutenu
dans cette maison, vivement que j’aie le bac, il ronchonne bras croisés
derrière sa tête. Je précise que le petit en question vient juste de débuter
son collège
– Comme l’a dit
le petit morveux, nous préparons actuellement un tour de l’Afrique étalé sur un
an. Asad vivra avec les Boulder et s’il ne les a pas tués en un an, nous
comptons faire aussi le tour de l’Asie pendant un an. Ça veut dire que tu auras
la maison pour toi pendant deux ans. Et le premier tour n’est prévu que dans
deux ans, le temps qu’on s’assure qu’Asad soit plus mature
– Rhooo, je
connais le numéro de la police, le médecin, et en plus je sais faire les
courses, rouspète le petit ce qui me fait rire
– Apprends à ne
pas m’interrompre et on pourra reparler de ta maturité. Où en étais-je ? Ah oui, nous attendons aussi qu’Ida finisse
sa maîtrise, d’où les deux ans. Donc tu as du temps, si l’offre t’intéresse,
pour chercher un emploi dans la région
– Je ne pense pas
avoir les moyens pour assumer le loyer de cette maison. En plus, partir si loin
revient à mettre davantage de distance entre elle et sa mère, ce que je ne veux
pas faire
– Tu n’as pas à
t’inquiéter pour le loyer, l’hypothèque a été levée il y a cinq ans. Tu n’auras
que le gaz et l’internet à ta charge. Nous prendrons en charge le reste
– Mais vous ne
louiez pas pour percevoir un revenu ?
– Nous n’en avons
pas réellement besoin. Notre premier objectif c’était d’avoir des gens sur
place, pour prendre soin de la maison, le temps qu’on revienne
– OK je vois,
dis-je quand même intéressé. Deux ans sans loyer, c’est une sacrée économie que
je vais me faire. Je pourrais rehausser mon épargne et potentiellement devenir
propriétaire en quittant cette maison ? Je
sais, je rêve mais c’est permis et gratis
– Tu es avec nous ? me demande papa qui prenait Lucille des bras
de sa femme
– Oui, je peux
lui donner le bibi, ce n’est pas…
– ça ne me
dérange pas, répond-il tout en prenant maintenant le bibi que lui donnait sa
femme. Lucille m’amuse à tirer furieusement sur lui, tout en caressant la barbe
de son papi. On aurait dû appeler cette fille Audace, parce qu’oser comme ça,
sans crainte, n’est pas normal.
– Et si tu
racontais à Thierry comment tu m’as séduit, chéri? Lui propose-t-elle
– Hooo maman, un
peu de tenue quand même
– Toi va te
coucher
– Mais…
– J’ai dit
d’aller te coucher, on ne va pas parler des choses de ton âge
– Je suis le plus
incompris dans cette maison, bougonne-t-il tout en s’exécutant. Sa copine
Lucille se désintéresse automatiquement du bibi, et bouge le cou comme un coq
pour le suivre du regard
– Pa…, dit-elle
en me pointant du doigt mon frère puis, Sad, elle rajoute avec un grand
sourire. Le reste qu’elle babille là, je n’ai pas encore les compétences pour
traduire en langage courant.
– Allez viens
Lulu, laissent les se raconter leurs histoires inintéressantes là. On ne veut
même pas entendre
Qu’est-ce qu’elle a
compris, qu’est-ce qu’elle n’a pas compris, on ne sait pas. Ce qui est sûr,
elle s’accroche à papa pour descendre et suit son compère, avec son bibi à la
main.
– Tu veux que je
raconte quoi au juste ?
Reprend papa
– Comment tu as
réussi à me conquérir, minaude-t-elle en retour
– Je me suis mis
nu et elle n’a pas pu résister
– Gros malade,
réplique-t-elle en lui tirant l’oreille alors que je continuais à rire de la
réponse de papa
– Plus
sérieusement, je lui ai dit ce que je ressentais. Et comme elle en pinçait déjà
pour moi, elle s’est empressée de cueillir le fruit mûr que j’étais
– Tu es
franchement incorrigible, dit-elle d’une voix qui trahit l’affection qu’elle
ressent pour son homme
– C’est comme ça
que tu m’aimes, il lui retourne sur le même ton et porte à sa bouche sa main. Je
pense néanmoins que la cohabitation a facilité les choses entre nous
– Vous aviez vécu
ensemble avant de vous marier ? Je demande
– Oui, je suis
venue le retrouver ici en France, après un mensonge dans lequel je l’ai impliqué
et dont je ne suis pas fière
– Je lui ai déjà
parlé de cette partie chérie, commente papa
– Ah d’accord. Je
dirais aussi que la cohabitation nous a aidés vu qu’il en a grandement profité
pour m’exposer à son indécence et me corrompre, plaisante-t-elle
– Admets que si
on devait faire les choses à ton rythme, nous aurions fait dix ans avant d’échanger
un bisou. En plus je ne suis pas un homme patient, me dit-il avec le plus grand
sourire au monde, comme s’il aimait particulièrement ce trait qui est pourtant
considéré comme un défaut
Peut-être que c’est ça
mon problème ? Serais-je trop patient
avec Vita, raison pour laquelle, elle fait mine de ne pas me comprendre ?
– Une autre chose
qui a aidé aussi, c’est le fait qu’il soit si disponible pour moi. C’était le premier
homme à l’être autant. En plus il était si encourageant. Sans lui, jamais je n’aurais
repris les études, parce que je me trouvais trop vieille
– Je ne m’attribuerai
pas ce mérite. Elle n’avait connu que la racaille avant moi, donc dire que c’est
ce qui l’a rendue folle de moi serait tiré par les cheveux. C’est le coup de la
serviette, quand on la laisse tomber sans prévenir, ça fait monter l’ocytocine
chez les femmes, me chuchote papa comme si sa femme n’était pas à côté de nous
– Vieux gâteux
là, c’est toi qui ressens les choses à ma place ?
– C’est toi qui m’as
incité à raconter l’histoire, je donne ma version
– Bref, je n’ai
même pas remarqué ce qu’il avait sous la serviette. Moi je te dis que c’est sa
disponibilité qui m’a conquise. Et bon, j’avoue que sa beauté avait déjà piqué mon
intérêt
– Voilà fils. Je te
l’ai dit ou pas. L’état naturel de l’homme suffit amplement. Le reste ce sont
les extras
– Tu sais que tu
es lourd quand tu t’y mets, commente-t-elle en le lorgnant
– Et.. euh.., ça
ne vous ai jamais arrivé d’avoir un moment creux ? Genre un moment où vous avez douté l’un ou l’autre
de vos sentiments ?
Comment avez-vous réussi à raviver la flamme ? Demandai-je. Je trouve ça plus proche de ma
réalité, vu que j’ai connu Vita dans la fougue
– Oui ça nous est
arrivé, me dit papa, reprenant son sérieux. Nous nous sommes séparés pendant
quatre ans, pour des broutilles
– Ce n’était pas
une broutille Tao. Je souffrais de vaginisme, ce qui a rendu notre intimité difficile.
Très difficile au début de notre couple, m’avoue-t-elle sans détour. J’ai
appris d’Ida qu’elle fut sexothérapeute dans le temps, mais de là à ce qu’elle
m’ouvre la porte à leur intimité comme ça me surprend. Et je suis au bord de la
chaise, les oreilles dressées, prêt à tout enregistrer
– Mon avis personnel,
c’est qu’au début de notre relation, nous n’avions que le béguin l’un pour l’autre,
continue-t-elle. Tu dois savoir ce que c’est, la fougue des premiers instants,
les découvertes, l’attrait de la nouveauté. Saupoudre le tout avec une grosse
pincée d’attirance et d’attachement réciproque et tu as le portrait de ce que
nous étions. Les premiers pépins se sont vite ramenés, sous la forme du
vaginisme. Je considère aussi que ce fut la première fois que notre attachement
fut éprouvé
– Maintenant que
j’y pense, je dirai aussi que c’était notre première réelle difficulté. Entre
essais, prises de bec, petites victoires, gros échecs, nous en sommes arrivés à
la séparation. Honnêtement, elle aurait pris fin plus tôt si j’avais mis mon égo
de côté mais je voulais la punir, parce que la décision est venue d’elle
– Ce n’est pas
plus mal que ton égo t’ait bloqué. J’avais besoin de temps seule aussi, pour
vaincre certains obstacles, prendre de l’assurance, bref, faire mon parcours
aussi, parce que certains problèmes sont plus faciles à vaincre seule, quand tu
n’as pas la pression de celui que tu aimes sur moi
– Je ne lui ai
pas sciemment mis la pression. J’ignorais d’ailleurs que je le faisais à l’époque
– Ce n’est pas ta
faute, tout était une pression pour moi à l’époque. Je voulais réussir, être
une bonne femme pour lui, bref c’était une période décisive pour moi. Ce qui
nous a ramenés ensemble, je dirai que c’est l’amour ? Non ? Parce qu’on
n’a rien fait de spécial maintenant que j’y pense
– Elle a fait le
premier pas que mon égo refusait de faire. Mais de mon côté j’ai tout simplement
refusé de considérer une autre femme. Chose que je ne sais pas si je
conseillerai à un autre, mais je ne voulais pas accepter que notre histoire ait
pris fin alors qu’on n’avait encore rien vécu. Disons que je me suis accroché à
l’amour que j’avais pour elle et dès qu’elle a réapparu, j’ai baissé la garde
– Après plusieurs
jours à me faire tourner en rond aussi hein, précise-le, tu m’en as fait voir
de toutes les couleurs cet homme
– Je devais te
faire passer l’envie de recommencer, en plus tu savais très bien en me voyant
que c’était gagné d’avance. Tu savais que mon cœur était tien, ce n’était qu’une
question de temps pour que tu enlèves l’étau de colère autour et reprenne le contrôle
dessus
– Ce n’est pas
faux, dit-elle en souriant
– Et ça te plaît quand
on je te dis ça hein, lui répond-il amusé
– Oh Tao arrête
de me chatouiller, elle rigole de bon cœur
– Vous êtes
vraiment chanceux
– Je te l’ai déjà
dit, qu’en tant que mon fils, tu es plus chanceux que moi. Parlant de fils, je
voulais normalement te remettre ceci. Ça vient de ton grand-père, il m’a fait
promettre de te la donner, dit-il en me présentant une grande enveloppe kaki
que j’ai récupérée, et n’ai lue qu’une fois seul au lit
« Mon cher Laith,
Si tu es en train de
lire ce mot, je tiens en premier à dire, Alhamdulillah. J’ai toujours su que le
Dieu que je sers est souverain et miséricordieux. Je me présente, Oumar Adamou,
ton grand-père, qui n’a jamais perdu espoir. Un regret avec lequel je quitte ce
monde, c’est celui de ne pas t’avoir revu, mais je me repose aussi dans l’assurance
que tu es en vie, et je le crois en bonne santé. Que dire de moi ? J’ai essayé de mon vivant d’être un bon père,
et selon tes deux grands-mères, j’étais un papi gâteau. À 18 ans, j’ai intégré
l’armée de terre et fais mon chemin jusqu’au poste de chef d’état-major,
laissant ainsi mon ancienne position de Colonel, mais vu que j’ai fait énormément
de temps à ce poste, je suis resté le colonel Adamou dans la bouche de
beaucoup. J’ai eu beaucoup d’enfants mais j’avoue qu’avec ce que tes parents
ont vécu, ton père et accessoirement toi avez accaparé toute mon attention vers
la fin de ma vie. De ce fait, il se peut que tu aies l’impression de ne pas
être bien accueilli à ton retour par tes oncles et tantes. Je t’en prie, essaie
de ne pas leur en vouloir, car je suis en partie responsable. Si tu peux, je t’encourage
vivement à leur donner une chance, tout en restant vigilant, parce que j’ai
appris vers la fin de ma vie, que l’argent peut diviser même ceux qui s’aimaient
énormément. C’est un triste constat, et je n’ai pu rien faire pour le corriger
avant d’être rappelé par mon créateur. Dieu merci, ils ne sont pas tous comme
ça. Je te laisse faire ta propre expérience et découvrir ceux qui sont sincères.
Étant un Adamou, je
sais que tu ne seras pas un paresseux, donc sur ce plan je ne m’inquiète en
rien. Concernant les femmes, je n’ai moi-même pas été un exemple. Des femmes j’en
ai connu beaucoup, et j’ai appris que la jalousie n’est pas une bonne chose à
encourager. Plus tu en as fiston, plus tu t’exposes aux affres des passions de
l’âme, plus tu dépenses, plus tu t’égosilles pour rassurer. Et par la suite, il
faudra faire face aux questions de tes enfants. Si tu en as deux ou trois très
inquisiteurs comme ton père, et que tu n’es pas patient, tu risques d’user
régulièrement de sévices corporels, ce qui n’est pas forcément bon. Un homme, c’est
celui qui a une vision aussi bien pour son avenir professionnel que familial. J’aurais
aimé le savoir, ça m’aurait évité bien de problèmes, mais dans sa grâce, Allah
m’a donné une femme très compréhensive, qui m’a beaucoup pardonné. Je prie que
tu aies la même grâce, toutefois, ne pense pas que c’est la permission pour en
abuser, parce qu’à force de tirer sur une corde, elle risque de se casser.
L’alcool comme le dit
notre religion est un interdit. Ayant moi-même bravé plusieurs fois cet
interdit dans le passé, je ne vais pas te dire que le faire fait de toi un mauvais,
mais l’interdit existe pour une raison. Efforce-toi de le respecter, tu n’en
gagneras que davantage.
Tu trouveras dans l’enveloppe,
une clé. Celle-ci donne l’accès à un coffre-fort logé à l’agence de la RBC au
1260 Bd Lebourgneuf à Québec. Ils te demanderont pour y accéder, une copie du
passeport de ton père ainsi qu’une de tes photos. Tu devras aussi fournir tes
empreintes digitales, par sécurité. L’existence de ce coffre est inconnue de
tous, y compris ton père, donc ne sois pas étonné s’il est confus lorsque tu
lui en parleras. Si tu n’as pas dix-huit au jour où tu accèdes à cette lettre,
je te recommande vivement de n’en parler qu’avec ton père et la lui confier. Je
te lègue l’entièreté du contenu espérant qu’avec tu pourras te construire une
vie agréable et aussi prendre soin de tes parents. Je t’en prie, ces derniers ont
énormément souffert, alors penses-y toutes les fois que tu voudras leur faire
subir une crise d’adolescence. Je ne sous-entends pas qu’ils seront forcément
les meilleurs parents, mais essaie d’être patients avec eux, parce qu’un être
vil leur a retiré cette opportunité pendant un moment, donc ils devront se
réadapter à toi.
Je te laisse avec
cette dernière recommandation. Ne te laisse pas impressionner par le contenu de
ce coffre-fort. L’argent peut acheter beaucoup mais jamais l’intégrité. Si tu
le laisses te dominer et changer tes rapports avec les autres, tu seras l’unique
perdant, parce que l’argent aussi grand qu’il soit finit, comme n’importe
quelle source d’eau. Et lorsqu’il finira, aucune voiture ou vêtement luxueux ne
te tiendra au chaud. Sois immensément béni, et puisses-tu faire plus que moi,
mon petit garçon.
Ton papi, Oumar. »
Au bout de la
troisième lecture, l’émotion que je ressentais, s’est transformée en quelques
larmes. Je vais chercher son nom sur Google, tombe sur quelques photos et ressens
un gros coup de fierté. Il était classe mon grand-père, et je retrouve
facilement des airs de lui sur papa, ainsi que moi. Il n’y avait plus aucun
doute en moi, concernant ma relation avec mes parents biologiques, mais cette
lettre vient renforcer l’idée que j’avais déjà. J’ai été aimé autant chez les Adamou
que les Ndouo. L’on dit aujourd’hui que l’amour ne suffit pas, pourtant c’est
ce qui a maintenu cette famille dans l’espérance pendant de longues années. Si
je veux l’amour de Vita, je dois lui montrer le mien en premier. Oui il n’y a
pas d’autre solution.
***Farida ADAMOU***
Nous avions
initialement prévu d’annuler les festivités de fin d’année à cause des récents
évènements, mais nos amis nous ont encouragés à les maintenir, nous rappelant
que lorsqu’eux aussi avaient mal pour nous dans le passé, pourtant ils ont
continué à célébrer d’une certaine façon la vie. Donc nous sommes en comité
réduit, soit juste nous et nos enfants. Bon il ne manque qu’Ida, ainsi que la
mère et Vieira, le frère de Laith. Mais les trois nous rejoindront à la fin de
leurs différentes activités scolaires et professionnelles.
Raconter notre
histoire à notre fils hier fut une expérience si belle et émouvante pour moi,
que je me suis levée ce matin avec la conviction qu’il me fallait lui offrir ce
cadeau sans attendre. Ou peut-être l’impatience de Tao m’a contaminé, parce que
Noël est proche, mais bref, je l’avais déjà en main et cognais à sa porte donc
plus question de faire marche arrière. J’entre après qu’il l’ait permis et le
trouve en train de changer la couche de sa fille. Quelques salutations et
questions routinières sont échangées, puis je me lance en lui présentant l’écrin.
– Qu’est-ce que c’est ? dit-il en le prenant
– Nous nous
sommes beaucoup tourné autour ton père et moi, mais le soir où il m’a
clairement fait part de ses intentions, il m’a offert cette alliance, tout en me
disant qu’il me veut dans sa vie, en tant que sa femme. Un petit conseil si je peux
me permettre. Je ne suis certes pas un homme, mais en tant que femme je sais qu’on
préfère quand les hommes nous parlent clairement et avec des actes plutôt que des
gestes vagues
Il l’ouvre et a une réaction
à peu près similaire à la mienne quelques années plus tôt. Sa bouche reste
ouverte et ses yeux écarquillés devant ma bague de fiançailles.
– Il a déposé un
salaire de cinq ans dedans ou quoi ? Je n’en
ai jamais vu de si grosse
– En réalité, je
n’en ai aucune idée, dis-je après un rire gêné. Il me l’a simplement présenté
et je l’ai prise
– Mais je ne peux
pas la prendre. Si c’est lui qui te l’a offerte, c’est qu’elle a de la valeur
– Oh elle aura
plus de valeur pour moi, si elle t’aide à conquérir le cœur de celle que tu
veux. Pour ma part, j’ai toute la valeur dont j’ai besoin dans ma maison, avec mon
Tao. Mais je te recommande de ne pas mettre la bague en avant pour la conquérir.
Il ne faut pas non plus t’exposer à une potentielle croqueuse de diamants
– Sur ce coup au
moins, j’ai la conscience tranquille. Elle ne croque que mon respect, il me
dit, ce qui m’amuse
– Bonne chance
alors, j’espère vraiment que ça marchera pour vous
– Je peux te
prendre dans mes bras ? Il me
demande alors que j’attendais un merci
– Oui bien sûr, dis-je
et je me laisse enlacer. C’est la toute première fois depuis qu’on l’a retrouvée
que j’ai un moment comme ça avec lui
– Merci maman,
merci de ne pas avoir abandonné, merci pour ta compréhension, ton grand cœur,
mais surtout merci pour ton amour. Je t’aime
Je fonds en larmes à
la dernière phrase et le serre aussi fort que mes membres tremblent. J’ai
tellement rêvé de ce moment, et j’attendais avec patience. J’aurais attendu toute
ma vie s’il le fallait mais le recevoir si tôt est comme un miracle pour moi. Je
ne cesse de lui répéter que je l’aime de toute mon âme et lorsqu’on se détache,
ses yeux aussi sont mouillés. On ne se dit pas grand-chose. Il n’y a que le
petit vacarme de Lucille qui nous berce, mais dans son regard, je me sens
entièrement acceptée. J’ai enfin retrouvé mon bébé. Le procès de la coupable se
déroulera au début de la nouvelle année mais elle l’attend sagement derrière les
barreaux. Les miracles peuvent tarder, mais ils existent.
***Vitalia Andrade***
J’aurais aimé passé
les fêtes de fin d’année avec ma Lulu, mais je me suis dit que donner la
priorité à la famille biologique de Thierry était plus important. Les enfants sont
la représentation physique qu’on se fait des anges, et comme ils sont
rassembleurs, je compte sur notre fille pour tous les charmer et servir de
sujet de conversation entre les Adamou, et les Ndouo.
Pour ma part, je suis
en compagnie de Hadeya qui est là avec sa mère. Elle doit apparemment rencontrer
celui qui sera son futur mari. Quand j’étais ado et je devais choisir entre m’acheter
un nouveau rouge à lèvres et payer ma facture mobile, il m’est arrivé de me
demander le pourquoi je ne suis pas née dans une famille. Mais quand j’entends
ce que Hadeya me raconte sur sa vie, je me dis qu’être une personne lambda n’est
pas si mal. Au moins j’ai la liberté de me faire niquer par qui je veux, et me
marier quand j’en ai envie. Je me dirige aux Galeries Lafayette pour la
rencontrer. Une fois là, je la texte sur Messenger, et elle m’indique de la
retrouver à Jacquemus. Je la trouve sans difficulté, en train de coller sur son
corps un joli pull marron chocolat.
– Qu’est-ce que
tu en penses ?
– Mignon. Elle n’est
pas là ta mère ?
– Chez Fauré le
Page, avec sa copine, la procureure générale Asamoah, dit-elle en roulant des
yeux
– Et comment ça avance ? Tu as déjà rencontré le mec ?
– Non, figure-toi
qu’il n’a pas encore fini son stage au cabinet où il travaille à Nairobi, donc
monsieur n’arrivera que la veille de Noël
– Le bon côté, c’est
qu’au moins il travaille non, j’essaie pour alléger l’ambiance
– Ouais sauf que
c’est lui qui a dit qu’on se retrouve ici trois jours après Noël. On va me dire
qu’il ne connaissait pas son emploi du temps à cette époque ?
– Hehe, les imprévus…
– N’essaie même
pas ! Elle me coupe sèchement.
Un gros retardataire, c’est ce qu’il est pff. Tout ça en réalité c’est la faute
d’Axel. Il se serait décidé à me faire la cour qu’on n’en serait pas là
– Qu’est-ce que
ça aurait changé ? Dis-je
amusée
– S’il m’avait
fait la cour, je n’aurais pas sollicité maman pour qu’elle leur rende visite
quand il a perdu son père. Et c’est parce qu’elle m’a rendu ce service que
maman a réussi à me faire venir ici. Mais j’attends le fils de son amie là, ce
fameux Godson. Je vais tellement le dégoûter qu’il n’aura plus jamais envie de
me voir en peinture
– Ne va pas non plus
te créer des soucis là-bas han
– Je vais me gêner
oui. En plus papa est de son côté, il n’a cessé de me dire qu’il me voit bien
avec ce garçon. Je n’ai plus personne de mon bord donc je vais les faire chier
avec ceci, dit-elle malicieusement en me présentant une carte bancaire
Et pour les faire
chier, elle ne s’est réellement pas gênée. Il ne restait plus que 60 euros
pour qu’elle franchisse les cinq mille après son ravage. Les dommages ont été
faits chez Jacquemus comme La perla. Sous son incitation et après avoir doublement
confirmé qu’elle ne se ferait pas tuer, je me suis permis de prendre « le bambino », un sac
que je me réservais en cadeau après l’obtention de mon master. Et j’ai acheté dans
mes propres sous, un ensemble sexy chez la Perla.
Elle allait foncer
chez Fendi après ce premier round quand sa mère lui a fait signe, demandant qu’on
la retrouve chez Balenciaga. Là, j’ai reçu la surprise de ma vie, quand sa propre
mère m’a dit de prendre le sac autour que je ne cessais d’admirer. En tout cas,
cette union doit l’enchanter parce qu’elle n’a pas sourcillé en voyant les sacs
de Hadeya. Non, elle et son amie en ont juste rigolé avant de nous entraîner
dans d’autres emplettes. Puis sur un coup de tête, j’ai décidé de prendre un dernier
petit cadeau. Pas chez Balenciaga hein, je n’ai pas ce genre de moyens. J’ai
pris un truc chez CK et nous nous sommes séparées par la suite. Je devais
rentrer pour m’occuper du dîner comme pris à paï, mais je tire à Hadeya la
promesse de me raconter comment se passera sa rencontre avec ce fameux mec.
Je rangeais en chantonnant
mes achats de la journée quand un coup de fil m’interrompt. Il est de Thierry donc
je le prends directement.
– Hey, ça va ?
– Oui, tu fais
quoi ? Il me demande
– J’ai fini la cuisine,
là je fais un peu de ménage dans ma chambre, pourquoi ?
– Tu pourrais me
rejoindre dans une heure à l’hôtel le Walt ?
– Genre ici ? À paris ? Tu n’es
pas à Marseille ? m’étonnai-je
– Est-ce que tu
peux me répondre d’abord ?
– Euh dans une
heure ? Attends que je demande à
paï s’il veut dîner seul
– OK, demande-lui
et essaie de me confirmer dans une vingtaine de minutes s’il te plaît
Parce qu’il l’a
demandé gentiment, j’accepte aussi gentiment, même si je ne capte pas ce qu’il
fout ici. Paï me répond sur un ton déconcentré. Lui et son ami sont devant des
rediffusions d’anciennes émissions à la télé et kiffent trop leurs vies, du coup
je confirme par message à Thierry que je suis libre et lui demande si je dois apporter
un truc pour Lulu.
– Apporte-toi
uniquement, ça me va, je t’envoie un taxi dans une vingtaine de minutes. Ça te
suffira pour te préparer ?
– Mais qu’est-ce
que tu trames ? Je ne
vais pas tomber dans un coup foireux là-bas hein
– Non mais on peut questionner comme ça ? Apprête-toi tout simplement s’il te plaît. Il n’y’a aucun coup foireux en cours. Je te dirai tout sur place, et ce fut son dernier message bien que j’en ai envoyé trois autres.