Elle lui en avait voulu et ses excuses qu'elle avait senti sincères, n'avaient en rien atténué sa rancoeur et sa colère. 

Elle avait déménagé de ses quartiers et s'était installée dans les siens, qu'elle n'avait pas voulu rejoindre dans l'espoir de gagner l'amour de son mari. Elle aurait bien voulu divorcer, mais sa mère avait été catégorique. 

"On ne divorce pas d'un prince, futur roi qui plus est. En plus un mari ne peut violer sa femme. Tu es à lui, ton corps lui appartient"; lui avait-elle assené. 

Elle s'était alors résignée à demeurer l'épouse du prince mais bien décidée à l'éviter au maximum. Elle vivrait sa vie de son côté. Mais l'annonce de sa grossesse quelques semaines plus tard avait tout chamboulé. Cela ne l'avait pas rendu triste, loin de là! Dès qu'elle l'avait su, elle avait aimé son enfant. Elle avait dans un premier temps voulu le cacher à son mari; une manière à elle de le punir, s'il en avait quelque chose à faire bien sûr. Mais elle se ravisa finalement, conséquence de son éducation axée sur le sens du devoir.

"Fais ce que doit advienne que pourra", tel était le credo de son père. Elle avait alors rejoint son mari dans son bureau un soir et s'était juste contentée de lui déposer le test de grossesse positif sous les yeux et de ressortir. Il n'avait rien dit sur le coup, mais depuis ce jour, son comportement à son égard avait changé. Il ne l'ignorait plus. Il passait chaque matin et chaque soir prendre de ses nouvelles. Elle était consciente qu'il faisait cet effort pour l'enfant qu'elle portait; mais au fur et à mesure que passaient les jours, elle en était venue à l'espérer et à aimer ces instants. Il l'avait soutenu tout au long de sa grossesse et aimait sincèrement sa fille qui était la prunelle de ses yeux. Cependant il gardait toujours ses distances envers elle. Elle aurait dû être soulagée mais elle ne pouvait s'empêcher de se sentir blessée. En dépit de tout, elle aimait cet homme qui en aimait apparemment une autre: Donan. C'est ainsi qu'il l'avait appelé cette nuit. Ce nom n'avait cessé de l'obséder depuis. Elle avait fini par prendre le risque de le questionner sur elle, mais il n'avait rien voulu lui dire. La chance avait fini par lui sourire, il y a quelques semaines, quand en voulant prêter son agrafeuse qu'elle savait poser sur son bureau, son attention fût tirée par la photo d'une femme qui semblait s'échapper d'un dossier. Elle prit la photo et observa la femme intriguée. C'était une très belle femme qui souriait tendrement à deux filles qui sortaient d'une école. Ses enfants sans aucun doute, pensa t'elle. L'une des filles la ressemblait trait pour trait mais la seconde, la plus petite ressemblait étrangement à sa propre fille, qui elle ressemblait à son père. Surprise elle même par le cours de ses pensées, elle en vint à se demander si son mari n'avait pas une famille cachée. Et si cette femme sur la photo n'était pas la fameuse Donan. Choquée et intriguée, elle se reprit pourtant vite, et ouvrit le dossier pour en savoir plus. Elle vit plusieurs autres photos de la même femme prises à divers endroits. Se félicitant d'avoir son portable sur elle, elle prit des photos du dossier piece par piece aussi bien les photos que les notes. Elle rangea ensuite le dossier telle qu'elle l'avait vu et ne prit plus l'agrafeuse pour ne pas attirer les soupçons de son mari. Elle se précipita pour sortir du bureau de son mari et se dirigea prestement dans le sien afin de lire en détail le contenu des notes. Elle commença à partir des dernières photos qu'elle avait prises du dossier, qui semblaient dater de cinq ans, si elle se référait à la date inscrite en bas de chacune d'elle. Elle vit quelques photos de la même femme et les notes lui apprirent qu'elle s'appelait Donan. Son coeur manqua un battement quand elle lut le nom. Elle était restée figer sur le nom, sans pouvoir s'en détacher.

- Donan, se répéta t'elle au bout d'un moment sortant de sa torpeur.  

-Ainsi, elle est bien réelle , avait t'elle soufflé ensuite.

- Donan Gnlanmabou, répéta t'elle enfin. Elle pouvait enfin mettre un visage sur ce prénom qui l'obsédait depuis des mois. Elle apprit à travers les notes qu'elle était mariée à un certain Dodji Glanmabou. 

-Mariée? Se répéta t'elle n'osant le croire.  

Elle observa la photo de l'homme qui était son mari et se dit qu'il était incintestablement un bel homme. Cependant, elle n'avait pas encore trouvé réponse aux questions qu'elle se posait. Elle ne trouvait toujours pas le lien entre ce couple et son mari, ni pouquoi leur fille cadette ressemblait à la sienne. Son mari avait'il eu une aventure avec cette femme bien qu'elle soit mariée? Sa cadette était-elle le fruit de cette aventure? Sinon pourquoi ressemblait-elle si tant à sa fille?

Elle defila la photo suivante, espérant trouvé des réponses. La photo représentait un couple plus âgé du même nom Glanmabou.  Son coeur manqua encore un battement en observant l'homme. Il ressemblait beaucoup à son mari. On aurait dit son mari mais en plus âgé. On ne pouvait pas la nier. Et pourtant, il était écrit dans la note qu'ils étaitent les parents de Dodji, le mari de Donan et qu'il était leur fils unique. L'homme possédait une entreprise de fabrication de jus de fruit.

Elle defila les images et revint sur la photo de Dodji. Elle retourna ensuite sur la photo du couple et se rendit compte que Dodji ressemblait en fait à sa mère. Mais quel était le lien entre cette famille et son mari? Pourquoi il ressemblait tant à cet homme et pourquoi sa fille à elle ressemblait à la petite fille de cet homme? Était ce un hasard? Elle pourrait envisager cette réponse s'il ne s'agissait que de la ressemblance entre son mari et cet homme. Mais celle de sa fille avec la petite fille de cet homme était la preuve qu'elle ne pouvait pas se contenter de cette reponse. Le même hasard deux fois? Non, se dit'elle. Elle en arriva à la conclusion que c'était forcément génétique. 

Quel serait alors le lien de parenté entre son mari et cette famille? S'était-elle demandée à nouveau. Elle continua alors à défiler les photos à la recherche d'indices. 

Le détective lui avait livré les conclusions de son enquête en début de semaine. Elle avait alors appris que Donan était veuve depuis cinq ans et dirigeait une entreprise immobilière très réputée et florissente. Elle ne put s'empêcher de l'admirer. Sur la photo que le détective avait prise d'elle, elle incarnait typiquement la " Business Lady", sûre d'elle à l'autorité incontestable. Mais rien ne la liait apparemment à son mari. 

Elle apprit également que le vieux monsieur qui ressemblait à son mari avait eu un premier mariage duquel il avait eu un fils nommé Sènan. Sa premiere femme avait été bannie du royaume pour adultère et son fils avait mystérieusement disparu des années plus tard, et on ne les avaient plus jamais revu. Selon les voisins et proches de la famille que le detective avaient rencontrés, le garçon avait été sûrement victime des sacrificateurs rituels qui sévissaient en la période. Toutefois cela restait une hypothèse dans la mesure où aucun corps n'avait été retrouvé. Le vieux n'avait apparemment qu'une soeur, une soeur ainée qui plus est, qui était décédée récemment et dont tous les enfants se trouvaient à Amazonia. Donc la reine ne pouvait être la soeur du monsieur comme elle l'avait pensé au premier abord. Et si.... elle interrompit rapidement le cours de ses pensées. Cela n'était pas possible se dit'elle. Mais ses pensées reprenaient inévitablement le même cours. Elle décida alors d' enquêter sur l'histoire du roi et de la reine auprès du vieux personnel du palais pour s'en convaincre. Jusqu'à présent, elle ne s'était vraiment pas intéressée à cela. Après réflexion, elle choisit Nana pour sa petite enquête. Celle-ci avait été au sevice de la reine depuis son arrivée au palais lui avait-on dit. Lui faire parler de la reine n'avait pas été difficile car elle l'avait sincèrement aimé. Plus qu'une patronne, elle avait été son amie. Elle en avait appris beaucoup sur la reine en quelques minutes. La vieille dame était intarissable d'éloges sur sa patronne et amie. Mais elle n'apprit rien qui puisse lui permettre de confirmer ou infirmer ses soupçons. Elle était sur le point de mettre fin à la discussion quand les dernières phrases de la vielle dame l'arrêtèrent dans son élan. 

- Elle manque vraiment à votre mari, vous savez? Il a beaucoup changé depuis son décès. Elle a su être une véritable mère pour lui malgré qu'elle ne l'ait pas enfanté. C'est une.......

- Quoi? La reine n'est pas la mère biologique de mon mari? Lui avait-elle demandé interloquée.

-N...Non, lui avait répondit nana surprise. Mais vous ne le saviez pas? Cela n'est un secret pour personne à Mensah. Le roi l'a eu avant son mariage avec la reine. Il ne le savait pas lui même avant de l'épouser. Ce n'est qu'après leur mariage qu'il l'a appris. La mère biologique du prince sachant qu'elle était sur le point de mourir avait laissé une lettre informant le roi de l'existence de son fils. Il l'a alors récupéré et reconnu devant tous avec le soutien de la reine. Cela est connu de tous madame.

- Je ne le savais pas, lui avait-elle répondu complètement perdue. Car si son mari n'était pas le fils biologique de la reine, son hypothèse d'une possible parentée entre son mari et le couple âgé de la photo tombait à l'eau et elle se retrouvait encore plus confuse. Sa belle-mère était le lien avec Amazonia. A moins que sa mère biologique soit aussi d'Amazonia.

Elle l'avait alors demandé à la vieille qui le lui confirma. Elle était sortie de cette discussion avec encore plus de questions qu'au départ.

Elle y pensa encore longuement les jours suivants sans trouver de réponses satisfaisantes et décida finalement de se concentrer en premier lieu sur Donan. Car si rien ne semblait la lier apparemment à son mari, elle était convaincue du contraire. Elle en avait fait les frais. Son mari étaient amoureux, pire obsédé par cette femme. Et elle se devait de connaître leur histoire afin de savoir quoi faire concrètement pour son mariage. Mais comment procéder; cela restait encore à définir. Elle baisa sa fille sur le front et sortit de la chambre, en espérant que la nuit lui porte conseil.

Après avoir refermé la porte derrière elle, elle se retrouva nez à nez avec son mari. 

- Oh! Tu m'as fait peur... Tu viens de rentrer? Lui demanda t-elle tout en connaissant déjà la réponse. Même si ce dernier avait ôté sa veste, il était encore en chemise et pantalon, preuve qu'il n'avait pas encore pris par sa chambre. Elle sentit bête d'avoir posé cette question. Elle ne savait pourquoi en sa présence, elle agissait ou ne disait que des bêtises. Cet homme l'intimidait énormément.

En réponse á sa question, ce dernier s'était contenté de hocher la tête. Après un court silence, il lui dit.

- Désolé de n'avoir pas pu être là ce soir. J'ai eu une réunion importante qui s'est éternisée. J'aurais voulu être là ce soir, pour rendre hommage à ma mère, pour...

- Bien sûr, tu serais venu pour ta mère, pas pour moi. 

Après tout ce qu'elle venait de ressasser, cette phrase de son mari l'irita. Elle savait qu'il n'avait rien à faire d'elle, mais l'entendre le dire même si ce n'était pas intentionnel, la blessa profondément.

Il lui jeta un regard navré, mais elle n'en tint pas compte et lui demanda après un court silence.

- Pourquoi ne me répudies-tu pas? Pourquoi ne pas divorcer de moi? Penses-tu que cette situation soit juste pour moi? 

Elle n'attendit pas qu'il lui réponde, avant de s'en aller, crayant que les larmes qu'elle essayait de retenir, ne coulent.

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