La journée démarre sur les chapeaux de roues.

A peine arrivée u travail, je vois que ma messagerie a enregistré six messages depuis hier ! Je ne savais pas que ma cote de popularité avait autant augmenté en une nuit !

J’appuie sur le bouton de lecture et… Une voix sortie d’une autre vie emplit mon bureau.

—     Mélanie ! J’espérais t’avoir en personne mais vue l’heure, tu dois sans doute être occupée. Peut-être avec d’autres clients. J’ai entendu parler de ton entreprise et j’aimerai faire appel à tes services. Rappelle-moi.

—     Désolée de t’importuner à nouveau mais j’ai oublié de préciser que c’est André Felton qui t’appelle, je ne sais pas si tu te souviens de moi…

Un silence s’installe avant qu’il ne poursuive, hésitant.

—     Rappelle-moi sur le numéro qui s’est affiché, je reste joignable à n’importe quelle heure.

Felton André. Est-il stupide au point de croire que jamais je n’aurais reconnu sa voix ? Ou pense-t-il qu’après tout ce temps, je l’ai simplement oublié ?

—     Mélanie, c’est moi… à nouveau. Je sais que tu as déjà eu mes précédents messages mais si tu pouvais me rappeler rapidement, ce serait super…

Il n’a pas changé sur ce point.

Toujours aussi impatient.

A tout vouloir dans l’instant.

Les trois derniers messages sont également de lui. Ce qui ne m’étonne pas. Il va insister jusqu’à ce que je l’appelle.

Ainsi il va se marier… Je ne l’imagine pas avoir une fiancée, s’être rangé à vrai dire… mais apparemment, c’est le cas et il fait appel à moi pour ce moment important de sa vie. Je devrais en être flattée. Qu’il sache que j’ai monté ma propre société, comme j’en ai toujours rêvé et qu’il me demande de l’aider, moi, parmi tant d’autres biens plus compétents et plus anciens. Pourtant, je sens un point me serrer le cœur.

Je ne comprends pas ! Pourquoi moi ? Pourquoi m’avoir choisi entre toutes après tant d’années ? D’ailleurs, je ne suis sans doute pas la plus indiquée pour lui organiser un mariage de rêve. Je démarre à peine dans la profession…

Je me sens vaciller et m’appuie à mon bureau. Mon cœur bat la chamade, je me force à contrôler le tremblement qui agite mes mains… Que dois-je faire ? Dois-je le rappeler ou attendre qu’il le fasse ?

Je grogne et finis par décrocher mon téléphone. Je sens l’adrénaline et la peur mêlées couler dans mes veines.

—     Felton Enterprises. Que puis-je pour vous ?

Felton Enterprises ? Je ne savais pas.

Je note de me renseigner sur André. Je ne veux pas qu’il ait l’impression que je débarque ou être prise au dépourvu. De plus, je n’aurais même pas besoin d’utiliser à nouveau la magie d’internet car je connais une source d’informations intarissable sur lui, à savoir ma propre mère.

—     Kamdem Mélanie de Wedding day. Monsieur Felton m’a appelé plusieurs fois hier soir, ayant apparemment besoin de mes services. Il m’a demandé de le rappeler le plus rapidement possible.

—     Tout à fait. Veuillez patienter quelques instants, je vous mets en relation.

Je n’ai pas le temps de la remercier que déjà une mélodie énervante se fait entendre.

—     Secrétariat de monsieur Felton, je vous écoute ! lance une voix féminine.

Je soupire. A combien de secrétaires vais-je avoir à faire avant d’enfin tomber sur l’interlocuteur que je souhaite ? C’est tout de même énervant ! Il ne peut pas prendre ses appels lui-même ?

Je répète donc mon petit discours à Secrétaire n°2 qui m’écoute apparemment d’une oreille puisque j’entends distinctement le bruit des touches d’un clavier.

—     Bien sûr ! finit-elle par répondre alors que j’ai terminé de lui expliquer la situation depuis deux minutes au moins. Malheureusement, je vais devoir transmettre un message à monsieur Felton parce qu’il est en réunion et m’a expressément demandé de ne pas le déranger.

—     Mais, l’interromps-je, il m’a tout de même dit de le rappeler le plus rap…

—     Je comprends mais monsieur Felton est très occupé. Je vais lui laisser un message de votre part et il vous rappellera dès que possible, j’en suis certaine.

J’imagine une secrétaire au teint trafiqué, un sourire méprisant déformant ses lèvres. En ce moment, face à mon insistance, elle lève les yeux au ciel et se dit que les gens peuvent être vraiment casse-pied lorsqu’ils s’y mettent. Toutefois, elle sait rester professionnelle et garde un ton « charmant ».

Je me vois bien lui tordre son joli cou, autour duquel pend un collier de fausses perles que lui a offert son compagnon pour une quelconque raison ou occasion alors qu’il veut juste déculpabiliser de l’avoir trompée, une énième fois, avec l’une de ses amies.

—     Vous êtes toujours là ? s’impatiente Secrétaire n°2, me sortant de ma rêverie.

—     Oui, oui. Je suis là, désolée.

—     Je vous demandais votre nom, madame, s’impatiente mon interlocutrice.

Je lui répète donc, ainsi que le nom de mon agence et la raison de mon appel avant de raccrocher.

Je me concentre à nouveau tant bien que mal sur la cérémonie des Diwouta.

Je peux cocher la case de la salle de réception puisqu’ils ont choisi le K hôtel. Choix que j’approuve totalement.

L’imprimeur m’a confirmé que les faire-part étaient en cours d’impression, ce qui est positif.

La robe est entre les mains de la couturière qui doit la rajuster mais rien de véritablement important.

Le traiteur a revu l’ancien menu aux goûts du jours et nous avons tous les trois rendez-vous avec lui cet après-midi même.

Il ne me reste qu’à aider Bernard à trouver un costume qui ressemble au premier, à dénicher un photographe professionnel compétent et un fleuriste de qualité. Je dois aussi rencontrer les témoins, demoiselles et enfants d’honneur avec qui je devrais prendre rendez-vous pour des essayages de robes et costumes.

Ce couple est véritablement une aubaine pour moi : peu de travail mais pourtant une cérémonie qui sera émouvante, j’en suis certaine. Ils n’ont même pas de liste de mariage, ce qui me facilite grandement la tâche, tout comme ils ne souhaitent pas organiser de voyage de noces. Le thème est le rose et le blanc, comme pour leur première noce. Et surtout, ils sont enchantés par absolument tout !

Je contacte une fleuriste que Coralie m’a conseillée.

Avec ses contacts dans tous les milieux, Coralie m’est d’une aide précieuse. Je sais que je peux avoir confiance en son jugement. Si elle me dit que cette fleuriste est exceptionnelle, c’est qu’elle l’est.

J’ai été faire un tour sur le site en ligne de sa boutique les fleurs d’Anaïs et j’en suis enchantée. Je pense qu’ensemble, nous ferons du bon travail.

Après quelques minutes, nous parvenons à convenir d’un rendez-vous et je raccroche, satisfaite de cet entretien téléphonique. Il me faudra toutefois vois pour négocier les prix. Comme pour d’autres, je devrais lui promettre de faire appel à ses services pour d’autres mariages.

A peine ai-je raccroché que mon téléphone sonne.

—     Wedding day. Kamdem Mélanie à votre service.

—     Mel, c’est André…

Je ne m’y attendais pas et entendre à nouveau sa voix me pince le cœur.

—     … secrétaire vient de me le dire. Je lui avais dit que j’étais en réunion et généralement, elle sait qu’elle ne doit pas me déranger. J’ai oublié de lui préciser que tu étais une urgence et de me passer tout appel venant de toi. Je te prie encore de m’excuser.

—     Ce n’est pas grave, repondis-je tel un automate. Elle n’a fait que son travaol.

—     Je sais mais…

—     Que puis-je faire pour toi ?

Lorsque je l’ai connu, la première fois, André n’était pas le genre d’homme à présenter des excuses. Qu’elles soient justifiées ou non.

—     … marie. J’aimerai que tu te charges de toute l’organisation et que tu me donnes la note.

—     Je suis désolée André mais je n’ai pas bien compris. Qui se marie ?

Mon cœur bat à deux cent à l’heure. J’ai l’impression qu’il va me sortir de la poitrine d’une seconde à l’autre. Je n’ai jamais imaginé Andrew se marier, ayant une femme qui l’attend chaque soir et des enfants.

—     Ma sœur, Olivia.

Une pointe de soulagement me submerge mais je n’y prête pas attention.

Pourquoi suis-je soulagée ?

Peut-être est-il déjà marié…

Peut-être a-t-il déjà des enfants…

Je ne sais plus rien de lui, c’est un étranger pour moi comme je le suis sans doute pour lui.