Antonio.(2)

Write by Cynthia

_Quoi?

 J'ai dû le dire à très haute voix car elle sursaute et ses yeux marrons indéchiffrables se mettent à briller. Va-t'elle s’apprêter à pleurer?

Non, surtout pas. Et puis que m'importe?


_Euh... je suis entrain  de vous sauver la vie. Montrez-vous gentil!


 Elle me dit cela se serrant les mains comme pour puiser en elle, je suis tombée sur une folle, me sauver? Mais de quoi et de qui?


_Pardon, me sauver la vie? Mais de quoi parlez-vous?


Elle me regarde surprise, comme si je parlais latin. Je parle certes italien mais pas latin. Certaines de ses mimiques me rappellent involontairement Giorgio.


   ****Flash-back vingt-deux ans plus tôt*****


J'ai dormi avec Nonno Giorgio, je l'aime beaucoup et surtout nos balades au park lorsqu'il me raconte comment était son enfance.

_Anto, lorsque j'avais ton âge, il y avait cette petite fille dans notre quartier à San Lazzaro, elle se prénommait Carla, mais tous l'appelaient Carlita,  elle avait quatre ans et toutes ses dents de devant. Mon Dieu qu'est-ce qu'elle était belle! Sa longue crinière blonde et ses yeux marrons claires, me rendaient muet devant elle. Je disais toujours à mes parents que je ferai d'elle ma femme. Mais sais-tu ce qui s'est passé?


_Non, nonno.


_Eh ben au lieu d'épouser Carlita, j'ai épousé ta grand-mère Francesca. Comme pour dire qu'à ton âge, on est stupide, on dit des bêtises et on fait encore pipi au lit.


_Nono!

Je froisse automatiquement mon visage et me met à bouder car j'ai horreur que l'on mentionne le fait qu'à six ans je fais encore pipi au lit et que je doive dormir avec des couches jetables.


_Tu vois? Que disais-je ? Oh oui, j'ai épousé ta grand-mère Francesca. Veux-tu savoir comment je l'ai rencontré?


_Non!


_Eh ben c'était en été de 1935 bien avant la deuxième guerre mondiale, ta grand-mère était la plus belle femme que je n'ai jamais connu.


Il continue son histoire mais je boude. Je ne lui parle plus le reste de la journée.


Il y a un orage dehors, j'ai fait un cauchemar. Je cours dans la chambre de Nonno Giorgio, j'y entre et je tiens Marco, mon ourson en main.

 Je tapote Nonno Giorgio qui fait des bruit bizarres lorsqu'il dort.


_Nonno, j'arrive pas à dormir! J'ai fait un cauchemar.


_Ah, il ne me boude plus le petit?


_Pardon Nonno.


_Viens-là mon petit


Il le dit en m'ouvrant ses bras et me donnant un sourire rassurant. Je cours m'y réfugier, je m'y sens bien.


_Veux-tu que je te raconte une histoire?


_Oui Nonno. Lui dis-je enthousiaste.


_Alors tiens-toi prêt car je vais te conter l'histoire de la reine fromage et du roi pasta al ragù.


Il me contait toujours des histoires qui avaient trait à la nourriture et moi ça m'amusait.

Je me suis endormi peu après.


Papa est venu me chercher aujourd'hui. Il parle en ce moment même avec le Nonno dans son bureau, j'y vais car j'ai fini de lacer mes chaussures.


_Papa, tu dois prendre tes médicaments et aussi penser à te faire interner le médecin dit que c'est très sérieux.


Mon grand père se serre les points et regarde papa différemment.


_Je t'interdis de parler de la sorte. Je ne suis pas malade. Je vais bien.


_Je sais papa, mais tu dois aussi penser à

 

_Roberto! Çà suffit! Je ne veux plus en parler, maintenant vas-t'en!


Mon père soupire.


_C'est comme tu veux papa.


Il se dirige vers la sortie. Je fais automatiquement deux pas en arrière.


_Antonio, c'est bien que tu sois là! Salue ton Nonno que nous devons partir.


_Oui papa.


****Fin du Flash-back***


_Ne vouliez-vous pas vous suicider?


Je serais hilaire face à cette discrète question. Mais je ne peux pas, elle laisse dans ma boucheur, un goût de cendre. Je réponds sur la défensive:


_Mais non, mais où êtes-vous allée chercher cela? Et puis que faites-vous ici?


_Non mais, je vous signale que c'est vous qui êtes sur MON toit! Je viens ici presque tous les jours et je n'ai jamais vu personne alors si vous n'êtes pas détective privé, laissez-moi travailler s'il vous plaît. Si vous ne voulez pas vous suicider, vous pouvez rester, je ne suis pas avare.


Non mais je rêve là! N'a-t'elle pas lu le nom de la villa? "Villa Salvenini". Que dis-je ? Elle ne sait pas lire. Je suis tellement sous le choc que je n'arrive pas à lui répondre.


Je la vois s'asseoir de tout son sérieux et se mettre à dessiner. Et puis elle a raison, cette villa ne nous appartient plus. Nous avons tous voulu oublier la tragédie qui s'est passée ici et nous, non papa et ses présomptions à deux balles, ont décidé que cet endroit ne fait plus partie de nous.


Je vois l'inconnue s'adonner à sa besogne. Comment quelqu'un que je ne connais pas peut-elle autant me rappeler l’être que j'ai aimé le plus sur cette terre? Comment et pourquoi? Soupir, en plus je lui dois des excuses. Je vais m'asseoir près d'elle histoire de voir comment formuler des excuses qui sont assez potables. Je la vois me regarder à la dérobée, je souris. Sa naïveté m'émeut. Presque.


_Désolé pour tout à l'heure, je ne voulais pas être désagréable avec vous, je ne vous connais pas et vous ne me connaissez pas.


Elle est toujours concentrée sur son dessin lorsqu'elle me dit:


_Ok! Excuses acceptées!


C'est déjà ça! Mais je veux plus d'elle, je veux comprendre.


_Euh je peux voir?


 _Si vous promettez de dire ce que vous en pensez en toute honnêteté.


J'acquiesce.


_D'accord.


Elle me tend son livre.


_O mio Dio.


Qu'est-ce? Je suis parcourue de frissons en voyant, un homme presque squelettique couché sur un divan miteux, plein de crasse. C'est d'une laideur profonde. Ses yeux qui sortent des orbites il est en pleine mer. Mais qu'est-ce que cette horreur?


_Alors comment vous trouvez mon dessin?


Que répondre à cela?


_Euh...il est... euh


 _Vous aviez promis de dire la vérité.


Et puis tant pis. Elle l'aura voulu.


 _Il est nul à chier! Bon Sang ou avez-vous appris à dessiner aussi mal? Je veux dire c'est pire que de la caricature!


Je me sens mieux. Je l'avoue. Je crois que je ne verrai plus aucun de ses dessins. Je ne sais pour quoi mais elle se met soudain à rire, comme une aliénée. Elle rit si fort en me regardant, se lève, se tient les cotes et rit.


_Mes dessins font cet effet là à tous le monde qui le voit! Vous n'êtes pas le seul rassurez-vous c'est juste votre embarras qui m'amuse.


Ah!


_Je vous amuse?


_Oui, beaucoup. Et merci, pour votre expression du visage.


Je serais frustré si son rire n'était pas si communicatif. Je me surprends à en sourire. Une fois fini son rire. Je veux plus.


_Puis-je te tutoyer?


_Pour ton exploit d'aujourd'hui oui.


_Pardon?


_Non rien, laisse-tomber!


Qu'est-ce qu'elle est étrange! Mais cela ne m’arrêtera pas. Je veux plus.


_Ok, puis-je connaître ton prénom?


_Cynthia et toi?


Cynthia,Cynthia, Cynthia, je me répète son prénom comme une douce mélodie.


_Antonio.


_Ok.


Pourquoi me rappelles-tu autant Nonno Giorgio? Pourquoi me manque t'il autant ces derniers temps? Qui es-tu? Pourquoi t'ai-je rencontrée? J'aimerai lui poser ces questions.


_Pourrais-je te revoir? J'aimerais encore t'entendre rire de moi.


Je veux plus.


Je veux plus.


_Bien sûr Antonio.


Je veux encore plus.


_Tu me passes ton numéro?


_Bien sûr c'est le 38..... Bonne soirée!

 

Je souris intérieurement.


_A toi autant.


Je la vois dévaler les escaliers comme si elle avait le diable à ses trousses. Un large sourire vient caresser mon visage. Qu'est-ce que je fais et pourquoi? Parce qu'avec elle j'ai l'impression d'avoir six ans et D’être heureux, vraiment heureux. Cynthia, à la peau ébène. Je te veux dans ma vie. Comment,je ne sais pas, mais tu dois y être!


Je contemple Bologne de nuit, je devrais penser à rentrer.

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