Chantal
Write by labigsaphir
[ BLESSING ]
- Féfé, viens par-là !
- Non !
- Il ne faudrait pas toucher au chauffe-eau, féfé.
- Non, maman.
- Je vais m’énerver si tu recommences. Je vais te fesser ! Grondai-je en lui enlevant le chauffe-eau des mains.
Elle éclate en sanglots et pose les mains sur sa figure. L’essence de la vie ruissèle sur ses joues, je ne peux m’empêcher de culpabiliser et la prends dans mes bras.
- C’est pour ton bien, dis-je en la berçant.
- Mamie est où ?
A l’évocation de ma mère, je ferme les yeux et réprime la larme qui veut couler. Depuis que mon frère me l’a ramenée, ma mère et moi, échangeons rarement. Nous n’avons pas de soucis à proprement dit mais c’est tendu entre nous. J’ai beau vouloir expliquer mon attitude à ma mère mais le fait d’être mariée m’en empêche. J’ai besoin de m’épancher et raconter ce qui me fait mal à ma maman mais j’ai peur d’être jugée. Je sais qu’elle n’approuve déjà pas ce mariage et ne pourrait pas s’empêcher d’être juge, avocate et jurée. Je soupire, me lève et me dirige vers le frigidaire que j’ouvre et prends des yaourts
TOC…TOC..TOC…
Je me redresse, cale bien féfé sur ma hanche avant de poser les yaourts sur le frigidaire et le refermer. Je me dirige vers la porte, regarde à travers le Juda puis ouvre en soupirant.
- Bonjour Blessing, fait Fatima en rentrant dans la pièce.
- Bonjour Fatima.
- Comment vas-tu ?
- Bien, merci et toi ?
- Ça peut aller. J’espère que je ne te dérange pas.
- Je voulais donner le quatre heures à féfé.
- Désolée.
- Assieds-toi, ne reste pas debout.
- Merci, ma belle-sœur.
Je m’assieds à mon tour et mets féfé dans la chaise-haute avant de lui donner à manger en silence. Fatima bouge sur son siège, celle-là, je ne sais pas ce qu’elle a encore à raconter.
- Elle a grandi, Ophélie.
- C’est la première fois que tu la vois, Fatima.
- C’est vrai, c’est vrai. En fait, je faisais allusion à la dernière fois que tu l’as vue.
- Humm.
- Elle est belle et ne te ressemble pas du tout.
- Elle ressemble beaucoup à son père.
- Oui.
- En parlant de son père, communiquez-vous encore ?
- Pardon ?
- Vous voyez-vous ?
- Fatima, avec tout le respect que je te dois, ce ne sont pas te affaires.
- Non, je pose juste la question par curiosité.
- C’est une curiosité mal placée ; mon ton est volontairement sec.
- Blessing, je suis désolée si tu as l’impression que je me mêle de ce qui ne me regarde pas.
- Ce n’est pas qu’une impression, Fatima, c’est ce qui est.
- Ok. Calme-toi, ma belle.
- …
- Quand tu te mariais, je pense que Malick t’avait dit qu’il était très très famille.
- …
- Eh bien, nous le sommes tous.
- En d’autres termes ?
- Lorsque mon frère a un souci, je l’ai aussi.
- Si ton frère avait un souci, je l’aurai su.
- Blessing, je suis au courant que mon frère et toi, avez eu des soucis. C’est d’ailleurs, la raison pour laquelle, je suis là.
- Fatima, reste déjà en dehors de tout ceci.
- Blessing, tu es une petite-sœur pour moi en plus d’être ma belle-sœur. Sache que le mariage n’est pas une mince affaire. Il ne faut pas écouter ce que les femmes racontent car nombreuses sont-elles à nous envier.
- NOUS, qui ?
- Les femmes mariées.
- …
- Elles sont là à 30 ans, pas encore mariées avec un CV en type d’hommes aussi long que la main. Tous types d’hommes sont passés sur elles et malgré cela, elles rêvent encore et secrètement de mariage.
- …
- Tu sais, je ne vais pas te mentir, pour les hommes, une femme qui a connu huit hommes est déjà comme un aliment avarié. Elle est déjà amortie et ne peut plus servir qu’au plaisir.
- Comment toi, une femme, peut penser ainsi ?
- C’est ce qui est, Blessing. C’est la triste réalité.
- Humm.
- Elles sont nombreuses à dire que le mariage n’est pas une fin en soi mais pleurent en solitaire dans le secret de leur chambre. Comble de malheur, ce sont encore elles qui perturbent les foyers des autres. Ce sont elles les maitresses qui nous pourrissent la vie.
- Elles n’appellent pas nos époux.
- Blessing, tu devrais désormais réfléchir comme une femme mariée et défendre ton territoire.
- …
- Tu devrais être du côté des femmes mariée et tirer sur tout ce qui bouge, comme femme célibataire avec ou sans enfants.
- Tu dramatises, Fatima.
- Crois-tu que ta copine, Faith, puisse comprendre ce que l’on appelle « joies du mariage » ?
- Qui t’a parlé de Faith ?
- Je crois t’avoir dit que ce qui dérange mon frère, me dérage aussi.
- Je n’ai aucune envie de parler de Faith avec toi, Fatima. Je ne me mêle pas de ta vie de couple, ne te mêle pas de la mienne.
- Je ne suis pas en train de m’en mêler mais essaie de te donner des conseils.
- Attends que je t’en demande !
- Excuse-moi mais il faut que je te donne le fond de ma pensée.
- Je n’en ai rien à cirer.
- Je vais excuser ton langage, Blessing. Je comprends que tu n’as jamais été mariée et surtout, que tu sois relativement jeune.
- Fatma,
- Ecoute, une femme mariée ne devrait être amie qu’avec une femme qui l’est aussi parce qu’elles pourraient facilement se comprendre, se passer certaines astuces permettant de combler leur mari et stabiliser leur foyer. Une femme mariée saurait reprendre une autre facilement en la voyant prendre de mauvaises décisions.
- Fatima, j’aimerai me reposer.
- Oui, j’y vais. Comprends qu’une femme qui après plus de 10 ans n’a pas réussi à se faire épouser par son homme, ne puisse te donner de bons conseils. Une femme célibataire ou vivant en concubinage avec un homme, ne peut donner de vrais conseils à une femme mariée.
- …
- Certaines femmes sont faites pour le mariage et d’autres, pour être utilisées. Ce que je dis est difficile à entendre, cru mais c’est la triste réalité. Pourquoi crois-tu que son homme ne l’ait pas encore épousée ? C’est tout simplement parce qu’elle n’est pas mariable. Elle fait la forte mais doit t’envier dans le secret de son cœur. Sais-tu qu’être mariée est une bénédiction des Dieux ?
- …
- Il faut tout faire pour garder son foyer et son époux donc la tete dure que tu es en train de faire, n’est pas bien.
- …
- Cela fait uen semaine que tu es hors de ton foyer, Blessing. Il est temps que tu rentres chez toi. Malick, connaissant son cour et son ego, ne viendra surement pas te chercher. Comme tu es sorti de la maison, rentre aussi.
- …
- Nous le voyons trainer dans les restaurants avec Salima, soi-disant, il souhaite s’en occuper tout seul ; ce n’est pas normal. Si quelque chose arrive à cette enfant, tu culpabiliseras toute ta vie.
- …
- Blessing, tu es sa mère depuis qu’elle est née. Cette petite n’a connu que toi et rien que toi.
- …
- Tu es déjà mère, le nombril, les vaccins et autres, c’est à toi de t’en occuper.
- …
- J’y vais et surtout, Bonne journée.
Elle s’en va, me laissant anéantie plus que jamais. Je donne automatiquement à manger à féfé, mon esprit étant avec mon mari qui me manque cruellement. Nous prenons place devant la télévision et sommes réveillés quelques heures plus tard par des coups frappés à la porte. Je guette par le Judas et reconnais Malick, je n’ai pas envie d’ouvrir mais son air et surtout sa façon de porter la petite, m’incite à le faire.
- Bonsoir, fait-il la porte à peine ouverte.
- Bonsoir.
- Excuse-moi de te déranger mais je ne savais qui aller réveiller à cette heure de la nuit.
- …
- Pour l’amour d’Allah, je t’en prie, permets-nous de passer la nuit avec vous.
- Pourquoi ? Tu as bien une grande maison avec des portes que tu peux fermer au nez de qui tu veux. Quoi, y a-t-il du plomb dans les murs de ta maison ?
- Je suis d’accord et comprennes que tu sois en colère.
- …
- Blessing, je m’excuse pour mon attitude de la dernière fois et ne peux te forcer à rentrer avec moi, si tu ne veux pas.
- Nous sommes d’accord et maintenant que c’est dit, bonne nuit.
Je ferme la porte à double-tour et rentre me coucher en tremblant. Je suis encore soufflée par le courage que j’ai eu à lui tenir tête et donner le fond de ma pensée. Seulement, je pense à la petite qui encaisse tout et n’a rien demandé ; elle n’a d’ailleurs pas demandé à naitre.
Je prends ma fille dans mes bras, glisse tout doucement dans un sommeil sans rêves et suis réveillée quelques temps plus tard par des pleurs. J’ouvre les yeux, regarde autour de moi, me détache d’Ophélie et me redresse. Les pleurs continuent, je pense d’abord que ce sont les enfants du voisin mais non, il n’a pas d’enfant en bas âge.
Je me lève, me dirige à partir des pleurs et me retrouve rapidement devant la porte. Je guette par le judas et constate que Malick et Salima sont devant la porte ; Malick est assis à meme le sol et Salima dans ses bras, s’époumonant. J’ouvre la porte sans réfléchir, il sursaute et se tourne vers moi. Je prends la petite dans mes bras ainsi que son sac à langer et rentre dans la maison. Il se lève, me suit, rentre et ferme la porte.
- Je vais lui donner le bain et vais veiller à ce qu’elle mange, dis-je avant de disparaitre dans la salle de bain.
UNE VINGTAINE DE MINUTES PLUS TARD…
- Tu peux coucher sur le canapé, elle est dans mon lit.
- Merci.
- Pas besoin, je ne le fais pas pour toi.
- Je sais. Merci quand même.
- …
- Blessing,
- Surtout pas. Je n’ai aucune envie de t’entendre.
- Ok.
- J’ai vu que son nombril est déjà tombé.
- Oui. Je suis allé à l’hôpital parce que je ne savais pas comment réagir.
- Pourquoi n’es-tu pas allé chez l’une de tes sœurs ?
- Elles sont dans leur foyer.
- Et se permettent de s’ingérer dans le sien.
- Je suis désolé.
- Laisse-tomber, je sais que ce n’est que factice.
- Blessing, je suis tout de même ton mari.
- Pas de souci, je vais te libérer.
- Pardon ?
- Nous allons sous séparer, comme tu brandis le fait d’être mon époux sans chercher à solutionner le problème de fond.
- Désolé, Blessing.
- …
- S’il te plait, reviens à la maison.
- …
- Je ne te demande pas de revenir pour Salima mais pour nous, tous. Je reconnais mes fautes.
- …
- S’il te plait, chérie.
Il se lève et vient se mettre à mes pieds, les mains levés vers moi. Je fais mine de ne pas le voir et regarde dans la direction opposée. Il prend ma main gauche et la porte à ses lèvres, m’obligeant à me tourner vers lui et le regarder dans les yeux.
- S’il te plait, bébé.
- Je ne me sens pas chez moi dans cette maison. Tes sœurs et la famille de Salima, semblent plus importantes que moi.
- Non, tu te trompes.
- Tes décisions sont unilatérales en plus du fait que je ne travaille pas.
- Je tiens juste à ce que tu t’occupes des enfants.
- Dans ce cas, je m’occuperai de ma fille et tes sœurs, de la tienne.
- Non, bébé, ne fais pas ça. Je sais que Salima est ton enfant, tu l’aimes comme féfé.
- Non, je ne peux pas. Dis-je en me levant et balançant sa main.
- S’il te plait, bébé.
- Non. Tu peux dormir sur le canapé mais le matin, tu repas avec Salima.
- Ok.
- Blessing, je sais t’avoir déçu.
- J’ai des soucis avec ma famille aujourd’hui à cause de toi. Te rends-tu compte que je vis à ce jour comme une orpheline à cause de toi. J’ai cru à la force de notre amour mais me trompais lourdement.
- Non, tu ne te trompais pas. Tu ne t’es jamais trompée. Je n’avais pas encore conscience de mon rôle d’époux.
- Bonne soirée.
LE LENDEMAIN…
OUIIIIIIIIN…OUIIIIIIIIIIIN…OUIIIIIIIIIIIN.
- Oui, ça vient, Salima.
- Maman, fait féfé dans la chaise haute.
- Mange, féfé.
- Sali.
- Oui, elle a faim. Dis-je en la berçant et testant son lait sur le revers de ma main.
Je vais m’asseoir et la cale de façon à ce qu’elle puisse téter sans souci. Je réfléchis au coup fait par Malick . En me réveillant ce matin, Malick n’était plus là mais Salima, oui. J’ai enragé mais me suis calmée en regardant les yeux de Salima ; Cela fait des heures que j’essaie de le joindre mais ça ne passe pas. J’ai essayé par la secrétaire qui m’a fait comprendre qu’il était en réunion, puis a du s’absenter.
Elle rote, je la garde dans mes bras et me mets à chanter des berceuses, ce qui n’est pas du gout de féfé qui se met à s’agiter en regardant méchamment Salima.
- Elle ne te prendra jamais, ta maman.
- VEUX PAS ! Répond-elle en jetant sa cuillère sur le sol.
- Féfé, que ce soit la dernières fois !
Elle éclate en sanglots, je soupire, la détache et la fais asseoir près de moi. Elle pousse Salima qui se met à hurler de suite. Je gronde et les deux se mettent à pleurer. Finalement, je me retrouve en train de pleurer. C’est à cet instant que mon mobile se met à sonner, je décroche, les sanglots dans la voix.
- Oui, fais-je simplement.
- Bonjour bébé.
- Cela fait des heures que j’essaie de te joindre.
- Excuse-moi, j’avais des réunions et ai dû faire une visite sur le terrain.
- Tu m’as laissé Salima.
- Je savais qu’elle n’était pas en danger avec toi, tu es sa mère.
- Non, ce n’était pas prévu.
- Je sais mais que pouvais-je y faire ? Je n’allais tout de même, pas te réveiller.
- Malick, ne fais pas semblant de ne pas comprendre.
- Je sais. Bébé, je ne suis rien sans toi. Tu vois, moi tout seul, je ne peux y arriver.
- …
- S’il te plait, rentre à la maison. Je ferai tout ce que tu voudras, je te jure.
- Faith,
- Elle peut venir quand et comme elle le souhaite.
- Ce n’est pas une pute.
- Je sais. Je ne sais pas ce qui m’a pris, ce jour-là.
- Je préfère rester ici. Au moins, je peux faire ce que je veux et vraiment prendre soin de moi.
- Si tu fais allusion au maquillage, oui mais légèrement et tes vêtements doivent être décents.
- Je ne te demande pas la permission, c’est ce qui sera si je rentre.
- J’ai compris, Blessing.
- Bonne journée.
Je raccroche, essuie mon visage et constate que Salima s’est endormie et Féfé a la tête négligemment posée sur ma cuisse et me regarde.
QUELQUES HEURES PLUS TARD…
- Mais que fais-tu ?