Chapitre 1

Write by Pegglinsay

Chapitre 1 

Je ne sais ce qui est le plus humiliant ; regarder un homme expulser tout ce à quoi vous tenez ou supporter les questions de vos enfants sans pouvoir leur apporter des réponses. Je suis devant la maison… non… je veux plutôt dire que mon corps est devant la maison mais mon esprit est ailleurs. Je n’arrive pas à accepter ce qui m’arrive en ce moment. Je n’arrive pas à y croire. J’essaie de l’intégrer dans mon esprit mais… Moi, Eva-Kara Jean Pierre, mère d’une paire de jumelles, veuve âgée de 30 ans, regarde sans pouvoir dire un mot, monsieur Léon avec des sbires mettre toutes mes affaires dans la rue. Sortie de mon torpeur, j’essaies tant bien que mal de les arranger sur le trottoir. 

- Je suis désolé mais cela fait six mois que vous n’avez rien payé. J’ai été jusque là très patient. Mais aujourd’hui ma patience est arrivée à sa date limite.  C’était ça ou la prison !! vociféra monsieur Léon.

Les deux hommes terminent leur sale besogne puis le propriétaire passe un cadenas dans la porte d’entrée sans oublier de faire un boucan pas possible avant de partir, me laissant planter là, sur le trottoir, avec mes deux filles de cinq ans, pleurant dans mes bras.  Je me retourne et remarque les voisins, certains dans la rue, d’autres sur leur balcon entrain de regarder la scène.

- Vous vous êtes bien rincé l’œil ! lançai-je en colère. Allez ! CIRCULEZ !!!! IL N’Y A PLUS RIEN A VOIR !!!!!

Quelques uns d’entre eux se déplacèrent et rentrèrent chez eux. Il y avait même un voisin qui avait garé sa voiture pour suivre la scène. Hmmmmm. Je me demande comment les humains peuvent être sans cœur devant une scène pareille ! Personne ne vienne à mon aide et me laisse dans mon désarroi sans nom. 

Je prends mon téléphone essaie d’appeler ma cousine mais rien. Cela sonne sans réponse. J’appelle mon amie Rebecca mais je tombe sur son répondeur, mince alors !!!!  Je refuse de baisser le bras. Dieu ne peut pas abandonner sa servante de cette manière. Il sait que je n’ai que Lui donc Il ne peut pas m’abandonner à mon triste sort. Je vais appeler mon pasteur quand je me souviens qu’il est à l’étranger en ce moment. 

Certes la vie c’est un combat… un champ de guerre je dirais même… mais pour le moment je n’ai plus de munitions et je suis mourante donc il me faut une intervention divine pour rester en vie. Je prends deux chaises que je mets sous le manguier et ordonne aux enfants d’aller s’assoir, puis je m’active à arranger mes meubles et les vêtements éparpillées un peu partout. Je sens des regards sur moi mais j’en ai que faire. Je pries dans mon cœur afin que mon père céleste me vienne en aide puisque je suis sans famille dans ce monde. 

Tout en m’activant dans ma tâche ingrate je repense à ma vie.  Elle n’a jamais été facile et mon calvaire a commencé quand j’avais seize ans. Mon père est mort d’une maladie étrange, on n’était pas riche donc on a pas pu dépenser de l’argent pour faire une autopsie.  Il travaillait dans le ministère de l’Education et était responsable de faire acheminer les dossiers des prêts des professeurs au ministère des finances.  Pendant ses douze années dans cette boite, il a su économiser assez pour acheter une camionnette qu’il louait  à un cousin et celui-ci devait lui donner de l’argent quotidiennement. Il comptait acheter un terrain et avait même commencé à le payer par tranche. 

À sa mort tout a disparu !  Son cousin nous a baratinés en nous inventant des pannes pas possible donc on a du vendre la camionnette à quelqu’un qu’on a jamais rencontré pour une maudite somme.  Un an plus tard on a su que c’était lui la personne qui avait acheté la voiture et cette dernière étant en bon état. Pour le terrain, c’était mort. Cela nous appris deux ans afin que le propriétaire nous remette enfin l’argent que mon père avait déposé.

Je termine mes études deux ans après la mort de mon père. À ce moment, ma mère et moi jouions à la marelle avec la misère donc ce fut une bataille pour rentrer à l’université. Heureusement que Dieu était toujours là pour nous ! J’ai passé un concours dans l’une des facultés publiques et j’ai été retenue.  J’y ai passé quatre ans à étudier les sciences comptables et ma mère pendant ce temps est devenue une grande commerçante au marché du centre-ville. 

J’avais vingt-deux quand j’ai rencontré mon cher Renaud. Je venais à peine de sortir d’une relation houleuse qui avait duré deux ans avec un étudiant de la faculté. Je suis chrétienne et lui aussi se dit chrétien mais il est pour la fornication. Au départ, il me disait que pour moi il pouvait tout faire même décrocher la lune. Que du crac ! Apres deux ans d’abstinence, il a changé et on avait des disputes assez souvent sur le sexe. Puis un jour je suis allée le surprendre chez lui avec une autre fille.

Comme je le disais j’ai rencontré Renaud pendant une conférence qu’il etait venu faire à l’église sur la foi. Grande timide que je suis, je lui ai posé une question en aparté. Puis on a passé près  de trente minutes à en discuter. On a échangé nos numéros. Deux mois plus tard, monsieur m’a fait sa déclaration à la sortie d’un concert qu’organisait son église. Je me souviens que je l’ai trouvée précipiter.

- A quoi bon de passer une année à être des amis si cela se voit qu’on est attiré l’un par l’autre. J’ai trente ans Kara et je sais ce que je veux. Je te veux dans ma vie. Réfléchis à cela !

Trois mois plus tard  on était ensemble et il était un vrai chrétien dans tout le sens du terme. Ma mère ne jurait que par lui car elle disait que c’était le garçon que Dieu ne lui avait pas accordé.  Mais un an plus tard j’ai perdu ma mère dans le tremblement de terre qui tua plein de gens surtout dans la capitale d’Haïti. Le toit de la maison qu’on avait louée l’avait tuée. Ainsi je me suis retrouvée sans famille puisque je n’avais aucun contact avec celle de mon père ou de ma mère.  Renaud m’a emmenée vivre chez une tante que j’appréciais à l’époque.

Cinq mois plus tard on s’ était marié, selon c’est dire pour eviter qu'on sombre dans la fornication.  Et ce choix je ne l’ai jamais regretté.  Je travaillais dans une banque et lui dans une institution privée de la place.  Un an plus tard je tombai enceinte. Ma grossesse était assez compliquée donc j’ai du laisser mon boulot. On menait notre petite vie en paix malgré les circonstances de la vie; je m’occupais de mes filles et mon mari travaillait. J’attendais que mes enfants soient assez grandes pour aller à l’école avant d'aller chercher du boulot à nouveau. 

Mais le malheur  a continué à faire son petit bonhomme de chemin dans ma vie ; mon mari, en sortant d’un séminaire, fit un accident et perdit la vie. Ce fut le commencement de mon calvaire mais jusqu’ici je peux dire que l’Eternel nous a secourus. Donc je me refuse à croire que mon Dieu m’ait abandonnée. 

« je sais que tes oreilles ne sont pas trop dures pour entendre les supplications de ta fidèle servante Seigneur ! c’est pour cela je t’en supplie père céleste de m’aider en ce moment. J’ai besoin de toi » dis-je en essayant de ravaler mes larmes. «  Non, je ne vais plus pleurer. »

- Maman j’ai faim ! me dit Laurie.

- Moi aussi m’man, lance Laura.

- (je regarde dans mon petit sac banane et désespère ; je n’ai que 700 gourdes seulement) d’accord mes bébés. Je vais vous acheter quelque chose. 

Maintenant je dois me déplacer pour aller leur acheter un truc à manger mais je suis dans l’incapacité de le faire en ce moment puisque je ne peux pas laisser mes affaires ici. Je regarde dans l’un des sacs qui se trouve par terre et je trouve une boite de céréales déjà commencée et  du lait en poudre dans un sachet et de l'eau. Je leur sers ce diner de fortune et espère que cela les tiendra un moment.  

Sachant que leur ventre n’était plus vide je redouble ma prière. Non ! On ne va pas passer la nuit ici. J’ai la foi !


L'incessant combat