Chapitre 1
Write by QUEENEMMA
Alexandra sortit en trombe de la pièce au
cauchemar vivant. Ce qu’elle venait de voir était pire pour elle que l’enfer
lui-même.
Elle ne tint pas compte de son nom qu’on
hurlait derrière elle, encore moins des cris et de l’étonnement qu’elle
laissait sur son passage en bousculant les clients dans le hall du luxueux
endroit. Elle atteignit le parking de l’hôtel.
Une nausée la plia en deux, elle faillit
rendre sa bile sur le pavé impeccable mais se retint de justesse.
- Vous allez bien madame ? demanda une voix
d’homme à proximité d’elle, je peux vous aider…
Elle regarda dans la direction de la voix
sans la voir, tendit les bras pour saisir la main salvatrice et se ravisa
- Oui ça va, articula-t-elle, je vais bien.
Elle se redressa tant bien que mal et alla
en direction de la sortie de l’hôtel. Son cœur et ses tempes battaient la
chamade. Ses mains et ses jambes tremblaient tellement mais avec le peu de
contrôle qui lui restait, elle atteint sa voiture. Ouvrir la portière s’avéra
être un geste automatique tout comme démarrer le véhicule. Un dernier
coup d’œil en direction de l’hôtel lui laissa entrevoir son mari, qui courait
en sa direction et qui semblait l’appeler, puis la vision disparut.
Elle aborda la sortie de l’hôtel en trombe
et garda l’allure.
Son cœur s’était apaisé mais son esprit
anesthésié s’était remis en marche. Les souvenirs resurgirent.
Elle revit les deux corps enlacés,
parfaits, qui s’emmêlaient et se démêlaient ; elle revit cette magnifique
jeune femme, au corps ferme et juteux, qui ondulait délicieusement au-dessus de
l’homme qu’elle chevauchait ; elle revit l’homme, dont le bonheur évident
se lisait sur son visage, dont les gémissements reflétaient le plaisir qu’il
ressentait ; elle aurait pu s’extasier devant la beauté de ce couple,
devant l’érotisme pur qu’il dégageait mais elle ne pouvait pas. Car cet homme
qui donnait du plaisir à cette magnifique jeune femme, c’était Wenceslas, son
époux.
Une digue céda en Alexandra et un torrent
de larmes s’enclencha à cette réflexion. Elle gara son véhicule sur un bas-côté
et se laissa aller à son tourment.
- Pourquoi, hurla-t-elle, pourquoi tu me fais ça
encore, Wenceslas, pourquoi me fait autant souffrir ? que t’ai-je
fait pour mériter cela ?
Les pleurs sortaient mais n’arrivait pas à
apaiser la douleur qui lui broyait le cœur. Elle pleura de tout son saoul et ne
sut combien de temps elle passa ainsi à se lamenter. L’apathie qui succédait
aux pleurs la gagna et elle resta ainsi la tête sur le volant à fixer ses
jambes en se demandant pourquoi il avait fallu qu’elle voie tout cela. Pourquoi
elle avait voulu confirmer ce qui lui semblait trop évident ces derniers temps,
pourquoi …
Un bruit sourd la ramena soudain à la
réalité. Alexandra se ressaisit et tenta d’identifier la provenance de ce
bruit. Le vibreur de son portable. Elle prit l’appareil et vu l’appelant :
‘’ WENCESLAS ‘’.
Elle regarda le téléphone vibrer ainsi que
le nom et la photo de son mari grésiller dans sa main. Une bouffée de colère
l’envahit. Elle coupa l’appel et observa son téléphone :
- 22 appels en absence de ‘’son cher et tendre
époux’’.
Un rire nerveux la gagna puis s’acheva en
sanglots. Mon dieu quel cauchemar elle vivait en ce jour. Jamais elle n’aurait
cru que le surprendre ainsi en plein ébat avec sa maîtresse lui causerait un
tel choc.
Quand elle avait surpris la conversation
entre Wenceslas et cette femme, mettant à jour sa « énième » liaison
extraconjugale, elle avait cru à une blague. Non ce ne pouvait être vrai.
Wenceslas ne pouvait pas encore lui faire cela, pas encore. Pas plus tard que
l’année dernière, il avait eu une aventure avec une de ses anciennes collègues
de travail. Cela avait secoué leur mariage. Elle avait eu tellement mal et
avait été tellement humiliée qu’elle avait voulu partir, faire une pause pour
savoir comment surmonter tout ça, mais il l’avait suppliée de rester. Il lui
avait demandé pardon pour cette regrettable erreur et avait promis de mettre
fin à tout cela afin de prendre soin d’elle.
Elle s’était sentie rassurée par cette
démonstration d’amour inespéré. Elle avait eu la certitude que son Wenceslas
l’aimait elle et pas l’autre ou les autres. Il lui avait prouvé de mille et une
façons combien il tenait à elle et leur famille, à elle et à Christ-Yvan, leur
fils de quatre ans, qu’il souhaitait finir ses vieux jours à ses côtés.
Ils avaient parlé de leur couple et de ce
qui manquait à leur vie. Il lui avait ouvert son cœur et avait été honnête avec
elle. Il lui avait dit ce qu’il attendait d’elle en tant qu’épouse, en tant que
mère, en tant qu’amante. Et sur ce dernier point il avait été plus
qu’explicite. Elle avait fait des efforts inimaginables pour séduire à nouveau
son mari : perte de poids, relooking total, coaching serré par certaines
amies délurées ou visites répétées dans des magasins de lingerie et même
sexshop etc. Pour redevenir l’Alexandra qui avait fait perdre la tête à ce don
juan de Wenceslas, comme lui bassinait les amis de son mari, histoire de
flatter le peu d’ego qui lui restait encore.
Elle avait tout fait. Pour lui. Pour le
retenir. Pour qu’il l’aime elle et non ces autres femmes qui l’éloignaient
d’elle.
Où avait-elle échoué ? En quoi
avait-elle manqué d’être une bonne épouse ou une bonne amante, se
demanda-t-elle ? Il avait semblé satisfait ces derniers mois d’elle, elle
avait toujours fait de son mieux, en lui demandant toujours de lui fait part de
son ressenti, de ce qu’il aimait ou aimerait. Elle avait fait preuve d’audace
souvent et même d’une sensualité certaine dans leur rapport intime.
Alors pourquoi Wenceslas renouait-il avec
ses anciens démons ?
A leur rencontre il était un amateur de
femmes reconnu. Malgré les mises en garde de ses parents et amis, elle était
tombée sous le charme de cet homme au magnétisme électrique et envoûtant.
Dès le premier regard, elle s’était sût
perdue. Elle avait su alors qu’elle n’oublierait jamais cette voix, ô combien
chaude, qui lui avait susurré des mots si osés pour une jeune femme aussi
chaste et réservée qu’elle, (ne lui avait-il murmuré à l’oreille, lors de cette
première danse qu’ils avaient partagée, qu’il si elle continuait de se mordre
ainsi les lèvres à chaque fois qu’elle était embarrassée, de la prendre sans
retenue dans le premier endroit venu, tellement cela l’excitait lui).
A ce souvenir, Alexandra frémit de désir.
Encore aujourd’hui, malgré tout, Wenceslas restait l’homme, l’unique homme pour
lequel son cœur battait. Elle aimait son mari, non, elle « adorait »
son mari. Et depuis huit années qu’il était ensemble, jamais personne n’avait
pu la détourner de son homme et restait persuadée qu’il restait le seul homme
qu’elle aimerait, le seul homme avec qui elle voulait coucher.
La vision de son mari couchant avec une
autre lui heurta l’esprit de plein fouet. Non il ne l’aimait pas sinon il ne
ferait pas ce qu’il faisait avec cette…. Garce. Il se moquait bien de ce
qu’elle faisait pour lui être agréable, il se moquait bien de savoir qu’elle
mourrait pour lui s’il lui demandait, il se foutait bien de savoir combien elle
était folle de lui. Lui tout ce qu’il voulait c’était se faire plaisir à LUI,
même s’il savait que cela lui faisait mal à ELLE.
Oh elle aurait aimé se dire comme
auparavant, comme lui avait conseillé ses amies, que cette femme ne comptait
pas, que c’était elle qui partageait sa vie, elle la mère de son fils, elle SON
EPOUSE, mais plus après avoir vu Wenceslas dans cette posture, réagir comme
jamais il n’avait réagi avec elle, …
La colère se mêla à sa douleur et
Alexandra hurla son désarroi à en perdre la tête. Puis vinrent les larmes,
encore. Combien de temps elle resta ainsi, elle ne sut mais la baisse de la
clarté du jour la sortit de sa torpeur et elle prit conscience de l’espace qui
l’entourait. La circulation s’était densifiée et le brouhaha accentué.
17H45 ….
Merde, cela faisait donc plus de 02 heures
qu’elle était là. Heureusement qu’elle avait demandé à prendre sa journée. Elle
se regarda dans le rétroviseur. Ses yeux étaient rouges et bouffis. Elle
rectifia son maquillage.
Elle téléphona à la nounou de son fils
pour s’assurer que celui était bien rentré de l’école maternelle qu’il
fréquentait, puis auprès de sa cuisinière pour savoir si le plat demandé avait
été confectionné puis raccrocha. Elle eut un rictus amer à la pensée que son
cher mari aurait quand même à manger ce soir quand il rentrerait chez eux après
sa forfaiture.
Mais elle n’avait pas vraiment envie de
rentrer chez eux. Sur, elle avait envie de voir son fils mais voir Wenceslas,
ce soir, après tout cela ? Elle ne s’en sentait pas le cœur.
Les autres fois, elle avait poussé la
confrontation à son paroxysme pour le faire réagir et cracher sa douleur à la
figure de son mari ; mais ce soir, elle ne voulait plus rien sinon faire
disparaître son humiliation et sa douleur. Elle songea un instant à retourner
au bureau mais se ravisa. Son patron lui avait accordé sa journée et se
poserait sûrement des questions si la voyait revenir se plonger dans ses
dossiers. Elle réfléchit longuement aux options qui s’offraient à elle hormis
rentrer chez elle. Elle opta pour perdre du temps en ville avant de rentrer
chez elle. Quand Elle démarra la voiture pour son odyssée, il était 18 heures.
Dès qu’Alexandra franchit le seuil du
portail d’entrée de sa maison, elle s’aperçut qu’il y avait de la compagnie.
Une autre voiture trônait près du garage après celle de son époux. La voiture
d’un des amis de son mari, Abraham, était présente.
Décidément, Wenceslas était un homme
prévoyant et plein de ressources. Abraham était un homme qu’Alexandra
respectait beaucoup et dont l’avis comptait énormément. Nombre de fois,
Wenceslas avait fait appel à lui pour qu’elle revienne à de meilleurs
sentiments. Et il s’était montré persuasif !
Mais ce soir elle n’avait pas envie de se
montrer raisonnable. Elle n’avait envie d’écouter personne. Sa virée en ville
avait apaisé ses sens mais pas sa douleur ni sa colère. Alors si Abraham ou qui
que ce soit tentait de la raisonner ce soir, il risquait d’en payer les
frais.
Elle descendit de sa voiture et approcha
du salon des éclats de voix se faisait entendre. C’était ceux de son mari. Il
semblait se disputer avec quelqu’un et se demandait c’était bien qui.
Arrivée au seuil du salon, elle prit une
bonne inspiration et pénétra dans la pièce. Elle aperçut les deux hommes qui se
tenaient face à face et la dévisageaient. Sur le visage de l’ami à son mari,
elle lisait l’étonnement et un peu de soulagement. Elle s’en étonna un peu puis
se rappela qu’il devait être sûrement tard. Elle regarda l’horloge en face
d’elle : 23h10 mn.
Eh ben, se dit-elle intérieurement, elle
n’avait pas pensé rester aussi longtemps dehors mais elle avait juste voulu se
calmer avant de revenir affronter Wenceslas.
Par contre, le visage de son mari était
animé par une multitude d’expressions ; elle y lisait le soulagement, la
crainte, la tristesse aussi mais surtout un embarras monstre …
Alexandra fit preuve d’un courage qu’elle
n’avait jamais fait preuve auparavant. Elle déposa ses affaires sur la table
basse qui trônait dans la pièce où elle était, se déhancha lentement en
direction de l’ami de son mari puis l’embrassa tendrement sur la joue puis le
salua avec sa voix la plus calme en ces circonstances. Abraham lui fit une
accolade chaleureuse et la libéra en répondant à sa salutation. Puis, en
accordant une indifférence totale à son mari, elle se dirigea vers le buffet et
y prit deux verres plus une carafe de cognac. Elle savait qu’Abraham
affectionnait particulièrement le cognac savoureux sans être pour autant un
ivrogne.
Elle servit son « invité » puis
se servit elle, toujours sans accorder un regard à Wenceslas. Celui-ci eut la
sagesse de ne pas relever l’omission volontaire de son épouse, tellement les
émotions qu’il lisait sur son visage désarçonnait. Alexandra avait toujours
fait preuve d’une courtoisie irréprochable même dans des moments où la
situation était intenable. Si aujourd’hui elle agissait ainsi, il jugeait mieux
de ne pas réagir. Même si cela l’humiliait qu’elle se comporte ainsi surtout
devant Abraham.
Ce dernier suivait le manège de la jeune
femme. Celle-ci avait engagé la conversation avec lui comme si Wenceslas
n’était pas présent. La situation était drôle s’il n’entendait pas le compte à
rebours de la bombe à retardement qu’était Alexandra à ce moment précis.
Il ne fallait pas se voiler la face. La
situation était grave cette fois-ci. Pour une femme qui venait de surprendre
son homme dans les bras d’une autre femme, Alexandra paraissait calme, trop
calme pour ne pas cacher un volcan prêt à exploser. Il fallait qu’il désamorce
la situation, du moins la faire parler à Wenceslas, qui commençait à devenir
pathétique assis sur le canapé. Mais c’était bien fait pour ce Don juan de
pacotille qu’était son ami. Ce n’était pas faute de l’avoir prévenu qu’un jour
sa femme lui couperait le cou…. S’il continuait ses infidélités. Mais son
ami n’en faisait qu’à ses envies…
Mais vu que celui-ci lui avait confié la mission de raisonner son épouse et
si possible lui demander de lui pardonner ses forfaitures, il tenterait avec
l’aide de Dieu de s’acquitter de sa mission.
Enfin il ferait de son
mieux …
Abraham se racla alors la gorge et
interrompit la jeune femme qui s’enquérait de la santé de ses parents :
- Ma déesse, commença l’homme avec le sobriquet
qu’il lui accordait fréquemment, je ne suis pas là cette nuit pour venir
voir ton si beau visage, encore moins pour boire du si bon cognac. Je suis
venue pour te parler. Mon ami ici présent, m’a appelé parce que se faisant
tard et n’arrivant pas à te joindre, il s’est inquiété et à demander à ce
que je vienne pour qu’on puisse trouver une solution. Vu l’insécurité
grandissante dans la ville, j’ai jugé bon de venir te voir.
Alexandra sourit… Sacré Abraham. Pour les
introductions il savait y faire, ça c’est sûr.
- Elu de mon cœur, répondit la jeune femme à
Abraham. Merci de t’inquiéter pour moi. Je vais bien. Un événement
indépendant de ma volonté m’a fait rentrer tard. Je m’en excuse. Mais je
vais bien.
Abraham opina puis observa « sa
déesse ». Elle semblait calme, n’accordait aucun regard à son mari.
Il savait que cette fois ci, la raisonner
serait plus difficile. Il devait imaginer aisément que surprendre son mari dans
les bras d’une autre n’avait rien d’agréable. Plus encore quand celui était un
récidiviste notoire. Bien qu’homme lui-même il comprenait Alexandra. Il savait
que cette fois-là était la fois de trop. Il rassembla son courage à deux mains
et se lança :
- Notre chérie, je sais que je vais te demander
quelque chose que ton cœur de femme peut effectuer même si je sais que
c’est difficile. Je ne vais pas te baratiner longtemps. Wenceslas m’a dit
ce qu’il a fait ….
Puis il s’interrompit et attendit une
parole ou une réaction de la jeune femme. Rien que du silence et une crispation
de ses mains sur son verre qui était déjà presque vide. Aucune réaction qui
trahissait son émotion à l’évocation du sujet sensible. Il s’était attendu à
des cris ou des pleurs mais ce silence-là n’augurait rien de bon à son sens.
ALEXANDRA était une femme émotive. Pleurs, rires venaient en fonction des
événements. Là, rien
- Je sais que ce que tu as vu est terrible,
Alexandra, continua Abraham, mais je te supplie de mettre cela sur le
compte des erreurs masculines que nous commettons à longueur de journée.
Je te demande pardon de la part de ton mari. Je sais qu’il regrette
amèrement de t’avoir fait subir cela et te garantit que cela ne se
reproduira plus.
Il appuya sur ces derniers mots afin de
bien faire comprendre à l’idiot qui se tenait à côté de lui que ce serait sa
dernière intervention pour un cas de ce genre.
- Je te supplie de nous pardonner, ma déesse, dit
l’homme, je ne peux que te demander pardon. Tu peux nous demander là
maintenant tout ce que tu veux. Nous te l’accorderons. Mais de grâce
pardonne-nous.
Alexandra sourit en entendant Abraham
prononcer ses mots. Du déjà vu et du déjà entendu. Combien de fois dans cette
même maison, lui avait ont demandé son pardon ??? Des dizaines de fois….
Pourtant à chaque promesse, une nouvelle
trahison….
Non c’était fini, plus de promesses. Plus
de trahisons. Plus de pleurs pour cet homme qui ne la méritait pas.
Il fallait que tout cela cesse. Son cœur
était oppressé de colère, de douleur et d’autres sentiments qu’elle ne chercha
pas à déchiffrer pour le moment ;
Elle voulait juste rentrer se coucher. Et
oublier ne serait-ce que pour un moment tout cela.
- Abraham mon chéri, répondit la jeune femme avec
le plus de dignité possible. Je te chargerai d’une commission pour mon
cher époux ici présent.
A son évocation, Wenceslas sursauta comme
si on venait de le piquer.
- Dis-lui,
continua Alexandra, que je n’ai rien à lui pardonner. Il est un grand
garçon, il est responsable de ses actes et n’a pas besoin que quelqu’un
vienne à chaque fois pour essuyer sa merde quand il finit de ch.…
- Mon
épouse, s’il te plait l’interrompit Abraham, je te prie de te calmer….
- Ooh mais je suis très calme, Abraham. Et dis-lui
aussi qu’à cet instant précis, je ne souhaite qu’une chose : DORMIR.
Sur ce, je vous souhaite à tous le bonsoir….
A ces mots Alexandra se leva dignement, et
se dirigea vers l’escalier qui mena à la chambre conjugale. Elle monta sans un
regard en arrière pour les deux hommes, ouvrit la porte de la chambre et la
ferma à double tour.
Abraham était interloqué. L’impolitesse et
le manque de courtoisie n’était pas la marque de fabrique de la jeune femme. Ça
s’annonçait bien. Très bien même, pensa-t-il.
- Mon
pote, entama Wenceslas, aujourd’hui là, Alexandra est fâchée hein. On fait
comment ???
- On fait
comment ? on fait comment ? toi quand tu fais tes bêtises là, tu
ne penses pas à demain hein. Va gérer ta femme là-bas. Ne me mêlez plus à
vos problèmes. Je n’en ai pas encore fini avec les miens.
- Abraham
pardon, toi aussi tu ne me laisses pas comme ça, tu sais que j’ai déconné.
Actuellement, je ne sais même pas comment m’en sortir. D’habitude au moins
je peux discuter, mais cette fois-là, on m’a pris la main dans le sac s'il
te plait, vas la calmer.
- Wenceslas,
tu es incorrigible, tu agis comme un gamin des fois, tu le sais ça, dit
Abraham. A cause de tes âneries de fesses, ta femme vient de me manquer de
respect. Ce qu’elle n’avait jamais fait. Tu imagines ce qu’elle ressent
présentement ? Tu imagines un peu ? Inverse la situation et vois
comment tu réagirais si tu trouvais ton épouse dans les bras d’un autre.
- Ah ne
me parle pas de malheur, cria Wenceslas en se levant vivement. Alexandra
ne me ferait jamais ça. Elle n’est pas comme ça…
- Ah tu
crois ? demanda ironiquement Abraham, sois tu es naïf, soit un
imbécile. Une femme blessée est capable de tout pour surmonter sa douleur
…
- Oui
mais ma femme, non, répondit vivement Wenceslas, elle n’est pas de ce
genre-là, et puis c’est une mère de famille idéale, et elle m’aime trop ….
- Toi
aussi tu l’aimes non ? demanda à nouveau Abraham, ça ne t’empêche pas
de courir les femmes à longueur de journée...
- Mais attends, tu es là pour m’aider ou pour
m’enfoncer ? s’insurgea Wenceslas, je te demande de calmer ma femme,
pas recevoir des leçons de toi.
Abraham n’en croyait pas ses oreilles. Il
lui semblait que son ami personnifiait la bêtise humaine à cet instant. Il faut
que Wenceslas fasse une crise d’ego surdimensionné dans un moment aussi
critique.
- Tu risques de perdre ta femme, Wenceslas, tu en
es conscient ? questionna Abraham en regardant son ami droit dans les
yeux.
Celui-ci n’osa pas répondre à la question.
Il lui semblait qu’il venait de prendre la pleine mesure de la situation à
l’évocation de cette réalité.
Perdre Alexandra….
Non Alexandra ne pouvait pas le laisser
lui, pensa Wenceslas, je suis toute sa vie et elle est toute ma vie aussi. Non
Alexandra l’aimait. Elle se fâcherait un moment, lui en voudra certainement
mais Il réussira à se faire pardonner et la vie reprendra son cours comme
avant. Alexandra, son Alexandra … elle savait bien que ses autres femmes
n’étaient que des passades, des histoires sans réelle importance. Elle savait
qu’elle était LA SEULE qui comptait vraiment.
Et puis il y avait leur fils,
Christ-Yvan. Ils se devaient de former une famille pour lui, pour le faire
grandir et faire de lui un homme. Ils devaient aussi donner une sœur à leur
fils comme ils avaient toujours souhaité.
Wenceslas ne se figurait pas la vie sans
sa femme et son fils. Il ne la concevait pas. Il fallait qu’Alexandra lui
pardonne encore une fois. Il savait que cela serait difficile mais il y arrivera.
Il le faut. Il essaiera de rester calme et fidèle à sa femme aussi longtemps
qu’il faudra mais il se fera pardonner. Foi de Wenceslas AMAN Junior.
- Alexandra
est ma femme et elle me pardonnera cette erreur, Abraham, répondit
Wenceslas à l’affirmation que celui-ci avait évoqué plus tôt, tient-le toi
pour dit.
- Bien, lâcha son ami en se dirigeant vers la
sortie, continue de vivre selon ton optimisme légendaire ou dans le déni
encore une fois. Mais une dernière chose avant de partir ! Les femmes
comme Alexandra sont des bombes à retardement. Une fois qu’elles sont
amorcées, rien ne peut les désamorcer et tu viens de faire l’erreur de
trop, il me semble. Continue de la traiter aussi mal et tu n’auras que tes
yeux pour pleurer.
Sur ces derniers mots, Abraham abandonna
son ami pensif et sortit du salon.
Wenceslas resta assis pendant un bon
moment puis se leva. Il éteignit les lumières de la pièce où il était puis se
dirigea vers la chambre conjugale. Arrivé au seuil de la porte, il hésita à
l’ouvrir. Il ne savait pas ce qu’il dirait à son épouse pour la calmer et
soulager la peine qu’il pouvait deviner en son cœur. Son silence et son
indifférence tout à l’heure au salon l’avait profondément choqué et
blessé.
Les fois précédentes, elle engagea la
confrontation directe, et avec sa dextérité habituelle il arriva soit à
retourner la situation en sa faveur, soit à la déstabiliser en jouant
l’humilité. Dans les deux cas, cela se faisait le même jour. La guérison et le
pardon venait les jours après ; il espérait de tout cœur reproduire l’un
de ses schémas pour cette fois. La mise en garde de son ami lui revint en
mémoire. Aussitôt il secoua la tête et rejeta cette pensée. Alexandra devait
lui pardonner.
Il prit tout son courage à deux mains et
tourna le poignet de la porte de la chambre. Une faible clarté l’accueillit au
seuil. Il n’osa pas allumer la lumière principale de peur de gêner Alexandra.
Elle était couchée sur le lit immobile, à plat ventre comme elle le faisait
toujours. Mais il ne perçut pas la respiration apaisée qu’elle avait quand elle
dormait profondément.
Elle ne dort pas, se dit-il et bizarrement
cette pensée lui réchauffa le cœur. C’était comme s’il voyait en l’éveil de sa
femme un signe du ciel pour aborder celle-ci. Il espérait qu’elle s’était apaisée
légèrement. Il s’approcha d’elle s’assit sur le rebord du lit et tenta de la
toucher. La voix d’Alexandra l’arrêta dans son élan.
- Ne t’avise
pas de me toucher Wenceslas, siffla la femme, ne t’avise plus jamais de
poser tes sales pattes de pervers sur moi.
- Alexandra
je t’en prie, supplia l’époux en s’éloignant malgré lui, je sais que j’ai
gaffé mais s’il te plait, pardonne moi…
- Te
pardonner, coupa Alexandra, Je n’ai rien à te pardonner mon cher, tu es un
grand garçon, libre de ses actes désormais, libre à toi d’agir comme bon
te semble et ce avec qui tu veux quand tu le veux. Mais de grâce,
rends-moi service, je ne veux pas de quelqu’un comme toi dans mon lit ce
soir. Dors où tu veux mais pas ici. De grâce …
- Bébé,
je t’en prie, insista Wenceslas
- Tu as la chambre d’ami à ta disposition. Si elle
ne te convient pas, j’y irai moi….
Wenceslas ne sut que dire. Pour la
première fois de sa vie, il ne savait que dire. Alexandra n’était pas seulement
en colère, elle était froide et fermée. Chose qu’elle n’était pas d’habitude.
Il ne bougea pas d’un pouce espérant un geste ou un mot où il saisirait une
opportunité. Mais rien ne vint, sauf Alexandra se levant, ramassant les
coussins et les draps pour se diriger vers la sortie. Sentant qu’elle mettait
sa menace à exécution, il se précipita et lui attrapa la main pour l’empêcher
de sortir et dormir dans la chambre d’ami. Celle-ci se dégagea violemment et
fixa son mari avec des éclairs dans les yeux.
- Tu sors ou te me laisses passer ?
questionna-t-elle,
Wenceslas resta silencieux quelques
secondes. Il eut l’impression que la chambre se fermait sur lui. Il avait
devant lui son épouse qui le rejetait farouchement avec raison ce soir sans
qu’il puisse s’en sortir. Il chercha sur le visage de sa femme une expression
favorable à exploiter. Rien que de la colère et du dégoût qu’il y lisait. Ses
forces baissèrent soudain et il sut que ce soir-là, il n’obtiendrait rien de
cette femme ci en face de lui. Il capitula donc en lui reprenant lentement le
drap et le coussin que tenait Alexandra. Il n’osa pas dire un mot lorsqu’elle
fonça lui ouvrir la porte pour lui demander sans politesse de quitter la
chambre conjugale. En sortant, il jeta un dernier regard à son épouse. Il
espérait qu’elle verrait son désarroi dans cet ultime regard. Mais elle y
répondit en lui claquant la porte au nez et en la fermant à double tour. La
queue basse, il pénétra dans la chambre voisine et referma la porte.