
Chapitre 1
Write by Josephine54
Arthur
Ce matin marquait mon premier jour de cours à la fac, et pourtant, mon esprit ne cessait de vagabonder. Assis parmi des inconnus, entouré du brouhaha ambiant, j'avais du mal à me concentrer.
Arrivé à Yaoundé hier soir, j'avais enfin pris possession de ma chambre, réservée et payée depuis près d’un mois. Pourtant, mon esprit restait figé sur mes dernières heures à Douala. Rien qu’en y repensant, un frisson me parcourut. J'avais été inconscient… J'avais pris un risque insensé...
Je n’avais pas fermé l’œil de la nuit. Adossé contre mon lit, je regardais les aiguilles de la montre s’égrener, attendant avec impatience les premières lueurs du matin. Je portais encore mes vêtements de la veille et m’étais allongé sans même prendre la peine de me déchausser.
Je m'étais redressé dès que les premiers rayons de soleil avaient commencé à filtrer à travers les petites ouvertures de la fenêtre. J'avais rapidement jeté un coup d’œil à ma montre et m'étais aperçu qu'il était 6 h du matin. Je m'étais donc levé et m'étais saisi de ma valise que j'avais apprêtée il y a quelques heures. J'avais ensuite ouvert ma commode et avais pris l'enveloppe qui contenait l'argent de mon transport.
J’étais sorti précipitamment de ma chambre et avais perçu des bruits en provenance de la cuisine. Cela ne me surprenait guère. Ma mère avait l’habitude de se lever à l’aube pour préparer la pâte des beignets qu’elle vendait chaque matin.
- Maman, je vais à Yaoundé aujourd’hui même, avais-je lancé d'un ton résolu.
- Dieu merci, s'était écriée maman en joignant les mains en signe de prière. Attends une minute que je me change pour t'accompagner à la station de bus.
- Mais maman ! Et tes beignets ? avais-je protesté.
Maman ne m’avait même pas répondu ; elle s’était précipitée dans sa chambre, comme si elle craignait que je ne change d’avis. Dix minutes plus tard, elle en ressortait, prête. Sans un mot de plus, nous avons quitté la maison pour rejoindre la route principale.
Je ne pouvais m’empêcher de jeter des regards furtifs autour de moi, une boule d’angoisse au creux du ventre. Et s’ils m’attendaient ? Et s’ils pensaient que j’allais les trahir… et décidaient de me faire taire à jamais ?
- Tout va bien ? avait demandé maman en m'observant attentivement.
- Bien sûr maman, avais-je répondu d'une voix faussement désinvolte, même si mon cœur battait à tout rompre.
Un taxi passait pas loin de nous et nous l'avions hélé. Ce dernier nous avait ensuite transporté jusqu'à la station des bus effectuant la navette Douala-Yaoundé-Douala.
J'avais immédiatement payé mon ticket et heureusement, le départ était prévu dans un quart d'heure. Quand le bus était arrivé, je m'étais tourné vers maman pour une salutation.
- Fais un bon voyage, mon fils, et surtout, sois sage. Je ne sais pas ce qui t'a poussé à enfin partir pour Yaoundé, mais je remercie le ciel pour cela. Prends tes études au sérieux, et tu ne le regretteras pas.
- Promis maman, lui avais-je répondu d'un ton solennel.
J'étais monté dans le bus et m'étais assis sur la première place disponible. Mon esprit bien évidemment s'était mis à voyager à la même vitesse que le bus qui avalait les kilomètres.
Je m'appelle Arthur Mvogo. Je suis né et ai grandi à Douala. J'y ai fait mes études primaires et secondaires. J'ai eu le bac il y a quelques mois à l'âge de 21 ans et je reconnaissais que mon retard scolaire était dû principalement à mes mauvaises fréquentations.
J'étais conscient de ne pas être bien entouré, mais j'avais toujours été convaincu d'être en mesure de garder la tête froide et de ne pas me laisser entraîner dans les délires de mes potes. Mes amis étaient, pour la plupart, des délinquants, des voyous et la majorité d'entre eux consommait même des drogues. Parmi tous, j'étais le seul à avoir obtenu le baccalauréat ; la plupart d'entre eux avaient abandonné l'école avant la classe de sixième.
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Roman écrit par Justine Laure (page Facebook Plume de Justine Laure)
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Maman était veuve depuis quelques années. Mon père était décédé dix ans plus tôt, alors que j’entrais en pleine adolescence. J'étais le dernier d'une fratrie de trois. Mon frère aîné, Gérard, était le pilier de notre famille. Il vivait en France depuis sept ans et c'était lui qui s'occupait de maman et de moi. Maman tenait un 'beignetariat', une petite case en planches où elle vendait des beignets accompagnés de haricot et de bouillie de maïs. Parfois, elle avait du mal à joindre les deux bouts.
Ma sœur Barbara avait 27 ans et avait quitté le domicile familial après son mariage il y a deux ans. Elle était désormais maman d'une petite fille d'un an.
Lorsque mon grand-frère Gérard avait quitté le Cameroun, il avait déjà remarqué mes mauvaises fréquentations. Il avait fait de son mieux pour me mettre en garde, mais, bien sûr, j'avais fait la sourde oreille.
Lorsque j'avais repris la classe de troisième et avais été recalé au brevet, il était revenu au galop, mais je n'en avais eu cure. J'avais continué avec mes amis et nos principales activités consistant à flâner dans les rues jusqu'à tard, boire et draguer.
J'avais ensuite repris la classe de seconde et de première, mais étrangement, j'avais passé le baccalauréat après la première tentative.
Gerard m'avait appelé et avait hurlé sa joie.
- Wow Arthur, tu me bluffes là ! Sincèrement, je ne m'y attendais pas.
- Haha, continue de me sous-estimer, avais-je répondu fièrement, même si au fond de moi, je me demandais par quel miracle mon nom se trouvait bel et bien écrit en noir et blanc sur cette liste.
- Haha, maintenant, tu vas parler bien fort ! Passe le téléphone à maman, s'il te plaît."
Je lui passai le téléphone et il parla longuement avec elle. L'expression sérieuse de maman avait attisé ma curiosité. Lorsqu'elle avait raccroché, elle m'avait demandé de m'asseoir. Elle avait quelque chose à me dire.
- Arthur, ton frère est très content de toi. Il veut continuer à prendre tes études en charge, mais à une condition, que tu t'éloignes de Douala et de tes mauvaises fréquentations.
- Quoi ? Il n'en est pas question. Ce n'est pas parce que c'est lui qui paie tout qu'il va se permettre de diriger ma vie.
- Tu es un vieux garçon de 21 ans, tu traînes avec des voyous, pas de projets d'avenir. Ton frère te prend totalement en charge à ses conditions, mais tu veux parler fort ? s'était écriée maman d'une voix excédée.
- Maman, c'est ma vie et je suis le seul à décider.
- Tu vas m'arrêter ça immédiatement. Tu ne m'as d'ailleurs pas laissé le temps de finir. Gérard a dit que ceci était l'occasion de te mettre à l'épreuve. Si tu n'acceptes pas, tu devras te débrouiller tout seul.
- Ce n'est pas un problème, lui avais-je répondu avec orgueil.
- Ça suffit comme cela, Arthur ! avait tonné maman, m'obligeant à me taire. Ton frère veut continuer à prendre tes études en charge mais il faudra que tu lui prouves que tu es sérieux et que tu veux vraiment prendre ta vie en main. Il demande que tu te transfères à Yaoundé et selon lui, c'est le meilleur moyen de prendre un nouveau départ, en coupant les ponts avec tes "amis", poursuivit maman en faisant de la main des guillerets.
J'étais assis en face d'elle, les bras croisés, dans une posture fermée.
- Si tu réussis à obtenir ta licence après trois ans, il a l'intention de te faire voyager en France pour que tu y poursuives tes études. Il m'a dit textuellement ceci : 'Maman, ici, c’est du sérieux ! S’il continue à faire le fou, il risque de se créer, et de me créer, de sérieux problèmes. Je paie tout, il a trois ans pour obtenir sa licence, et après, il pourra me rejoindre. Mais il faut déjà qu’il s’éloigne des délinquants avec qui il traîne à Douala".
- Il n'en est pas question, m'étais-je écrié en me levant brusquement de ma chaise. Pour qui se prend-t-il ? Il peut garder ses projets pour lui.
Nous étions au début du mois de juillet. Le résultat du baccalauréat était à peine sorti quand maman m'en avait parlé.
Un mois plus tard, maman m'avait informé en sortant de la maison un matin :
- Je vais de ce pas à Yaoundé payer ton inscription à la faculté de physique.
- Vous jetez votre argent, avais-répondu avec arrogance. S'il veut que je poursuive mes études, je le ferai ici à Douala. C’est à prendre ou à laisser.
- Tu n'es qu'un minable inconscient, avait répliqué maman avec dédain avant de sortir de la maison.
Elle en était revenue le même soir, tard.
- Tu es inscrit à Yaoundé, m'avait-elle informé.
- Et moi, je t'ai déjà dit que vous gaspillez votre argent.
Maman avait passé son temps à me bouder à la maison. Deux semaines plus tard, j'étais assis au salon à regarder la télévision quand elle était entrée.
- Je viens de virer de l'argent à Yaoundé pour réserver ta chambre. Voici le reçu du virement, le nom et le numéro du propriétaire de la chambre.
- Je t'ai déjà dit que vos projets ne m’intéressent pas, avais-je répliqué arrogamment.
Maman s'était dirigée vers une armoire au salon et en avait sorti une enveloppe. Elle avait plié le reçu du paiement, l'y avait inséré et y avait ajouté quelques billets de banque.
- Ceci est l'argent que ton frère a envoyé pour ton voyage à Yaoundé. Dès que tu auras rejoint la fac, il te virera de l'argent chaque fin du mois.
Maman s'était ensuite dirigée vers ma chambre et quand j'y étais entré quelques instants plus tard, l'enveloppe était posée sur la commode.
Je m'étais simplement saisi de l'enveloppe et l'avais jetée négligemment dans un tiroir. Je ne toucherai pas à cet argent, pensai-je avec résolution. Mon frère pensait diriger ma vie parce qu'il avait de l'argent ? J'allais lui prouver que je savais voler de mes propres ailes.
Ce que j'ignorais, c’est que lorsque tu refuses de comprendre par toi-même, la vie se charge de t’enseigner.
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